1 Images : vues du ciel et du sol
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1 Images : vues du ciel et du sol
1 Images : vues du ciel et du sol 1.1 Introduction Les cartes topographiques exploitées jusqu’ici sont des modélisations de la réalité, des représentations de celle-ci. En effet, comme déjà expliqué précédemment, le cartographe choisit ce qu’il représente sur la carte en fonction de ses objectifs ; il interprète la réalité selon une légende prédéfinie. La légende facilite grandement la lecture de ce document. Néanmoins, dans certaines circonstances, ces cartes ne montrent pas les objets/phénomènes qui nous intéressent aussi et ne permettent donc pas de répondre à toutes nos questions (cf grille d’analyse). Les images vues du ciel (des photographies aériennes et des images satellitaires) fournissent une autre représentation de la réalité, complémentaire à celle offerte par les cartes topographiques. En effet, ces images peuvent offrir une vue très détaillée de la surface de la terre et fournir des informations sur des objets/phénomènes qui ne sont pas représentés sur les cartes topographiques. Ces images paraissent plus proches de la réalité, même si l’information géographique dépend des techniques de prises de vue (caméra, film, angle, longueurs d’onde, haute de vol, résolution spatiale, …). Il est important de souligner que ces images ne sont à l’origine pas interprétées et que cette interprétation n’est pas toujours facile (on peut donc se tromper). Ces images satellitaires et aériennes complètent les informations extraites des cartes topographiques. Le chapitre portant sur les images vues du ciel constitue une petite introduction au cours de MA1 de télédétection. En vision verticale, que ce soit sur cartes topographiques ou sur photographies aériennes, on ne peut collecter des informations sur la hauteur des bâtiments, on ne voit pas leurs façades. On ne peut donc en déduire leur fonction, l’époque de construction, leur standing, … Les photographies au sol, les cartes postales, les gravures et peintures nous offrent en contrepartie des vues du sol qui sont très complémentaires aux vues du ciel. Les visions verticale et horizontale sont très complémentaires pour appréhender le paysage (urbain). 1.2 Images vues du ciel Victor Hugo du haut de la cathédrale de Strasbourg a dit « on est si haut que le paysage n’est plus un paysage, mais une carte de géographie ». Depuis 1945, les photographies aériennes nous offrent cette vision d’en haut. Elles sont complétées par des images satellitaires depuis les années ’70. L’ensemble de ces images d’observation de la Terre sont largement exploitées non seulement en pour des applications militaires et cartographiques, mais aussi en agriculture, environnement, urbanisme, aménagement du territoire, … Selon l’altitude de prise de vue et les caractéristiques techniques d’enregistrement, ces images vues du ciel fournissent une vue d’ensemble (vue synoptique) de grands territoires ou au contraire des vues détaillées sur un territoire plus limité. Les images sont enregistrées dans les longueurs d’onde du visible mais aussi dans le proche infrarouge et donc de percevoir des objets/phénomènes invisibles à l’œil nu. 1.2.1 Quelques éléments historiques L’observation de la terre, ou télédétection, est née de la rencontre de deux découvertes : la conquête du ciel et de l’espace ainsi que la photographie. La conquête du ciel est marquée par le premier aérostat mis au point par Montgolfier en 1783, le vol du premier avion par Ader en 1906, et le lancement du premier satellite artificiel Spotnik1 en 1957. Quant à la photographie, elle fut inventée par Niepce en 1829. Les premières photographies aériennes ont été prises par Félix Tournachon, alias Nadar, en 1858 à bord d’un ballon survolant Paris. 