Communion dans la prière - Centre spirituel de la Pomarède

Transcription

Communion dans la prière - Centre spirituel de la Pomarède
FAMILLE DU CŒUR DE DIEU
COMMUNION 8 Lettre 8/8
8 septembre 2008
Communion dans la prière
Nous avons tous en mémoire l’arrivée à Bogota d’Ingrid Bétancourt après sa
libération des Farc. Voici comment le journal La Croix relate l’événement :
« L’image est saisissante. À peine descendue de l’avion qui venait de
l’arracher à l’enfer de la guérilla, elle s’est agenouillée avec sa mère et
les autres otages pour prier quelques instants sur le tarmac de
l’aéroport… À plusieurs reprises, l’ex-otage se signe de la croix, mains
jointes et paupières closes, profondément recueillie malgré la frénésie
ambiante… « Je veux d’abord rendre grâce à Dieu, » avait-elle dit
quelques minutes auparavant en remerciant pour « leurs prières »
tous ceux qui ont pensé à elle.» (04.07.08)
Son attitude n’est pas étrangère à son vécu. Si elle a tenu bon dit-elle, c’est
grâce à sa foi : «Chaque jour, je suis en communication avec Dieu, Jésus et la
Vierge… »
On se souvient moins de l‘appel qu’elle avait adressé à ses proches le 30 août
2003 :
« Nous ne pouvons pas être proches, mais nous pouvons
communiquer. Je vous demande que tous les samedis à midi nous
ayons un rendez-vous grâce à un téléphone très spécial, celui du
rosaire. Je désire que nous nous réunissions virtuellement et
simultanément pour prier les samedis à midi, vous là-bas, moi ici. »
Je prie avec vous
Le témoignage d’Ingrid me rappelle un événement que j’ai vécu, il y a 35 ans.
J’étais hospitalisé pour une tuberculose rénale à Montana en Suisse. Du jour au
lendemain ma vie avait basculé dans l’incertitude quant à mon avenir. Alors que
je commençais mon traitement au sanatorium, je reçus un courrier de Sœur
Marie-Thérèse que je ne connaissais pas. Elle avait appris mon épreuve de
santé et, atteinte elle-même d’un cancer à la gorge, elle voulait m’encourager et
me manifester sa solidarité. Elle terminait sa lettre par ces mots inhabituels pour
moi : « Je prie avec vous. » C’est la première fois que quelqu’un me parlait ainsi.
Cela m’a surpris parce que d’ordinaire on me disait et je le disais également :
« Je prie pour vous. » J’ai compris dès lors l’importance qu’il y a à prier avec
quelqu’un et pas seulement pour lui. En s’exprimant ainsi, Marie-Thérèse faisait
plus que de prier pour moi à distance. Elle se faisait proche de moi et m’associait
1
FAMILLE DU CŒUR DE DIEU
COMMUNION 8 Lettre 8/8
à sa prière. Sans le dire, elle m’invitait à prier avec elle, à prier ensemble l’un
avec l’autre et l’un pour l’autre. Cette expérience a été le point de départ d’une
relation très riche et féconde puisqu’il m’a été donné de l’accompagner sur son
chemin de croix jusqu’au seuil de sa Rencontre avec le Christ Ressuscité.
Prier « pour » ou « avec » ?
Pour éclairer mon propos, je vous livre encore ces confidences d’un chauffeur de
car de tourisme. Souvent absent de chez lui pour de longues périodes à cause
de son travail, il m’avait confié que sa situation n’était pas toujours facile à gérer
et que les occasions d’infidélité étaient fréquentes. Aussi, pour avoir la force de
résister aux diverses sollicitations dont il était l’objet, lui et sa femme avaient
décidé de prendre un quart d’heure tous les soirs pour penser l’un à l’autre en
regardant le ciel au même moment et de prier ensemble la Vierge Marie afin
d’avoir le courage d’assumer chacun leur situation. Ce lien virtuel, mais réel les
soutenait et les renforçait dans leur amour.
