Mathieu Lindon

Transcription

Mathieu Lindon
Récit(s) d’enfance(s)
L’auteur
La parole aux lecteurs
Mathieu Lindon est né en 1955. Son dernier livre, En enfance (P.O.L,
2009), est une mosaïque retrouvée, un kaléidoscope braqué sur une
enfance dont les images remontent et s’organisent en autant de
petits récits fragiles et précieux, uniques, partageables, sauvés du
désastre de l’âge adulte. Bonheur et malheur mêlés, ce sont de petites histoires de rien mais elles furent tout, et le redeviennent ici,
miraculeusement.
Mathieu Lindon est par ailleurs journaliste littéraire et chroniqueur
à Libération.
>Sur En enfance (P.O.L, 2009) :
Sylvie Gier, Directrice de la médiathèque Max-Pol Fouchet (Givors)
Michelle Heissier, lectrice de la bibliothèque de la Mulatière
Josiane Nicollet, membre du Club des "Grands Lecteurs" du
Progrès
Martha Martinez Valls, étudiante en Master pro de traduction
littéraire et édition critique (Lyon 2)
L’œuvre
La presse
En enfance (P.O.L, 2009)
Mon cœur tout seul ne suffit pas (P.O.L, 2008)
Ceux qui tiennent debout (P.O.L, 2006)
Je vous écris (P.O.L, 2004)
Ma catastrophe adorée (P.O.L, 2004)
Lâcheté d’Air France (P.O.L, 2002)
La Littérature (P.O.L, 2001)
Chez qui habitons-nous ? (P.O.L, 2000)
Le Procès de Jean-Marie Le Pen (P.O.L, 1998 – Folio, 2000)
Les Apeurés (P.O.L, 1998 – Folio, 2000)
Merci (P.O.L, 1996)
Champion du monde (P.O.L, 1994 – Folio, 1996)
Le Cœur de To (P.O.L, 1994)
Je t’aime. Récits critiques (Minuit, 1993)
L’Homme qui vomit (P.O.L, 1988)
Prince et Léonardours (P.O.L, 1987)
Le Livre de Jim Courage (P.O.L, 1986)
Nos Plaisirs, sous le pseudonyme Pierre-Sébastien Heudaux
(Éditions de Minuit, 1983)
Le Monde des Livres, René de Cécatty (16/01/2009)
Le Monde des Livres, René de Cécatty (11/01/2008)
Le Temps, Isabelle Martin (23/02/2008)
Luxemburger Wort, Jean-Rémi Barland (14/02/2008)
L’Humanité, Pascal Jourdana (7/02/2008)
Chronic’Art, L.B. (02/2008)
Marianne, Patrick Besson (4-10/02/2006)
Elle, Héléna Villovitch (2004)
Le Monde (2004)
Les Inrockuptibles, Nelly Kapriélian (2004)
Psychologies, V.C.S. (2004)
Le Monde des livres, Hugo Marsan (2004)
La Croix, S.L.S. (2004)
Le Nouvel Observateur, Didier Jacob (14/03/2002)
Les Inrockuptibles, Fabrice Gabriel (19/03/2002)
La Vie, Emilie Grangeray (25/04/2002)
Marianne, Benoît Duteurtre (6/05/2002)
Epok, Christine Angot (n°26, mai 2002)
Les Inrockuptibles (18-24/01/2000)
Le Monde (27/08/1998)
Ouest France (3/10/1998)
Le Nouvel Observateur (27/08/1998)
Le Monde (1994)
Le Nouvel Observateur, Jean-François Josselin (1983)
Libération, Daniel Rondeau (1983)
© Bamberger
Mathieu Lindon
France
Villa Gillet - 25 rue Chazière - 69004 Lyon - 04 78 27 02 48 - www.villagillet.net
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En enfance (P.O.L, 2009)
Mon cœur tout seul ne suffit pas (P.O.L, 2008)
Ceux qui tiennent debout (P.O.L, 2006)
Je vous écris (P.O.L, 2004)
Ça y est, à nouveau il est un
enfant. Il veut s’accaparer
celui qu’il a été. Cette foisci, l’enfance est une décision. Comme si un enfant
l’attendait dans une grotte,
protégé du monde et du
temps depuis toutes ces
années. Avec ses trésors
et ses naufrages, il est ce
voilier qui flotte à tout vent.
Armé de souvenirs, de sensations retrouvées qui
s’agglutinent, fidèles et infidèles, il sera à jamais
cet enfant-là, dorénavant.
À quoi ça sert, l’enfance ? On tombe là-dedans
pour y faire quoi ?
Être un enfant, c’est comme être un dinosaure,
ça remonte si loin. Il veut devenir ce paléontologue contaminé par son objet d’étude à qui son
âge n’interdit pas d’écrire pour de vrai l’autobiographie de celui qui pourrait aussi bien être son
fils que son père.
Mathieu
reçoit
une
curieuse lettre lui enjoignant de contacter sans
délai la fille d’un de ses
meilleurs amis, qui vient
de mourir. Or, de cet ami,
il n’a aucun souvenir. Mais,
en même temps que sa
méfiance, sa curiosité est
piquée et il se rend en province auprès de l’étrange
famille de son « ami ». Tandis que lui revient
peu à peu la mémoire, tandis qu’il s’émerveille
des personnes qui l’entourent et qui dessinent
une constellation d’intelligence et de gentillesse
rare – des enfants quasiment surdoués dans
ces deux domaines à leurs affables parents – un
malaise cardiaque l’abat. Il survivra mais aura
approché de si près la mort que cette histoire en
sera elle aussi transfigurée.
Mathieu Lindon poursuit avec cet étrange livre
un itinéraire romanesque hors du commun. Tout
en ne négligeant pas les ressorts dramatiques
classiques, il arrive toujours à introduire dans
ses histoires, de manière discrète et efficace,
un ferment de doute, à montrer doucement que
rien ne va jamais de soi et à déborder ainsi, à
excéder les cadres ordinaires de la fiction. Cela
tient à une phrase très particulière, toujours au
bord du déséquilibre et d’autant plus fascinante.
Cela tient à une pensée qui ne se satisfait jamais
des clichés, qu’ils soient politiques, sociaux ou
sentimentaux.
« J’étais égaré dans tant
de métamorphoses, un
vivant qui tournait mort,
un appartement qui s’accroissait, des vêtements
qui ne m’allaient plus. Que
ces vains ornements, que
ces voiles me pesaient. Un
événement neuf, puisque je
n’avais assassiné personne
de mes mains auparavant,
et c’en était une cascade. Je naviguais en pleine
originalité, y naufrageais. L’imprévisibilité contaminait tout, jusqu’à l’espace. La magie du direct,
comme on aurait dit à la télévision, l’agressive,
la haineuse prestidigitation du réel. » M. L.
