Mathieu Lindon
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Mathieu Lindon
Récit(s) d’enfance(s) L’auteur La parole aux lecteurs Mathieu Lindon est né en 1955. Son dernier livre, En enfance (P.O.L, 2009), est une mosaïque retrouvée, un kaléidoscope braqué sur une enfance dont les images remontent et s’organisent en autant de petits récits fragiles et précieux, uniques, partageables, sauvés du désastre de l’âge adulte. Bonheur et malheur mêlés, ce sont de petites histoires de rien mais elles furent tout, et le redeviennent ici, miraculeusement. Mathieu Lindon est par ailleurs journaliste littéraire et chroniqueur à Libération. >Sur En enfance (P.O.L, 2009) : Sylvie Gier, Directrice de la médiathèque Max-Pol Fouchet (Givors) Michelle Heissier, lectrice de la bibliothèque de la Mulatière Josiane Nicollet, membre du Club des "Grands Lecteurs" du Progrès Martha Martinez Valls, étudiante en Master pro de traduction littéraire et édition critique (Lyon 2) L’œuvre La presse En enfance (P.O.L, 2009) Mon cœur tout seul ne suffit pas (P.O.L, 2008) Ceux qui tiennent debout (P.O.L, 2006) Je vous écris (P.O.L, 2004) Ma catastrophe adorée (P.O.L, 2004) Lâcheté d’Air France (P.O.L, 2002) La Littérature (P.O.L, 2001) Chez qui habitons-nous ? (P.O.L, 2000) Le Procès de Jean-Marie Le Pen (P.O.L, 1998 – Folio, 2000) Les Apeurés (P.O.L, 1998 – Folio, 2000) Merci (P.O.L, 1996) Champion du monde (P.O.L, 1994 – Folio, 1996) Le Cœur de To (P.O.L, 1994) Je t’aime. Récits critiques (Minuit, 1993) L’Homme qui vomit (P.O.L, 1988) Prince et Léonardours (P.O.L, 1987) Le Livre de Jim Courage (P.O.L, 1986) Nos Plaisirs, sous le pseudonyme Pierre-Sébastien Heudaux (Éditions de Minuit, 1983) Le Monde des Livres, René de Cécatty (16/01/2009) Le Monde des Livres, René de Cécatty (11/01/2008) Le Temps, Isabelle Martin (23/02/2008) Luxemburger Wort, Jean-Rémi Barland (14/02/2008) L’Humanité, Pascal Jourdana (7/02/2008) Chronic’Art, L.B. (02/2008) Marianne, Patrick Besson (4-10/02/2006) Elle, Héléna Villovitch (2004) Le Monde (2004) Les Inrockuptibles, Nelly Kapriélian (2004) Psychologies, V.C.S. (2004) Le Monde des livres, Hugo Marsan (2004) La Croix, S.L.S. (2004) Le Nouvel Observateur, Didier Jacob (14/03/2002) Les Inrockuptibles, Fabrice Gabriel (19/03/2002) La Vie, Emilie Grangeray (25/04/2002) Marianne, Benoît Duteurtre (6/05/2002) Epok, Christine Angot (n°26, mai 2002) Les Inrockuptibles (18-24/01/2000) Le Monde (27/08/1998) Ouest France (3/10/1998) Le Nouvel Observateur (27/08/1998) Le Monde (1994) Le Nouvel Observateur, Jean-François Josselin (1983) Libération, Daniel Rondeau (1983) © Bamberger Mathieu Lindon France Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /1 En enfance (P.O.L, 2009) Mon cœur tout seul ne suffit pas (P.O.L, 2008) Ceux qui tiennent debout (P.O.L, 2006) Je vous écris (P.O.L, 2004) Ça y est, à nouveau il est un enfant. Il veut s’accaparer celui qu’il a été. Cette foisci, l’enfance est une décision. Comme si un enfant l’attendait dans une grotte, protégé du monde et du temps depuis toutes ces années. Avec ses trésors et ses naufrages, il est ce voilier qui flotte à tout vent. Armé de souvenirs, de sensations retrouvées qui s’agglutinent, fidèles et infidèles, il sera à jamais cet enfant-là, dorénavant. À quoi ça sert, l’enfance ? On tombe là-dedans pour y faire quoi ? Être un enfant, c’est comme être un dinosaure, ça remonte si loin. Il veut devenir ce paléontologue contaminé par son objet d’étude à qui son âge n’interdit pas d’écrire pour de vrai l’autobiographie de celui qui pourrait aussi bien être son fils que son père. Mathieu reçoit une curieuse lettre lui enjoignant de contacter sans délai la fille d’un de ses meilleurs amis, qui vient de mourir. Or, de cet ami, il n’a aucun souvenir. Mais, en même temps que sa méfiance, sa curiosité est piquée et il se rend en province auprès de l’étrange famille de son « ami ». Tandis que lui revient peu à peu la mémoire, tandis qu’il s’émerveille des personnes qui l’entourent et qui dessinent une constellation d’intelligence et de gentillesse rare – des enfants quasiment surdoués dans ces deux domaines à leurs affables parents – un malaise cardiaque l’abat. Il survivra mais aura approché de si près la mort que cette histoire en sera elle aussi transfigurée. Mathieu Lindon poursuit avec cet étrange livre un itinéraire romanesque hors du commun. Tout en ne négligeant pas les ressorts dramatiques classiques, il arrive toujours à introduire dans ses histoires, de manière discrète et efficace, un ferment de doute, à montrer doucement que rien ne va jamais de soi et à déborder ainsi, à excéder les cadres ordinaires de la fiction. Cela tient à une phrase très particulière, toujours au bord du déséquilibre et d’autant plus fascinante. Cela tient à une pensée qui ne se satisfait jamais des clichés, qu’ils soient politiques, sociaux ou sentimentaux. « J’étais égaré dans tant de métamorphoses, un vivant qui tournait mort, un appartement qui s’accroissait, des vêtements qui ne m’allaient plus. Que ces vains ornements, que ces voiles me pesaient. Un événement neuf, puisque je n’avais assassiné personne de mes mains auparavant, et c’en était une cascade. Je naviguais en pleine originalité, y naufrageais. L’imprévisibilité contaminait tout, jusqu’à l’espace. La magie du direct, comme on aurait dit à la télévision, l’agressive, la haineuse prestidigitation du réel. » M. L. « Aimer un écrivain contemporain, c’est forcément d’un amour complet et indécis, assuré et imprévu – d’un vrai amour, quoi. Écrire sur un contemporain, c’est s’exposer à un double démenti, de la part de l’œuvre dans l’avenir, de la part de l’auteur dès le présent. Mais à quoi servent les écrivains s’ils ne font pas écrire ? Les « récits critiques » contenus dans ce volume, ces aventures dont des livres et leurs auteurs sont les héros (Hervé Guibert, Marie NDiaye, Christine Angot, Rachid O., Mathieu Lindon), ne prétendent à aucune vérité autre que celle qu’atteint parfois la fiction. Ils racontent une œuvre prise dans l’engrenage de la littérature, ils sont la voix de la lecture, d’une lecture évidemment, s’exprimant par écrit. Ils sont une autobibliographie, comme le dit le sujet du dernier texte. J’ai