Ait Ali et al-1

Vol 7, No 2, Juillet 2008. pp 48-53
Reviews in Biology and Biotechnology
© 2008. The moroccan Society of Biology in Canada
Effets de la composition en lipides totaux de trois aliments artificiels composés sur la
croissance et la survie des alevins du denté commun (Dentex dentex Linneaus, 1758)
Ali Ait Ali 1 ; Nadia Rharbi 2 ; Azeddine Abrehouche 1 ; El Mostafa Talbaoui 1 ; Abdelbasset Benbani 1
1
2
Centre Spécialisé en Aquaculture de M’diq. INRH. M’diq, Morocco ;
Université Hassan II. Faculté des Sciences Ain Chock. Casablanca, Morocco
Reçu le 29 octobre 2007, accépté le 08 février 2009
Résumé
Des juvéniles de denté commun (Dentex dentex), de poids moyens compris entre 5 et 6 g ont été élevés sur une période de dix
semaines et répartis en duplicat sur six bacs. Ils sont nourris avec trois aliments iso-protéiques et dont la composition en lipides
est différente. Le premier aliment (SH) est un aliment semi-humide de fabrication locale avec une teneur en lipides de 26%, le
second (SI) est un aliment sec importé destiné pour le loup avec une teneur en lipides de 21%, le troisième (SL) est un aliment
sec de fabrication locale avec 10% de lipides. Les températures d’élevage ont été comprises entre 18 et 20°C pour les six bacs.
Les taux de survie obtenus sont respectivement 90%, 82.5% et 62.5% mais statistiquement il n’y a pas de différence significative
(P>0,05). La croissance est estimée par le taux de croissance spécifique : TCS, il est de 1.7 pour l’aliment semi-humide, 2.4 pour
l’aliment sec importé et 2.7 pour l’aliment sec de fabrication locale. Les survies relativement basses des alevins nourris avec l’aliment sec importé et l’aliment sec local sont dues à une flexibactériose, celle-ci n’a pas affecté les alevins nourris avec du semihumide.
Mots clés : Dentex dentex, nutrition, lipides, juvéniles, croissance, survie.
Summary
Common dentex Fingerlings, average weight included between 5 and 6 g were reared during ten weeks in six tanks divided in
duplicates. They were fed with three isoproteic foods which have different composition in lipids. The first food (SH) is a moist
pellet prepared locally with lipids content of 26%, the second (SI) is an imported dry pellet intended for seabass with lipids content of 21%, the third (SL) is a dry pellet locally manufactured with 10% of lipids. The temperatures of breeding were ranged
between 18 and 20°C for the six tanks. The obtained survival rates were respectively 90%, 82.5% and 62.5% but statistically
there was so no significant difference (P > 0.05). Growth was estimated by the specific growth rate: TCS, it was of 1.7% for the
moist pellet, 2.4% for the imported dry pellet and 2.7% for the local dry pellet. The relatively low survival rates of juveniles fed
with the imported dry pellet and the local dry pellet were due to a flexibacteriosis disease which did not affect juveniles fed with
moist pellet.
Keywords : Dentex dentex, nutrition, lipids, fingerlings, growth, survival.
Introduction
En Méditerranée, la surproduction des deux espèces classiques : loup bar et daurade a entraîné une baisse des prix
¥ Corresponding author :
Ali AIT ALI:
Centre Spécialisé en Aquaculture de M’diq. BP. 31 INRH.
M’diq, Morocco
E-mail : [email protected].
Tel (212)39663170 ; Fax : (212) 39975506.
conduisant ainsi à de sérieux problèmes de commercialisation.
Le denté commun se présente comme une alternative prometteuse, permettant dans le futur, une reconversion des fermes
aquacoles pour assurer leur pérennité. L’émergence de cette
espèce a fait d’elle la priorité dans les axes de recherche en
aquaculture (Abellan, 2000). Le denté se reproduit facilement
en captivité (Bibiloni, 1993) et présente des taux de croissance
élevés (Riera et al., 1993 ; Efthimiou et al., 1994). Les premiers essais d’alimentation de cette espèce ont été à base d’aliment frais ou humide. La détermination des besoins spécifiques du denté vont permettre la formulation d’un aliment spé-
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Rev. Biol. Biotech.
cial pour cette espèce, à l’instar de ce qui a été fait pour les
espèces déjà maîtrisées.