« Aimer un écrivain
contemporain, c’est forcément d’un amour complet
et indécis, assuré et imprévu – d’un vrai amour,
quoi. Écrire sur un contemporain, c’est s’exposer à un
double démenti, de la part
de l’œuvre dans l’avenir, de
la part de l’auteur dès le
présent. Mais à quoi servent les écrivains s’ils ne font pas écrire ? Les
« récits critiques » contenus dans ce volume,
ces aventures dont des livres et leurs auteurs
sont les héros (Hervé Guibert, Marie NDiaye,
Christine Angot, Rachid O., Mathieu Lindon), ne
prétendent à aucune vérité autre que celle qu’atteint parfois la fiction.
Ils racontent une œuvre prise dans l’engrenage
de la littérature, ils sont la voix de la lecture,
d’une lecture évidemment, s’exprimant par
écrit. Ils sont une autobibliographie, comme le
dit le sujet du dernier texte. J’ai tâché de mettre
par écrit ma façon de lire des auteurs qui me
sont proches, d’exprimer mon affection pour eux
et leur œuvre. Contemporain sous-entendant vivant, on peut s’étonner de trouver ici un texte sur
Hervé Guibert, mort fin 1991, mais il m’a été si
longtemps si contemporain qu’il le demeure. »
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Ma catastrophe adorée (P.O.L, 2004)
Lâcheté d’Air France (P.O.L, 2002)
La Littérature (P.O.L, 2001)
Chez qui habitons-nous ? (P.O.L, 2000)
« Je tombe amoureux d’un
garçon venu vers moi pour
qu’on couche ensemble et
qui, soudain, ne veut plus.
Une histoire d’amour m’est
un roman policier. Il s’avère
immanquablement
que
rien ne s’est passé comme
je croyais. Le vrai coupable
est toujours un coup de
théâtre et le mobile pardessus tout. Il y a toujours un meurtre. Qui est
mort pour moi et pas pour les autres ? Qui ai-je
tué ? qui me tue ? Tout à coup, je m’incarne en
Sherlock Holmes ou Hercule Poirot et, d’un détail d’abord indifférent, reconstruis une histoire
complètement différente. “Ah, c’est pour ça que
tu as fait ça.” Je n’avais rien compris, je ne goûtais que le plaisir de la lecture alors que je me
croyais au plus près de ma propre vie.
Une histoire d’amour m’est un roman d’espionnage. L’autre est sans cesse à décrypter, il est
un déséquilibre que je tâche de figer, d’où le
suspense permanent, qui le premier sera traître
à la relation ? Qui le premier cessera d’être un
agent double, rompant l’égalité proclamée entre
l’autre et soi pour revenir à une charité mieux
ordonnée ? Rien n’est écrit. Les souvenirs deviennent des armes. Chaque lettre est anonyme
car je ne sais jamais qui vraiment l’a écrite, tout
est à interpréter.
Une histoire d’amour m’est un roman de gare,
un roman d’horreur, je ne sais jamais pour où je
pars, avec qui. Ça tourne mal mais un cauchemar, c’est quand même un rêve. »
« C’était inattendu, que des
employés d’un prestigieux
transporteur aérien s’enfuient de leurs comptoirs
d’Orly en abandonnant la
clientèle pour cause de rumeur d’alerte à la bombe.
J’avais une si haute idée
d’elle que j’attendais, pour
le moins, les excuses de la
compagnie, mais elle nia
toute responsabilité au mépris des faits. Alors je
me suis senti enragé, d’autant plus humilié que
je me voyais sans recours face à la force d’une
lâcheté et d’un mensonge assurés de l’impunité.
Sans recours, vraiment ? » M. L.
De manière inattendue
puisqu’on le prétend un ermite, Jesper Thorn se rend
à un colloque organisé en
son honneur à Besançon.
Mais le grand écrivain suédois s’y conduit avec une
ironie et une violence qui
dépassent la goujaterie.
« Pourquoi écrit-il. Pourquoi écrit-il ce qu’il écrit ?
Et pourquoi est-il venu en parler à Besançon ? »
Ces questions quasi-théoriques d’universitaires
et de simples lecteurs prennent dès lors une allure plus concrète. Un biographe, fou de Sherlock Holmes, enquête sur lui de façon policière,
recrutant une détective en Suède, essayant de
remonter dans l’existence de l’écrivain et de retrouver la trace d’un amour perdu sur lequel il
ne s’est jamais exprimé.
Grâce aux déductions, intuitions et bêtises de
ses héros, La Littérature, qui contient des extraits des propres chefs-d’œuvre de Jesper
Thorn, résoudra les mystères apparemment les
plus inaccessibles.
On est encore jeunes, on
rêve d’être des nomades,
des aventuriers. On marche
dans la rue, on regarde
la télévision, on ne peut
qu’être bouleversés par
le sort des SDF, tous ces
sans-domicile fixe.
- Drôles de nomades, dit
pourtant Hugues, mon frère
pour qui la place du fer est
toujours dans la plaie. Ils manquent de domicile
plus que de fixité, peuvent dormir chaque nuit
sur le même banc si ça leur chante.
Une cruauté mine notre confort, même notre
vie sentimentale, Carole et Jean-Paul, Dimitri et
moi.
On discute, on a nos idées, et Hugues trouve
immanquablement à y redire, et parfois on est à
deux doigts de se laisser convaincre.
Pas forcément de notre appartement mais on a
souvent envie de déménager.
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Le Procès de Jean-Marie Le Pen (P.O.L, 1998
– Folio, 2000)
Comment combattre efficacement Jean-Marie Le Pen ?
Le jeune Ronald Blistier,
membre du Front national,
a commis de sang-froid un
crime raciste, tuant en pleine
rue un adolescent arabe. L’affaire a provoqué maintes indignations et tout le monde est
d’accord pour faire du procès
de Blistier celui de son men-
tor.
C’est un avocat juif de trente ans, maître Mine,
qui défend l’assassin. Il a des idées pour mieux
lutter contre Jean-Marie Le Pen.
- Tendre un piège à Le Pen ? Mais on tombera
tous dedans, lui dit pourtant Mahmoud Mammoudi, son compagnon.
Pierre Mine, quoi qu’il en soit, a engagé la lutte.
Son jeu est indéchiffrable. Ne devient-il pas la
cible d’antiracistes et l’étendard de ceux qu’il
souhaite combattre ? Jean-Marie Le Pen feint de
lui rendre hommage. Diverses tempêtes déferlent sur sa vie, comme si ceux qui luttent sans
succès évident contre le Front national trouvaient cependant suspect que quelqu’un d’autre
essaie une méthode différente.
Les Apeurés (P.O.L, 1998 – Folio, 2000)
Merci (P.O.L, 1996)
Champion du monde (P.O.L, 1994 – Folio, 1996)
Que penser d’un homme qui
viendrait chez vous pour vous
vanter votre propre peur ? Un
curieux individu, jeune, séduisant, beau parleur ? Vous
seriez en droit de le soupçonner de n’être qu’un escroc,
beaucoup plus troublant il est
vrai qu’un aigrefin ordinaire.
