Le développement de la reconnaissance des visages chez l
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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ENF&ID_NUMPUBLIE=ENF_572&ID_ARTICLE=ENF_572_0117 Le développement de la reconnaissance des visages chez l’enfant est-il spécifique ? par Olivier PASCALIS, Marianne ROTSAERT et Stephen C. WANT | Presses Universitaires de France | Enfance 2005/2 - Volume 57 ISSN 0013-7345 | ISBN 2130551939 | pages 117 à 136 Pour citer cet article : — Pascalis O., Rotsaert M. et Want S.Le développement de la reconnaissance des visages chez l’enfant est-il spécifique ?, Enfance 2005/2, Volume 57, p. 117-136. Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France . © Presses Universitaires de France . Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Le développement de la reconnaissance des visages chez l’enfant est-il spécifique ? LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT Olivier Pascalis*, Marianne Rotsaert et Stephen C. Want* RÉSU M É Dans cet article, nous faisons une revue de la littérature sur le développement de la capacité à reconnaître et à traiter les visages entre l’enfance et l’âge adulte. Nous résumons brièvement les données existantes en matière de reconnaissance du visage chez l’enfant entre 5 et 10 ans et nous nous efforcerons de répondre à trois questions se rapportant à la reconnaissance du visage : 1 / Quelle est l’ampleur de l’amélioration de la reconnaissance des visages au cours de cette période ?, 2 / Ce développement estil spécifique aux visages ?, et 3 / Ce développement peut-il être expliqué par des modifications dans la manière de traiter des visages chez l’enfant ? Les données que nous exposons suggèrent que, malgré le fait que la reconnaissance du visage continue d’évoluer au cours de l’enfance, de jeunes enfants testés avec des paradigmes expérimentaux simples (notamment ceux qui ne requièrent pas de mémorisation de longues séries de visages), peuvent produire de très bons résultats. Il y a, cependant, une stratégie différente dans le traitement des visages chez l’enfant et chez l’adulte : chez l’enfant, ce traitement est basé sur les éléments du visage tels que le nez, les yeux, etc. Chez l’adulte, c’est la combinaison de ces éléments qui est nécessaire à la reconnaissance. Certains aspects de la stratégie adulte ne seront pas réalisés avant la fin de l’adolescence. Nous concluons à l’utilité de réévaluer dans quelle mesure le développement de la reconnaissance du visage est « spécial » et différent du développement de la reconnaissance de schémas généraux. Mots clefs : Visages, Développement, Enfance. AB STRACT Is the development of face recognition a specific process ? In this article, we briefly review the existing data on face recognition between the years of five and ten. Our aim is not to produce a comprehensive review of this literature as such, but rather to attempt to answer three related questions regarding face * Auteur pour correspondance : [email protected] University of Sheffield, Department of Psychology, LGF Group, Sheffield, S10 2TP, United Kingdom. ENFANCE, no 2/2005, p. 117 à 136 118 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT recognition : 1 / How dramatic is the improvement in face recognition across these years ?, 2 / Is that development specific to faces ?, and 3 / Is that development explained by changes in the manner in which children process faces ? The evidence reviewed above suggests that although face recognition does develop across this period, when young children are tested in simple paradigms (notably those that do not ask them to memorize many faces in a single « batch »), performance can be very good. Taken together, the studies reviewed here suggest that the extent to which the development of face recognition is « special », and distinct from the development of general pattern recognition, should be re-evaluated. Key-words : Face, Development, Childhood. En psychologie du développement il est couramment admis que la capacité à reconnaître et à traiter les visages s’améliore considérablement entre l’enfance et l’âge adulte. Carey (1992) a qualifié les capacités de reconnaissance des visages d’enfants de « profondément déficientes » comparées à celles de sujets adultes. Il n’est nullement surprenant, cependant, qu’un enfant de 5 ans soit moins performant qu’un adulte – les enfants étant moins habiles que les adultes dans de nombreuses tâches. Ces différences développementales s’expliquent essentiellement par une augmentation des capacités mnésiques ou d’autres capacités cognitives (plus générales). Cependant, il est suggéré que, chez l’enfant, la reconnaissance des visages nécessite des capacités supplémentaires à celles nécessaires pour d’autres types de stimuli. Carey (1992) a argumenté que, pendant l’enfance, le développement de la reconnaissance des visages est plus important que celui de systèmes de reconnaissance d’autres stimuli, et que le traitement de visages chez l’enfant diffère sensiblement du système adulte (indépendamment de différences dans les capacités perceptuelles et/ ou cognitives). Le modèle du développement de la reconnaissance des visages au cours de l’enfance, développé par Carey et ses collaborateurs, a eu un impact majeur dans ce domaine (Carey & Diamond, 1977, 1994 ; Carey, Diamond, & Woods, 1980 ; Diamond & Carey, 1977). Selon ces auteurs, le développement de la reconnaissance des visages est indépendant de changements quantitatifs des capacités mnésiques, attentionnelles ou, plus globalement, cognitives, et adresse un système spécifique reflétant une différence qualitative entre la façon de traiter les visages chez l’adulte et chez l’enfant. Ces auteurs proposent que les enfants commencent par reconnaître des individus principalement à partir de traits internes du visage, tels le nez, les yeux ; il s’agit d’un processus que l’on appelle « traitement des éléments ». Les sujets adultes, reconnaissent des individus en traitant les relations spatiales entre les différents constituants du visage ; c’est ce que l’on appelle le « traitement configural ». La definition du terme configural a longtemps été controversée. Daphne Maurer et ses collaborateurs ont récemment proposé une défini- LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 119 tion qui permet de les réunir (Maurer et al., 2002). Au niveau basique, le traitement configural consiste à catégoriser