Matériels et méthodes
Alevinage
Les alevins de Dentex dentex sont répartis sur 6 bacs cylindro-coniques, de volume 500 litres et notés (B1 à B6), les
poissons mis en élevage sont triés pour avoir des lots homogènes dans chaque bac. Les poids moyens des 6 bacs sont
compris entre 5 et 6 grammes au début de l’expérience.
Aliments expérimentaux et leur composition
Pour cette expérience 3 types d’aliments ont été retenus :
Un granulé sec importé (SI) conçu spécialement pour le loup
Un granulé sec de fabrication locale (SL)
Un aliment semi-humide (SH) confectionnée sur place.
Détermination de la survie des juvéniles
Les taux de survie des juvéniles sont estimés à partir de relevés quotidiens des alevins morts et le dénombrement des
poissons restants en fin d’expérience.
Suivi de la croissance des juvéniles
Croissance linéaire
Les alevins de poids moyen compris entre 5 et 6 grammes
font l’objet de mesures de la longueur totale à J108, J115, J122,
J129, J142, J155, J176. Les juvéniles des bacs ont été pêchés puis
anesthésiées au phénoxy-2-éthanol à 0.1 mL L-1 d’eau de mer.
Les mesures de taille ont été effectuées sur une table graduée.
La longueur totale a été mesurée de la pointe du museau à la
pointe des plus longs rayons de la nageoire caudale quand les
lobes de la nageoire caudale sont alignés avec l'axe principal
Tableau 1: Composition des trios aliments expérimentaux (PH= poids humide, PS=poids sec).
(La composition du sec local et du sec importé est telle que donnée par la fiche technique des fabricants)
Aliments
Ingredients
Matière sèche (%)
Farine de sardine (%PH)
(5-02-015)
poisons frais
(%PH)
Huile de sardine (%PH)
(%PH)
Premixe vitc
Proteines brutes (%PS)
Lipides brutes
(%PS)
Fibres
(%PS)
cendres
(%PS)
carbohydrates
(%PS)
Vit A
Vit D
Vit E
Vit C
Composition analysée (%PS)
Proteins brutes
Lipids brutes
cendres
SH
SLa
SIb
66
40
90
---
92
---
38
18
4
-------------------
46
26
11.60
------50
12
1.2
9.8
---20000 IU Kg-1
3000 IU Kg-1
250 mg Kg-1
350 mg Kg-1
47
10
9.50
------45
21
1.5
11
14.5
5000 IU Kg-1
1000 IU Kg-1
180 mg Kg-1
---
45
21
10.40
a
Ingrédients: Produits de poissons, produits et sous produits de graines oléagineuses, produits de graines de céréales, vitamines et minéraux,
antioxydants : ethoxyquine.
b
Ingrédients : Farine de poissons, tourteau de soja, féveroles, pois, huile de poissons, tourteau de colza, gluten de mais, huile de colza, blé,
vitamines et minéraux, antioxydants : ethoxyquine.
c
Prémixe (dose kg-1): Mineraux, 75% ; Phosphore, 3 – 4 % ; Calcium 25 – 30%, Vitamine A, 2.000000 IU ; Vitamine D3, 400000 IU ; Thiamine B1, 500 mg ; Riboflavine B2, 1.000 mg; pantothenate de Calcium B3, 7500 mg; Pyridoxine B6, 500 mg; Vitamine B12, 1.5 mg; Acetate de
Tocopherol E, 2500 mg; Acide Nicotinique PP, 10000 mg; Choline (Chloride), 50000 mg.
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du corps. Les alevins ont été ensuite remis en élevage.
Croissance pondérale
Les alevins ayant fait l’objet de mesure de la longueur totale
sont immédiatement pesés à la balance de précision, de cette
manière la taille et le poids sont simultanément notés pour
établir la relation taille-poids.
Analyses biochimiques
Les protéines, les lipides, l’humidité et les cendres ont été
déterminés par la méthode standard (AOAC, 2000).
Analyses statistiques
L’étude statistique a été réalisée par le logiciel Statgraph plus
5.1, les longueurs totales et les poids des larves et alevins ont
subi une transformation logarithmique alors que les taux de
survie ont subi une transformation arcsin (p1/2).