Ou bien l’inquiétant fondateur d’une secte, la secte des
apeurés, par exemple ? Un fou ? Celui qui vient
frapper à la porte du narrateur de ce récit, de
cette fable ou de ce « conte philosophique » prétend en tout cas l’aider à comprendre sa peur
pour qu’il en profite mieux, il lui suggère même
que s’il s’agit de vivre, de vivre sans entrave,
pleinement. La peur est le moyen de cet accomplissement, mais une peur de tous les instants,
appliquée à tout ce que nous sommes, jusqu’au
fond de nous, et à tout ce qui vit autour. Une peur
générale qui ferait tomber sur soi l’existence
tout entière, d’un coup. Son enseignement est
étrange, comme sorti d’une enfance adonnée
à des rites mélancoliques, mais nourri d’incongruités, de fantaisies, d’une invention permanente.
Soudain Ximon, très jeune
encore, incontesté numéro
un mondial, en a assez du
tennis. Sa vie prend une
autre forme. Il doit affronter
la sexualité, la littérature, la
différence raciale, l’amour
sous diverses formes. Mais,
sur le court ou dans un lit,
dans son cœur, se pose la
même question : l’autre, en
face, est-il un adversaire ou un partenaire ?
Qui, quoi vaincre pour devenir
le plus grand tennisman de sa
génération ?
Kylh, joueur vieillissant, apparaît un jour dans la vie de
Ximon pour aider le gamin
à réaliser son rêve. Et cet
étrange couple se met au travail : entre l’adulte malade du
sida et l’orphelin avide d’offrir
le meilleur de soi, naît une affection qui les dépasse l’un et l’autre mais dont
chacun sent qu’elle sera à jamais la principale
arme de Ximon. C’est par elle qu’il apprendra à
gagner ou à perdre chaque match qu’il dispute, y
compris la finale de Wimbledon.
- Sais-tu seulement ce qu’il te faut pour être, ne
serait-ce qu’un instant, champion du monde ?
dit Kylh.
- L’être à chaque instant, non ? dit Amon.
Mais est-il capable à chaque instant d’être
champion du monde de courage, de générosité
et d’amour ?
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Le Cœur de To (P.O.L, 1994)
Je t’aime. Récits critiques (Minuit, 1993)
L’Homme qui vomit (P.O.L, 1988)
Prince et Léonardours (P.O.L, 1987)
Ce roman est un roman
d’amour fou. Peu importent les lieux, peu importent ceux qui traversent
cette histoire : le centre
en est To, que le narrateur
adore, qu’il veut pour lui,
jusqu’au point peut-être où
la possession annule l’objet
possédé, jusqu’au point où
les mots pour le dire manquent. Et c’est bien l’une des gageures tenues
par ce livre : ne parler que de cela quand tous les
mots ont déjà été dits et les sentiments éprouvés, quand les mots viennent à se dérober. Désir
démesuré qui paralyse, frénésie, dévoration :
l’écriture rend compte de cette folie dans sa minutie délirante, inventive, poétique.
La littérature enferme
l’amour dans les romans,
la poésie : critiques et
théoriciens seraient disqualifiés si la passion
contaminait leurs travaux, les empêchant de
raisonner sainement. Et
voici que l’amour est au
cœur de la réflexion et de
l’écriture d’un livre, voici
qu’il est la raison de vivre du lecteur comme de
l’auteur, la seule raison de lire et d’écrire. Voici
qu’un amoureux fou de phrases, de textes et de
leurs auteurs, cherche (et trouve) des occasions
de dire “Je t’aime”. Car les mots sont toujours
les mêmes, préexistant au sentiment, ce sont les
situations qui manquent.
Des “récits critiques”, ce sont des aventures
dont des livres sont les héros. L’auteur raconte
ici diverses métamorphoses du couple “écriture
et amour” : comment Victor Hugo ressuscite sa
Léopoldine chérie pour construire Les Contemplations (« Notre fille ») ; comment l’apôtre de
la différenciation entre la vie et l’œuvre est luimême vénéré en tant que personnage de roman
(« Être Proust ») ; comment la passion de Des
Grieux pour Manon Lescaut le laisse dépendant
de chaque gramme de l’héroïne de l’abbé Prévost (« Le premier héroïnomane ») ; comment
les albums de Tintin suscitent un amour spécifique et quel secret cache la tintinolâtrie (« Un
jeune homme sans vraisemblance ») ; et comment des lecteurs trouvent le courage d’accepter l’œuvre d’un contemporain, en l’occurrence
Thomas Bernhard et particulièrement Extinction
(« L’incendie du siècle »).
L’amour et l’écriture se nourrissent de moments
d’exception, romanesques et quotidiens, de moments différents que l’auteur rêve ici de fondre
en un seul. Pour que “Je t’aime”, indifféremment, s’écrive, se lise et se vive.
Le vomisseur, c’est le narrateur. Il vomit tout, cinq
milliards d’êtres humains,
leur vie, leur mort et leur
vocabulaire. Se croyant différent il se souvient - mais
est-ce vraisemblable ? - du
ventre de sa mère, comment c’était là-dedans,
lui et son jumeau qui n’en
est jamais sorti. Quant à
Yucca, Vietnamienne naguère aimée et aimante,
elle aussi aura son compte étrangement réglé.
Comme Pierre, jumeau d’élection, joli corps.
L’homme qui vomit trouve n’avoir rien à faire sur
la même planète et ne serait-ce pas pourquoi il
vomit ? Pour se sortir de soi-même, diminuer
petit à petit jusqu’à ce que tout d’un coup il y
arrive, disparaisse, inexistant comme aux plus
chauds jours ?
Où on voit la guerre séparer Prince et Léonardours
et les deux héros vivre chacun mille aventures, courir
dans la forêt, dormir dans
un arbre, fuir à vélo, s’évader, trahir et être fidèle,
rencontrer d’autres garçons, dépuceler un enfant
gentil, tester malgré soi
de nouveaux instruments
de torture, risquer d’être bavard, tout sacrifier,
oublier la couleur des yeux de l’adoré - jusqu’à
ce que, toujours amoureux, peut-être ils se retrouvent.
« Le cœur de To n’aurait pas été tellement enviable s’il n’avait été inaccessible, et moi je l’ai
atteint, son cœur splendide et inexploré, dans la
dynamique de mon amour délirant, dans l’exaspération de mes sentiments et de tout mon être,
je l’ai atteint dans l’espoir d’au moins un instant
apaiser mon irréductible passion, espoir déçu,
car, amoureux trop exigeant pour ne pas être
toujours transi, exagérément tourmenté par je
ne savais quel moustique hostile à notre extase,
au cœur même de ma jouissance éventuelle
j’étais inenviable. » M. L.