le stimulus en tant que visage – « il y a deux yeux au-dessus d’un nez ». Diamond et Carey appellent ce type de traitement un traitement « de premier ordre ». Le traitement configural consiste également à lier les traits faciaux entre eux. Cette opération est quelques fois appelée « traitement holistique ». Enfin, le terme configural est aussi utilisé pour définir le traitement « de deuxieme ordre » de Diamond et Carey, c’est-à-dire l’analyse des distances entre les principaux éléments constitutifs du visage (yeux, bouche, ligne des cheveux, etc.). Ce ne serait que tardivement, suite à une exposition suffisante à des visages, que l’enfant pourrait utiliser le traitement configural pour reconnaître les visages et, ainsi, obtenir des performances équivalentes à celles des adultes. Selon cette hypothèse, l’amélioration des performances observées entre l’enfance et l’âge adulte résulte d’un changement dans le style de traitement de l’information visuelle1 spécifique au stimulus « visage », plutôt que d’un changement dans des facteurs cognitifs généraux, telles la mémoire ou l’attention. Plusieurs études expérimentales réalisées au cours des dix dernières années ont donné des résultats qui remettent en question cette interprétation. Chez l’adulte, certaines études indiquent que le traitement configural ne serait pas spécifique aux visages mais, au contraire, semble être une fonction générale du système de reconnaissance visuelle (Gauthier & Logothetis, 2000 ; Gauthier & Tarr, 1997). De plus, il a été démontré que des nourrissons de 7 mois utilisent un traitement configural des visages (Cohen & Cashon, 2001) et que la spécialisation hémisphérique associée au traitement configural chez l’adulte existe déjà entre le sixième et le neuvième mois de vie (de Schonen & Deruelle, 1991). Malheureusement, la relation entre les capacités précoces de traitement du visage du nourrisson et celles de l’enfant est floue car nous manquons de données concernant certaines périodes critiques du développement. Alors que de nombreuses recherches ont couvert la reconnaissance des visages tant chez le nourrisson que chez l’adulte, le développement de la reconnaissance du visage au cours de l’enfance n’a été que peu étudié. Néanmoins, plusieurs études s’intéressant à ce groupe d’âge ont démontré qu’en simplifiant les tâches expérimentales (Brace et al., 2001 ; Bruce et al., 2000), de jeunes enfants font également preuve d’un haut niveau de reconnaissance des visages, suggérant que le processus de développement de la reconnaissance des visages n’est peut-être pas aussi conséquent que prévu. De plus, 1. Notons qu’à l’origine, Diamond et Carey percevaient ce changement de style comme une progression définitive d’un traitement à partir de traits à un traitement configural – ils pensaient que les jeunes enfants étaient incapables de traitement configural (Carey & Diamond, 1977 ; Diamond & Carey, 1977). Depuis, ils ont adopté une position moins extrême et parlent d’un changement relatif – les enfants seraient plus enclins à traiter l’information à partir des traits du visage qu’à partir de sa configuration (Carey & Diamond, 1994). 120 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT la spécificité des facteurs qui sous-tendent le développement de la reconnaissance des visages a rarement été contestée. Une réévaluation s’impose concernant l’amélioration supposée de la mémoire de reconnaissance au cours du développement qui serait spécifique aux visages. Dans cet article, nous nous pencherons sur les données existantes en matière de reconnaissance du visage chez l’enfant âgé de 5 à 10 ans. Néanmoins, plutôt que de produire une revue de la littérature, nous nous efforcerons de répondre à trois questions se rapportant à la reconnaissance du visage ainsi qu’à l’hypothèse émise par Carey et Diamond au sujet de changements notés dans la façon d’encoder l’information au cours du développement : 1 / Quelle est l’ampleur de l’amélioration de la reconnaissance des visages au cours de cette période ?, 2 / Ce développement est-il spécifique aux visages ?, et 3 / Ce développement peut-il être expliqué par des altérations dans la manière de traiter des visages chez l’enfant ? 1 / LA RECONNAISSANCE DES VISAGES CHEZ L’ENFANT Études sur le témoignage oculaire. Certaines études ont démontré que des enfants âgés de 6 ans et plus sont capables de reconnaître, sur photo, une personne vue pendant plusieurs minutes avec autant de précision que des sujets adultes (Goodman & Reed, 1986 ; Marin, Holmes & Kovac, 1979 ; Parker & Carranza, 1989 ; Parker, Haverfield & Baker-Thomas, 1986 ; Parker & Ryan, 1993) et des enfants plus âgés (Davies, StevensonRobb, & Flin, 1988). Cependant, si les sujets les plus jeunes obtiennent des résultats supérieurs au hasard, ils sont également inférieurs à ceux d’enfants plus âgés et de sujets adultes (Goodman & Reed, 1986 ; Peters, 1987). Il faut noter que les performances d’enfants dans des tâches de reconnaissance sont plus fragiles que celles d’adultes. En effet, leurs performances sont susceptibles d’être altérées par des facteurs tels que la période de familiarisation. Un enfant de 6 ans est moins susceptible qu’un adulte de reconnaître une personne vue pendant quelques secondes plutôt que quelques minutes (Gross & Hayne, 1996 ; Lieppe, Romanczyk, & Manion, 1991). Études expérimentales sur la reconnaissance des visages. De nombreuses études sur la reconnaissance des visages ont été menées avec des enfants en faisant usage de photos manipulées (inversion du visage, ajout de chapeaux, etc.). Ces manipulations avaient pour objectif de déterminer le type de traitement mis en œuvre chez l’enfant. Dans cette partie, nous nous attacherons à décrire uniquement les études qui testaient la capacité des enfants à reconnaître des visages présentés à l’endroit et sans manipulations. Les résultats ont montré une amélioration de la reconnaissance des visages liée à l’âge pour la période de 5 à 10 ans (Blaney & Winograd, 1978 ; Ellis & Flin, 1990 ; Feinman & Entwisle, 1976 ; Flin, 1980, 1985 ; Goldstein & Chance, 1964 ; Kagan & Klein, 1973 ; Markham, Ellis, & Ellis, 1991). La LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 121 méthode la plus utilisée consiste à présenter une série de visages que l’enfant doit mémoriser. Ensuite, l’enfant doit reconnaître le stimulus familier dans une paire de visages, constituée d’un des visages vus précédemment