tâché de mettre par écrit ma façon de lire des auteurs qui me sont proches, d’exprimer mon affection pour eux et leur œuvre. Contemporain sous-entendant vivant, on peut s’étonner de trouver ici un texte sur Hervé Guibert, mort fin 1991, mais il m’a été si longtemps si contemporain qu’il le demeure. » Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /2 Ma catastrophe adorée (P.O.L, 2004) Lâcheté d’Air France (P.O.L, 2002) La Littérature (P.O.L, 2001) Chez qui habitons-nous ? (P.O.L, 2000) « Je tombe amoureux d’un garçon venu vers moi pour qu’on couche ensemble et qui, soudain, ne veut plus. Une histoire d’amour m’est un roman policier. Il s’avère immanquablement que rien ne s’est passé comme je croyais. Le vrai coupable est toujours un coup de théâtre et le mobile pardessus tout. Il y a toujours un meurtre. Qui est mort pour moi et pas pour les autres ? Qui ai-je tué ? qui me tue ? Tout à coup, je m’incarne en Sherlock Holmes ou Hercule Poirot et, d’un détail d’abord indifférent, reconstruis une histoire complètement différente. “Ah, c’est pour ça que tu as fait ça.” Je n’avais rien compris, je ne goûtais que le plaisir de la lecture alors que je me croyais au plus près de ma propre vie. Une histoire d’amour m’est un roman d’espionnage. L’autre est sans cesse à décrypter, il est un déséquilibre que je tâche de figer, d’où le suspense permanent, qui le premier sera traître à la relation ? Qui le premier cessera d’être un agent double, rompant l’égalité proclamée entre l’autre et soi pour revenir à une charité mieux ordonnée ? Rien n’est écrit. Les souvenirs deviennent des armes. Chaque lettre est anonyme car je ne sais jamais qui vraiment l’a écrite, tout est à interpréter. Une histoire d’amour m’est un roman de gare, un roman d’horreur, je ne sais jamais pour où je pars, avec qui. Ça tourne mal mais un cauchemar, c’est quand même un rêve. » « C’était inattendu, que des employés d’un prestigieux transporteur aérien s’enfuient de leurs comptoirs d’Orly en abandonnant la clientèle pour cause de rumeur d’alerte à la bombe. J’avais une si haute idée d’elle que j’attendais, pour le moins, les excuses de la compagnie, mais elle nia toute responsabilité au mépris des faits. Alors je me suis senti enragé, d’autant plus humilié que je me voyais sans recours face à la force d’une lâcheté et d’un mensonge assurés de l’impunité. Sans recours, vraiment ? » M. L. De manière inattendue puisqu’on le prétend un ermite, Jesper Thorn se rend à un colloque organisé en son honneur à Besançon. Mais le grand écrivain suédois s’y conduit avec une ironie et une violence qui dépassent la goujaterie. « Pourquoi écrit-il. Pourquoi écrit-il ce qu’il écrit ? Et pourquoi est-il venu en parler à Besançon ? » Ces questions quasi-théoriques d’universitaires et de simples lecteurs prennent dès lors une allure plus concrète. Un biographe, fou de Sherlock Holmes, enquête sur lui de façon policière, recrutant une détective en Suède, essayant de remonter dans l’existence de l’écrivain et de retrouver la trace d’un amour perdu sur lequel il ne s’est jamais exprimé. Grâce aux déductions, intuitions et bêtises de ses héros, La Littérature, qui contient des extraits des propres chefs-d’œuvre de Jesper Thorn, résoudra les mystères apparemment les plus inaccessibles. On est encore jeunes, on rêve d’être des nomades, des aventuriers. On marche dans la rue, on regarde la télévision, on ne peut qu’être bouleversés par le sort des SDF, tous ces sans-domicile fixe. - Drôles de nomades, dit pourtant Hugues, mon frère pour qui la place du fer est toujours dans la plaie. Ils manquent de domicile plus que de fixité, peuvent dormir chaque nuit sur le même banc si ça leur chante. Une cruauté mine notre confort, même notre vie sentimentale, Carole et Jean-Paul, Dimitri et moi. On discute, on a nos idées, et Hugues trouve immanquablement à y redire, et parfois on est à deux doigts de se laisser convaincre. Pas forcément de notre appartement mais on a souvent envie de déménager. Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /3 Le Procès de Jean-Marie Le Pen (P.O.L, 1998 – Folio, 2000) Comment combattre efficacement Jean-Marie Le Pen ? Le jeune Ronald Blistier, membre du Front national, a commis de sang-froid un crime raciste, tuant en pleine rue un adolescent arabe. L’affaire a provoqué maintes indignations et tout le monde est d’accord pour faire du procès de Blistier celui de son men- tor. C’est un avocat juif de trente ans, maître Mine, qui défend l’assassin. Il a des idées pour mieux lutter contre Jean-Marie Le Pen. - Tendre un piège à Le Pen ? Mais on tombera tous dedans, lui dit pourtant Mahmoud Mammoudi, son compagnon. Pierre Mine, quoi qu’il en soit, a engagé la lutte. Son jeu est indéchiffrable. Ne devient-il pas la cible d’antiracistes et l’étendard de ceux qu’il souhaite combattre ? Jean-Marie Le Pen feint de lui rendre hommage. Diverses tempêtes déferlent sur sa vie, comme si ceux qui luttent sans succès évident contre le Front national trouvaient cependant suspect que quelqu’un d’autre essaie une méthode différente. Les Apeurés (P.O.L, 1998 – Folio, 2000) Merci (P.O.L, 1996) Champion du monde (P.O.L, 1994 – Folio, 1996) Que penser d’un homme qui viendrait chez vous pour vous vanter votre propre peur ? Un curieux individu, jeune, séduisant, beau parleur ? Vous seriez en droit de le soupçonner de n’être qu’un escroc, beaucoup plus troublant il est vrai qu’un aigrefin ordinaire. Ou bien l’inquiétant fondateur d’une secte, la secte des apeurés, par exemple ? Un fou ? Celui qui vient frapper à la porte du narrateur de ce récit, de cette fable ou de ce « conte philosophique » prétend en tout cas l’aider à comprendre sa peur pour qu’il en profite mieux, il lui suggère même que s’il s’agit de vivre, de vivre sans entrave, pleinement. La peur est le moyen de cet accomplissement, mais une peur de tous les instants, appliquée à tout ce que nous sommes, jusqu’au fond de nous, et à tout ce qui vit autour. Une peur générale qui ferait tomber sur soi l’existence tout entière, d’un coup. Son enseignement est étrange, comme sorti d’une enfance adonnée à des rites mélancoliques, mais nourri d’incongruités, de fantaisies, d’une invention