Transport et urbanisme : quelle cohérence, quelle

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Transport et urbanisme : quelle cohérence, quelle
Mi-parcours du Predit 4 : le Carrefour de la recherche et de l'innovation dans les transports terrestres
Transport et urbanisme : quelle cohérence,
quelle gouvernance ?
Francis Beaucire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Martin Vielajus, Synergence
Marie-Hélène Massot, Université Paris-Est, Ecole des Ponts-Paris Tech, Ifsttar
Benoît Filippi, ATEMHA
.I
Introduction – Francis Beaucire
Les pouvoirs publics doivent déterminer l'influence de la configuration géographique des
lieux habités sur le report modal et tenir compte des avis de la société civile sur le
développement urbain. De plus, les ménages négligent souvent les coûts de leurs
déplacements lorsqu'ils prévoient leur budget d'accession à la propriété.
.II
Présentations
.1 Le concept de ville cohérente : une alternative au débat entre ville compacte et
ville diffuse du point de vue de la mobilité ? – Marie-Hélène Massot
L'étude a été menée conjointement avec Emre Korsu et Jean-Pierre Orfeuil. La relation
entre la compacité de la ville et la durabilité prend en compte la mobilité urbaine et la
distribution du trafic dans la population. Or, la cohérence implique plutôt la proximité de
chacun à ses lieux d'activité. La compacité fonctionnelle semble donc plus pertinente que
la compacité morphologique.
Une méthode de simulation a été créée afin de déterminer les potentiels d'une ville
cohérente où chaque actif réside à proximité de son travail. Dans le modèle, les
réaffectations résidentielles réalisées entraînent en Ile-de-France une réduction de 10 %
des circulations automobiles et de 63 % des distances parcourues. La politique de ville
cohérente fait également nettement chuter la fréquentation des transports publics.
Les déficits en logements les plus importants sont observés à Paris, notamment pour les
grands appartements. Les prix de l'immobilier élevés éloignent encore davantage une
partie de la population de son lieu d’activité.
La ville cohérente produit donc une compacification limitée mais réelle. Les concentrations
d'emplois produisent cependant les plus forts désajustements. Les recherches doivent
donc maintenant porter sur la concurrence pour l'espace entre activités et logement.
De quels leviers disposons-nous pour faire évoluer la situation ?
Bordeaux, les 10, 11 et 12 mai 2011
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La question repose en premier lieu sur l'évaluation du seuil de désajustement (20, 30 ou
45 minutes de trajet). Le rendement de la mise en cohérence augmente en effet avec la
durée de déplacement. Les choix des ménages se révèlent très pertinents.
Recherchez-vous prioritairement une réduction des congestions ou des émissions
de gaz à effet de serre ?
La distance et le temps de transport sont effectivement de plus en plus déconnectés. La
problématique reste en fait centrée sur la localisation de l'emploi.
Avez-vous pris en compte l'ajustement naturel du phénomène temporel ?
Dans la durée, l’évolution globale n'intervient pas car les ménages qui se rapprochent sont
remplacés par ceux qui s’éloignent.
Le déplacement des lieux de travail s’avère-t-il plus difficile que la relocalisation des
domiciles ?
Tous les déterminants de la longue distance sont contre-intuitifs, notamment le statut
propriétaire ou locataire.
Peut-on passer d'une métrique du temps à une métrique des transports s'appuyant
sur un modèle dynamique d'ajustements progressifs à travers les mobilités ?
Le modèle statique utilisé ne prend pas en compte les pics de trafic. Les potentiels ont été
analysés dans trois démarches : l'évolution des systèmes de transport, la ville cohérente
et une simulation du marché potentiel du petit véhicule urbain.
.2 Faut-il orienter davantage l'urbanisme ? Résultats de la consultation-forum 2010
du Predit sur la mobilité dans les espaces périurbains – Martin Vielajus
Les consultations ont eu lieu sous forme de focus groups dans des villes présentant des
profils périurbains divers. Des groupes d'évaluations interactives ont ensuite déterminé les
orientations pertinentes pour la recherche.
Concernant la maîtrise de la gestion du périurbain, les groupes ont suggéré de mettre en
place deux maires, le premier gérant le quotidien et le second organisant le bassin de vie
au niveau de l'intercommunalité. Des remarques ont également porté sur la densification
du périurbain existant. Des questions relatives à la valorisation des pratiques alternatives
à la voiture par les pouvoirs publics ont été posées.