apparié avec un nouveau visage. Carey et al. (1980) ont utilisé cette méthode avec une série de 10 visages présentés pendant une durée de cinq secondes. Les enfants âgés de 10 ans ont obtenu des résultats significativement meilleurs que les enfants de 6 ans (86 % et 64 % respectivement de réponses correctes). Cette amélioration des performances a été répliquée lors d’une deuxième étude, conçue de façon à ce que les enfants aient à traiter les visages avec plus de précision. Les résultats indiquent à nouveau de meilleures performances pour les enfants de 10 ans (84 %) par rapport aux enfants plus jeunes (âgés de 7 et 9 ans, avec une moyenne de 75 % de réponses correctes). Bien que la plupart des études sur la reconnaissance du visage aient utilisé la même méthodologie que Carey et al., il existe quelques variations dans : • le nombre de visages à apprendre (de 8 à 20) ; • le nombre de fois que les photos cibles sont montrées à l’enfant (de 1 à 3 fois) ; • le temps de présentation de chaque stimulus cible (de 1 à 8 secondes) ; • le nombre d’items distracteurs proposés (de 0 – la cible et le distracteur sont montrés séparément et le participant doit dire s’il s’agit d’un stimulus cible ou distracteur – à 5 – le visage cible doit être retrouvé parmi une série de 5 visages maximum, présentés simultanément). La modification de ces facteurs crée des tâches de difficultés variées. Une tâche utilisant une série de 20 visages dont chacun est vu pendant seulement une seconde et doit être reconnu parmi une série de 5 distracteurs est une tâche bien plus difficile que si le nombre de visages utilisés est moins important, que les visages sont vus individuellement plus d’une fois et pendant une période plus longue, et que s’il y a moins de distracteurs. Par exemple, Itier et Taylor (2004 a) ont réalisé une tâche de détection de répétition de visage. Il y avait deux conditions expérimentales, dans la première, il n’y avait pas de stimulus visage distracteur présentés entre la première présentation du visage et le test de reconnaissance. Dans la deuxième condition, un stimulus visage distracteur était présenté entre les deux présentations. Des enfants âgés de 8 à 16 ans ont été testés. À l’âge de 8 ans, l’introduction d’un visage avant la présentation du visage à reconnaître entraîne une diminution des performances de 27 % (les performances chutent de 87 % de réussite à seulement 60 %) alors que la même manipulation expérimentale entraîne une diminution des performances de seulement 18 % à 16 ans (une chute de 98 % à 80 %). Ces résultats montrent que la différence observée, dans le traitement des visages, entre les groupes d’âge reflète une différence dans la quantité d’information que peuvent gérer les enfants d’âges différents. 122 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT Ainsi, nous trouvons donc que, contrairement aux affirmations de Carey et al. (1992), la capacité précoce à reconnaître les visages semble souvent dépendre essentiellement de la manière dont les enfants sont testés, certaines études trouvant des améliorations importantes tandis que d’autres montrent des améliorations plus modestes. Certaines recherches ont mis en évidence que même de jeunes enfants obtiennent de bonnes performances de reconnaissance. Bruce et al. (2000) ont montré que des enfants âgés entre 4 et 5 ans obtiennent 80 % de réponses correctes pour une tâche de reconnaissance de visages lorsque les visages cibles sont appariés à des distracteurs très dissemblables. Une étude utilisant des livres à images pour enfants a montré que les performances des enfants de 5 à 6 ans plafonnent à 93 % de réponses correctes, alors que les enfants âgés de 2 à 4 ans obtiennent quand même 73 % de réponses correctes (Brace et al., 2001). Bien qu’il soit difficile de comparer les performances d’une tâche à une autre (étant donné que les tâches de reconnaissance du visage varient sur nombre de paramètres) et que les effets « plafond » et « plancher » menacent d’effacer des différences liées au développement, il est évident que de jeunes enfants peuvent être très performants à des tâches de reconnaissance du visage s’ils sont testés dans des conditions favorables. Néanmoins, dans une revue détaillée de la littérature faite par Chung et Thomson (1995) sur l’apprentissage de séries de stimuli, il est conclu qu’il y a une amélioration des capacités de reconnaissance des visages au cours du développement. Quant aux études menées sur les témoins à charge, elles indiquent que les performances de jeunes enfants sont plus susceptibles d’être perturbées par des changements introduits dans la méthodologie, et ce malgré des résultats semblables à ceux obtenus par des sujets adultes (ou simplement plus âgés) dans des conditions idéales. Études électrophysiologiques. L’enregistrement de potentiels évoqués, qui représentent l’activité cérébrale associée á la présentation d’un stimulus, est une techniques utilisée afin d’étudier le développement de la reconnaissance des visages au cours de l’enfance. Le développement des indices électrophysiologiques de la perception des visages est d’un attrait particulier car il nous apporte des informations de nature différente et complémentaire á celles obtenues avec les techniques comportementales décrites auparavant. Étant donné la quantité d’articles disponibles sur ce sujet, nous avons réalisé un revue non exhaustive des travaux chez l’adulte, ainsi que souligné quelques aspects du développement des indices électrophysiologiques chez le nourrisson et chez l’enfant. Nous nous sommes particulièrement attachés à montrer qu’il est possible d’identifier une onde spécifique du traitement des visages durant la première année de vie mais que la maturation de cette onde ne sera complétée que durant l’adolescence. Bentin et al. (1996) ont été les pionners dans la description d’une onde cérébrale reliée à la présentation des visages. Elle apparaît, chez l’adulte, 170 ms après la présentation d’un visage, et est négative. Cette négativité (N170) n’est pas observée pour d’autres stimuli visuels tels que des voi- LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 123 tures ou des animaux. La N170 peut être obtenue par la présentation des yeux seulement et son amplitude et sa latence augmentent lorsque le visage est présenté á l’envers. Quelques études se sont intéressées au développement de cette onde chez le nourrisson. Cependant, les ondes