permanente. Soudain Ximon, très jeune encore, incontesté numéro un mondial, en a assez du tennis. Sa vie prend une autre forme. Il doit affronter la sexualité, la littérature, la différence raciale, l’amour sous diverses formes. Mais, sur le court ou dans un lit, dans son cœur, se pose la même question : l’autre, en face, est-il un adversaire ou un partenaire ? Qui, quoi vaincre pour devenir le plus grand tennisman de sa génération ? Kylh, joueur vieillissant, apparaît un jour dans la vie de Ximon pour aider le gamin à réaliser son rêve. Et cet étrange couple se met au travail : entre l’adulte malade du sida et l’orphelin avide d’offrir le meilleur de soi, naît une affection qui les dépasse l’un et l’autre mais dont chacun sent qu’elle sera à jamais la principale arme de Ximon. C’est par elle qu’il apprendra à gagner ou à perdre chaque match qu’il dispute, y compris la finale de Wimbledon. - Sais-tu seulement ce qu’il te faut pour être, ne serait-ce qu’un instant, champion du monde ? dit Kylh. - L’être à chaque instant, non ? dit Amon. Mais est-il capable à chaque instant d’être champion du monde de courage, de générosité et d’amour ? Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /4 Le Cœur de To (P.O.L, 1994) Je t’aime. Récits critiques (Minuit, 1993) L’Homme qui vomit (P.O.L, 1988) Prince et Léonardours (P.O.L, 1987) Ce roman est un roman d’amour fou. Peu importent les lieux, peu importent ceux qui traversent cette histoire : le centre en est To, que le narrateur adore, qu’il veut pour lui, jusqu’au point peut-être où la possession annule l’objet possédé, jusqu’au point où les mots pour le dire manquent. Et c’est bien l’une des gageures tenues par ce livre : ne parler que de cela quand tous les mots ont déjà été dits et les sentiments éprouvés, quand les mots viennent à se dérober. Désir démesuré qui paralyse, frénésie, dévoration : l’écriture rend compte de cette folie dans sa minutie délirante, inventive, poétique. La littérature enferme l’amour dans les romans, la poésie : critiques et théoriciens seraient disqualifiés si la passion contaminait leurs travaux, les empêchant de raisonner sainement. Et voici que l’amour est au cœur de la réflexion et de l’écriture d’un livre, voici qu’il est la raison de vivre du lecteur comme de l’auteur, la seule raison de lire et d’écrire. Voici qu’un amoureux fou de phrases, de textes et de leurs auteurs, cherche (et trouve) des occasions de dire “Je t’aime”. Car les mots sont toujours les mêmes, préexistant au sentiment, ce sont les situations qui manquent. Des “récits critiques”, ce sont des aventures dont des livres sont les héros. L’auteur raconte ici diverses métamorphoses du couple “écriture et amour” : comment Victor Hugo ressuscite sa Léopoldine chérie pour construire Les Contemplations (« Notre fille ») ; comment l’apôtre de la différenciation entre la vie et l’œuvre est luimême vénéré en tant que personnage de roman (« Être Proust ») ; comment la passion de Des Grieux pour Manon Lescaut le laisse dépendant de chaque gramme de l’héroïne de l’abbé Prévost (« Le premier héroïnomane ») ; comment les albums de Tintin suscitent un amour spécifique et quel secret cache la tintinolâtrie (« Un jeune homme sans vraisemblance ») ; et comment des lecteurs trouvent le courage d’accepter l’œuvre d’un contemporain, en l’occurrence Thomas Bernhard et particulièrement Extinction (« L’incendie du siècle »). L’amour et l’écriture se nourrissent de moments d’exception, romanesques et quotidiens, de moments différents que l’auteur rêve ici de fondre en un seul. Pour que “Je t’aime”, indifféremment, s’écrive, se lise et se vive. Le vomisseur, c’est le narrateur. Il vomit tout, cinq milliards d’êtres humains, leur vie, leur mort et leur vocabulaire. Se croyant différent il se souvient - mais est-ce vraisemblable ? - du ventre de sa mère, comment c’était là-dedans, lui et son jumeau qui n’en est jamais sorti. Quant à Yucca, Vietnamienne naguère aimée et aimante, elle aussi aura son compte étrangement réglé. Comme Pierre, jumeau d’élection, joli corps. L’homme qui vomit trouve n’avoir rien à faire sur la même planète et ne serait-ce pas pourquoi il vomit ? Pour se sortir de soi-même, diminuer petit à petit jusqu’à ce que tout d’un coup il y arrive, disparaisse, inexistant comme aux plus chauds jours ? Où on voit la guerre séparer Prince et Léonardours et les deux héros vivre chacun mille aventures, courir dans la forêt, dormir dans un arbre, fuir à vélo, s’évader, trahir et être fidèle, rencontrer d’autres garçons, dépuceler un enfant gentil, tester malgré soi de nouveaux instruments de torture, risquer d’être bavard, tout sacrifier, oublier la couleur des yeux de l’adoré - jusqu’à ce que, toujours amoureux, peut-être ils se retrouvent. « Le cœur de To n’aurait pas été tellement enviable s’il n’avait été inaccessible, et moi je l’ai atteint, son cœur splendide et inexploré, dans la dynamique de mon amour délirant, dans l’exaspération de mes sentiments et de tout mon être, je l’ai atteint dans l’espoir d’au moins un instant apaiser mon irréductible passion, espoir déçu, car, amoureux trop exigeant pour ne pas être toujours transi, exagérément tourmenté par je ne savais quel moustique hostile à notre extase, au cœur même de ma jouissance éventuelle j’étais inenviable. » M. L. Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /5 Le Livre de Jim Courage (P.O.L, 1986) Nos Plaisirs, sous le pseudonyme PierreSébastien Heudaux (Éditions de Minuit, 1983) C’est difficile d’aimer quelqu’un. Et voici que le narrateur, une nuit, seul au bord de la Seine, croit qu’il a trouvé le truc. Au milieu de ses passions les plus intenses, quand il est amoureux, le narrateur sait que c’est Jim-Courage son meilleur ami, le compagnon d’île déserte, frère né d’autres parents. Et il ne lui fait pas autant de bien qu’il pourrait ? Et quelquefois exprès du mal ? Comment se pardonner ça ? Il croit qu’il a trouvé. Capo, père de famille nombreuse, contraint ses enfants (que des garçons) à se prostituer aux habitants de Barbecoul. Nos héros – tous homosexuels, pédophiles, coprophages, sado-masochistes et héroïnomanes – ne sont pas dépourvus de tares réelles, comme l’aigreur, l’avarice ou la malveillance. En vérité, leur méchanceté de pensée est même un élément moteur du roman : elle introduit dans l’écriture un humour que discerneront peut-être quelques esprits libres, peu habitués à ce qu’un livre dit érotique traite la sexualité avec tant de mauvais sentiments et si peu d’imparfaits du subjonctif. Car c’est bien là la plus grande provocation de Nos plaisirs. Si, aujourd’hui, les lecteurs sont prêts à s’intéresser à la sodomisation des jeunes garçons (qu’elle soit obtenue par l’argent ou la violence), l’amour fou des excréments, le plaisir du fouet et des chaînes et la passion de l’héroïne, leur tolérance est quand même limitée : admettront-ils qu’on leur en parle sur ce ton ? Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /6 La parole aux lecteurs > Sylvie Gier, Directrice de la médiathèque MaxPol Fouchet (Givors) « Ce qui frappe d’abord dans ce livre, c’est le style. La phrase, la ponctuation, l’agencement des mots donnent à des histoires minuscules la solennité d’une découverte fondamentale, la précision d’une démonstration philosophique. La langue est méticuleuse, cherchant à décrire au plus juste, au plus près, l’enchaînement d’un souvenir, d’une scène, les pensées du narrateur. Chaque terme, choisi avec soin, restitue une époque – les années 60, et le discours d’un préado de "bonne famille". La famille, plutôt aisée, ne manque de rien et la chronique de cette enfance tourne autour des vacances à la mer, des jeux et des compétitions, des résultats scolaires, des règles à respecter ou à enfreindre. 110 chapitres de 3 pages déclinent le quotidien du narrateur et de ses relations avec ses proches : la mère au foyer, le père au métier prenant, quasi absent de la vie familiale, un frère et une soeur plus âgés, la grand-mère, les enseignants, les cousins... désorienté par la découverte de son corps et de celui des autres. Le choix narratif du kaléidoscope a cependant comme conséquence de noyer le lecteur dans une accumulation un peu fastidieuse, où il guette les rares aspérités tendues par le narrateur pour pénétrer dans la chambre intime de son enfance. La force du style atteint aussi sa limite, décortiquant chaque scène, la dépiautant jusqu’à la trame, jusqu’à en extirper l’empathie qui aurait pu naître. Le 111e et dernier chapitre amarre ce récit d’enfance, dont on sent qu’il pourrait continuer à s’écouler quasiment sans fin. Il éclaire le choix du kaléidoscope, seul capable de restituer les contradictions d’une période reconstruite a posteriori comme uniformément merveilleuse et disparue. Il n’enlève cependant pas au lecteur l’impression d’être resté au bord du texte. » Certains récits illustrent avec humour la haine de la soupe ("La soupe est un concept. Il y en aurait une au chocolat qu’il se méfierait"), la difficulté d’uriner après être monté sur un arbre ("On ne voit jamais Tarzan faire pipi entre deux lianes"), l’injustice du bol de chocolat trop chaud ("son chocolat le dégoûte, soudain... et ce qui gravite autour, l’amour, la vie, tout ce qui est organisé contre sa volonté"), les lectures de jeunesse (où il découvre qu’Alice au Pays des merveilles n’est pas une des aventures de la détective de Caroline Quine...)... Cette mosaïque d’anecdotes révèle aussi les fragilités du narrateur : être solitaire, poli par l’éducation, obéissant, maniaque, mais également à la recherche de complicité affective, Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net > Michelle Heissier lectrice de la bibliothèque de la Mulatière « Le dernier livre de Mathieu Lindon se compose de 111 récits, tous assez courts et d’égale longueur, sorte de carnet de croquis, raffiné, délicat et émouvant - des souvenirs qui reviennent à la mémoire. Ces textes sont tous écrits à la troisième personne ; ce n’est pas un "je" mais un "il", très subtil, car il représente à la fois ce que ressent l’enfant (c’est un présent), mais c’est aussi la mémoire de l’adulte Mathieu qui nous convie comme témoin et nous invite à partager cette enfance où nous nous retrouvons nous même avec émotion et amusement. Mais ces récits ne sont pas que découverte du tragique, le plus souvent on y rencontre un enfant drôle, insolent, curieux de tout, qui cherche à mettre des mots sur ce qu’il ressent. On partage des éclats de rire qui sont ceux de l’enfant mais aussi probablement ceux de l’adulte, de Mathieu Lindon qui nous le rend infiniment attachant.. Nous sont familiers ses rêves comme ses accès de colère "lorsque les adultes saccagent le pays de l’invention". C’est aussi le désarroi devant les codes sociaux incompréhensibles des adultes. À l’infirmière qui lui dit des mots professionnellement gentils, il répond "vous avez une jolie poitrine" et se heurte sans comprendre à l’indignation maternelle. L’enfance n’est pas faite de petites histoires de rien et chacun de ces récits est d’une importance capitale. Merci Mathieu Lindon. » "Autant user jusqu’à la corde les avantages de l’enfance" dit le garçon, "Période uniformément merveilleuse et disparue dont les avatars parviennent frauduleusement à la surface" répond l’adulte dans le dernier récit. Cette enfance alterne les moments heureux dans la complicité du clan familial avec l’angoisse, la solitude, l’ambivalence des sentiments. Une critique, une moquerie peut tout faire s’écrouler, une remarque complice du père, redonner vie. "Faites que je rencontre quelqu’un qui m’aime et que j’aime" demande t-il à Dieu. C’est aussi la découverte des corps, du sexe, le sien et aussi celui de l’autre. Solitude lorsqu’il se heurte à l’inexplicable résistance des choses. "touchera-t-il jamais quelque chose de vrai" ? Solitude aussi face à cette intuition qui le traverse à plusieurs reprises : devenir adulte, c’est souvent mentir, faire semblant, abandonner quelque chose de soi, une vérité sur soi. Dans un des récits contemplant une photo de famille, il perçoit son changement avec une grimace de moquerie et de douleur. /7 La parole aux lecteurs > Josiane Nicollet, membre du Club des "Grands Lecteurs" du Progrès > Martha Martinez Valls, étudiante en Master pro de traduction littéraire et édition critique (Lyon 2) « "Lorsqu’il y pense de haut, l’enfance lui apparaît une période uniformément merveilleuse et