Table ronde autour du rapport de l`UNICEF sur les mutilations

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Table ronde autour du rapport de l`UNICEF sur les mutilations
Table ronde autour du rapport de l’UNICEF
sur les mutilations génitales féminines/excision
Discours d’introduction de Michèle BARZACH,
présidente de l’UNICEF France
Lundi 7 octobre, 9h15-11h30
Ministère des Affaires étrangères, Centre de Conférence,
27 Rue de la Convention, 75015 Paris.
Bonjour à toutes et à tous,
Merci d’être venus aussi nombreux autour d’un sujet majeur de
mobilisation pour l’UNICEF et pour nous tous ici réunis.
Je tiens tout d’abord à remercier le Ministère des Affaires étrangères
et tout particulièrement Madame Hélène CONWAY-MOURET, ministre
déléguée chargée des Français de l’étranger, qui a mis à notre
disposition ce lieu de rencontre. Je tiens également à remercier le
Collectif Excision, Parlons-en qui a pris l’initiative de cette réunion.
Par ailleurs, je salue chaleureusement les personnes que je connais
dans cette salle, notamment le docteur Pierre FOLDES, compagnon de
route de longue date dans la lutte contre l’excision et pionner de la
réparation chirurgicale des femmes ayant subi des mutilations génitales.
Pierre FOLDES s’exprimera un peu plus tard au cours de notre table
ronde.
Je tiens enfin à accueillir Claudia CAPPA, auteure du Rapport sur les
mutilations génitales féminines et l’excision que l’UNICEF a publié cet
été. Claudia, vous êtes chargée des statistiques au siège de l’UNICEF à
New-York ; le rapport dont vous êtes l’auteure est une somme
exceptionnelle de données statistiques et d’informations sur le sujet. Il
constitue un outil d’expertise et de combat contre les mutilations
génitales d’une immense richesse. Je vous remercie donc d’être parmi
nous.
Bien que je sois depuis très longtemps engagée dans la lutte contre les
mutilations génitales, je ne peux m’empêcher d’être encore ahurie par ce
que Claudia va nous présenter dans quelques minutes. Malgré les
tentatives menées depuis près d’un siècle pour les éliminer, les MGF/E
continuent d’être pratiquées sur des millions de petites et jeunes filles
Discours Michèle BARZACH UNICEF France Table ronde MGF 07 10 2013
chaque année. Sans rentrer dans le détail des chiffres, 125 millions de
filles et de femmes actuellement en vie dans 29 pays d’Afrique et du
Moyen-Orient ont subi une forme de mutilations génitales ! 125 millions
de filles et de femmes qui ont vu leur corps ne plus leur appartenir le
temps d’un geste d’une extrême violence. 125 millions de filles et de
femmes marquées, parfois handicapées à vie au nom de traditions d’un
autre temps et de normes sociales qui violent leur intégrité au plus près
de leur intimité et portent atteinte à leurs droits les plus élémentaires. 30
millions d’autres filles risquent d’être victimes de ces pratiques dans
les dix prochaines années.
Dans des pays comme la Somalie, la Guinée, Djibouti ou encore
l’Egypte, plus de 90% des filles et des femmes de 15 à 49 ans ont été
mutilées. Plus révoltant encore : à Djibouti, en Erythrée, au Niger, au
Sénégal et Somalie, plus de 20% des filles mutilées sexuellement ont
été soumises à la plus radicale et barbare des pratiques : l’infibulation,
qui consiste dans l’ablation et la suture des parties génitales. Médecin
gynécologue de formation, je sais ce que cela représente comme
souffrance et lésions irréparables pour les filles, parfois très jeunes qui
subissent ces actes d’une brutalité inouïe. Les filles et les femmes qui
ont subi ces atteintes en subiront toute leur vie le poids, avec tous les
risques que cela comporte pour leur santé.
Femme engagée aux côtés des femmes pour le respect de leurs droits
et contre les violences qui leurs sont faites depuis près de 40 ans, je suis
indignée par la persistance de ces pratiques, qui se perpétuent encore
trop largement dans un accord tacite de silence, avec la participation des
femmes elles-mêmes, prisonnières du poids de la tradition et de la
norme sociale.
Je suis indignée, mais aussi optimiste. Claudia nous le dira : le rapport
de l’UNICEF montre que les MGF reculent dans un peu plus de la
moitié des 29 pays étudiés, en particulier au Kenya, en Tanzanie, en
RCA, au Libéria, mais aussi en Irak et au Nigéria. Nous montrons
également dans notre rapport que le soutien des femmes à ces
pratiques est lui aussi en baisse, y compris dans les pays à forte
prévalence. Par ailleurs, de plus en plus d’hommes, jeunes et vieux, sont
pour l’abandon des MGF, ce qui est très important pour le succès de
notre combat. Pour les militants que nous sommes, le recul est encore
trop lent, le chemin de l’élimination de ces pratiques encore très long
mais nous devons construire sur les progrès et investir sur ce qui
marche : le travail avec les communautés, le plaidoyer auprès des
Discours Michèle BARZACH UNICEF France Table ronde MGF 07 10 2013
Etats pour un renforcement législatif, la lutte contre les mariages forcés
et/ou précoces, le combat pour l’évolution du statut de la femme et de la
petite fille.
Notre réunion se tient à quelques jours de la journée de la petite fille,
le 11 octobre et cela n’est pas un hasard. Cette Journée internationale
met un accent particulier sur l’accès à l’éducation des filles. Je ne dirai
jamais assez à quel point l’accès des filles à l’école, puis au collège, puis
au lycée est la pierre angulaire de la lutte contre les violences à
l’encontre des filles et des femmes, quelles qu’elles soient. S’ouvrir et
accéder au savoir c’est développer son autonomie de femme et sa
liberté de choix, c’est mettre de la distance avec les traditions séculaires,
c’est être en capacité de dire non et de ne pas reproduire l’inacceptable
sur ses propres enfants.
C’est ensemble, avec les pouvoirs publics comme avec les
représentantes et représentants de la société civile que nous
parviendrons à faire reculer puis définitivement disparaître ces pratiques
indignes d’un monde moderne. Sur le terrain, l’approche de l’UNICEF
réside bien dans la mobilisation des différents niveaux de la société, de
la communauté au sommet de l’Etat, en passant par les associations, les
acteurs de soin, les enseignants, les pères et maris, etc. L’initiative
Excision, Parlons-en qui réunit en son sein des acteurs très divers, tous
engagés dans le même combat, nous paraît contribuer efficacement à ce
combat mondial. C’est pourquoi l’UNICEF France a décidé de s’associer
à la Charte de mobilisation. L’UNICEF sera par ailleurs partie prenante,
sous une forme qui reste à définir, de la Conférence internationale de
février 2014.
Je laisse maintenant la parole à Claudia CAPPA qui va nous présenter
dans le détail le rapport de l’UNICEF. Claudia, c’est à vous.
Discours Michèle BARZACH UNICEF France Table ronde MGF 07 10 2013