1.2.2 Couvertures en Belgique La photographie aérienne s’est développée pendant la première guerre mondiale ; en Belgique, son développement a été effectué grâce au commandant Jaumotte dès 1915 et matérialisée par la création du Service Photographique de l’Aviation belge, dont les collections sont au Musée Royal de l’Aviation. Des photographies aériennes du territoire belge sont prises en 1939 par la Royal Air Force. C’est à partir de 1947 que le territoire national est régulièrement couvert de photographies aériennes au 1 : 21 000 (en moyenne tous les 7 ans) par l’Institut Géographique Militaire et puis par l’Institut Géographique National. Actuellement le territoire est couvert de photographies aériennes au moins tous les 3 ans. Le Ministère des travaux publics a produit des orthophotoplans (photographies aériennes assemblées, corrigées géométriquement, avec surcharge des limites de communes, de province et frontières) en 1972 pour la Flandre et en 1979 pour la Wallonie. Les trois régions enregistrent aussi des photographies aériennes à des échelles plus fines (environs 1 : 5 000) dans le cadre de la production de bases de données topographiques à grande échelle. Dès les années 1970, les premiers satellites d’observation de la terre sont sur orbite et enregistrent des images de la Terre dans des longueurs d’onde s’étalant du visible au proche infrarouge avec une résolution spatiale de 80 mètres. Dans le courant des années ’80, la résolution spatiale s’affine et est de l’ordre de 20 à 30 m. Dans les années 2000, on atteint une résolution spatiale métrique. Ces images de plus en plus détaillées permettent de distinguer des objets de plus en plus petits et d’étudier la ville à différentes échelles spatiales. 1.2.3 Précautions préalables à l’exploitation des images vues du ciel Une série d’informations sont nécessaires pour une exploitation correcte des images. • Il est indispensable de pouvoir se localiser sur les images de façon absolue en coordonnées géographiques (ou cartographiques); en effet, cela permet de positionner l’image par rapport à d’autres documents géographiques, de superposer des limites administratives, des routes, l’hydrographie, des noms de lieux, mais aussi d’interpréter l’image à l’aide de connaissances a priori sur la zone d’étude. • Il peut être utile de pouvoir localiser les images de façon relative (surtout lorsqu’elles sont imprimées sur papier ou qu’elles ne sont pas localisées en coordonnées cartographiques) ; par exemple, un plan de vol permet de positionner les photographies aériennes d’un survol les unes par rapport aux autres et de facilement trouver les photos voisines. • Il est indispensable de connaître la date de l’image ; en effet, non seulement, le développement de la végétation est fonction de la saison, mais le territoire change avec le temps. • L’échelle ou la résolution spatiale sont également importantes pour estimer la taille des objets qui peuvent être identifiés sur l’image. L’exploitation des images ne peut être effectuée sans être conscient des déformations géométriques qui peuvent l’altérer. • Le nord n’est pas forcément vers le haut de l’image ; cela dépend de la prise de vue. • L’échelle est altérée selon le relief : les points situés en altitude étant plus proches sont vus proportionnelement plus grands. • Les objets élevés tels que des bâtiments paraissent couchés lorsqu’ils sont éloignés du nadir de l’image (= déviation radiale ou latérale) Un ortho-photo (-image) sont des images où ces déformations géométriques ont été corrigées. Elles peuvent alors être utilisées comme une carte, y compris pour y mesurer des distances ou des surfaces. Un orthophoto-plan ou une spatio-carte est une image aérienne ou satellitaire corrigée du point de vue géométrique avec en superposition des limites administratives, le réseau routier, l’hydrographie, les noms de lieux, … Ces images sont captées dans le visible et dans l’infrarouge ; ces longueurs d’onde ne traversent pas les nuages et sont affectées par la brume et la pollution. La disponibilité des images varie en fonction du climat et de la météo du jour. Les images sont enregistrées avec des techniques assez stables dans le temps, ce qui facilite leur comparaison diachronique. Ces images doivent être interprétées contrairement aux cartes topographiques ; elles n’ont pas de légende. L’interprétation est basée sur la couleur et la teinte des surfaces, la dimension et la forme des objets, la texture, … La détection et l’interprétation des objets dépendent de la résolution spatiale des images ; plus la résolution spatiale est fine, plus l’interprétation sera facile. L’image ne fournit que des informations sur la nature des objets, les surfaces au sol (occupation du sol), mais pas sur leur usage (utilisation du sol) ; on ne voit pas directement l’utilisation d’un bâtiment (une forme particulière peut correspondre à deux fonctions différentes). 