Croissance linéaire des alevins
Les deux aliments (importé et local) montrent une meilleure
croissance linéaire par rapport à l’aliment semi-humide très
riche en lipides (fig.2). Les taux de croissance spécifique sont
0.6 pour le semi-humide (SH), 0.9 pour le granulé sec importé
et 0.9 pour l’aliment granulé local (tableau 2).
160
100
140
Long,Tot (mm)
120
80
Survie (%)
Résultats
Taux de survie des alevins
Les résultats relatifs à la survie des alevins montrent une
grande fluctuation, la mortalité des alevins a débuté à J130
pour les alevins nourris avec l’aliment importé et local, elle a
continué pendant une vingtaine de jours à cause d’une flexibactériose, cette dernière n’avait pas d’effets importants sur
les alevins nourris avec le semi-humide et dont la survie en
fin d’expérience a été de 90%. La figure I montre l’évolution
de la survie en alevinage pour les trois aliments expérimentaux.
60
SH
120
LT(SL)= 10,282t + 56,999
r2 = 0,9529
LT(SI) = 9,6268t + 54,982
r2 = 0,9816
LT(SH)= 5,506t + 59,869
r2 = 0,9529
100
40
SI
80
20
SL
60
SH
SI
SL
40
0
Durée(jours)
Durée (jours)
Figure 1 : Survie (%) des alevins de Dentex dentex pour les trois
aliments. P>0.05 (test ANNOVA), Les barres indiquent±ES. (n=2)
Figure 2 :Courbe de croissance linéaire des alevins de Dentex
dentex pour les trois aliments. Les barres indiquent±ES
Tableau 2. Effets des trois aliments sur les performances de croissance linéaires des alevins
Aliments
Taille initiale (mm)
Taille finale (mm)
TCS (%)
SH1
SI2
66.80±1.08
102.28±0.91a
0.6±0.00a
65.62±2.46
123.42±1.14b
0.9±0.00b
SL3
71.80±1.00
136.64±1.88c
0.9±0.02b
Les Valeurs affectées d’indices différents en exposant sont significativement différents d’après un test de Kruscall Wallis. (n=20)
TCS= Taux de croissance instantanée=100*ln (poids final / poids initial) /nb jours
1
SH= aliment semi-humide
2
SI = aliment sec importé
3
SL = aliment sec local
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Le poids des alevins en début d’expérience pour les trois aliments a été de 5.14 ± 0.29 g pour les alevins nourris avec du
semi-humide, 5.8±0.38 g pour l’aliment importé et 6.5 ± 0.34
g pour l’aliment local. La fig.3 montrent la croissance pondérale des alevins en cours d’expérience. L’aliment local, relativement plus pauvre en lipides a donné un taux de croissance
élevé, soit 2.7 suivi de l’aliment importé 2.4 et finalement
l’aliment semi-humide a donné un taux de croissance faible
soit 1.7. Les indices de conversion obtenus sont 1.8 pour le
semi-humide, 1.3 pour l’aliment importé et 1.5 pour l’aliment
local.
