. Une Loge pseudo-maçonnique au Canada français : l`Ordre de

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. Une Loge pseudo-maçonnique au Canada français : l`Ordre de
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Une Loge pseudo-maçonnique au Canada français :
l’Ordre de Jacques-Cartier ou « la Patente »
(1926-1971)
Jacques G. Ruelland
Trois-Rivières, QC
110915
Un groupe de fonctionnaires fédéraux
francophones,
réunis
autour
d’un
ecclésiastique, fondent à Ottawa en 1926
l’Ordre de Jacques-Cartier, connu également
sous le nom de « la Patente ». Ces hommes
sont très préoccupés par le sort de leur groupe
ethnique. Ils sont convaincus que s’ils
n’agissent pas rapidement, les francophones
catholiques seront de plus en plus tenus à
l’écart des lieux de pouvoir et, par le fait
même, assimilés. Ils décident donc de fonder
une société secrète qui agira dans l’ombre pour
forcer la société canadienne à reconnaître la communauté francophone et
à lui faire une place. L’Ordre prend naissance dans la capitale
canadienne et étend rapidement son influence aux quatre régions
canadiennes où se regroupent les francophones : en Ontario, au Québec,
en Acadie et dans l’Ouest. « La Patente » tente d’exercer son influence
en infiltrant les organisations francophones. Sa progression est constante
jusque vers 1960. Par la suite, les dissensions profondes entre sa
direction, exercée exclusivement d’Ottawa, et l’aile québécoise de
l’organisation, deviennent insoutenables et provoquent sa dissolution.
L’histoire de l’Ordre est liée à deux visions du « Canada français » qui
se dessinent, s’affrontent, puis se dissocient : celle d’une communauté
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francophone solidaire répartie sur l’ensemble du territoire canadien,
voire même jusqu’en Nouvelle-Angleterre, et celle d’une communauté
francophone possédant son propre État (le Québec), dont la force suffit à
promouvoir les intérêts des francophones hors Québec.
La fondation de l’Ordre de Jacques-Cartier
On ne peut remonter aux sources de l’Ordre de Jacques-Cartier sans
évoquer un dialogue resté célèbre dans la mémoire des fondateurs, qui
l’ont reconstitué et souvent rappelé. Au cours de cette conversation, qui
aurait eu lieu en 1926, l’abbé François-Xavier Barrette, curé de la
paroisse Saint-Charles d’Ottawa, persuade Albert Ménard, un ingénieur
civil travaillant au Bureau de l’ingénieur-en-chef au ministère des
Travaux publics à Ottawa, de la nécessité de bâtir une organisation
faisant concurrence à la franc-maçonnerie anglo-saxonne, pour éviter
l’assimilation et assurer l’avenir des Canadiens français au sein de la
fonction publique fédérale. Il faut, fait valoir l’abbé Barrette, donner à
l’organisation des assises catholiques et canadiennes-françaises mais
agir comme le font les francs-maçons anglophones, efficacement et dans
l’ombre, en favorisant d’abord les membres de leur organisation.
Réunissant autour d’eux une poignée d’hommes dont ils connaissent
bien les convictions, Albert Ménard et l’abbé Barrette organisent, dans
le plus grand secret, une rencontre au presbytère de la paroisse SaintCharles d’Ottawa le 22 octobre 1926. Au cours de cette réunion, on
décide de fonder une société secrète et Albert Ménard en devient le
président. Les réunions se succèdent par la suite à un rythme constant.
En novembre, on débute l’élaboration d’une constitution et en décembre,
on décide qu’une société secrète a absolument besoin d’un rituel, dont
on confie l’élaboration à Émile Lavoie, troisième personnage clé de cet
organisme naissant. Émile Lavoie a été initié à la franc-maçonnerie en
1925 dans la Loge Dénéchau, de Montréal (fondée en 1906) et il y a été
élevé au Grade de MM, quelques jours avant de quitter cette Loge, non
sans partir avec les rituels des trois Degrés. La première initiation de
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nouveaux membres de l’Ordre de Jacques-Cartier a lieu à l’hiver 1927,
selon un rituel qui ressemble à s’y méprendre au rituel maçonnique… en
usage à l’époque dans la Loge Dénéchau, à savoir celui du Rite Écossais
Ancien et Accepté. En 1925, un décret du Grand Maître de la Grande
Loge du Québec, le PVF W.J. Ewing, stipulera que le seul rite en usage
à la GLQ sera le Rite Émulation – et l’on sait quel effet ce décret eut sur
l’avenir de notre Obédience – avec une dérogation pour la seule Loge
des Cœurs-Unis no 25, qui a accepté en 1870 de devenir membre de la
GLQ à la seule condition de garder, au sein du rituel de Rite Émulation
du premier Degré, une partie du rituel d’Initiation du Rite Écossais
Ancien et Accepté.