disparue dont des avatars parviennent encore frauduleusement à la surface ." « En enfance. Un récit, un "kaléidoscope"... Un enchaînement de chapitres, de trois pages chacun. Voilà l’un des premiers traits caractéristiques du roman, et qui en constitue l’une des originalités. Dans son œuvre, M. Lindon revêt la peau d’un enfant et nous livre ses impressions, ses sentiments les plus profonds, ses craintes, à travers un style limpide et délicat. Les principales questions qui assaillent l’homme au cours de son existence sont passées en revue sous un jour complètement nouveau : le protagoniste (parvient-on jamais à connaître son vrai nom ?) nous est présenté de l’extérieur, par un narrateur omniscient, et c’est en tournant les pages que nous découvrirons les quelques détails sur sa vie. Quelle importance ? Ce ne sont pas tant les expériences auxquelles le jeune homme est confronté qui peuvent susciter notre intérêt, mais les réflexions qui en découlent. Car ce dernier pourrait être n’importe quelle autre personne ; il incarne, par son anonymat, l’homme tout entier, à la fois singulier et pluriel. Et l’aspect le plus important du recueil est sans doute l’exploration d’un problème sousjacent à la nature humaine : le rapport à l’autre, du point de vue du corps et des affects, et les barrières qui se créent entre l’enfant, les adultes, et leur entourage. M. Lindon utilise différents registres, du comique au pathétique en passant par le tragique, a recours à un style parfois provocateur et sensuel, pour exprimer le sentiment d’incompréhension de ce petit être, capable de prononcer des aphorismes des plus pertinents, face au monde des « grands ». L’ensemble de ces éléments permet une lecture fort amène de l’ouvrage : le premier chapitre donne le « la » pour la suite du roman et Une enfance ressuscitée , recréée mais comment faire autrement ? -, évoquée par petites touches , une mosaïque d’instantanés, un peu à la manière de Jules Renard, où l’auteur analyse avec finesse les émotions retrouvées. Mais aussi une enfance partagée, universelle, où chacun peut se retrouver : les jeux (balançoire, cow-boys et indiens…) vol de carambars, l’école, les goûters d’anniversaire, la complicité avec le frère aîné, le goût de la lecture et de la solitude, la découverte de la sexualité et le monde des adultes qu’ on devine plus qu’ on ne comprend… Le plaisir qu’on éprouve à rejoindre Mathieu Lindon en enfance est multiple : plaisir de lire ces souvenirs pleins d’humour, plaisir de savourer cette finesse de l’écriture, particulièrement dans les chutes, parfaitement ciselées plaisir de retrouver parfois sa propre enfance. » Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net annonce le ton avec lequel le sujet sera traité, il lui confère un rythme particulier. On pourrait regretter un peu la longueur et la répétition des mêmes outils stylistiques ou de la mise en scène de situations souvent similaires. Cela ne nous prive toutefois pas de la qualité de ce roman. » /8 La revue de presse Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net /9 La revue de presse > À propos de Mon cœur tout seul ne suffit pas (P.O.L, 2008) « Un lien étrange en héritage. Mathieu, l’auteur devenu son propre personnage, reçoit une lettre d’une inconnue, qui se présente comme la fille d’un de ses amis assez intimes pour qu’il en devienne l’héritier. Or le nom de cet ami ne dit rien à Mathieu, pas plus que "les aventures africaines" qu’il est censé avoir partagées avec le défunt. Intrigué, le narrateur répond à l’invitation de rejoindre cette famille endeuillée : la veuve, la fille du mort et ses enfants, un petit garçon et une fillette, qui vont devenir les principaux interlocuteurs de l’écrivain. Comment remonter dans un passé que l’on vous assigne, mais qui, de toute évidence, ne devrait pas être le vôtre ? Quel rôle tenir, quand un mort en a écrit le texte et semble mieux connaître que vous votre propre identité ? Il existe bien des romans qui sont la révélation de la nature cachée d’un disparu, quand ce dernier est l’objet d’une enquête approfondie. Plus rares sont les récits qui sont en quelque sorte dictés par une voix d’outre-tombe. L’atmosphère très inquiétante du nouveau roman de Mathieu Lindon n’est pas entièrement nouvelle dans son œuvre, qui a toujours joué sur les pulsions incontrôlées, les incertitudes de la morale familiale, les passions ensevelies et ressurgissant violemment, les fausses eaux dormantes. Observant, à son habitude, une sorte de réalisme trompeur, de naturalisme qui rappelle à la fois les grands romans de Tony Duvert et les incongruités surréalistes des films de Luis Buñuel, Mathieu Lindon, adepte de la "ligne claire" dans sa manière de conduire l’intrigue, entraîne les lecteurs dans le pavillon paisible de cette famille d’adoption, elle-même atypique. Car le mort qui, à force de conversations entre l’auteur et les héritiers, reprend vie, était un pianiste algérien qui aurait ému, un soir lointain, en Afrique, dans un bar, le narrateur. Et cette émotion aurait été assez déterminante pour créer entre eux un lien très fort. Mais à ce souvenir s’en ajoutent d’autres, plus lointains, venus de l’enfance. Et tout se mêle : la musique, passion qu’ils ont en commun, la religion considérée avec distance, mais envahissante tout de même (le narrateur est juif, et le mort, bien entendu, musulman). Dans l’univers feutré du deuil et de la mémoire rapportée s’insinue peu à peu une autre menace. Car ce "cœur" qui est présent dans le titre du roman et qui désigne, croit-on, le lieu de l’affect, est aussi un muscle. Et d’une histoire sentimentale (une amitié en quelque sorte refoulée par l’un des partenaires), on passe à une histoire politique (un Algérien immigré offre son passé, son identité, à un juif bourgeois et gay) et à une histoire physiologique : le cœur du narrateur, soudain chargé de trop de missions, flanche et va subir une lourde intervention. Mathieu Lindon a toujours écrit de belles histoires réalistes et cruelles, où ne manquaient que les fantômes. Avec ce dernier récit, il montre qu’il n’est pas nécessaire de quitter les conventions de la narration réaliste pour aborder aux rivages du fantastique. Il suffit des failles