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Le Livre de Jim Courage (P.O.L, 1986)
Nos Plaisirs, sous le pseudonyme PierreSébastien Heudaux (Éditions de Minuit, 1983)
C’est
difficile
d’aimer
quelqu’un. Et voici que le
narrateur, une nuit, seul
au bord de la Seine, croit
qu’il a trouvé le truc. Au
milieu de ses passions les
plus intenses, quand il est
amoureux, le narrateur
sait que c’est Jim-Courage
son meilleur ami, le compagnon d’île déserte, frère
né d’autres parents. Et il ne lui fait pas autant
de bien qu’il pourrait ? Et quelquefois exprès du
mal ? Comment se pardonner ça ? Il croit qu’il
a trouvé.
Capo, père de famille
nombreuse,
contraint
ses enfants (que des garçons) à se prostituer aux
habitants de Barbecoul.
Nos héros – tous homosexuels, pédophiles, coprophages, sado-masochistes et héroïnomanes
– ne sont pas dépourvus
de tares réelles, comme
l’aigreur, l’avarice ou la malveillance. En vérité, leur méchanceté de pensée est même un
élément moteur du roman : elle introduit dans
l’écriture un humour que discerneront peut-être
quelques esprits libres, peu habitués à ce qu’un
livre dit érotique traite la sexualité avec tant de
mauvais sentiments et si peu d’imparfaits du
subjonctif.
Car c’est bien là la plus grande provocation de
Nos plaisirs. Si, aujourd’hui, les lecteurs sont
prêts à s’intéresser à la sodomisation des jeunes
garçons (qu’elle soit obtenue par l’argent ou la
violence), l’amour fou des excréments, le plaisir
du fouet et des chaînes et la passion de l’héroïne,
leur tolérance est quand même limitée : admettront-ils qu’on leur en parle sur ce ton ?
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La parole aux lecteurs
> Sylvie Gier, Directrice de la médiathèque MaxPol Fouchet (Givors)
« Ce qui frappe d’abord dans ce livre, c’est le style.
La phrase, la ponctuation, l’agencement des mots
donnent à des histoires minuscules la solennité
d’une découverte fondamentale, la précision
d’une démonstration philosophique. La langue
est méticuleuse, cherchant à décrire au plus
juste, au plus près, l’enchaînement d’un souvenir,
d’une scène, les pensées du narrateur. Chaque
terme, choisi avec soin, restitue une époque – les
années 60, et le discours d’un préado de "bonne
famille".
La famille, plutôt aisée, ne manque de rien et la
chronique de cette enfance tourne autour des
vacances à la mer, des jeux et des compétitions,
des résultats scolaires, des règles à respecter ou
à enfreindre. 110 chapitres de 3 pages déclinent
le quotidien du narrateur et de ses relations
avec ses proches : la mère au foyer, le père au
métier prenant, quasi absent de la vie familiale,
un frère et une soeur plus âgés, la grand-mère,
les enseignants, les cousins...
désorienté par la découverte de son corps et de
celui des autres.
Le choix narratif du kaléidoscope a cependant
comme conséquence de noyer le lecteur dans
une accumulation un peu fastidieuse, où il guette
les rares aspérités tendues par le narrateur
pour pénétrer dans la chambre intime de son
enfance. La force du style atteint aussi sa limite,
décortiquant chaque scène, la dépiautant jusqu’à
la trame, jusqu’à en extirper l’empathie qui aurait
pu naître.
Le 111e et dernier chapitre amarre ce récit
d’enfance, dont on sent qu’il pourrait continuer
à s’écouler quasiment sans fin. Il éclaire le
choix du kaléidoscope, seul capable de restituer
les contradictions d’une période reconstruite a
posteriori comme uniformément merveilleuse
et disparue. Il n’enlève cependant pas au lecteur
l’impression d’être resté au bord du texte. »
Certains récits illustrent avec humour la haine de
la soupe ("La soupe est un concept. Il y en aurait
une au chocolat qu’il se méfierait"), la difficulté
d’uriner après être monté sur un arbre ("On ne
voit jamais Tarzan faire pipi entre deux lianes"),
l’injustice du bol de chocolat trop chaud ("son
chocolat le dégoûte, soudain... et ce qui gravite
autour, l’amour, la vie, tout ce qui est organisé
contre sa volonté"), les lectures de jeunesse (où
il découvre qu’Alice au Pays des merveilles n’est
pas une des aventures de la détective de Caroline
Quine...)...
Cette mosaïque d’anecdotes révèle aussi les
fragilités du narrateur : être solitaire, poli
par l’éducation, obéissant, maniaque, mais
également à la recherche de complicité affective,
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> Michelle Heissier
lectrice de la bibliothèque de la Mulatière
« Le dernier livre de Mathieu Lindon se compose
de 111 récits, tous assez courts et d’égale
longueur, sorte de carnet de croquis, raffiné,
délicat et émouvant - des souvenirs qui reviennent
à la mémoire.
Ces textes sont tous écrits à la troisième
personne ; ce n’est pas un "je" mais un "il", très
subtil, car il représente à la fois ce que ressent
l’enfant (c’est un présent), mais c’est aussi la
mémoire de l’adulte Mathieu qui nous convie
comme témoin et nous invite à partager cette
enfance où nous nous retrouvons nous même
avec émotion et amusement.
Mais ces récits ne sont pas que découverte du
tragique, le plus souvent on y rencontre un enfant
drôle, insolent, curieux de tout, qui cherche à
mettre des mots sur ce qu’il ressent. On partage
des éclats de rire qui sont ceux de l’enfant mais
aussi probablement ceux de l’adulte, de Mathieu
Lindon qui nous le rend infiniment attachant..
Nous sont familiers ses rêves comme ses
accès de colère "lorsque les adultes saccagent
le pays de l’invention". C’est aussi le désarroi
devant les codes sociaux incompréhensibles
des adultes. À l’infirmière qui lui dit des mots
professionnellement gentils, il répond "vous avez
une jolie poitrine" et se heurte sans comprendre
à l’indignation maternelle.
L’enfance n’est pas faite de petites histoires de
rien et chacun de ces récits est d’une importance
capitale. Merci Mathieu Lindon. »
"Autant user jusqu’à la corde les avantages de
l’enfance" dit le garçon, "Période uniformément
merveilleuse et disparue dont les avatars
parviennent frauduleusement à la surface"
répond l’adulte dans le dernier récit. Cette
enfance alterne les moments heureux dans la
complicité du clan familial avec l’angoisse, la
solitude, l’ambivalence des sentiments. Une
critique, une moquerie peut tout faire s’écrouler,
une remarque complice du père, redonner vie.
"Faites que je rencontre quelqu’un qui m’aime et
que j’aime" demande t-il à Dieu.
C’est aussi la découverte des corps, du sexe, le
sien et aussi celui de l’autre. Solitude lorsqu’il
se heurte à l’inexplicable résistance des choses.
"touchera-t-il jamais quelque chose de vrai" ?
Solitude aussi face à cette intuition qui le traverse
à plusieurs reprises : devenir adulte, c’est souvent
mentir, faire semblant, abandonner quelque
chose de soi, une vérité sur soi. Dans un des
récits contemplant une photo de famille, il perçoit
son changement avec une grimace de moquerie
et de douleur.