La commanderie est la cellule locale de l’organisation. La première à
voir le jour est appelée commanderie Dollard, à laquelle se joignent
bientôt quelques commanderies du côté du Québec. En 1930, l’Ordre
compte déjà 16 commanderies, dont neuf sont situées en Ontario et deux
dans l’Ouest, le reste étant des commanderies du Québec. Dans les
années 1930, la progression de l’Ordre est plus rapide et plus importante
au Québec qu’en Ontario. En 1934, l’organisation compte 59
commanderies, dont 39 au Québec et 13 en Ontario. L’ensemble des
régions où se concentrent les Canadiens français sont maintenant
représentées : Ontario, Québec, Acadie, Ouest.
La nature, les buts et les objectifs
L’Ordre de Jacques-Cartier, bien qu’il soit une société secrète, tient tout
de même à son incorporation et obtient ses premières lettres patentes
auprès du Secrétaire d’État du Canada le 4 octobre 1927. Il a donc une
existence juridique légale assurant qu’il n’agit pas illégalement et ne
menace en rien l’ordre établi. L’Église connaît et approuve l’existence
de l’Ordre. Elle y nomme des aumôniers et participe activement à la vie
de l’organisation. Le chanoine Lionel Groulx, historien et ecclésiastique
célèbre, accepte volontiers d’associer son nom à l’Ordre. L’aspect
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religieux tient assurément une place primordiale dans les valeurs que
veut répandre l’organisation. L’aspect national est, quant à lui,
fondamental puisque l’Ordre a pour but l’avancement des Canadiens
français dans tous les domaines, tant économique et social que religieux,
éducatif et intellectuel. Association à caractère national, l’Ordre de
Jacques Cartier vise à former et grouper une élite militante, en vue
d’atteindre, dans la discrétion, le bien commun des Canadiens français
catholiques, tant au point de vue spirituel que matériel. Les membres
sont choisis avec soin; ne devient pas membre de l’Ordre qui veut. Il
faut être sollicité par un membre en règle et accepté par les responsables
d’une commanderie pour y entrer. Les membres ne retiennent que les
candidats qu’ils jugent animés d’un patriotisme sincère, à qui ils croient
pouvoir inculquer l’esprit de l’Ordre : la foi inébranlable dans les
objectifs de l’organisation, la discipline dans l’obéissance aux mots
d’ordre et la discrétion.
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Une société secrète
L’idée de fonder une société secrète est motivée par les craintes de voir
des éléments anglophones utiliser diverses tactiques pour nuire à un
organisme de nature publique, qui aurait pour but de promouvoir le bienêtre du groupe canadien-français. En donnant à leur organisation un
caractère secret, les fondateurs de l’Ordre croient pouvoir en maximiser
l’efficacité. Il faut dire que les organisations secrètes sont à la mode à
l’époque. Les fondateurs se convainquent mutuellement que les
Canadiens français doivent eux aussi avoir leur société secrète. Le côté
secret s’affirme au cours des premières années mais ne semble pas établi
de façon définitive au début. Avec le temps cependant, il prend de
l’importance. L’appellation populaire « La Patente », par laquelle
l’Ordre est souvent désigné, traduit bien la nature mystérieuse et secrète
de l’organisation. « La Patente » ne laisse rien paraître officiellement et
adopte des noms de façade lors de ses congrès : L’Entraide inc. (1952) et
l’Association culturelle canadienne (1964). Des abréviations sont
utilisées dans la correspondance et les documents mis en circulation, y
compris dans les programmes des congrès, le journal L’Émerillon, le
Bulletin et les circulaires : O. (Ordre de Jacques-Cartier), CX
(chancellerie), XC (commanderie locale, XCC au pluriel), S. CX
(secrétaire de la chancellerie), etc. « DISCRÉTION » est le mot d’ordre
le plus répandu dans l’Ordre. Un membre ne doit jamais révéler à
quiconque son appartenance à l’organisation, pas même à son épouse.