de la mémoire, de la faiblesse d’un cœur et d’une hypersensibilité, à laquelle deux enfants apportent une délicieuse complicité. » Le Monde, René de Cécatty (11/01/2008) * « Le narrateur de ce troublant roman, prénommé comme l’écrivain, reçoit une lettre d’une inconnue qui se dit la fille d’un ami assez cher pour avoir fait de lui son héritier. Quoique le nom de ce dernier ne lui évoque rien, Mathieu accepte de se rendre dans la maison du défunt, où vivent sa veuve, sa fille et les enfants de Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net celle-ci, qui deviennent vite ses principaux interlocuteurs : vont-ils lui en apprendre plus sur ce Milodi, un pianiste algérien qui semble lui dicter sa conduite d’outre-tombe ? Son inquiétude grandit quand il prend froid et doit s’aliter, tandis que les deux femmes sont retenues hors de la maison. Le voici donc malade, en tête à tête avec deux jeunes enfants insomniaques qu’il s’agit de d’occuper et de rassurer, tâche peu aisée pour ce célibataire. L’effet de réalisme du récit se double d’une aura fantastique, accrue par une agression nocturne et les cauchemars du narrateur. Jusqu’à ce que le cœur dont il est question dans le titre ne flanche... Conte étrange mais enchanté par la présence des enfants, le récit vous tient en haleine. » Le Temps, Isabelle Martin (23/02/2008) * « Un roman très romantique. [...] En véritable écrivain Mathieu Lindon excelle dans l’art de raconter des histoires troublantes, et dans son nouveau roman paru chez P.O.L intitulé Mon cœur tout seul ne suffit pas, il surprend son lecteur qui l’attendait certainement pas dans ce récit romantique où il est question d’amitiés indéfectibles, d’amours familiales et comme dans le film De battre mon cœur s’est arrêté (la noirceur en moins), de la musique qui libère l’homme de ses chaînes. Il est rare de trouver dans la littérature française contemporaine pareil exemple de roman hors mode qui ose faire l’éloge de l’art d’être grandpère et qui affirme que le regard bienveillant d’autrui nous rapproche du ciel. Mais tout cela n’est pas donné au départ, et le lecteur devra entreprendre avec le narrateur, un certain Mathieu, une promenade assez labyrinthique qui le conduira dans l’évocation de la Guerre d’Algérie et des accords d’Evian de 1962. Étonnant, Mon cœur tout seul ne suffit pas l’est à tous les points de vue, dans le fond comme dans la forme, y compris dans son intrigue énigmatique et à tiroirs. [...] Ne dévoilons pas plus l’intrigue qui réserve jusqu’à la fin de belles surprises narratives. Avec beaucoup de pudeur, et des dialogues d’une grande justesse Mathieu Lindon parle alors de l’atteinte de l’âge, de la maladie et de la mort, et montre que nous ne guérissons jamais de notre enfance, et que notre passé finit toujours par nous rattraper. Pour le pire, ou comme ici pour le meilleur. Un livre qui fait aimer la vie, et les autres. Un roman lent, grave, douloureux parfois, mélancolique, poétique et d’une écriture aussi musicale que son principal sujet évoqué. Luxemburger Wort, Jean-Rémi Barland (14/02/2008) * « L’ami retrouvé. C’est par un enchaînement logique, mais qui prend vite l’allure d’une comédie miinquiétante, mi-burlesque, que Mathieu (l’auteur narrateur) se retrouve dans la maison familiale de Dominique Turna-Veille, de sa mère et de ses deux enfants Ikbal et Dounia. Il y est accueilli comme un bienfaiteur, en mémoire de Milodi, grand-père des enfants, qui vient de mourir et avait toute sa vie évoqué l’amitié et la reconnaissance indéfectible qu’il portait à Mathieu. Or celui-ci n’a aucun souvenir de Milodi, et encore moins de prétendues aventures communes en Afrique. La lettre qu’on lui fait lire, le dossier qu’on lui remet, cette maison où il est reçu et dont on lui dit qu’elle lui revient en héritage, tout le rend circonspect et nerveux. Amoureux du mot juste, « puriste syntaxique », il est aussi en décalage verbal avec ses hôtes dont même les noms le désarçonnent. Le voilà contraint à un numéro d’équilibriste : ne pas décevoir ces inconnus qui paraissent l’aimer sincèrement, ni jouer les / 10 La revue de presse usurpateurs en prétendant être celui qu’il croit ne pas être. Il franchit néanmoins, avec maladresse, de minuscules étapes vers la "reconnaissance". Le jeu à quatre mains des enfants interprétant au piano En bateau de Debussy lui remet ainsi à l’esprit Paul, que Mathieu appelait par dérision Pavel à cause d’un accent indéfinissable (russe ?). À treize ans, celui-ci venait chez lui pour jouer sur le Pleyel de ses parents. Mais sa mémoire défaillante n’identifie pas immédiatement Pavel comme étant Milodi, et il faudra du temps, une promenade nocturne, un coup de froid, l’insistance affective des enfants qu’il partage de façon inattendue, des insultes ("sales bougnoules"), un accident, et surtout un coup de fil de son amant Simon, qui souligne son obstination à ne pas comprendre, pour enfin admettre l’évidence. Milodi, en réalité d’appartenance algérienne, était bien son ami d’enfance, et sa vie fut belle grâce à un lointain et humble geste, qui sommeillait dans la mémoire de Mathieu tout comme son origine juive. Cette révélation répond en partie à la question qui obsède le romancier narrateur : "Pourquoi je vous intéresse tant ?" Déjà à l’œuvre dans des textes précédents, dont La Littérature, il l’aborde ici sous l’angle émotionnel : comme la lettre testamentaire de Milodi (et le médecin !) le lui apprendra, un seul cœur ne suffit pas. Les mots non plus ne suffisent pas toujours, ni deux mains parfois, quand il faut faire ses devoirs ou jouer certains airs... Au fond, Mathieu Lindon ne résiste pas au sentimentalisme de cette famille. Il s’agit pour lui, une fois de plus, de s’interroger sur l’amour, cette fois non au sein du couple, mais envers ses amis et son entourage. "L’harmonie (est) comme l’amour, à réinventer." Milodi ("mélodie"...), ne disait-il pas à propos des disputes de ses parents, "ils n’ont jamais l’accord" ? Et c’est musicalement que le texte se construit, alternant "syncopes" (les malaises de Mathieu), échappées d’émotion, délires, avec de calmes plages de raison et d’explications. L’extravagance le dispute à la mort, à la crainte de la "faute