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La parole aux lecteurs
> Josiane Nicollet, membre du Club des "Grands
Lecteurs" du Progrès
> Martha Martinez Valls, étudiante en Master
pro de traduction littéraire et édition critique
(Lyon 2)
« "Lorsqu’il y pense de haut, l’enfance lui apparaît
une période uniformément merveilleuse et disparue dont des avatars parviennent encore frauduleusement à la surface ."
« En enfance. Un récit, un
"kaléidoscope"... Un enchaînement de chapitres,
de trois pages chacun. Voilà l’un des premiers
traits caractéristiques du roman, et qui en
constitue l’une des originalités.
Dans son œuvre, M. Lindon revêt la
peau d’un enfant et nous livre ses impressions,
ses sentiments les plus profonds, ses craintes, à
travers un style limpide et délicat.
Les principales questions qui assaillent
l’homme au cours de son existence sont passées
en revue sous un jour complètement nouveau : le
protagoniste (parvient-on jamais à connaître son
vrai nom ?) nous est présenté de l’extérieur, par
un narrateur omniscient, et c’est en tournant les
pages que nous découvrirons les quelques détails
sur sa vie.
Quelle importance ? Ce ne sont pas tant
les expériences auxquelles le jeune homme est
confronté qui peuvent susciter notre intérêt, mais
les réflexions qui en découlent. Car ce dernier
pourrait être n’importe quelle autre personne ; il
incarne, par son anonymat, l’homme tout entier,
à la fois singulier et pluriel.
Et l’aspect le plus important du recueil
est sans doute l’exploration d’un problème sousjacent à la nature humaine : le rapport à l’autre,
du point de vue du corps et des affects, et les
barrières qui se créent entre l’enfant, les adultes,
et leur entourage.
M. Lindon utilise différents registres,
du comique au pathétique en passant par le
tragique, a recours à un style parfois provocateur
et sensuel, pour exprimer le sentiment
d’incompréhension de ce petit être, capable de
prononcer des aphorismes des plus pertinents,
face au monde des « grands ».
L’ensemble de ces éléments permet
une lecture fort amène de l’ouvrage : le premier
chapitre donne le « la » pour la suite du roman et
Une enfance ressuscitée , recréée mais comment faire autrement ? -, évoquée par
petites touches , une mosaïque d’instantanés, un
peu à la manière de Jules Renard, où l’auteur
analyse avec finesse les émotions retrouvées.
Mais aussi une enfance partagée, universelle, où chacun peut se retrouver : les jeux
(balançoire, cow-boys et indiens…) vol de carambars, l’école, les goûters d’anniversaire, la complicité avec le frère aîné, le goût de la lecture et
de la solitude, la découverte de la sexualité et le
monde des adultes qu’ on devine plus qu’ on ne
comprend…
Le plaisir qu’on éprouve à rejoindre
Mathieu Lindon en enfance est multiple : plaisir
de lire ces souvenirs pleins d’humour, plaisir de
savourer cette finesse de l’écriture, particulièrement dans les chutes, parfaitement ciselées plaisir de retrouver parfois sa propre enfance. »
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annonce le ton avec lequel le sujet sera traité, il
lui confère un rythme particulier.
On pourrait regretter un peu la longueur
et la répétition des mêmes outils stylistiques
ou de la mise en scène de situations souvent
similaires.
Cela ne nous prive toutefois pas de la
qualité de ce roman. »
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La revue de presse
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La revue de presse
> À propos de Mon cœur tout seul ne suffit
pas (P.O.L, 2008)
« Un lien étrange en héritage.
Mathieu, l’auteur devenu son propre
personnage, reçoit une lettre d’une inconnue,
qui se présente comme la fille d’un de ses amis
assez intimes pour qu’il en devienne l’héritier.
Or le nom de cet ami ne dit rien à Mathieu,
pas plus que "les aventures africaines" qu’il
est censé avoir partagées avec le défunt.
Intrigué, le narrateur répond à l’invitation de
rejoindre cette famille endeuillée : la veuve,
la fille du mort et ses enfants, un petit garçon
et une fillette, qui vont devenir les principaux
interlocuteurs de l’écrivain.
Comment remonter dans un passé que l’on
vous assigne, mais qui, de toute évidence, ne
devrait pas être le vôtre ? Quel rôle tenir, quand
un mort en a écrit le texte et semble mieux
connaître que vous votre propre identité ? Il
existe bien des romans qui sont la révélation
de la nature cachée d’un disparu, quand ce
dernier est l’objet d’une enquête approfondie.
Plus rares sont les récits qui sont en quelque
sorte dictés par une voix d’outre-tombe.
L’atmosphère très inquiétante du nouveau
roman de Mathieu Lindon n’est pas entièrement
nouvelle dans son œuvre, qui a toujours joué
sur les pulsions incontrôlées, les incertitudes
de la morale familiale, les passions ensevelies
et ressurgissant violemment, les fausses eaux
dormantes.
Observant, à son habitude, une sorte de
réalisme trompeur, de naturalisme qui rappelle
à la fois les grands romans de Tony Duvert et
les incongruités surréalistes des films de Luis
Buñuel, Mathieu Lindon, adepte de la "ligne
claire" dans sa manière de conduire l’intrigue,
entraîne les lecteurs dans le pavillon paisible de
cette famille d’adoption, elle-même atypique.
Car le mort qui, à force de conversations entre
l’auteur et les héritiers, reprend vie, était
un pianiste algérien qui aurait ému, un soir
lointain, en Afrique, dans un bar, le narrateur.
Et cette émotion aurait été assez déterminante
pour créer entre eux un lien très fort. Mais à ce
souvenir s’en ajoutent d’autres, plus lointains,
venus de l’enfance. Et tout se mêle : la musique,
passion qu’ils ont en commun, la religion
considérée avec distance, mais envahissante
tout de même (le narrateur est juif, et le mort,
bien entendu, musulman).
Dans l’univers feutré du deuil et de la mémoire
rapportée s’insinue peu à peu une autre
menace. Car ce "cœur" qui est présent dans le
titre du roman et qui désigne, croit-on, le lieu de
l’affect, est aussi un muscle. Et d’une histoire
sentimentale (une amitié en quelque sorte
refoulée par l’un des partenaires), on passe à
une histoire politique (un Algérien immigré offre
son passé, son identité, à un juif bourgeois et
gay) et à une histoire physiologique : le cœur du
narrateur, soudain chargé de trop de missions,
flanche et va subir une lourde intervention.