Les membres se reconnaissent entre eux par une poignée de main
caractéristique. Elle ne doit pas servir à vérifier si tel ou tel individu fait
partie de l’Ordre, mais plutôt à se faire connaître de quelqu’un dont on
sait déjà l’appartenance à l’organisation. Le caractère secret de l’Ordre
n’est remis en question qu’au début des années 1960, surtout au Québec
où l’on considère qu’il n’est plus nécessaire, vu la maîtrise de plus en
plus affirmée qu’ont les francophones des institutions économiques et
politiques de cette province. Hors du Québec, on croit encore que pour
atteindre ses objectifs, l’Ordre doit continuer d’agir dans l’ombre.
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La structure et le fonctionnement
La Chancellerie, autorité suprême de l’Ordre, et la commanderie,
souvent désignée comme le corps recruteur ou la cellule fondamentale,
qui constituent en fait les éléments essentiels de « La Patente », sont les
premières structures mises en place après la fondation de l’Ordre. Assez
rapidement, le caractère national de l’organisation rend nécessaire
l’ajout de structures intermédiaires entre la direction et la base. En 1932,
l’Ordre comptant déjà 33 commanderies réparties dans tout le Canada,
crée le Conseil régional et le dote en 1936 d’un Comité permanent, une
sorte d’exécutif. Plus tard, on ajoute aux structures existantes un Conseil
provincial pour chaque région où s’est implanté l’Ordre : Ontario,
Québec, Acadie et Ouest. Il s’agit d’un simple organisme consultatif en
matière d’orientation sur le plan provincial. Ses membres et son
président sont choisis par la Chancellerie, dont ils doivent obtenir
l’accord avant de constituer des comités. Les querelles entre le groupe
québécois et la Chancellerie finissent par obliger cette dernière à laisser
le Conseil provincial gagner une autonomie relative. Mais l’Ordre est
dissout avant que la nouvelle structure puisse avoir un fonctionnement
réel.
Dès 1930, les organisateurs sentent la nécessité d’avoir recours au travail
rémunéré. À partir de 1936, l’Ordre a un Secrétariat permanent qui, en
1952, compte douze employés. Diverses fonctions leur sont confiées. On
retrouve parmi eux, outre le Secrétaire général, l’Organisateur général,
des organisateurs régionaux (stables et ambulants), un archiviste, divers
responsables et commis affectés à la préparation et à l’envoi des
circulaires, à l’administration et à la réalisation du journal L’Émerillon.
Le rituel
Émile Lavoie est le grand maître d’œuvre de la conception du rituel,
élément fondamental du fonctionnement de l’Ordre. Le rituel prévoit
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jusque dans les moindres détails la façon dont doivent se dérouler les
réunions de la commanderie, l’initiation des nouveaux membres, c’est-àdire l’initiation au premier degré ou en langage codé le v.a.p.d.a
(acronyme pour « Voyage Au Pays Des Ancêtres »), et les initiations
suivantes (la hiérarchie de l’Ordre compte six degrés). Au rituel
sophistiqué correspond une symbolique tout aussi complexe. Lors de
l’initiation au premier degré, les candidats doivent par exemple subir,
dans le noir et les yeux bandés, diverses épreuves : épreuve de
l’amertume (liquide amer), épreuve de l’équilibre (planche à obstacles),
épreuve de l’eau, épreuve du feu et épreuve de l’air (passerelle
basculante). Boire à la coupe d’amertume symbolise la force qu’il faut
au candidat pour affronter les adversaires de la foi catholique et de la
langue française. L’image évoquée par les obstacles, franchis grâce au
soutien de deux confrères, est celle de l’importance de la fraternité pour
traverser les épreuves. L’eau dans laquelle le candidat trempe les doigts
symbolise la purification et la résistance aux courants néfastes. La
flamme près de laquelle le candidat passe les mains est l’image de
l’énergie, dont il doit faire preuve dans l’accomplissement de sa
mission ; elle symbolise le vœu de ne jamais voir s’éteindre l’amour
qu’il a pour ses frères. Finalement, le candidat circule sur la passerelle
basculante, en s’appuyant aux bras de ses confrères pour ne pas tomber,
pour mieux comprendre qu’il n’atteindra les sommets de sa mission,
endroits où l’air est pur, que grâce à la solidarité. Les toges et les
étendards, les chansons et le bruitage, ainsi que tous les éléments de la
panoplie d’objets nécessaires aux initiations témoignent de l’importance
accordée au rituel. Au début des années 1960, alors que pour certains
l’existence même de l’Ordre n’est plus nécessaire, sa nature secrète et
mystérieuse, ainsi que tout ce rituel, seront remis en question. On
souhaite à tout le moins que le rituel soit simplifié. Ce n’était pas la
première fois que le rituel faisait l’objet de critiques : dès 1926, certains
membres bien renseignés sur ce qui se passait dans les Loges
maçonniques trouvaient que le rituel de l’Ordre ressemblait vraiment
trop au rituel maçonnique et avaient demandé des changements – qui
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furent faits par Émile Lavoie, mais sans aucune profondeur et en
conservant l’essentiel des éléments du rituel d’initiation au Rite Écossais
Ancien et Accepté.