de grammaire morale", à l’héritage de la violence et du racisme. Ces frictions de style provoquent une tension palpable qui, peu à peu, comme en rappel de la pièce de Debussy, s’adoucit pour achever le livre en paix. L’Humanité, Pascal Jourdana (7/02/2008) * [...] Étrange, sur le fil, Mon cœur ne suffit pas passe curieusement d’un genre à l’autre, commençant comme un polar, continuant comme un huis-clos à la Losey, puis variant vers la guerre d’Algérie pour revenir enfin vers l’art et la musique. On pense un peu au Caché de Michael Haneke, qui enchâssait lui aussi l’histoire coloniale dans une scénario où on ne l’attendait pas. Un roman insaisissable et troublant, où l’on retrouve le style coulant et si particulier de Lindon. Bon Cru. Chronic’Art, L.B. (02/2008) * > À propos de Ceux qui tiennent debout (P.O.L, 2006) « Mathieu Lindon, crime et survêtement Ceux qui tiennent debout est un roman éroticopolicier à connotation - résonance ? - nabokoborgésienne. Il y a aussi du Perec, car il y a un puzzle. Et puis, c’est le même éditeur. Du moins pour la Vie mode d’emploi : P.O.L. Il y a aussi un récit de résistance et une rêverie sur l’architecture. Proust est dans les habits retrouvés du temps. Mathieu Lindon a mis beaucoup de culture dans Ceux qui tiennent debout sans en faire pour autant un roman culturel : ouf. L’intensité dramatique est présente de la première à la dernière page, soutenue par un style sérieux, presque sévère, Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net mais aussi souple, coloré, chaud et intelligent. L’auteur, dès qu’on a résolu une énigme nous en propose une autre. Ce qui s’appelle prendre soin du lecteur. Au début, il y a un meurtre. Réel ou fantasmé, c’est toute la question. Qui laisse planer sur le livre un doute énorme. Le narrateur a-t-il tué ou imagine-t-il qu’il la fait ? (...) La scène est si bien racontée qu’elle semble avoir été vécue. Par Alain Pacadis, par exemple, dans le rôle de la victime. Après le crime, le narrateur découvre une pièce nouvelle dans son appartement, où il trouve tous les habits de son enfance : vieux slips, chaussettes trouées, duffel-coat, survêt. C’est la plus belle invention poétique du livre. Le pull-over que le narrateur portait le jour de son dépucelage raté par un quadragénaire dans le théâtre, la chemise qu’il a enlevée le jour de son dépucelage réussi par deux jeunes hommes dans un hôtel de la côte normande. En arrière-plan, l’histoire de deux architectes tchèques ayant traversé cahin-caha, plutôt caha, le XXe siècle : Vaclav Vös et Jaroslav Bineck. Constructeurs fous d’immeubles pragois impossibles dans lesquels même la Gestapo, à leur recherche depuis l’assassinat d’Heydrich auquel ils ont participé, se perdra. Les nazis n’avaient pas le sens de l’orientation, sinon ils n’auraient pas été nazis. Mathieu Lindon s’amuse beaucoup à construire ces deux biographies farfelues. Elle se situe là, sa crise de nabokovisme néphrétique doublée d’une fièvre borgésienne carabinée. Il a un sérieux imperturbable dans lequel boutonnent en permanence les gros éclats de rire gras des Marx Brothers. Montre la délicatesse rare de ne jamais rien expliquer, mais ça ne l’empêche pas de conclure. Le livre se termine par une parabole mi-Joyce mi-gay : le cerf auquel on dit oui, oui, oui, oui, oui. Qu’est-ce que le sexe ? Et la mort ? Et l’enfance ? Questions simples et ensoleillées autour desquelles la littérature tourne sans fin, sauvant à la foi les auteurs et les lecteurs par ses réponses cocasses, juteuses, insolites. Pas encore compris pourquoi le roman s’appelait Ceux qui tiennent debout, j’aurais plutôt mis Ceux qui tiennent couchés. L’auteur se distingue également pour avoir voulu jouer au mikado en ayant pris du LSD et rester, comme toute la génération baby-boom qui a vu le film a la télé, encore traumatisé par la scène de torture sous les ongles des Trois Lanciers du Bengale (Henry Hathaway, 1935). Marianne, Patrick Besson (4-10/02/2006) * > À propose de Je vous écris (P.O.L, 2004) « Ma catastrophe adorée relate une relation amoureuse frustrante, voire impossible, entre deux hommes. Je vous écris raconte la liaison tout sauf frustrante, qu’entretient un auteur d’œuvres littéraires avec d’autres auteurs d’œuvres littéraires. Chacun de ces courts volumes se lit fort bien séparément, et même avec un grand plaisir. [...] Pas de doute, on est bien dans l’autofiction. [...] Tous ces personnages se déplacent d’un livre à l’autre, créant l’illusion, le volume, l’espace, quelque chose de magique comme le jeu de cartes dans Alice au pays des merveilles. Oui, c’est ça, un jeu. Un puzzle à reconstituer. La vie, sans mode d’emploi.» Elle, Héléna Villovitch (2004) * « Je vous écris éclaire l’œuvre de cinq romanciers (quatre plus lui-même) qui ont en commun l’originalité des thèmes, la liberté de pensée et la recherche d’une écriture neuve au plus près d’une vérité intime, en quête d’une authenticité dégagée de tout moralisme. » Le Monde (2004) * / 11 La revue de presse > À propos de Ma catastrophe adorée (P.O.L, 2004) > À propos de Lâcheté d’Air France (P.O.L, 2002) « Ma catastrophe adorée, révèle un écrivain aussi sentimental que subversif. » Les Inrockuptibles, Nelly Kapriélian (2004) « C’est un libelle dans la pure tradition, un essai d’irritation aussi vengeur que passionné. » Le Nouvel Observateur, Didier Jacob (14/03/2002) * « Le livre de Mathieu Lindon, journaliste littéraire à Libération, sonne comme une consécration de "l’écriture réalité". Sa force est dans l’émotion que cette tranche de vie suscite [...] Ce livre est un petit événement. » Psychologies, V.C.S. (2004) * « Étrange, superbe de subtilité et de profondeur, le roman de Mathieu Lindon - connu pour ses récits coups de poing sur les amours masculines et la fascination qu’exercent les jeunes corps - redore le blason de la passion élégiaque. [...] Histoire poignante dans sa lucide mais intransigeante progression. [...] le roman de Mathieu Lindon est un diamant pur, une méditation intelligente et lucide sur les limites de la jouissance sexuelle et sur l’espace sans limites de notre quête d’amour... que sauve la possibilité d’en garder mémoire par l’écriture. » Le Monde des livres, Hugo Marsan (2004) * « Entre délices du marivaudage contemporain et atermoiements du désir éternel, Mathieu Lindon poursuit dans son 15e livre une inlassable auscultation de l’amour...» La Croix, S.L.S. (2004) * * « L’humour de Mathieu Lindon est assez noir, et son intelligence assez retorse, pour faire de sa mésaventure la mini-saga d’un écrivain seul, qui trouve dans ses mots - et ce livre - l’arme unique d’une vengeance différée. » Les Inrockuptibles, Fabrice Gabriel (19/03/2002) * « Aussi drôle que grave, ce récit est autant un reportage qu’une réflexion sur le "pouvoir supposé" de la littérature. C’est aussi un livre politique animé par la rage et l’espoir "qu’en dénonçant une lâcheté on en dénonce mille". » La Vie, Emilie Grangeray (25/04/2002) * « Une méditation sur l’étrange logique du monde, qui recoupe - dans son hyperréalisme absurde - certaines chroniques et écrits de l’auteur du Procès de Jean-Marie Le Pen. » Marianne, Benoît Duteurtre (6/05/2002) * « Tout ce que le 11 septembre a révélé de nous est dans ce livre, par le biais le plus banal : la dispute avec la bureaucratie, l’énervement. À partir d’une mésaventure de rien à Roissy, d’un départ en vacances qui n’intéresse personne, à partir de ce petit point microscopique, on voit tout ce qu’il y a dans la tête de Mathieu Lindon, l’énervement raconte tout de la tête et Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net du corps, donc on voit tout. La littérature c’est des humains qui s’ouvrent le crâne et le corps sans mentir. » Epok, Christine Angot (n°26, mai 2002) * > À propos de Chez qui habitons-nous ? (P.O.L, 2000) « Ce qui à chaque fois se joue, c’est la difficulté à tenir l’écart entre la réalité des êtres et le discours dont on les recouvre, comme d’une couverture factice, impropre à réchauffer le moins frileux des SDF. "Il n’y a pas de refuges", dit encore Hugues, qui rappelle le héros satanique des Apeurés. Le roman s’offre alors comme le lieu, métaphorique et paradoxal, qui peut maintenir ensemble ceux que séparent les mots : excédant de loin la seule interrogation sociale, le livre s’emploie à déjouer, avec une ironie parfois méchante, les leurres de toute communauté - sexuelle, familiale, ethnique ou culturelle... Il y a quelque chose d’étymologiquement diabolique dans cette entreprise de désunion par le langage, mais aussi une sorte de jubilation inquiète et vaguement masochiste, qui fait en définitive tout le prix de la fiction : renvoyé à la solitude du nomadisme amoureux, le narrateur finit par rentrer «chez lui», sans être plus sûr du sens d’une telle expression. Ce doute est la raison du roman, cette maison fragile et belle où l’on ne s’abrite guère contre soi. » Les Inrockuptibles (18-24/01/2000) * > À propos de Le Procès de Jean-Marie Le Pen (P.O.L, 1998 – Folio, 2000) « Mieux que des dizaines d’essais approximatifs sur le Front national, ce petit livre de fiction vraie dit le réel de l’énorme machinerie sociale de l’infâme. Après tout Candide n’était pas autre chose, et cela a suffi. » Le Monde (27/08/1998) * « Voilà un roman paradoxal qui fait rageusement, et courageusement, concurrence à la réalité brute. Le livre refermé, l’affaire est loin d’être close. » Ouest France (3/10/1998) * « Sur un ton d’autant plus dérangeant qu’il est placide, Mathieu Lindon, redoutable contempteur des préjugés modernes, illustre la vanité et la vacuité de certaines rhétoriques judiciaire, médiatique, moralisatrice. Il a réussi la prouesse d’écrire un roman qui fût antirasciste sans être édifiant. » Le Nouvel Observateur (27/08/1998) * > À propos de Champion du monde (P.O.L, 1994 – Folio, 1996) « Le tennis, la fascination pour la dépense pure que constitue ce sport, allégé de toute la sociologie qui lui donne sa valeur sociale, prend un sens presque abstrait - celui d’un mythe personnel. Parallèlement, Champion du monde est aussi le récit d’une affection gratuite, pure, elle aussi, d’une passion qui ne s’arrête pas à soi mais regarde vers un au-delà, qui a l’autre pour horizon ; là, la perversité n’est plus de mise, semble ne plus avoir de pouvoir sur le désir. » Le Monde (1994) * / 12 La revue de presse > À propos de Nos Plaisirs, sous le pseudonyme Pierre-Sébastien Heudaux (Éditions de Minuit, 1983) « Les horreurs de M. Heudaux sont distillées avec un humour corrosif et pervers qui fera la joie des lecteurs (très) avertis. D’autre part, dans ce chapelet d’obscénités, il y a en fait un fameux goût de la liberté, une attaque en règle contre les tartuferies morales et une insolence dans le ton qui nous change de la littérature homosexuelle souvent un peu gémissante. L’horrible M. Heudaux n’a peur de rien, il jongle et joue avec ses pulsions sans complexe et surtout sans faire appel aux psychanalyses larmoyantes d’usage. Le vilain petit M. Heudaux, fier de sa perversion, ne serait-il pas plus sain que son prochain ? Et puis il y a ce miracle qu’est la découverte d’une nouvelle écriture, d’un nouvel écrivain. Beckett et Marcel Aymé – un couple difficile à imaginer, non ? – se sont penchés sur le berceau de l’abominable M. Heudaux. Ça donne un texte vif, drôle, très moderne, très “rap”, comme on dit à la radio, qui entraîne les mots et les choses dégueulasses dans une ronde effrénée. Ce qu’on s’amuse chez le dégoûtant M. Heudaux ! Mais au fond ça, on le savait déjà : l’antichambre de l’enfer est un endroit très gai. » Le Nouvel Observateur, Jean-François Josselin (1983) D’une écriture drolatique et malicieuse (peut-être trop pour être honnête). Hyperréaliste dans ses descriptions de la bêtise et de la méchanceté. Avec ce premier livre, Pierre-Sébastien Heudaux a repris à sa façon l’anathème contre l’imbécillité lancé par Sade et Vailland : “ À bas les cons ! ” » Libération, Daniel Rondeau (1983) * « De Robbe-Grillet à Tony Duvert en passant par Hervé Guibert. Comme si quelques-uns des auteurs des Éditions de Minuit s’étaient penchés sur le bureau du jeune écrivain PierreSébastien Heudaux, c’est-à-dire P.-S. Heudaux, c’est-à-dire Pseudo (...) Le Petit Pseudo s’installe d’entrée de jeu parmi les meilleurs. Nos plaisirs est un livre de moraliste paradoxal extrêmement réjouissant. Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net / 13