EXTERNALISATION DE LA LOGISTIQUE POURQUOI DEPASSER
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EXTERNALISATION DE LA LOGISTIQUE POURQUOI DEPASSER
EXTERNALISATION DE LA LOGISTIQUE : POURQUOI DEPASSER LA NOTION DE SOUS-TRAITANCE Xavier Urbain Directeur Général de FDS L’enjeu de l’externalisation s’est complètement modifié du fait de la complexité des opérations et de l’importance stratégique que revêt la fonction logistique. De simples transporteurs ou entreposeurs, les prestataires sont devenus aujourd’hui beaucoup plus que des partenaires ce qui confère une perspective, un sens radicalement nouveau au concept même d’externalisation. Une dimension stratégique fondamentale Devenue une chaîne complète de prestations, organisées et contrôlées couvrant toutes les opérations du lieu de production au consommateur final, la logistique constitue dans bien des secteurs, l’un des derniers gisements de productivité, pour les industriels comme pour les distributeurs. Elle prend une part décisive dans la performance des entreprises, dans la qualité du service, qu’il s’agisse d’optimiser chaque m² de vente en évitant les ruptures, de servir les politiques des marques. Les nouvelles approches qui visent à adapter l’offre en fonc- tion d’une demande elle-même en perpétuelle évolution - qui devraient déboucher sur une organisation et une gestion interactive du type « ECR »-, ne peuvent se concrétiser réellement qu’avec l’appui d’une véritable force de frappe logistique faisant appel à des systèmes d’informations toujours plus performants. De nouveaux territoires, de nouvelles compétences Alors que dans tous les secteurs, de la grande consommation alimentaire et non alimentaire, à l’industriel, les processus d’externalisation ont tendance à s’accélérer, les relations des entreprises avec leurs prestataires logistiques s’élargissent, se professionnalisent. On est entré dans une logique de flux tiré. On doit aussi faire face à des phénomènes de massification toujours plus importants en amont - d’où l’importance réelle de la taille du réseau -. Les prestataires sont amenés à gérer un service après-vente en disposant d’équipes immédiatement opérationnelles, formées à des technologies complexes, ou à personnaliser une offre produit au dernier moment au travers notamment du co-packing. Les moyens et techniques utilisés ont fait un bond qualitatif, ce qui nécessite d’autres modes d’organisation où l’on cherche à optimiser le savoir-faire et l’expérience, en 57 Au-travers de son réseau de 40 plates-formes en France développant un Chiffre d’affaires de 850 millions de francs en 1995, FDS figure parmi les grands de la logistique en France : s’affirmant comme un véritable partenaire des industriels et distributeurs, répondant de manière optimisée à la demande spécifique de chaque client, cherchant en permanence par sa réactivité à répondre aux grands enjeux de la logistique, désormais véritable arme stratégique. LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 n° 1 - 1996 modélisant, en « industrialisant » les process. Cela implique d’autres niveaux d’investissements. La plate-forme FDS d’Orléans à nécessité un engagement de plus de 100 millions de francs, le développement de Mayne-Stream, système d’informations, 17 millions. Des exemples qui préfigurent ce que seront les minimums de demain. La fin de la sous-traitance 58 Les compétences comme les responsabilités changent de registre, même s’il est clair que les notions de coûts et de flexibilité constituent toujours les premières attentes. Aujourd’hui on demande au prestataire logistique, de variabiliser les coûts, ce qui revient à faire de lui un investisseur partenaire. Partenaire également lorsqu’il faut gérer le dossier social (application de l’article L122.12 du Code du Travail), une des conditions essentielles de la réussite de l’externalisation. La notion de sous-traitant définit également assez mal toute sa contribution à la recherche de nouvelles valeurs ajoutées pour que «les solutions adoptées ne se contentent pas de reproduire au dehors celles qui étaient appliquées à l’intérieur de l’entreprise mais contribuent à améliorer le service client » comme l’indique M. Badet, Président de NCR, qui fait appel à FDS pour gérer le S.A.V. de ses produits. La logistique vit, comme le rappelait P. Dornier, « les mêmes mutations que l’industrie automobile quand on est passé de la notion de sous-traitant à celle d’équipementier ». Si les différents partenaires ne sont pas prêts à intégrer ce changement radical de la dimension, de l’implication, les perspectives de l’externalisation ne seront pas à la hauteur du changement. Les conditions de l’externalisation Réussir l’externalisation de sa logistique passe non seulement par l’établissement d’un cahier des charges précis, mais aussi par une volonté « de mettre à plat le processus dans sa totalité ». Lorque Vénilia a LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 