Les activités
L’Ordre de Jacques Cartier (OJC) n’a pas d’activité officielle. Elle
infiltre, influence et, par le fait même, étend son contrôle à tout ce qu’il
y a d’organisations sociales, économiques et politiques canadiennesfrançaises. Elle agit sur la société par l’intermédiaire d’associations qui,
elles, agissent publiquement. On appelle cette stratégie d’action la
technique du noyautage et de l’extériorisation. Parmi les très
nombreuses organisations canadiennes-françaises où les membres de
l’OJC se sont infiltrés, mentionnons les Sociétés Saint-Jean-Baptiste, les
coopératives d’épargne et de crédit (caisses populaires), les comités de
parents, les associations (associations professionnelles, mouvements de
jeunes), les organisations des terrains de jeu. L’Ordre vient en aide
financièrement aux francophones en milieu minoritaire (Fonds
VADMA). Les différentes campagnes que mène l’Ordre sont bien
orchestrées, dans l’ombre bien sûr. L’Ordre intervient notamment dans
le choix du drapeau canadien, mène campagne pour l’attribution de
noms français à des routes et des ponts, pour les chèques bilingues, pour
les billets de banque bilingues. Les stratégies de ces campagnes sont
souvent très simples. Un mot d’ordre est envoyé aux membres pour leur
demander d’inonder l’autorité concernée de cartes postales. Parfois, elles
sont plus complexes. Les campagnes ontariennes visent aussi la
revendication de services bilingues auprès de la compagnie de téléphone
Bell, des services de radio et de télévision de langue française, ainsi que
l’amélioration de la diffusion du journal Le Droit. Le Conseil provincial
ontarien s’est également préoccupé de la question scolaire, menant
campagne de façon permanente pour promouvoir l’éducation en
français. Par l’entremise du Conseil provincial ontarien, l’Ordre mène
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également des enquêtes pour connaître la situation des Franco-Ontariens
en ce qui concerne l’éducation et la vie sociale française.
Les dissensions entre le groupe québécois et la direction
de l’Ordre de Jacques-Cartier
Par ses structures et son fonctionnement, « La Patente » est une
organisation très autocratique, dirigée d’en haut (d’Ottawa), dont on ne
discute pas les ordres. Pour les fondateurs et leurs successeurs à la tête
de l’organisation, la nature secrète de l’Ordre de Jacques-Cartier exige
ce mode de direction. La discipline et l’obéissance aux ordres sont
essentielles et des mécanismes de radiation et d’expulsion, ajoutés à la
pratique de la liste noire, assurent le respect de ces principes. Très tôt
dans l’histoire de l’Ordre, ce fonctionnement rigide et peu démocratique
provoque des frictions importantes entre la Chancellerie et les éléments
québécois de l’OJC. Des noyaux importants du Québec acceptent très
mal d’être dirigés à partir d’Ottawa sans grande possibilité de discuter
les ordres. Les germes des dissensions idéologiques qui font éclater
l’Ordre en 1965 sont déjà présents dans ces conflits. Au début des
années 1960, l’évolution de la société québécoise amène des groupes
influents du Conseil provincial du Québec à rejeter des aspects complets
de l’idéologie de l’Ordre. Le caractère secret paraît désuet au Québec,
maintenant que les Canadiens français ont une bonne maîtrise de leurs
institutions dans cette province. Des membres de l’Ordre au Québec
dévoilent publiquement l’essentiel des secrets de l’organisation, ce qui
provoque une crise interne : Charles-Henri Dubé dans le Magazine
Maclean en mai 1963, puis Roger Cyr dans un livre intitulé La Patente
en 1964. La section québécoise est prête à ouvrir le mouvement aux
femmes. Mais la plus grande divergence entre l’Ordre hors Québec et sa
section québécoise, c’est celle qui concerne l’avenir du Canada français.