Ces trois témoignages illustrent une attitude de prière qui est une source de
communion extraordinaire : la prière avec l’autre ou avec les autres. La prière
que l’on fait pour quelqu’un est précieuse puisqu’elle nous rend solidaires de
celui pour qui l’on prie. Elle a toute sa valeur, mais elle est vécue à côté de lui ou
quelques fois même à son insu. Elle ne réalise pas la communion avec la
personne concernée puisque la plupart du temps, celle-ci l’ignore. Il est évident
qu’il n’est pas toujours possible de prier avec l’autre. Mais quelles qu’en soient
les raisons : refus de sa part, ignorance etc…, il nous reste toujours la possibilité
de prier pour lui. La prière que l’on fait avec l’autre au contraire exige son
consentement et de ce fait nous associe à lui et réciproquement. Elle nous
engage à prier ensemble et non plus seul ou à côté de lui, à son insu. Prier avec
l’autre c’est partager une démarche commune de foi, lui signifier que nous avons
besoin de lui et que nous comptons sur lui. C’est une prière qui n’est pas à sens
unique. Il est important de demander à l’autre de prier avec nous ou de lui
proposer de prier avec lui. Cette façon de faire suscite et développe la
communion entre nous.
Demander à quelqu’un de prier avec nous c’est le rendre participant et actif, le
considérer comme un partenaire et non comme un assisté. C’est également
nous appuyer sur lui comme Jésus nous en a donné l’exemple au moment de la
transfiguration (Lc 9,28-36) et en entrant dans sa Passion : « Veillez avec moi ».
(Mt 26,36-46) À de nombreuses reprises, le Seigneur nous invite à prier avec lui
pour demander au Père d’envoyer des ouvriers à sa moisson (Mt 9,36-37), à prier
ensemble (Mt 6,9-13) ou à nous unir à sa prière. (Jn 17,1-26) Il est évident que pour
prier avec quelqu’un, il faut le connaître ou tout au moins le lui demander. On est
plus fort et plus généreux à deux. Notre prière est plus efficace et Jésus assure
de sa Présence ceux qui se rassemblent pour prier :
2
FAMILLE DU CŒUR DE DIEU
COMMUNION 8 Lettre 8/8
« Si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander
quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux
cieux. Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis
au milieu d’eux. » (Mt 18,19-20)
La prière, source de communion
Expression privilégiée de notre relation à Dieu, la prière inspirée par l’Esprit (Rm
8,26-28) engendre une communion étroite et personnelle avec le Cœur de Dieu.
De lui, nous recevons l’amour dont nous l’aimons, l’amour dont nous nous
aimons les uns les autres quelle que soit la forme de cet amour : conjugal,
paternel, maternel, fraternel ou amical. Cœur à cœur avec le Seigneur, la prière
est dialogue d’amour, échange d’amour. Elle naît de l’amour qui se déploie et
s’intensifie grâce à elle. Prière et amour ne font qu’un. Du fait que la prière
exprime l’amour et la confiance qui nous unit à Dieu, il n’y a pas meilleure façon
d’être uni les uns aux autres si ce n’est, par la prière commune, de puiser
ensemble à cette unique Source l’amour qui nous fait vivre. L’amour est le
meilleur ciment, le meilleur lien ou agent de communion entre les êtres. Il
s’accroît, s’affine et se vivifie par la prière qu’il suscite.
Chemin de l’homme vers Dieu et chemin de Dieu vers l’homme, la prière comme
l’amour qu’elle exprime ne sont pas prisonniers de la distance ni du temps. Elle
permet de dépasser les liens exclusifs de l’amour qui nous unit à telle ou telle
personne en particulier pour intégrer les autres dans le réseau de notre relation à
Dieu. Par la prière, nous communions personnellement à l’amour universel de
Dieu. De ce fait, en étant unis à lui, nous sommes en communion avec celles et
ceux qui lui sont unis. Nous sommes en réseau avec tous les priants. Nous les
rejoignons en priant le Père, car il est le Père de tous comme Jésus nous invite à
le dire : « Notre Père. » Par la prière, nous mettons l’amour de Dieu entre nous.
