Le jugement de Marseille invalidé en appel
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Le jugement de Marseille invalidé en appel
Ju Justice Le jugement de Marseille A Marseille, le terre-plein du Prado est redevenu cyclable… sur le papier. Car malgré l’invalidation en appel du surprenant jugement du Tribunal administratif de Marseille, la signalisation sur place interdit toujours aux vélos de rouler sur les bandes cyclables. Suite à un recours contre l’arrêté de mise en place d’une « bande cyclable » sur les trottoirs du Prado, le Tribunal Administratif de Marseille avait, en décembre 2008, annulé l’arrêté de la Mairie de Marseille et imposé la mise en place de panneaux rappelant les règles de la circulation cycliste sur trottoir : une circulation autorisée uniquement aux enfants de moins de 8 ans à la vitesse du pas. Un précédent article de Vélocité (n° 102) avait présenté le contexte et analysé les implications de ce jugement de première instance. Un an plus tard, fin 2009, la Cour Administrative d’Appel saisie par la Mairie de Marseille a invalidé cette première décision. Les aménagements cyclables existants sur les terre-pleins du Prado ont désormais retrouvé leur statut initial. Les utilisateurs des vélos Decaux peuvent donc à nouveau s’élancer directement depuis leurs stations implantées sur le terre-plein et zigzaguer gaiement entre les amoureux qui se bécotent sur la « bande cyclable ». Les jours de match, ils ont enfin récupéré le privilège de côtoyer les 4X4 exposés comme à la parade sur le… trottoir ?! La Cour d’Appel a relevé là une erreur d’analyse et rappelé qu’« il ne résulte ni des dispositions du code de la route, ni d’aucune autre disposition légale ou réglementaire, qu’une piste cyclable ne puisse être créée que sur des chaussées réservées aux véhicules à moteur, et non sur des terre-pleins constituant des parties intégrantes de la La Mairie a refusé de signer un arrêté de double sens cyclable sur une voirie publique, traverse tranquille de l’est de Marseille même surélevés par rapport à ces … à la « piste » dernières, alors même qu’ils auraient été réservés antérieurement à l’usage Reste malgré tout pendante la quesexclusif des piétons et usagers assimition de la validité de l’aménagement lés ». cyclable tel qu’il est trop souvent mis L’affaire est donc entendue. Il est possible, réglementairement, de créer des pistes cyclables sur des trottoirs ou autre terre-pleins. Une porte ouverte à tous les maires qui ne veulent pas gêner leur chère fluidité de la circulation, automobile bien sûr, en empiétant sur les chaussées. en œuvre sur les terre-pleins du Prado ou sur les trottoirs, à Marseille et ailleurs. Deux étroites bandes blanches et quelques logos à moitié effacés suffisent-ils pour assurer une séparation claire et non conflictuelle entre cyclistes et piétons ? Pour notre part nous en doutons fortement, les piétons sont en Du trottoir… Car il s’agit bien là en effet d’un trottoir. C’est la raison pour laquelle le premier jugement, au-delà de la simple question de la circulation des vélos sur le Prado, abordait la question du statut du trottoir. Il affirmait que le trottoir est un espace réservé aux piétons et pas une chaussée, en conséquence une piste cyclable ne pouvait pas y être aménagée. 12 A Marseille, le terre-plein du Prado est redevenu cyclable : les jours de match, les vélos ont enfin récupéré le privilège de côtoyer les voitures garées sur le trottoir Vélocité n° 105 • avril 2010 Justice Ju invalidé en appel effet comme aimantés par ces deux lignes blanches si rassurantes et pourtant prévues pour signaler un espace réservé aux cycles. Quant aux non et mal-voyants rien n’est prévu pour leur signaler la présence d’un espace réservé à la circulation cycliste. Mais sur ce point le juge ne se prononce pas et renvoie vers la communauté urbaine. En effet, dans une commune intégrée dans une Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI), ce qui est le cas de Marseille, les compétences d’aménagements de la voirie sont du ressort de la communauté urbaine qui, en l’espèce, n’a pas été attaquée. Rien n’est dit non plus sur la qualité de la signalisation. Aucun panneau de type bande ou piste cyclable (C113) n’a été installé, en revanche ont été posés avant même la décision