Les éléments nationalistes du Québec sont prêts à franchir le pas vers
l’indépendance.
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La dissolution
L’année 1964 est marquée par la préparation d’un manifeste, qui est
adopté en novembre par le congrès du Conseil provincial du Québec. On
y prend position en faveur d’un État national francophone au Québec.
Cet État veillerait à la protection des droits des francophones hors
Québec en exigeant pour eux les mêmes garanties que celles qu’il
accorderait lui-même à la minorité anglophone du Québec. Mais les
francophones hors Québec ne se rallient pas à cette proposition. Cet
épisode s’inscrit dans ce qu’on appelle « l’éclatement du projet du
Canada français ». Lors d’une réunion régulière de la Chancellerie à
Ottawa les 27 et 28 février 1965, après bien des mois de discussions et
d’affrontements, une résolution visant à dissoudre l’Ordre de JacquesCartier récolte une majorité de voix. Le groupe québécois propose
d’abord une réorganisation en profondeur de l’Ordre : la représentation à
la direction et la répartition des pouvoirs seraient proportionnelles à la
population canadienne-française des quatre régions. Les éléments du
Québec, province regroupant la grande majorité de la population
canadienne-française, détiendrait ainsi les rennes du pouvoir au sein de
l’Ordre réorganisé. Les chanceliers de l’Ontario, auxquels se joignent
ceux de l’Acadie et de l’Ouest, proposent plutôt la dissolution de
l’Ordre.
L’Ordre franco-ontarien
Les membres ontariens de l’Ordre de Jacques-Cartier ne renoncent pas
facilement à un mouvement qui a déjà presque 40 ans d’histoire. Dans
les rangs ontariens, c’est la consternation lorsqu’on apprend la
dissolution de l’organisation. Mais la résolution qui dissout l’Ordre
ouvre la porte à la formation de quatre entités différentes dans les quatre
régions où l’organisation s’était implantée. En Ontario, c’est sans
interruption que les membres de l’ancien OJC continuent leurs activités.
Comme l’OJC n’existe plus, il leur faut cependant mettre sur pied une
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nouvelle entité, à laquelle ils donnent le nom de Commandeurs de
l’Ordre des Franco-Ontariens (COFO). On estime encore nécessaire
qu’il s’agisse d’une organisation secrète. L’organisation adopte donc un
nom de façade : Association culturelle ontarienne (ACO). Sa structure
est identique à celle de l’Ordre de Jacques-Cartier : une autorité
suprême, la Chancellerie, et des commanderies locales, auxquelles
s’ajoutent des structures intermédiaires. On conserve un rituel, mais il
s’agit d’un rituel simplifié. L’Ordre franco-ontarien continue l’œuvre de
l’OJC et agit dans l’ombre, tout comme le faisait l’organisation
précédente. En 1970, face à l’évolution de la société québécoise, le
Comité d’orientation de la COFO préconise le repli sur les réalités
ontariennes, renonçant à toute attente vis-à-vis le Québec. Ses
préoccupations restent fidèles à celles qui avaient motivé la fondation de
l’Ordre plus de 40 ans auparavant : promouvoir les droits des Canadiens
français catholiques. Tout indique qu’en janvier 1971, l’organisation vit
une situation financière plutôt précaire. On renonce d’ailleurs à avoir
recours au travail salarié. L’organisation n’a jamais officiellement cessé
d’exister, mais ne laisse plus de trace d’activité après 1971.