n° 1 - 1996 lancé sa consultation, la solution qui a été apportée par FDS a été novatrice. Elle préconisait une nouvelle localisation du dépôt central, dans certains cas une présentation et une manipulation différentes du produit en dépôt sans oublier bien entendu le volet social... Cette approche globale et totalement partenariale, comme le titrait « l’Essentiel du Management », a permis à Vénilia d’obtenir en moins d’un an des performances qui dépassent largement les niveaux atteints dans le passé notamment en termes d’économie. S’engager sur des objectifs clairs, sur lesquels seront évalués les résultats est essentiel, mais le plus important est sans doute que se constitue un réel « esprit d’équipe » réunissant les compétences réciproques afin que très rapidement tout le personnel des dépôts se sente autant CPC, Fralib, NCR... que FDS. Et véritable paradoxe, s’il est nécessaire d’aller toujours plus vite - les dossiers FDS récents se sont concrétisés en moins de huit mois alors qu’il fallait construire une nouvelle plate-forme comme à Roye pour CPC, Epernon pour Benckiser... - sans doute fautil aussi accepter et prévoir qu’un démarrage c’est au minimum trois mois de « pression », qu’il faut en général six mois pour constater les résultats. Se donner la possibilité d’évaluer la qualité des prestations fournies, les coûts, au travers d’engagements à moyen terme. Si cette démarche devenait une plus large réalité, il est probable qu’elle permettrait de nouvelles avancées. Démarrages : Ce qui est essentiel Le « démarrage » avec un nouveau prestataire, surtout lorsqu’il s’agit de procéder pour la première fois à l’externalisation de la fonction logistique est une étape éminemment décisive. Nous avons demandé à deux entreprises, qui ont vécu cette phase en 1995, leur avis et en quelque sorte « le conseil » qu’elles pourraient donner. Pour M. Guillerot, Directeur Général d’Abelia Décor, le plus important est bien entendu que le client reçoive en toute circonstance le niveau de service qu’il est en droit d’attendre de son fournisseur. Aussi préconise-t-il de mettre en place une structure qui puisse mesurer pendant toute la durée du démarrage (soit 3 à 4 mois minimum et mieux six mois) la qualité du service client, exprimée notamment en termes d’erreurs de préparation, de délai de livraison, de taux de rupture... Parce que même si le dossier est parfaitement préparé (aujourd’hui pour Abelia le niveau de prestations est bien supérieur à la situation d’avant l’externalisation), il est évident qu’il y a toujours quelques problèmes au début qui se doivent d’être immédiatement gérés par ce type d’équipe réunissant en partenariat, client et prestataire. M. Badet, Président Directeur Général de NCR et son directeur logistique D. Saget, rejoignent tout à fait M. Guillerot quant à la nécessité d’une cellule dédiée au contrôle de l’efficacité en supervision des équipes opérationnelles, mais un autre élément leur paraît tout aussi fondamental : il concerne la dimension sociale du dossier. Réussir implique de gérer le passage d’une organisation à une autre avec toutes ses conséquences sur le plan des hommes : reconversion, changement de lieu de travail, de méthodes..., tout doit être parfaitement explicité afin de rassurer et de mobiliser les énergies. De par son expérience, le prestataire doit jouer ce rôle très important afin que puisse démarrer l’activité dans une « trajectoire de progrès ». L’intégration du co-packing : facteur de réactivité Le co-packing (conditionnement à façon), est de plus en plus un effet de levier commercial pour les industriels, toujours dans la logique de mise sous tension de la chaîne logistique. Il est donc devenu primordial d’intégrer co-packing et entreposage. La conjoncture économique avec pour corrolaire une compétitivité exacerbée, nécessite de répondre de manière toujours plus pointue et rapide à la pression promotionnelle et à une demande toujours plus personnalisée (trade marketing...). Il est indispensable de pouvoir différencier les offres le plus tard possible et cela en juste à temps. On ne reconditionne plus un ou deux millions de produits que l’on stockera, mais on produit des lots spécifiques en petites quantités immédiatement livrés, mettant en scène pour chaque enseigne ou même dans certains cas pour un hypermarché donné, une promotion ou une offre particulière. Cette évolution s’inscrit dans le modus operandi plus général de la logistique, qui fait du co-packing un champ de valeur ajoutée privilégié, un outil parfaitement paramétré vis à vis de la demande, d’où le rachat par FDS, début 1995, de ATOUTPACK et SPI, deux sociétés reconnues dans ce domaine pour leur compétence. L’ouverture en janvier 1996 d’une unité nouvelle de 4000 m² à Lens démontre clairement pour des clients tels que Heinz (dont le dépôt central est implanté à Lens) les avantages concrets que l’on peut attendre de ce type d’intégration : simplification