enregistrées durant la petite enfance diffèrent beaucoup de celles observées chez l’adulte. Chez le nourrisson de 6 mois, on observe une positivité 400 ms après la présentation d’un visage qui est affectée par l’inversion du stimulus (de Haan & Nelson, 1999). De Haan, Pascalis et Johnson (2002) ont eux montré que la présentation d’un visage provoque, chez les 6 mois, l’apparition d’une négativité vers 290 ms et d’une positivité vers 400 ms. Vers 12 mois, Halit, de Haan et Johnson (2003) ont montré que les caractéristiques de cette négativité se rapprochaient de ce que l’on observe chez l’adulte, c’est-à-dire qu’elle apparaît plus précocement lorsque le visage est présenté à l’endroit mais est retardée et de plus grande amplitude lorsque l’on présente un visage à l’envers. Il semble donc que, dès la première année de vie, il existe un indice électrophysiologique du traitement des visages qui diffère de celui observé pour d’autres stimuli. Les principaux travaux réalisés chez l’enfant de 4 ans et plus sont ceux de Margot Taylor et ses collègues. Le résumé que nous en faisons est succinct et la lecture des articles originaux est nécessaire pour une meilleure compréhension. La présentation de photos de visages chez l’enfant provoque l’apparition de deux ondes cérébrales distinctes de celle observée lors de la présentation d’autres catégories de stimuli. Une positivité P1 est observée sur les électrodes occipitales tandis que la N170 est enregistrée sous les électrodes temporales. La composante P1 : cette onde apparaît à une latence de 150 ms à l’âge de 4 ans en réponse à la présentation d’un visage. Cette latence d’apparition va diminuer graduellement jusqu’à l’âge de 8-9 ans, ou la latence n’est pas différente de celle observée chez l’adulte (110 ms) (Itier & Taylor, 2004 a). L’amplitude de la P1 diminue de manière significative entre 4 et 8 ans, puis ne varie plus jusqu’à l’âge adulte. La N170 est observée dès l’âge de 4 ans mais sa latence d’apparition est de 270 ms. Cette latence va décroitre au cours du développement, 230 ms à 7 ans, 200 ms à 14 ans et 160 ms chez l’adulte (Taylor et al., 1999). L’amplitude de l’onde N170 évolue également au cours du développement de 0 mV de différence avec la ligne de base à l’âge de 5 ans à – 6 mV chez l’adulte. Les indices électrophysiologiques montrent que certains mécanismes de traitement des visages sont présents dès la première année de vie et évoluent peu jusque vers l’âge de 4 ans. Les ondes ne seront pas de type adulte avant l’âge de 16 ans. Ces résultats confortent ce qui est observé comportementalement : on observe une bonne capacité de reconnaissance des visages mais qui n’est pas aussi efficace que celle observée chez l’adulte. D’ou proviennent ces différences ? 124 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT 2 / LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 2 / EST-IL INDÉPENDANT D’AUTRES ASPECTS 2 / DU DÉVELOPPEMENT COGNITIF ? Il est maintenant établi que les performances cognitives des enfants s’améliorent et se solidifient avec l’âge. Cependant, cela ne nous donne pas d’informations sur le caractère indépendant ou non des capacités de reconnaissance des visages par rapport à d’autres fonctions cognitives, perceptuelles ou mnésiques. Dans les études développementales sur la reconnaissance des visages, le stimulus « visage » est rarement contrasté avec une autre catégorie de stimulus. L’absence de stimuli comparatifs nous empêche d’évaluer dans quelle mesure les améliorations de la reconnaissance des visages sont dues à une amélioration générale des fonctions cognitives, plutôt qu’à une amélioration qui se limiterait aux visages. Les visages présentés à l’endroit sont généralement contrastés avec des visages présentés à l’envers, dont la reconnaissance est habituellement plus pauvre et pour lesquels il n’est pas observé d’amélioration en fonction de l’âge. Cela est considéré comme une preuve que les améliorations qui s’opèrent en fonction de l’âge pour les visages à l’endroit sont spécifiques pour le stimulus visage. Carey (1992) considère que les visages à l’endroit et à l’envers sont des schémas sans signification particulière, qui présentent des degrés de complexité comparables et qui imposent une difficulté similaire pour le système qui encode les schémas ; aussi peut-elle pour ces raisons justifier l’utilisation de visages à l’envers comme stimuli contrôles. Cependant, on notera qu’il est très peu probable que des visages à l’envers soient perçus comme des stimuli « sans signification particulière », même par des enfants. Lorsqu’on observe un visage à l’envers, celui-ci est traité comme un stimulus « visage » une fois qu’il a été identifié comme tel, plutôt que comme un schéma abstrait. Des études sur l’activation cérébrale confirment cette hypothèse. Lorsque des sujets adultes observent des visages présentés à l’endroit et à l’envers, les réponses de la part de l’aire fusiforme (mesurées par IRMf) sont similaires (Kanwisher, Tong, & Nakayama, 1998). De plus, des études en potentiels évoqués ont indiqué qu’il y a une activation électrophysiologique spécifique au visage : une onde négative apparaît 170 ms après la présentation d’un visage (voir plus haut dans le texte), et est différée et de plus grande amplitude lorsque le stimulus visage est présenté à l’envers, tant chez l’adulte (Betin et al., 1996), que chez l’enfant de 8 ans et le nourrisson (de Haan, Pascalis, & Johnson, 2002). Pour Flin (1985), un visage présenté à l’envers ne constitue pas un contrôle adéquat pour le visage présenté à l’endroit à cause de son aspect inhabituel. Flin conclut qu’utiliser un visage à l’envers comme référence LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 125 pourrait entraîner une sous-estimation de l’importance réelle des capacités cognitives générales dans le développement de la reconnaissance de visages à l’endroit. Ainsi, l’amélioration observée pendant l’enfance pour la reconnaissance des visages refléterait le développement de fonctions cognitives générales/globales ? et non un développement spécifique pour les visages. Pascalis, Demont, de Haan et Campbell (2001) ont comparé la reconnaissance de visages d’humains, de singes et de moutons chez des enfants âgés entre 5 et 8 ans. Trois secondes après avoir été familiarisés avec un visage unique, les enfants devaient reconnaître ce même visage dans une paire de deux visages de la même espèce (constituée du visage familier et d’un nouveau). Pascalis et al. ont trouvé une amélioration des performances en fonction de l’âge, indépendamment du type d’espèce. Étant donné l’expérience très limitée de ces enfants avec des visages de singes ou de moutons, ce résultat pourrait refléter le développement d’une mémoire pour stimuli complexes. De même, Want et al. (2003 a) ont trouvé, chez l’enfant âgé entre 5 et 9 ans, un développement similaire de la reconnaissance des visages et des voitures (un autre type de stimulus que nous voyons quasiment toujours à l’endroit). Cela soutient notre sentiment que le rôle joué par les capacités d’apprentissage générales dans le développement de la reconnaissance des visages a, jusqu’à présent, été largement sous-estimé. Plusieurs études ont essayé de déterminer si le développement de la reconnaissance du visage reflète le développement de capacités mnésiques, par opposition à des facteurs perceptifs ou d’autres facteurs cognitifs. On a présenté aux sujets une série de photos de visages, dont deux sont des photos du même visage prises sous des angles différents ou dans des conditions d’éclairage différentes. Les enfants doivent sélectionner les deux photos représentant le même visage. Les photos étant présentées de façon simultanée, l’information est traitée à un niveau perceptif/cognitif et non pas mnésique. Une progression des performances est observée entre l’âge de 5 et 10 ans (Bruce et al., 2000 ; Carey et al., 1980 ; Saltz & Sigel, 1967). Le fait que cette technique ne fasse pas appel à la mémoire suggère que d’autres fonctions se développent également durant cette période. Cependant, tout comme dans la majorité des études antérieures, le stimulus « visage » n’a pas été contrasté avec d’autres types de stimuli, ce qui rend impossible une conclusion quant á la spécificité de ces phénomènes aux visages. Les résultats de Itier et Taylor (2004 a) décrits plus haut montrent clairement que les performances des sujets sont influencées par la composante mnésique. Il est donc important dans toute recherche en reconnaissance des visages chez l’enfant d’établir si le développement de la reconnaissance de visages entre l’âge de 5 et 10 ans est véritablement indépendant du développement des capacités générales d’encodage. 126 3 3 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT / Y A-T-IL UN CHANGEMENT DANS LA MANIÈRE / DONT L’ENFANT TRAITE LES VISAGES ? Jusqu’à présent, nous nous sommes attachés à décrire les données montrant que la reconnaissance des visages s’améliore entre 5 et 10 ans. Cependant, il n’a pas encore été établi que ce développement est spécifique aux visages ou s’il est indépendant d’un pattern de développement plus général. Carey et Diamond proposent que la reconnaissance des visages devient efficace par l’acquisition d’un type de traitement spécifique aux visages : le traitement configural. À l’origine, cette affirmation était basée sur deux séries de données : 1 / chez l’enfant, la reconnaissance des visages est moins affectée par l’inversion que chez l’adulte ; 2 / les performances des enfants sont plus affectées par l’addition ou la soustraction d’éléments surajoutés tels qu’un chapeau. D’autres types de stimuli ont été utilisés afin d’étudier le traitement configural chez l’enfant : des visages chimériques (Carey & Diamond, 1994) et l’utilisation des traits internes ou externes des visages (Campbell, Walker, & Baron-Cohen, 1995). Nous allons à présent nous attacher à discuter ces données. L’effet d’inversion. L’effet d’inversion est un des effets les plus étudiés en matière de reconnaissance des visages. Il fait référence au fait que les visages sont reconnus plus précisément et plus rapidement lorsqu’ils sont présentés en respectant leur orientation habituelle plutôt qu’à l’envers (Yin, 1969 ; Leder & Bruce, 2000). Carey et Diamond (1977) ont étudié le développement de la reconnaissance de photos de visages et de maisons présentés à l’endroit et à l’envers1. Ils ont trouvé que plus l’enfant était âgé, plus ses performances se trouvaient affectées par l’inversion des images. À 6 ans on observe une chute de 5 % de réponses correctes pour la reconnaissance de visages. À 8 ans ce pourcentage s’élève à 14 % et à 10 ans à 21 %. Par contre, pour les maisons, l’effet d’inversion diminue avec l’âge ; à 6 et 8 ans, on note une chute de 13 et 10 % de réponses correctes respectivement, alors qu’à 10 ans il y a une augmentation de 4 % de réponses correctes. Il y a donc une progression liée à l’âge pour la reconnaissance des visages à l’endroit, tandis que les visages présentés à l’envers sont moins bien reconnus, indépendamment de l’âge de l’enfant (les performances stagnent à 66 % environ pour les trois groupes d’âge – voir figure 1). 1. Notons que les visages et les maisons à reconnaître plus tard dans une présentation inversée étaient également présentés à l’envers lors de la première présentation. Des études concernant des stimuli soumis à une rotation (c’est-à-dire qu’on les présente à l’endroit dans la période d’apprentissage et à l’envers dans la période de reconnaissance, voir par exemple Brace et al., 2001) augmentent l’effet d’inversion d’un effet de rotation. Ces études ne seront pas discutées ici. LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 127 Fig. 1. — L’exactitude des réponses d’enfants pour la reconnaissance de visages et maisons présentés à l’endroit et à l’envers (Carey & Diamond, 1977) Carey et al. (1980) ont répliqué leurs propres résultats et ont obtenu une amélioration des performances pour la reconnaissance des visages à l’endroit entre 6 et 10 ans (de 64 % à 86 %), alors que les performances pour la reconnaissance de visages à l’envers restent stables (environ 62 % pour les enfants âgés de 6 ans et 64 % pour les enfants âgés de 10 ans). Afin d’expliquer l’accroissement de l’effet d’inversion au cours du développement, Carey et Diamond proposent que la présentation inversée de visages perturbe le traitement configural du visage. Ils en concluent que les enfants plus âgés traitent les visages de façon configurale, comme les adultes, tandis que les enfants plus jeunes traitent les visages en analysant leurs éléments. Cela expliquerait pourquoi l’inversion affecte plus la reconnaissance d’enfants plus âgés et d’adultes que celle de jeunes enfants. En effet, les enfants plus âgés sont forcés à traiter les visages inversés en analysant les traits (étant donné qu’ils sont privés des bénéfices offerts par leur stratégie configurale habituelle) et, par conséquent, leurs performances chutent. Les enfants plus jeunes, qui de toute manière traitent l’information en analysant les traits, n’ont pas à modifier leur mode de traitement de l’information suite à une inversion ; leurs performances restent donc stables. Ainsi, l’inversion a un effet plus marqué sur les performances de sujets plus âgés que sur celles de sujets plus jeunes. Cependant, il n’est pas certain que l’effet d’inversion devient plus important au cours du développement, ni même que l’habilité à reconnaître des visages inversés reste constante tout au long du développement (voir 128 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT Carey & Diamond). Plusieurs études contredisent ces conclusions. Brooks et Goldstein (1963) ont demandé à des enfants âgés de 3 à 14 ans de nommer des photos de camarades de classe présentées à l’endroit. Une semaine plus tard, les photos correctement reconnues à l’endroit leur ont été présentées une nouvelle fois, mais à l’envers. Brooks et Goldstein ont trouvé que l’habilité à reconnaître ces visages à l’envers s’améliore avec l’âge. Goldstein (1975) a montré des visages familiers inversés à des sujets âgés entre 5 et 20 ans et n’a pas trouvé de réelle progression développementale en ce qui concerne l’habilité à reconnaître des visages inversés. Cependant, les résultats étaient très bons pour tous les âges (tout comme l’avaient noté Carey & Diamond, 1977), les enfants reconnaissant à peu près 90 % des visages. Les stimuli utilisés dans ces études étaient des visages familiers alors que ceux des études de Carey et Diamond étaient des visages non familiers. Toutefois, ces études montrent que la reconnaissance de visages inversés peut être très bonne chez l’enfant jeune et peut s’améliorer avec l’âge. D’autres études ont également montré que la reconnaissance de visages inversés peut s’améliorer au cours de l’enfance (Flin, 1985 ; Pascalis et al., 2001), et ce même pour des visages non familiers. Carey elle-même (Carey, 1981) reconnaît que, dans des conditions appropriées, l’effet d’inversion peut être mis en évidence à tout âge, et que la reconnaissance de stimuli inversés se développe au cours du temps. Néanmoins, elle maintient que, chez l’enfant âgé entre 5 et 10 ans, des améliorations s’opèrent dans le système qui encode l’information sur les visages à l’endroit, et que ces améliorations sont plus importantes que celles notées pour le système qui encode l’information sur les visages inversés. Cependant, cette hypothèse n’a jamais vraiment été mise à l’épreuve. En effet, les études que nous menons actuel- Fig. 2. — La précision de la reconnaissance de visages et de voitures présentés à l’endroit et à l’envers chez l’enfant (Want et al., 2003 a) LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 129 lement nous ont permis de trouver des développements semblables dans la capacité des enfants à reconnaître des visages à l’endroit et à l’envers (dans la précision des réponses et le temps de réaction) : l’effet d’inversion sur la reconnaissance des visages est similaire à 5 et à 10 ans (Want et al., 2003 a). Ce résultat est identique à celui de Itier et Taylor (2004 b) qui n’observent pas d’augmentation de l’effet d’inversion chez des enfants entre 8 et 16 ans. Effets d’éléments rajoutés. La deuxième série de données qui sous-tend l’hypothèse d’une modification dans le traitement des visages au cours du développement (Carey & Diamond) fait référence aux effets dus à la présence d’éléments rajoutés (tels que des lunettes, une écharpe, un chapeau). Diamond et Carey (1977) ont trouvé que le traitement de visages non familiers par des enfants est susceptible d’être perturbé par la présence d’éléments surajoutés. Ils ont montré que des enfants ont du mal à reconnaître un visage portant un chapeau s’il n’en portait pas la première fois qu’ils l’ont vu. L’explication fournie par Diamond et Carey est que les enfants basent leurs jugements d’identité principalement sur des traits isolés du visage (tels que la raie des cheveux, le nez ou des yeux particuliers) qui peuvent être obscurcis ou modifiés par des éléments surajoutés. De plus, les éléments surajoutés peuvent eux-mêmes être les traits sur lesquels l’enfant décide de baser la reconnaissance. Ainsi, l’effet d’éléments surajoutés indique que les jeunes enfants (âgés de 6 à 10 ans) traitent les visages différemment de sujets adultes ; ils ont tendance à se concentrer sur des traits isolés du visage plutôt que sur les configurations formées par ces éléments isolés. Cependant, le fait que les enfants soient perturbés par la présence d’éléments surajoutés ne veut pas nécessairement dire qu’ils basent leurs jugements uniquement sur de tels éléments. Flin (1985) a noté que même des sujets adultes peuvent se laisser tromper par la présence d’éléments surajoutés. De plus, Flin a montré que la confusion causée par la présence d’éléments surajoutés ne résulte pas de la manière dont les enfants traitent l’information, mais de la ressemblance accrue entre les stimuli, causée par la présence de ces éléments surajoutés. Baenninger (1994) postule que des éléments surajoutés empêcheraient l’enfant de se concentrer sur l’identité faciale des images et le ferait réagir à une ressemblance globale des images. Dans son étude, Baenninger n’a pas constaté de progression développementale dans la sensibilité à la présence d’éléments surajoutés et conclut que le développement de la reconnaissance des visages ne reflète pas nécessairement un changement dans le style de traitement, mais plutôt des différences dans la motivation, l’attention, les capacités mnésiques et l’expérience. Enfin, Freire et Lee (2001) ont montré que la présence d’éléments surajoutés influence aussi bien les résultats lorsque des visages doivent être discriminés à partir des traits (c’est-à-dire quand ils sont manipulés afin de les faire varier uniquement dans les traits plutôt qu’au niveau de la configuration) que lorsque la discrimination doit être faite sur la configuration (c’està-dire quand les visages sont manipulés afin de les faire varier uniquement dans leur configuration plutôt que dans les traits) indiquant ainsi que les 130 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT effets dus à la présence d’éléments surajoutés ne se limitent pas à un seul type de traitement. Les visages chimériques. Des visages composés ou chimériques – c’est.