du tribunal administratif de nombreux et contradictoires panneaux « Cyclistes respectez les piétons ». La remise aux normes de ces « aménagements cyclables » sur le Prado est une des priorités que nous avons proposées à la Communauté Urbaine et à la Mairie. Sans nouvelle de leur part, va-t-il falloir à notre tour interpeller la justice pour faire mettre en place un aménagement de qualité et une signalisation réglementaire ? Une révélation… Ce jugement ouvre cependant quelques pistes intéressantes pour tous ceux qui voudraient attaquer des aménagements de voirie illégaux, au sens de l’article 228-2 notamment. Le juge précise en effet que la décision de la Communauté Urbaine de créer les pistes cyclables a été « révélée par l’aménagement des dites pistes cyclables sur les terre-pleins de l’avenue du Prado ». Beaucoup de travaux de voirie ne faisant pas l’objet de mesures de publicité, on sait la difficulté pour identifier et se procurer une décision de travaux publics litigieuse. Il semblerait donc, si l’on interprète bien les considérants du jugement en appel, qu’une décision puisse être révélée par l’existence même des travaux et donc devenir une décision implicite attaquable, quasiment sans contrainte de délais puisqu’elle n’a pas été publiée. Une affaire à suivre pour nos « juricyclistes » de la FUBicy. … et des perspectives Du pain sur la planche en perspective aussi pour les « juricyclistes » marseillais. En effet, pour ce qui concerne les pistes cyclables en tout cas, le juge a donc considéré que les responsabilités étaient clairement déterminées. Pour lui, en l’espèce, « la création de pistes cyclables et la prise d’arrêtés de police de la circulation sont fondées sur des législations distinctes et indépendantes ». Mais la répartition des rôles sera moins tranchée dès juillet 2010, quand les mairies devront par arrêtés spécifiques valider le périmètre et la qualité de Le jugement Rendu le 15 décembre 2009, le jugement de la Cour administrative d’appel de Marseille considère que « les premiers juges ont fait une inexacte application du droit ». Il formule ainsi ses conclusions : « Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 30 décembre 2008 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. Vergier devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Ville de Marseille est rejeté. Article 4 : Les conclusions incidentes de M. Vergier tendant à la condamnation de la Ville de Marseille à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que les conclusions de celui-ci tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Marseille et à M. Marc Vergier. » Vélocité n° 105 • avril 2010 l’aménagement des zones de circulations apaisées aménagées par l’EPCI. Cette imbrication des responsabilités entre EPCI et communes est en effet au cœur de la mise en place des nouvelles zones de circulation apaisée et va imposer une vraie collaboration entre le responsable de l’aménagement et celui de la réglementation. Mauvais signes A l’occasion d’un élargissement d’un trottoir, la Mairie a préféré l’installation de places de stationnements à cheval sur le trottoir plutôt qu’un double sens cyclable A Marseille, où EPCI et mairie sont de bords politiques différents et n’hésitent pas, malgré la « gouvernance partagée » affichée, à se glisser des peaux de bananes, il va y avoir du sport. D’ores et déjà les premiers signes ne sont pas particulièrement encourageants. On en a déjà eu un avantgoût quand, tout récemment, la Mairie a refusé de signer un arrêté de double sens cyclable (DSC) sur une traverse tranquille de l’est de Marseille requalifiée par la Communauté Urbaine ou quand, à l’occasion d’un élargissement d’un trottoir, il a été préféré l’installation de places de stationnements à cheval sur le trottoir plutôt qu’un DSC. Qu’en sera-t-il quand, dans l’optique de Marseille 2013 capitale de la culture, il s’agira d’intégrer la circulation cycliste dans le projet de « semipiétonisation » du Vieux-Port ? Un Clou Rouillé hors compétition nous attend-il pour 2013 ? PRÉSIDENT DU MICHEL FORNAIRON COLLECTIF VÉLOS EN VILLE Pour consulter le jugement de la Cour d’appel : http://www.velo-marseille. com/index.php?option=com_rokdow nloads&view=file&Itemid=182&id=88: arret-de-la-cour-administrative-dappel-du-151209 13