des circuits avec un interlocuteur unique, économies d’échelle significatives notamment au niveau des navettes vers et de l'atelier de conditionnement, réactivité et rapidité plus grandes des opérations en évitant les ruptures de charges. C'est aussi pourquoi FDS a choisi de déployer ses activités de copacking dans des ateliers intégrés à nombre de dépôts centraux de son réseau, comme Roye, Epernon ou Marne-La-Vallée. L’intégration copacking / logistique s’inscrit parfaitement dans la logique de différenciation «au plus tard » des produits vers la Grande Distribution, l’intégration du traitement des opérations de bout de chaîne et le traitement de petites séries : un atout pour agir de manière toujours plus proche et réactive vis-à-vis du consommateur final. L’enjeu est d’être à la fois capable de proposer de nouvelles solutions packaging en relation avec la stratégie marketing de l’industriel et, pour cela intégrer de nouvelles technologies garantes, avec un coût maîtrisé, d’une présentation plus efficace du produit en linéaire et intervenir en amont du process en participant effectivement avec l'industriel à la conception même des lots à réaliser. Ainsi, au niveau des activités de Lens, la fabrication des lots s'ordonne en deux temps : LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 n° 1 - 1996 59 - définition d'un contrat global incluant spécifications et quota de lots à réaliser permettant notamment une prévision en matière d'achat de consommables. - cadencement de la fabrication des lots, par tranches, en fonction des commandes effectives reçues par l'industriel avec une prévisibilité ne dépassant pas 3 à 4 semaines avant la fabrication, elle même n'anticipant la mise en rayon que de quelques jours. Avec l’informatisation des process (GPAO...), un service qui prend en compte tous les aspects du co-packing, la réalisation en direct de la photogravure et de l’impression, une recherche permanente de la qualité (à noter que SPI est en cours de certification ISO 9002), la création d’une unité agréée alimentaire... l’efficacité atteinte par le co-packing intégré est clairement démontrée. En 1996 et 1997, FDS sur le modèle de ce qui a été réalisé à Lens, ouvrira sur les sites stratégiques de son réseau, des structures dédiées au co-packing, afin d’offrir à un maximum de ses clients oeuvrant notamment dans la grande distribution, un outil de co-packing performant. 60 Néanmoins copacking et logistique doivent conserver un traitement différencié, le premier étant orienté vers la mise en valeur du produit, le second vers l’optimisation de la gestion des flux : deux objectifs complémentaires mais faisant appel à des techniques et modes de management différents et dûment identifiés. La mesure et le suivi de la performance Lorsqu’un dossier logistique est sous-traité à un prestataire de services, il est quasiment systématiquement rédigé, en parallèle au contrat commercial, un cahier des charges, descriptif de l’ensemble des modes opératoires. LOGISTIQUE & MANAGEMENT vol 4 n° 1 - 1996 Malgré l’importance des informations prises en compte, il est toujours difficile de considérer à ce stade que ce document permettra de régir 100% des opérations. C’est pourquoi, la mise en oeuvre d’une démarche en trois étapes nous paraît la plus opérante. Lors du lancement d’un nouveau site et avant de rentrer dans des calculs très pointus de mesure de performance, il est important dans une première étape de revalider en terme de gestion des flux physiques et flux d’information que l’ensemble des process détaillés dans le cahier des charges répondent parfaitement aux besoins. Si ce n’était le cas, le cahier des charges devrait être amendé en conséquence. En tout état de cause, dès le démarrage de l’activité, doivent être mis en place les indicateurs de performance basiques permettant de valider le niveau de service et d’en suivre l’évolution. Il en va de même pour la mesure de performance en matière de productivité. Cette étape terminée - entre 3 et 9 mois selon les sites -, la seconde étape sera engagée ; il s’agit, avant tout d’identifier les process opératoires non générateurs de valeurs ajoutées, que ce soit en matière de coût ou de service. C’est ainsi que des ratios de performance détaillés doivent être mis en place à tous les stades de la chaîne afin de rendre l’outil totalement qualitatif et productif. De nouveau de 3 à 12 mois avant d’aborder l’ultime phase, celle de revalidation des process - opérationnels et de gestion des flux d’information -, avec l’objectif de continuer à faire évoluer globalement l’organisation logistique. Un raccourci des trois étapes qui doivent être menées en total partenariat entre client et prestataire et qui confirment qu’en logistique, on ne peut jamais considérer avoir atteint la solution optimale. Il est donc vital pour nous, prestataire, d’être capable à tout moment de remettre en cause nos organisations dans l’intérêt de nos clients.