Les espaces de mobilité doivent quant à eux devenir attractifs et attirer des services,
notamment des structures d’accueil pour le covoiturage. Les expérimentations mises en
place par certaines collectivités et leur médiatisation ont été soulignées
(Zenius Experience). L'intégration des initiatives privées dans l’offre de transport par un
droit de tirage sur l'expertise publique (hybridation) a également été étudiée.
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Enfin, les groupes ont noté que les entreprises, les attracteurs (hôpitaux, centres
commerciaux, cinémas, universités) et les médias jouent un rôle déterminant dans le
changement des perceptions et des comportements de déplacement périurbain.
Les restrictions majeures d’utilisation de la voiture en ville impactent-elles les
ménages mal ajustés ?
Les politiques, la congestion ou les problèmes de stationnement incitent les Franciliens à
se tourner vers les deux-roues. Des potentiels de report modal subsistent mais, à moins
de 5 %, ils restent très inférieurs aux proportions attendues. Les citoyens choisissent en
effet le moyen de transport qui leur convient, et la voiture est généralement le mode le
plus rapide.
Le logiciel de calcul des budgets transports pourrait s'avérer utile pour les banques
ou les agents immobiliers. En effet, les possibilités d'emprunt obligent souvent les
ménages à se déplacer vers le périurbain quel que soit le surcoût des
déplacements.
Le dialogue banque-accédant doit porter sur un budget global incluant ces dépenses
contraintes.
.3 Un logiciel dédié aux ménages pour calculer le budget transport selon la
localisation du projet d'accession à la propriété – Benoît Filippi
La création d'un logiciel d'aide aux ménages ne semble pas répondre aux questions
actuelles d’aménagement, car les données générées ne suffiront pas pour construire la
ville durable face à un marché de l'immobilier non régulé. L'ADEME a cependant demandé
l'établissement du cahier des charges d'un logiciel permettant de déterminer les dépenses
envisageables de transport des ménages.
Les questions urbaines de la ségrégation socio-spatiale et les tendances lourdes
aboutissant à la périurbanisation ne se trouvent pas dissoutes par ce simple outil. En effet,
la dépense transport reste sous-capitalisée face aux prix immobiliers. De plus, les revenus
actuels ne permettent plus aux potentiels primo-accédants de pouvoir acheter un bien. De
ce fait, le coût marginal lié aux véhicules n'entre pas plus en ligne de compte que
l’éventuelle perte de valeur immobilière d’un bien.
Par ailleurs, la carte de cherté relative des logements montre que, pour un même budget,
les surfaces varient du simple au double, voire plus. Les budgets se rapportent donc à des
biens particuliers. La vitesse de déplacement crée ainsi de l'étalement et induit la
ségrégation entre ménages.
La question de la capitalisation immobilière et foncière reste centrale pour imaginer les
mécanismes de financement de la mixité sociale et de la lutte contre les gaz à effet de
serre. Les prix s'emballent actuellement, au risque de préparer de graves problèmes et
difficultés urbains. Leurs disparités atteignent en outre des proportions très importantes.
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Les dépenses de transport s'avèrent également très diverses selon les communes. Elles
montrent une forte dépendance à l’automobile.
De fait, la proportion pauvres/riches évolue de 1 à 130 à Bordeaux, de 1 à 35 à Rennes
Métropole, et atteint des niveaux encore plus élevés en Ile-de-France. La cherté de
localisation s’explique pour deux tiers par la ségrégation sociale et pour 15 à 20 % par les
transports. Les marchés immobiliers poussent ainsi dans le sens inverse des politiques de
transport et de ville durable.
Les PLU pourront devenir des outils de planification urbaine s'ils permettent la péréquation
foncière généralisée. Le privé paierait alors le coût de la mixité sociale.
Avez-vous publié sur ce sujet ?
Un livre est paru : Marché de l’habitat et fractures urbaines en Ile-de-France, publié par le
Ministère de l'Equipement.
Comment concilier la régulation de la ville durable par les politiques publiques avec
les forces du marché ? Avez-vous mis en évidence des effets de ségrégation dus à
la politique des transports ?
À Bordeaux, le tramway a représenté un élément fondamental du développement des
zones défavorisées. Il a induit un sentiment d’appartenance, lequel a permis un
désenclavement social vis-à-vis de la ville. La question de la maîtrise du foncier doit
maintenant être intégrée dans le PLU, pour éviter un renchérissement de la valeur
foncière. Les mixités sociales doivent être financées par le privé, et une partie de la plusvalue apportée par le tramway doit revenir à la puissance publique.
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