Mathieu Lindon a toujours écrit de belles
histoires réalistes et cruelles, où ne manquaient
que les fantômes. Avec ce dernier récit, il
montre qu’il n’est pas nécessaire de quitter
les conventions de la narration réaliste pour
aborder aux rivages du fantastique. Il suffit
des failles de la mémoire, de la faiblesse d’un
cœur et d’une hypersensibilité, à laquelle deux
enfants apportent une délicieuse complicité. »
Le Monde, René de Cécatty (11/01/2008)
*
« Le narrateur de ce troublant roman,
prénommé comme l’écrivain, reçoit une lettre
d’une inconnue qui se dit la fille d’un ami assez
cher pour avoir fait de lui son héritier. Quoique
le nom de ce dernier ne lui évoque rien, Mathieu
accepte de se rendre dans la maison du défunt,
où vivent sa veuve, sa fille et les enfants de
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celle-ci, qui deviennent vite ses principaux
interlocuteurs : vont-ils lui en apprendre plus
sur ce Milodi, un pianiste algérien qui semble
lui dicter sa conduite d’outre-tombe ? Son
inquiétude grandit quand il prend froid et
doit s’aliter, tandis que les deux femmes sont
retenues hors de la maison. Le voici donc
malade, en tête à tête avec deux jeunes enfants
insomniaques qu’il s’agit de d’occuper et de
rassurer, tâche peu aisée pour ce célibataire.
L’effet de réalisme du récit se double d’une aura
fantastique, accrue par une agression nocturne
et les cauchemars du narrateur. Jusqu’à ce
que le cœur dont il est question dans le titre
ne flanche... Conte étrange mais enchanté par
la présence des enfants, le récit vous tient en
haleine. »
Le Temps, Isabelle Martin (23/02/2008)
*
« Un roman très romantique.
[...] En véritable écrivain Mathieu Lindon
excelle dans l’art de raconter des histoires
troublantes, et dans son nouveau roman paru
chez P.O.L intitulé Mon cœur tout seul ne suffit
pas, il surprend son lecteur qui l’attendait
certainement pas dans ce récit romantique où il
est question d’amitiés indéfectibles, d’amours
familiales et comme dans le film De battre mon
cœur s’est arrêté (la noirceur en moins), de la
musique qui libère l’homme de ses chaînes.
Il est rare de trouver dans la littérature française
contemporaine pareil exemple de roman hors
mode qui ose faire l’éloge de l’art d’être grandpère et qui affirme que le regard bienveillant
d’autrui nous rapproche du ciel. Mais tout cela
n’est pas donné au départ, et le lecteur devra
entreprendre avec le narrateur, un certain
Mathieu, une promenade assez labyrinthique
qui le conduira dans l’évocation de la Guerre
d’Algérie et des accords d’Evian de 1962.
Étonnant, Mon cœur tout seul ne suffit pas l’est
à tous les points de vue, dans le fond comme
dans la forme, y compris dans son intrigue
énigmatique et à tiroirs. [...] Ne dévoilons pas
plus l’intrigue qui réserve jusqu’à la fin de
belles surprises narratives. Avec beaucoup de
pudeur, et des dialogues d’une grande justesse
Mathieu Lindon parle alors de l’atteinte de l’âge,
de la maladie et de la mort, et montre que nous
ne guérissons jamais de notre enfance, et que
notre passé finit toujours par nous rattraper.
Pour le pire, ou comme ici pour le meilleur. Un
livre qui fait aimer la vie, et les autres. Un roman
lent, grave, douloureux parfois, mélancolique,
poétique et d’une écriture aussi musicale que
son principal sujet évoqué.
Luxemburger Wort, Jean-Rémi Barland
(14/02/2008)
*
« L’ami retrouvé.
C’est par un enchaînement logique, mais
qui prend vite l’allure d’une comédie miinquiétante, mi-burlesque, que Mathieu
(l’auteur narrateur) se retrouve dans la maison
familiale de Dominique Turna-Veille, de sa
mère et de ses deux enfants Ikbal et Dounia. Il y
est accueilli comme un bienfaiteur, en mémoire
de Milodi, grand-père des enfants, qui vient de
mourir et avait toute sa vie évoqué l’amitié et
la reconnaissance indéfectible qu’il portait
à Mathieu. Or celui-ci n’a aucun souvenir
de Milodi, et encore moins de prétendues
aventures communes en Afrique. La lettre
qu’on lui fait lire, le dossier qu’on lui remet,
cette maison où il est reçu et dont on lui dit
qu’elle lui revient en héritage, tout le rend
circonspect et nerveux. Amoureux du mot juste,
« puriste syntaxique », il est aussi en décalage
verbal avec ses hôtes dont même les noms le
désarçonnent. Le voilà contraint à un numéro
d’équilibriste : ne pas décevoir ces inconnus
qui paraissent l’aimer sincèrement, ni jouer les
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La revue de presse
usurpateurs en prétendant être celui qu’il croit
ne pas être.
Il franchit néanmoins, avec maladresse, de
minuscules étapes vers la "reconnaissance".
Le jeu à quatre mains des enfants interprétant
au piano En bateau de Debussy lui remet ainsi à
l’esprit Paul, que Mathieu appelait par dérision
Pavel à cause d’un accent indéfinissable
(russe ?). À treize ans, celui-ci venait chez
lui pour jouer sur le Pleyel de ses parents.
Mais sa mémoire défaillante n’identifie pas
immédiatement Pavel comme étant Milodi, et il
faudra du temps, une promenade nocturne, un
coup de froid, l’insistance affective des enfants
qu’il partage de façon inattendue, des insultes
("sales bougnoules"), un accident, et surtout un
coup de fil de son amant Simon, qui souligne
son obstination à ne pas comprendre, pour
enfin admettre l’évidence. Milodi, en réalité
d’appartenance algérienne, était bien son ami
d’enfance, et sa vie fut belle grâce à un lointain et
humble geste, qui sommeillait dans la mémoire
de Mathieu tout comme son origine juive. Cette
révélation répond en partie à la question qui
obsède le romancier narrateur : "Pourquoi
je vous intéresse tant ?" Déjà à l’œuvre dans
des textes précédents, dont La Littérature, il
l’aborde ici sous l’angle émotionnel : comme la
lettre testamentaire de Milodi (et le médecin !)
le lui apprendra, un seul cœur ne suffit pas. Les
mots non plus ne suffisent pas toujours, ni deux
mains parfois, quand il faut faire ses devoirs ou
jouer certains airs...
Au fond, Mathieu Lindon ne résiste pas au
sentimentalisme de cette famille. Il s’agit
pour lui, une fois de plus, de s’interroger sur
l’amour, cette fois non au sein du couple, mais
envers ses amis et son entourage. "L’harmonie
(est) comme l’amour, à réinventer." Milodi
("mélodie"...), ne disait-il pas à propos des
disputes de ses parents, "ils n’ont jamais
l’accord" ? Et c’est musicalement que le texte
se construit, alternant "syncopes" (les malaises
de Mathieu), échappées d’émotion, délires, avec
de calmes plages de raison et d’explications.
L’extravagance le dispute à la mort, à la crainte
de la "faute de grammaire morale", à l’héritage
de la violence et du racisme. Ces frictions de
style provoquent une tension palpable qui, peu
à peu, comme en rappel de la pièce de Debussy,
s’adoucit pour achever le livre en paix.