1.2.4 Exploitation des images vies du ciel pour les villes A petite échelle, on peut identifier et cartographier l’emprise urbaine et son évolution, mais aussi suivre la pollution et l’ilot de chaleur au dessus des villes. 2 A une échelle moyenne, il est possible d’identifier, caractériser et cartographier les quartiers urbains et leur évolution, les espaces verts, les grands axes routiers, … On peut aussi évaluer le remplissage des zones d’affectation au plan de secteur, telles qu’un zoning industriel ou une zone réservée à l’habitat A grande échelle, on peut identifier, caractériser et cartographier des bâtiments, routes, arbres, pelouses, terrains de sports, piscines, … et leur évolution. On peut suivre et évaluer l’état de la végétation, mesurer la température du toit des bâtiments, … 1.2.5 Sources d’images aériennes ou satellitaires Il existe 2 sites principaux qui permettent de visualiser pour toute la Terre des photographies aériennes et des images satellitaires : celui de Microsoft (Bing Maps) et celui de Google (Google Maps). Ces sites assemblent et géoréférencent des images aériennes et des images satellitaires. Au delà de l’intégration des données libres de droit, chacun a des accords commerciaux avec des distributeurs d’images et est donc susceptible d’offrir une vue un peu différente de certaines zones moins bien couvertes en images à résolution fine. L’interface permet de facilement visualiser les territoires, de faire varier le degré de zoom, de faire des impressions, d’effectuer quelques mesures de base, des impressions, de visualiser le territoire en 3 dimensions, … La version Pro de Google Map est gratuite depuis janvier 2015 et comprend des fonctionnalités intéressantes telles que l’affichage par date d’enregistrement, la mesure de superficie d’un polygone, le géocodage d’adresse, la visualisation de données cartographiques complémentaires, une meilleure qualité d’impression, …. Sur Bruxelles, la Région de Bruxelles-Capitale a développé un site appelé Bru-Ciel qui permet de visualiser et de comparer les photographies aériennes actuelles et anciennes depuis 1930, et de les mettre en relation avec des images vues au sol. 1.3 De la vision verticale à la vision horizontale Les cartes et images vues du ciel fournissent une vision verticale du territoire qui ne correspond pas à la définition la plus courante du paysage. Des images prises au sol permettent de restituer la forme verticale des objets, ce qui est particulièrement important en milieu urbain car cela conditionne les vues, les perspectives. Les principales sources de données pour trouver des images du passé sont les cartes postales et pour le présent, Google Street View ainsi que les photos de terrain. Quelque soit la source de données, il faut noter que toutes les images (peut être à l’exception de Google Street View) sont cadrées et centrées sur l’objet d’intérêt principal se trouvant au centre du « champ » de l’image et les informations annexes à la périphérie. Dans toute photo, il y a toujours plans : un avant-plan assure la profondeur du champ, puis on distingue le premier plan, second plan, … jusqu’à l’arrière plan et parfois la ligne d’horizon. Ces notions de champ de prise de vue et de plans doivent être utilisés lors de la description d’une image. La qualité de la photo peut être très variables selon les conditions météo qui déterminent l’éclairage. Celui-ci souligne certains éléments du paysage, alors que l’ombre portée en masque d’autres. Pour être utile en géographie, toute image doit être accompagnée d’un titre renseignant sur le lieu, le sujet et la date de prise de vue, mais aussi d’une légende