Notre communion n’en est que plus intense et forte. Prier avec l’autre nous
enracine en Celui qui est la source de l’amour et nous grandissons dans la
communion entre époux, amis, frères et sœurs d’une même communauté. Prier
en couple, en famille ou en communauté est nécessaire et vital. Par la prière,
Dieu s’unit à notre amour pour le rendre plus fort et plus généreux. À l’oublier ou
à l’ignorer beaucoup de couples voient leur amour s’effriter. Ils ne ressourcent
pas leur amour à la fontaine de la prière. Si nous saisissons cela, nous
comprenons quel dommage il y a à ne pas prier ensemble.
Prier en communion avec l’autre
L’expérience d’une retraite, celle d’un grand rassemblement à Lourdes, sur la
place St Pierre ou au JMJ est, en général, celle d’une communion intense dans
la prière. Nous y voyons des personnes qui ne se connaissaient pas auparavant
se sentir tout à coup très proches les unes des autres, éprouvant le besoin de se
3
FAMILLE DU CŒUR DE DIEU
COMMUNION 8 Lettre 8/8
parler, de se rencontrer et de s’entraider. Des personnes d’origine, de milieu et
de culture différente qui étaient jusque-là étrangères les unes aux autres se
découvrent frères et sœurs. Le fait de prier ensemble nous rapproche au point
de créer entre nous des liens spirituels et durables, parfois plus forts que les
liens de la chair, liens comparables à ceux qui existaient entre Jésus et ses
disciples. Ce qui est normal puisque la prière suscite au milieu de nous la
Présence du Ressuscité, source vive de l’amour qui nous rassemble et nous
unit.
Se rassembler pour prier est un réflexe naturel de l’expérience chrétienne et de
la tradition la plus ancienne. Les premiers chrétiens se réunissaient volontiers
pour prier soit pour rendre grâce, soit pour obtenir la force dans la persécution
(Ac 4,23-31), soit pour demander la prière des frères dans l’épreuve ou la maladie.
(Jc 5,13-16) Il n’y a qu’à relire les Actes des Apôtres pour nous en convaincre.
Dès l’Ascension, les disciples, unanimes, étaient tous au cénacle « assidus à la
prière avec Marie, mère de Jésus. » (Ac 1,14) Cela continue après la Pentecôte
(Ac 2,42) et tout au long de l’histoire de l’Eglise à travers la liturgie de
l’Eucharistie, l’Office divin de la prière monastique, les célébrations des
sacrements, les pèlerinages, les associations ou des groupes de prière etc.
Quand il n’est pas possible d’être présent physiquement avec d’autres pour prier
à cause de la distance ou des situations d’isolement imposés par la vie, la
maladie, la solitude, le travail etc… rien n’empêche de nous unir spirituellement
à un groupe de priants ou à la prière de l’Eglise. Combien de personnes seules
prient chez elle écoutant la radio ou la télévision. Une façon pour elles d’être
unies à ce qui se passe dans l’Eglise et de participer à la prière commune en
tant qu’acteur et non comme simple spectateur. Dans cet esprit, le directeur
d’une maison de retraite en Suisse a fait installer une liaison télévisuelle avec
l’église paroissiale pour permettre aux résidents du home qu’il dirige de suivre la
célébration de l’Eucharistie chaque dimanche avec les habitants de la commune.
Combien d’autres s’unissent de cœur et d’esprit à une communauté, à un
monastère ou à des frères et sœurs qui partagent la même spiritualité et les
mêmes prières chaque jour.
Prier ensemble est un besoin et un véritable soutien. Savoir que d’autres
comptent sur nous nous motive, nous aide à vivre et à persévérer dans la prière
et dans l’effort. Inviter quelqu’un à prier avec nous un jour ou à une heure fixe,
nous unir par la pensée à d’autres priants peut nous aider efficacement à être
fidèle à nos engagements. La prière commune alimente, motive, soutient la
prière personnelle et solitaire. Elle nous évite de tomber dans une prière
uniquement centrée sur soi. Elle consolide, soude, affine, accroît et purifie la
communion dans l’amour entre nous, entre les personnes et les membres de la
même famille humaine ou spirituelle.
P. Henri Caldelari msc
La Pomarède 15230 Paulhenc (France) ou http://la-pomarede.cef.fr (rubrique Actualité)
4