L’Humanité, Pascal Jourdana (7/02/2008)
*
[...] Étrange, sur le fil, Mon cœur ne suffit
pas passe curieusement d’un genre à l’autre,
commençant comme un polar, continuant
comme un huis-clos à la Losey, puis variant
vers la guerre d’Algérie pour revenir enfin vers
l’art et la musique. On pense un peu au Caché
de Michael Haneke, qui enchâssait lui aussi
l’histoire coloniale dans une scénario où on
ne l’attendait pas. Un roman insaisissable et
troublant, où l’on retrouve le style coulant et si
particulier de Lindon. Bon Cru.
Chronic’Art, L.B. (02/2008)
*
> À propos de Ceux qui tiennent debout
(P.O.L, 2006)
« Mathieu Lindon, crime et survêtement
Ceux qui tiennent debout est un roman éroticopolicier à connotation - résonance ? - nabokoborgésienne. Il y a aussi du Perec, car il y a
un puzzle. Et puis, c’est le même éditeur. Du
moins pour la Vie mode d’emploi : P.O.L. Il y
a aussi un récit de résistance et une rêverie
sur l’architecture. Proust est dans les habits
retrouvés du temps. Mathieu Lindon a mis
beaucoup de culture dans Ceux qui tiennent
debout sans en faire pour autant un roman
culturel : ouf. L’intensité dramatique est
présente de la première à la dernière page,
soutenue par un style sérieux, presque sévère,
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mais aussi souple, coloré, chaud et intelligent.
L’auteur, dès qu’on a résolu une énigme nous
en propose une autre. Ce qui s’appelle prendre
soin du lecteur. Au début, il y a un meurtre.
Réel ou fantasmé, c’est toute la question. Qui
laisse planer sur le livre un doute énorme. Le
narrateur a-t-il tué ou imagine-t-il qu’il la fait ?
(...) La scène est si bien racontée qu’elle semble
avoir été vécue. Par Alain Pacadis, par exemple,
dans le rôle de la victime. Après le crime, le
narrateur découvre une pièce nouvelle dans
son appartement, où il trouve tous les habits de
son enfance : vieux slips, chaussettes trouées,
duffel-coat, survêt. C’est la plus belle invention
poétique du livre. Le pull-over que le narrateur
portait le jour de son dépucelage raté par un
quadragénaire dans le théâtre, la chemise qu’il
a enlevée le jour de son dépucelage réussi par
deux jeunes hommes dans un hôtel de la côte
normande.
En arrière-plan, l’histoire de deux architectes
tchèques ayant traversé cahin-caha, plutôt
caha, le XXe siècle : Vaclav Vös et Jaroslav
Bineck. Constructeurs fous d’immeubles
pragois impossibles dans lesquels même la
Gestapo, à leur recherche depuis l’assassinat
d’Heydrich auquel ils ont participé, se perdra.
Les nazis n’avaient pas le sens de l’orientation,
sinon ils n’auraient pas été nazis. Mathieu
Lindon s’amuse beaucoup à construire ces
deux biographies farfelues. Elle se situe là,
sa crise de nabokovisme néphrétique doublée
d’une fièvre borgésienne carabinée. Il a un
sérieux imperturbable dans lequel boutonnent
en permanence les gros éclats de rire gras des
Marx Brothers. Montre la délicatesse rare de
ne jamais rien expliquer, mais ça ne l’empêche
pas de conclure. Le livre se termine par une
parabole mi-Joyce mi-gay : le cerf auquel on dit
oui, oui, oui, oui, oui.
Qu’est-ce que le sexe ? Et la mort ? Et
l’enfance ? Questions simples et ensoleillées
autour desquelles la littérature tourne sans fin,
sauvant à la foi les auteurs et les lecteurs par
ses réponses cocasses, juteuses, insolites. Pas
encore compris pourquoi le roman s’appelait
Ceux qui tiennent debout, j’aurais plutôt
mis Ceux qui tiennent couchés. L’auteur se
distingue également pour avoir voulu jouer au
mikado en ayant pris du LSD et rester, comme
toute la génération baby-boom qui a vu le film
a la télé, encore traumatisé par la scène de
torture sous les ongles des Trois Lanciers du
Bengale (Henry Hathaway, 1935).
Marianne, Patrick Besson (4-10/02/2006)
*
> À propose de Je vous écris (P.O.L, 2004)
« Ma catastrophe adorée relate une relation
amoureuse frustrante, voire impossible,
entre deux hommes. Je vous écris raconte
la liaison tout sauf frustrante, qu’entretient
un auteur d’œuvres littéraires avec d’autres
auteurs d’œuvres littéraires. Chacun de ces
courts volumes se lit fort bien séparément, et
même avec un grand plaisir. [...] Pas de doute,
on est bien dans l’autofiction. [...] Tous ces
personnages se déplacent d’un livre à l’autre,
créant l’illusion, le volume, l’espace, quelque
chose de magique comme le jeu de cartes dans
Alice au pays des merveilles. Oui, c’est ça, un
jeu. Un puzzle à reconstituer. La vie, sans mode
d’emploi.»
Elle, Héléna Villovitch (2004)
*
« Je vous écris éclaire l’œuvre de cinq
romanciers (quatre plus lui-même) qui ont en
commun l’originalité des thèmes, la liberté de
pensée et la recherche d’une écriture neuve au
plus près d’une vérité intime, en quête d’une
authenticité dégagée de tout moralisme. »
Le Monde (2004)
*
/ 11
La revue de presse
> À propos de Ma catastrophe adorée (P.O.L,
2004)
> À propos de Lâcheté d’Air France (P.O.L,
2002)
« Ma catastrophe adorée, révèle un écrivain
aussi sentimental que subversif. »
Les Inrockuptibles, Nelly Kapriélian (2004)
« C’est un libelle dans la pure tradition, un essai
d’irritation aussi vengeur que passionné. »
Le Nouvel Observateur, Didier Jacob
(14/03/2002)
*
« Le livre de Mathieu Lindon, journaliste
littéraire à Libération, sonne comme une
consécration de "l’écriture réalité". Sa force est
dans l’émotion que cette tranche de vie suscite
[...] Ce livre est un petit événement. »
Psychologies, V.C.S. (2004)
*
« Étrange, superbe de subtilité et de profondeur,
le roman de Mathieu Lindon - connu pour
ses récits coups de poing sur les amours
masculines et la fascination qu’exercent les
jeunes corps - redore le blason de la passion
élégiaque. [...] Histoire poignante dans sa
lucide mais intransigeante progression. [...] le
roman de Mathieu Lindon est un diamant pur,
une méditation intelligente et lucide sur les
limites de la jouissance sexuelle et sur l’espace
sans limites de notre quête d’amour... que
sauve la possibilité d’en garder mémoire par
l’écriture. »
Le Monde des livres, Hugo Marsan (2004)
*
« Entre délices du marivaudage contemporain
et atermoiements du désir éternel, Mathieu
Lindon poursuit dans son 15e livre une
inlassable auscultation de l’amour...»