indiquant les éléments importants du contenu, les intentions de l’auteur, une question, … 1.3.1 La carte postale paysagère Grace aux collectionneurs et à la valeur des cartes postales anciennes, on trouve assez facilement des cartes postales sur une multitude de lieux, ce qui en fait un document iconographique historique de choix. La carte postale apparaît vers 1870. Il s’agit d’un simple carton édité par l’Office des Postes, sans illustration, moins couteuse qu’une correspondance fermée. Vers 1880, la poste autorise son illustration avec un dessin ou une gravure. Vers 1890, apparaissent sur les cartes postales les premières photographies de sites, monuments, rues, ou paysages urbains et ruraux. 3 Pour dater une carte postale, il ne suffit pas de regarder le cachet de la postale (lorsque celui-ci peut être déchiffré) car elle peut avoir été envoyée bien après son impression. Dès lors, quelques éléments pratiques peuvent appuyer leur datation : • Vers 1900, le format est de 9 x 14 cm • Après 1904, l’adresse du destinataire est séparée du texte de l’expéditeur par une ligne • Avant les années ’20, on a des cartes postales en noir et blanc ou sépia, alors qu’après 1920, elles sont souvent coloriées. • Fin des années ’30, le format change et est de 10 x 15 cm • Après les années ’60, les cartes postales sont souvent des photographies en couleurs. En milieu rural, ces cartes postales sont souvent des vues panoramiques, alors qu’en milieu urbain, il s’agit davantage de lieux précis tels qu’une rue, une place, un édifice, un commerce, une statue, … En exploitant des cartes postales, il faut faire attention que le cadrage n’est pas neutre ; il s’agit d’un produit commercial qui par définition ne peut montrer des choses considérées comme laides ou sans intérêt. Par ailleurs, l’image peut avoir subit des retouches. Enfin, ces cartes postales ont de la valeur ; on peut imiter des cartes postales anciennes. Néanmoins, l’exploitation de ces cartes anciennes nous permet de visualiser des lieux dans la ville dans le passé sans recourir à la machine à remonter le temps et de les comparer à des photographies récentes. Il faut bien entendu les rechercher en fonction de l’objectif de la recherche. La carte postale trouvée, il faut l’identifier, la décrire, l’interpréter et exploiter les renseignements dans la recherche en fonction de la confiance que l’on accorde à cette information. • L’identification doit inclure la date, la localisation mais aussi répondre aux questions suivantes qui sont plus délicates : Pourquoi a-t-elle été réalisée et dans quel contexte ? Qui en est l’auteur (personnalité, milieu social, formation, etc) ? A qui était-elle destinée ? • La description doit répondre aux questions suivantes : Quels sont les lieux représentés ? Qui sont les personnages représentés mais aussi leurs attitudes, expressions, gestes, habillement, … ? Quelles sont les actions représentées ? Quelles sont les mentions figurant sur l’image ? • L’interprétation doit permettre de comprendre quelle est la signification exacte de la scène représentée ? Pourquoi avoir choisi de représenter cette scène ? Pourquoi tels lieux, tels personnages, tels gestes, telles activités, … ? • 1.3.2 La photo au sol La première étape est de trouver, choisir et réaliser une photo représentative de ce que l’on veut montrer. Ensuite, il faut la reproduire la photo de façon lisible (couleur, contraste, taille) et y repérer les éléments représentatifs à commenter. Le commentaire doit être préparé à l’aide d’autres ouvrages/documents et synthétiser les idées essentielles. Il est agréable de rattacher les commentaires aux éléments de la photo (flèches). Une des sources assez extraordinaire de photographies au sol est Google Street View. Ce projet a été lancé en mai 2007. Il offre un panorama à 360° des rues. Ces images sont enregistrées par une voiture équipée d’une caméra spéciale. Le projet a commencé aux USA mais il est progressivement étendu au reste du monde. Ces données posent un problème de respect de la vie privée même si Google a brouillé les visages de sorte qu’on ne reconnaisse pas les personnes. 4