Discussion
Les premières études sur le grossissement du denté commun
ont commencé par l’utilisation d’aliment frais, semi-humide
et aliment commerciaux (granulé sec et extrudé) destinés à
d’autres espèces. Efthimiou et al. (1994)) ont utilisé du granu-
lé sec pour daurade et de l’aliment humide pour grossir des
alevins de denté de poids moyen 2.4 g. Après six semaines, le
poids moyen individuel des alevins nourris de granulé est de
16.12 ± 1.58 g, celui des alevins nourris avec de l’aliment
humide est de 31.3 ± 1.45 g, les indices de conversion sont
respectivement 1.16 et 0.77. Les mortalités sont de 48.4%
pour le granulé et 36.4% pour l’aliment humide sont dues au
cannibalisme. Ces taux de survie restent inférieurs à ceux que
nous avons obtenu pour les trois aliments testés, la survie est
de 90% pour l’aliment semi-humide, 82.5% pour le granulé
importé et 62.5 pour l’aliment local pour une période équivalente à dix semaines. Les indices de conversion obtenus sont
respectivement 1.8, 1.3 et 1.5 pour les trois aliments. Cardenate et al. (1997) ont évalué un aliment expérimental dont la
composition est connue, qu’ils comparent à un aliment frais
en utilisant des individus de 60 g de poids moyen. Ils ont
conclut qu’un aliment contenant 57% protéines et 14.4% de
Tableau 3 : Effets des trois aliments sur les performances de croissance pondérale des alevins
Aliments
Poids initial (mm)
Poids final (mm)
TCS (%)
SH
5.14±0.29
17.11±0.51a
1.7±0.001a
SI
SL
5.94±0.38
32.08±1.11b
2.4±0.002b
6.22±0.34
41.66±1.86c
2.7±0.05c
Les Valeurs affectées d’indices différents en exposant sont significativement différents d’après un test de Kruscall Wallis. (n=20)
TCS= Taux de croissance instantanée=100*ln (poids final / poids initial) /nb jours
1
SH= aliment semi-humide
2
SI = aliment sec importé
3
SL = aliment sec local
45
80
25
70
Poids (g)
15
SH
SI
10
SL
10
Temp°C
5
5
poids (g)
20
35
P(SL)=
30 6,965e0,0282t
r2 =6,8893e
0,96970,0238t
P(SI)=
252
r = 0,9672
P(SH)=
20 5,142e0,0177t
r2 = 0,9877
15
Temperature (°C)
40
60
P = 0,4126LT- 23,271
R2 = 0,7965
50
40
30
20
10
0
0
0
40
90
140
Longueur totale (mm)
Durée (jours)
Figure 3 :
Courbe de température et de croissance pondérale des alevins
de Dentex dentex pour les trois aliments. Les barres indiquent±ES
Figure 4 :
Relation taille-poids des alevins de Dentex dentex
La corrélation de Pearson est très significative (n = 760).
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lipides donne des résultats comparables à ceux obtenus avec
un aliment frais en terme de survie et de croissance. Les résultats obtenus au cours de ce travail montrent que, l’aliment
sec importé avec une teneur en lipides de 21% et l’aliment sec
local dont la teneur en lipides est de 10% donnent le meilleur
taux de croissance, par contre les taux de survie obtenus pour
ces deux aliments sont inférieurs à celui de l’aliment semihumide riches en lipides (26%). Les taux de croissance obtenus sont 1.7 pour SH, 2.4 pour SI et 2.7 pour SL. Ces valeurs
sont supérieures à celles reportées pour cette espèce (0.6-1.3)
(Tibaldi et al., 1996 ; Cardenate et al., 1997) et pour d’autres
espèces d’élevage : loup bar (Metailler et Hollocou, 1991),
pour le sar (Abellan et al., 1994) et la daurade (Kentouri et al.,
1994). Il a été démontré que chez différentes espèces de poissons, une augmentation du taux de lipides dans l’alimentation
entraîne un effet d’économie sur les protéines (Takeda et al.,
1975) ; Cardenate et al., 1986) ; Vergara et al., 1996), cet effet n’a pas été observé chez la daurade japonaise (Pagrus
major) (Takeuchi et al. (1991).Tous les poissons montrent
une croissance ralentie et un mauvais coefficient de transformation des aliments lorsqu’ils consomment des régimes pauvres en acides gras. En général, les carences alimentaires en
acides gras proviennent d’une mauvaise formulation de l’alimentation ou de l’emploi d’organismes alimentaires vivants
pauvres en acides gras. Les effets inverses sont observés avec
l’aliment semi-humide riches en lipides (26%), ce résultat
concorde avec ce qui a été signalé chez la truite arc-en-ciel
(Yu et Sinnhuber, 1976 ; Takeuchi et Watanabe, 1999) et
chez le saumon coho (Yu, 1979) et qui sont également observés chez le denté.
Conclusion
Cette étude montre la capacité des alevins du denté commun,
pour une même teneur en protéines, à utiliser les lipides. La
quantité de lipides dans le régime alimentaire peut être utilisée de façon rationnelle pour faire des économies et avoir des
taux de survie exploitables et une croissance optimale.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier l’ensemble du personnel du
Centre Spécialisé en Aquaculture pour leur disponibilité tout
au long de ce travail.
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