La Croix, S.L.S. (2004)
*
*
« L’humour de Mathieu Lindon est assez noir, et
son intelligence assez retorse, pour faire de sa
mésaventure la mini-saga d’un écrivain seul,
qui trouve dans ses mots - et ce livre - l’arme
unique d’une vengeance différée. »
Les Inrockuptibles, Fabrice Gabriel
(19/03/2002)
*
« Aussi drôle que grave, ce récit est autant
un reportage qu’une réflexion sur le "pouvoir
supposé" de la littérature. C’est aussi un livre
politique animé par la rage et l’espoir "qu’en
dénonçant une lâcheté on en dénonce mille". »
La Vie, Emilie Grangeray (25/04/2002)
*
« Une méditation sur l’étrange logique du
monde, qui recoupe - dans son hyperréalisme
absurde - certaines chroniques et écrits de
l’auteur du Procès de Jean-Marie Le Pen. »
Marianne, Benoît Duteurtre (6/05/2002)
*
« Tout ce que le 11 septembre a révélé de nous
est dans ce livre, par le biais le plus banal : la
dispute avec la bureaucratie, l’énervement. À
partir d’une mésaventure de rien à Roissy, d’un
départ en vacances qui n’intéresse personne,
à partir de ce petit point microscopique, on
voit tout ce qu’il y a dans la tête de Mathieu
Lindon, l’énervement raconte tout de la tête et
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du corps, donc on voit tout. La littérature c’est
des humains qui s’ouvrent le crâne et le corps
sans mentir. »
Epok, Christine Angot (n°26, mai 2002)
*
> À propos de Chez qui habitons-nous ?
(P.O.L, 2000)
« Ce qui à chaque fois se joue, c’est la difficulté
à tenir l’écart entre la réalité des êtres et le
discours dont on les recouvre, comme d’une
couverture factice, impropre à réchauffer
le moins frileux des SDF. "Il n’y a pas de
refuges", dit encore Hugues, qui rappelle
le héros satanique des Apeurés. Le roman
s’offre alors comme le lieu, métaphorique et
paradoxal, qui peut maintenir ensemble ceux
que séparent les mots : excédant de loin la
seule interrogation sociale, le livre s’emploie
à déjouer, avec une ironie parfois méchante,
les leurres de toute communauté - sexuelle,
familiale, ethnique ou culturelle... Il y a quelque
chose d’étymologiquement diabolique dans
cette entreprise de désunion par le langage,
mais aussi une sorte de jubilation inquiète et
vaguement masochiste, qui fait en définitive
tout le prix de la fiction : renvoyé à la solitude
du nomadisme amoureux, le narrateur finit par
rentrer «chez lui», sans être plus sûr du sens
d’une telle expression. Ce doute est la raison du
roman, cette maison fragile et belle où l’on ne
s’abrite guère contre soi. »
Les Inrockuptibles (18-24/01/2000)
*
> À propos de Le Procès de Jean-Marie Le
Pen (P.O.L, 1998 – Folio, 2000)
« Mieux que des dizaines d’essais approximatifs
sur le Front national, ce petit livre de fiction
vraie dit le réel de l’énorme machinerie sociale
de l’infâme. Après tout Candide n’était pas
autre chose, et cela a suffi. »
Le Monde (27/08/1998)
*
« Voilà un roman paradoxal qui fait rageusement,
et courageusement, concurrence à la réalité
brute. Le livre refermé, l’affaire est loin d’être
close. »
Ouest France (3/10/1998)
*
« Sur un ton d’autant plus dérangeant qu’il
est placide, Mathieu Lindon, redoutable
contempteur des préjugés modernes, illustre
la vanité et la vacuité de certaines rhétoriques
judiciaire, médiatique, moralisatrice. Il a
réussi la prouesse d’écrire un roman qui fût
antirasciste sans être édifiant. »
Le Nouvel Observateur (27/08/1998)
*
> À propos de Champion du monde (P.O.L,
1994 – Folio, 1996)
« Le tennis, la fascination pour la dépense
pure que constitue ce sport, allégé de toute la
sociologie qui lui donne sa valeur sociale, prend
un sens presque abstrait - celui d’un mythe
personnel. Parallèlement, Champion du monde
est aussi le récit d’une affection gratuite, pure,
elle aussi, d’une passion qui ne s’arrête pas à
soi mais regarde vers un au-delà, qui a l’autre
pour horizon ; là, la perversité n’est plus de
mise, semble ne plus avoir de pouvoir sur le
désir. »
Le Monde (1994)
*
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La revue de presse
> À propos de Nos Plaisirs, sous le
pseudonyme
Pierre-Sébastien
Heudaux
(Éditions de Minuit, 1983)
« Les horreurs de M. Heudaux sont distillées
avec un humour corrosif et pervers qui fera la
joie des lecteurs (très) avertis. D’autre part,
dans ce chapelet d’obscénités, il y a en fait un
fameux goût de la liberté, une attaque en règle
contre les tartuferies morales et une insolence
dans le ton qui nous change de la littérature
homosexuelle souvent un peu gémissante.
L’horrible M. Heudaux n’a peur de rien, il jongle
et joue avec ses pulsions sans complexe et
surtout sans faire appel aux psychanalyses
larmoyantes d’usage. Le vilain petit M.
Heudaux, fier de sa perversion, ne serait-il pas
plus sain que son prochain ?
Et puis il y a ce miracle qu’est la découverte
d’une nouvelle écriture, d’un nouvel écrivain.
Beckett et Marcel Aymé – un couple difficile
à imaginer, non ? – se sont penchés sur le
berceau de l’abominable M. Heudaux. Ça donne
un texte vif, drôle, très moderne, très “rap”,
comme on dit à la radio, qui entraîne les mots
et les choses dégueulasses dans une ronde
effrénée. Ce qu’on s’amuse chez le dégoûtant
M. Heudaux ! Mais au fond ça, on le savait déjà :
l’antichambre de l’enfer est un endroit très
gai. »
Le Nouvel Observateur, Jean-François
Josselin (1983)
D’une écriture drolatique et malicieuse
(peut-être trop pour être honnête). Hyperréaliste dans ses descriptions de la bêtise
et de la méchanceté. Avec ce premier livre,
Pierre-Sébastien Heudaux a repris à sa façon
l’anathème contre l’imbécillité lancé par Sade
et Vailland : “ À bas les cons ! ” »
Libération, Daniel Rondeau (1983)
*
« De Robbe-Grillet à Tony Duvert en passant
par Hervé Guibert. Comme si quelques-uns
des auteurs des Éditions de Minuit s’étaient
penchés sur le bureau du jeune écrivain PierreSébastien Heudaux, c’est-à-dire P.-S. Heudaux,
c’est-à-dire Pseudo (...)
Le Petit Pseudo s’installe d’entrée de jeu parmi
les meilleurs. Nos plaisirs est un livre de
moraliste paradoxal extrêmement réjouissant.
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