àdire des stimuli construits à partir de la moitié supérieure du visage d’un individu et la moitié inférieure d’un autre individu – ont également été utilisés pour tenter de résoudre la question du traitement configural. Young, Hellawell et Hay (1987) ont trouvé qu’il est plus aisé pour un sujet adulte de reconnaître et nommer la personne représentée dans la moitié supérieure de la photo si les deux moitiés sont mal alignées. Lorsque les deux moitiés sont correctement alignées, elles forment un nouveau visage dont les deux moitiés séparées sont plus difficiles à identifier (voir fig. 3). (A) Visage cible (B) Visage distracteur (C) Visage composé aligné (D) Visage composé non aligné Fig. 3. — Exemples de visages composés et non composés NB. — Les visages (C) et (D) sont composés de la moitié supérieure du visage (A) et la moitié inférieure du visage (B). LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 131 On pourrait interpréter ces résultats de la manière suivante : lorsque les deux moitiés sont alignées correctement, elles créent une nouvelle configuration faciale qui empêche la reconnaissance des deux moitiés individuelles. Lorsque les moitiés sont mal alignées il n’y a pas de nouvelle configuration qui est créée et les moitiés sont plus aisément reconnues séparément. Young et al. (1987) ont également démontré que la moitié supérieure d’un visage chimérique est tout aussi bien reconnue lorsque les deux moitiés sont alignées que lorsqu’elles ne le sont pas, à condition que le visage chimérique soit présenté à l’envers. L’hypothèse du traitement configural explique ce phénomène de la manière suivante : l’inversion empêchant le traitement configural, le visage chimérique ne peut pas être perçu comme un nouveau visage (c’est-à-dire une nouvelle configuration). Ainsi, un visage chimérique aligné à l’envers est aussi facile à reconnaître qu’un visage non aligné. L’argument selon lequel les enfants ont moins recours au traitement configural que les adultes prédit que leurs performances devraient être moins affectées lorsqu’ils doivent nommer la moitié supérieure d’un visage chimérique aligné présenté à l’endroit (comparé à la moitié supérieure d’un visage chimérique non aligné présenté à l’endroit). Cependant, Diamond et Carey (1994) ont trouvé un déficit d’importance égale pour tous les groupes (les 6 à 10 ans ainsi que les adultes) ; ces résultats suggèrent que de jeunes enfants traitent l’information relative à des visages de la même façon que les adultes, c’est-à-dire de façon configurale. La reconnaissance des traits internes et des traits externes des visages. Des études qui analysent la facilité avec laquelle des individus peuvent être reconnus à partir de photos montrant uniquement les traits internes ou externes de leur visage ont également été utilisées pour étudier le traitement configural. Il est admis que les traits internes du visage contiennent les éléments qui constituent le noyau de la reconnaissance configurale (les yeux, le nez et la bouche) alors que les traits externes (la raie, le menton et les oreilles) sont identifiés comme étant des éléments individuels. La facilité avec laquelle des individus sont reconnus à partir de traits internes ou externes évolue au cours du développement ainsi qu’en fonction de la familiarité du visage présenté ; les adultes comme des enfants de 5 à 10 ans trouvent plus facile de reconnaître un individu non familier à partir d’une photo ne représentant que les traits externes plutôt qu’à partir d’une photo des traits internes (Want, Pascalis, Coleman, & Blades, 2003 b). Cependant, au fur et à mesure qu’un adulte se familiarise avec une personne, il reconnaît plus facilement les traits internes du visage de cette personne ; en fait, la reconnaissance à partir des traits internes devient même plus facile qu’à partir des traits externes (Ellis, Shepherd, & Davies, 1979). Le même type de résultats a été mis en évidence pour des enfants âgés de 9 à 10 ans, alors que des enfants plus jeunes (4 à 7 ans) ont toujours plus de facilité à reconnaître un visage à partir des traits externes, même 132 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT lorsqu’il s’agit de visages familiers (Campbell & Tuck, 1995 ; Campbell, Walker, & Baron-Cohen, 1995 ; Campbell et al., 1999). Étant donné que les sujets adultes traitent les visages de façon configurale, une fois qu’un certain degré de familiarité a été établi avec une personne, ils sont capables de reconnaître cet individu plus facilement à partir des traits internes qu’à partir des traits externes. De jeunes enfants par contre, ont moins tendance à utiliser un traitement configural et, par conséquent, reconnaissent des individus plus facilement à partir des traits externes. Ces données confirment l’hypothèse que les enfants évoluent d’un traitement basé sur les éléments du visage vers un traitement se basant sur une configuration des traits internes. Il faut cependant noter que le lien entre les traits internes/externes et le traitement configural n’est qu’indirect. On pourrait donc argumenter que le stimulus « visage présentant uniquement des traits internes » et le stimulus « visage présentant uniquement des traits externes » sont tous deux reconnus grâce à leurs traits mais que les traits internes, tels les yeux, sont simplement moins discriminatifs que les traits externes, telle la coupe de cheveux. Ainsi, étant donné qu’il est établi que des adultes et des enfants plus âgés sont plus aptes à faire des discriminations que de jeunes enfants, ils distinguent mieux des individus à partir des traits internes de leur visage. Chez l’adulte, la reconnaissance de personnes familières se fait à partir des traits internes du visage car ceux-ci sont moins susceptibles de changer que les traits externes. Peut-être n’y a-t-il pas d’abandon du premier mécanisme perceptif au profit du second, mais bien un aménagement dans la stratégie d’utilisation de ces deux mécanismes. Plusieurs études montrent une prévalence de l’utilisation des informations élémentaires/configurales au cours de l’enfance. Schwartzer (2000) a montré dans une tâche de categorisation de visage (enfant/adulte) que des enfants de 7 ans basent leur jugement sur les traits individuels (les yeux par exemple) plutôt que sur la configuration de ces éléments comme le font des adultes. Cependant, le débat est plus compliqué. Mondloch et al. (2002) ont développé une batterie de visages (Jane faces) qui diffèrent soit par des altérations portées au niveau des éléments (yeux, bouche ou nez), soit par des transformations au niveau de la configuration de ces éléments (les yeux peuvent être plus ou moins écartés, etc.). Des visages ainsi transformés sont difficiles à discriminer et ces auteurs ont montré qu’il y a une augmentation des performances des enfants âgés entre 6 et 10 ans. Ils ont noté un effet d’inversion plus grand pour les changements configuraux que pour les changements des éléments chez les enfants âgés de 10 ans et chez les adultes. Les enfants les plus jeunes présentent un effet d’inversion similaire dans les deux conditions. Il existe donc un traitement configural précoce (même chez le nourrisson) mais qui n’est pas identique á celui observé chez l’adulte. LE DÉVELOPPEMENT DE LA RECONNAISSANCE DES VISAGES 133 4 / CONCLUSIONS Dans cet article, nous avons tenté d’explorer trois questions sur le développement du traitement des visages au cours de l’enfance : 1 / La reconnaissance du visage évolue-t-elle durant l’enfance moyenne ?, 2 / Si tel est le cas, ce développement est-il spécifique aux visages ?, et 3 / Ce développement est-il lié à des améliorations dans le traitement configural ? Les données que nous avons exposées suggèrent que la reconnaissance du visage s’améliore au cours de l’enfance, cependant il est difficile d’attribuer ces améliorations á une variable particulière (mémoire, traitement configural...). Une des raisons de cette impossibilite est que le développement de la reconnaissance du visage a rarement été comparé au développement de la reconnaissance d’autres types de stimuli visuels1. Cependant, il est important de noter que, lorsque de jeunes enfants sont testés à partir de paradigmes expérimentaux simples (notamment ceux qui ne requièrent pas de mémorisation de longues séries de visages), les performances de reconnaissance des visages sont très bonnes. Au vu de notre revue de la littérature, nous proposons que les différences développementales observées dans la reconnaissance du visage reflètent des changements plus généraux dans les capacités attentionnelles et mnésiques. D’autres études, sur la reconnaissance d’autres catégories de stimuli, ont effectivement trouvé des développements similaires à ceux notés en reconnaissance du visage. Les visages inversés sont considérés (à tort selon nous) comme un bon stimulus contrôle pour des visages présentés à l’endroit – il est admis que le développement de la reconnaissance de visages inversés reflétait le développement d’améliorations cognitives et perceptuelles. Quand bien même nous accepterions cette idée, de nombreuses études ont démontré que cela s’améliore également avec l’âge. Une fois de plus, cela veut dire que l’on se doit d’analyser de plus près l’hypothèse concernant le développement d’une reconnaissance spécifique aux visages et dont l’importance a été sousestimée dans le passé. Les améliorations de la reconnaissance de stimuli visuels sont d’une importance cruciale pour notre compréhension du développement de la reconnaissance du visage. Il est possible que seule une petite partie de ces améliorations soit spécifique aux visages. Nous avons exposé une série de données qui nous permet d’analyser une hypothèse alternative qui propose que la reconnaissance des visages évolue grâce à des développements et des changements dans le système de traitement de l’information. Les recherches sur les effets de l’inversion du visage et d’éléments surajoutés sur la reconnaissance de visages sont mal1. Il y a de nombreux facteurs (la fréquence d’utilisation, la salience) qui expliquent pourquoi il est difficile de trouver des stimuli contrôles adaptés aux visages. Actuellement, nous estimons qu’il est utile de comparer le développement de la reconnaissance du visage avec un nombre de stimuli différents (des voitures, des maisons, des chiens, ou des schémas abstraits). 134 OLIVIER PASCALIS, MARIANNE ROTSAERT ET STEPHEN C. WANT heureusement inconsistantes et sont difficiles à interpréter. Certaines études indiquent que les enfants sont sensibles à l’effet d’inversion quel que soit leur âge et que les difficultés observées avec les éléments surajoutés pourraient ne pas être liées au traitement configural, ou du moins pourraient ne pas être spécifiques au traitement configural. Les seules données qui confirment un tel changement découlent de recherches sur la reconnaissance des visages à partir des traits internes ou externes du visage, qui ne testent pas directement le traitement configural. Freire et Lee (2001) ont cependant démontré que, même si le jeune enfant a plus de facilités à discriminer des variations dans les traits des visages plutôt que dans leur configuration, les deux types de discriminations évoluent et s’améliorent avec l’âge. Cela semble corroborer l’hypothèse d’une amélioration générale dans la reconnaissance du visage, plutôt qu’une amélioration d’un style de traitement spécifique. En fait nous avons trouvé que peu de données confirmant l’hypothèse que la reconnaissance du visage s’améliore au cours du développement grâce à un changement dans la façon dont les enfants traitent les visages. Nous avons donc montré que les enfants sont capables de reconnaître et traiter les visages de façon efficace dès l’âge de 5 ans. Ces performances vont s’améliorer au cours du développement mais il n’est pas prouvé que ce soit une amélioration spécifique des visages, il nous semble plutôt que l’on observe une amélioration générale des performances cognitives. Les données présentées dans cet article justifient la nécessité d’une remise en question de la spécificité de la reconnaissance du visage au cours de l’enfance. RÉFÉRENCES Baenninger, M. (1994). The development of face recognition : Featural or configurational processing ? Journal of Experimental Child Psychology, 57, 377-396. Bentin, S., Allison, T., Puce, A., Perez, E., & McCarthy, G. (1996). Electrophysiological studies of face perception in humans. Journal of Cognitive Neuroscience, 8, 551–565. Blaney, R. L., & Winograd, E. (1978). Developmental differences in children’s recognition memory for faces. Developmental Psychology, 14, 441-442. Brace, N. A., Hole, G. J., Kemp, R. I., Pike, G. E., Van Duuren, M., & Norgate, L. (2001). 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