Vieilles Chansons maléfiques
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Vieilles Chansons maléfiques
DOSSIER PEDAGOGIQUE Vieilles Chansons maléfiques Jon Marans Distribution Adaptation : Thomas Joussier Mise en scène : Jean-Claude Idée Avec Jean-François Brion et Alexandre von Sivers Une production de l’Atelier Théâtre Jean Vilar et du Festival Royal de Théâtre de Spa. La pièce Vieilles Chansons maléfiques est produite en accord avec Visiting Productions Dates : du 19 au 29 mars 2013 Lieu : Théâtre Jean Vilar Durée du spectacle : 1h50 Réservations : 0800/25 325 Contact écoles : Adrienne Gérard - 010/47.07.11 – [email protected] Nʼoubliez pas de distribuer les tickets avant dʼarriver au Théâtre Soyez présents au moins 15 minutes avant le début de la représentation, le placement de tous les groupes ne peut se faire en 5 minutes ! N.B : - les places sont numérotées, nous insistons pour que chacun occupe la place dont le numéro figure sur le billet. - la salle est organisée avec un côté pair et impair (B5 nʼest pas à côté de B6 mais de B7), tenez-en éventuellement compte lors de la distribution des billets. • En salle, nous demandons aux professeurs dʼavoir lʼamabilité de se disperser dans leur groupe de manière à encadrer leurs élèves et à assurer le bon déroulement de la représentation. • • 1 L’auteur, Jon Marans S’étant formé aux mathématiques et à la musique, l’auteur américain Jon Marans connaît intimement le conflit raison/passion qu’il impose d’ailleurs à ses personnages. Préférant la musique, Marans est allé poursuivre sa formation en Autriche où il a été outré par le déni général du passé nazi de ce pays qui a même élu un présumé criminel de guerre à sa présidence. Sa pièce Vieilles Chansons maléfiques est donc le fruit de son tiraillement entre le mépris qu’il éprouve envers un peuple au passé trouble et son émerveillement à la découverte de l’oeuvre de Schumann. Son déchirement s’incarne dans la relation entre le vieux professeur sentimental et le jeune élève rationnel, ces deux hommes dont les liens oscillent entre les extrêmes de la tristesse et de la joie, comme leur art et surtout, comme leur vie. La force et la fureur de cette œuvre lui ont valu d’être finaliste au prestigieux prix Pulitzer et de tenir l’affiche à Broadway pour plus de 200 représentations en 1996. Citons parmi les autres œuvres de Jon Marans A Strange and Separate People, Jumping for Joy, Legacy of the Dragonslayers et la comédie musicale Irrationals 2 Le metteur en scène, Jean-Claude Idée 2.1 Biographie Metteur en scène depuis 1970, Jean-Claude Idée a exercé dans la plupart des institutions majeures de Belgique francophone : au Théâtre Royal du Parc, au Théâtre Royal des Galeries, au Théâtre de Poche, au Rideau de Bruxelles, à la Comédie Claude Volter ou encore à l’Atelier Théâtre Jean Vilar. A Paris, il a notamment mis en scène au Théâtre Saint-Georges, au Théâtre Montparnasse, au Théâtre Montansier, au Théâtre de la Michodière, au Théâtre Tristan Bernard, à la Gaîté Montparnasse... Homme de théâtre aux multiples facettes, il est également auteur, adaptateur, comédien, homme de radio et professeur au Conservatoire royal de Bruxelles. Ces différentes fonctions l’ont conduit à exercer des activités en Europe (Portugal, Espagne, Roumanie, Suisse et bien sûr en France), mais aussi au Québec et au Sénégal. Il a fondé, en 1989, le Magasin d’Ecriture Théâtrale (M.E.T.), qui se donne pour mission de promouvoir les écritures théâtrales contemporaines. En qualité d’auteur, on retient son adaptation théâtrale de L’Allée du Roi en collaboration avec Françoise Chandernagor. 2.2 Note Les Vieilles Chansons Maléfiques de Jon Marans parlent bien sûr de l’enseignement et de la transmission de l’art, mais elles posent aussi, au-delà du choc des deux protagonistes, deux questions essentielles : à qui appartient une langue ou une culture ? Peuvent-elles êtres entachées par l’Histoire d’une nation ? A ces deux questions, on serait tenté de ne donner qu’une réponse : « L’art n’a pas de frontières, il appartient à ceux qui le pratiquent ». 3 Alexandre von Sivers, Professeur Mashkan Alexandre von Sivers est un fou et un sage du théâtre en Belgique depuis les années 60. Parmi ses premières collaborations : Maurice Béjart, Armand Delcampe … Un peu plus tard, il crée Les Miroirs d’Ostende de Paul Willems au Rideau de Bruxelles, participe au mouvement des Jeunes Compagnies de l’époque, remporte l’« Eve du théâtre » en 1976. Depuis lors, c’est une présence incontournable sur la plupart de nos scènes, avec une prédilection pour des projets « marginaux », dont certains finissent par devenir de véritables institutions, comme L’Enseigneur de JeanPierre Dopagne, repris plus tard par Jean Piat sous le titre Prof. Impossible de tout citer, d’Amélie Nothomb à Ionesco, de Jean-Marie Piemme ou David Auburn à Slawomir Mrozek, de Pinter à Shaw, d’Eric-Emmanuel Schmitt à Jean-Michel Ribes… jusqu’à tout récemment Sarah (Bernhardt) de John Murrell, avec Jacqueline Bir et Le Grand Retour de Boris S. de Serge Kribus. Démocratie, un thriller politique de Michael Frayn. 4 Jean-François Brion, Stephen Hoffman Formé au Conservatoire Royal de Bruxelles, Jean-François Brion est comédien et metteur en scène. Il travaille de façon régulière dans différentes Académies ainsi qu'au Conservatoire de Bruxelles (Formation vocale pour acteurs), mettant ainsi sa pratique au service de la pédagogie. Un désir tant artistique que pédagogique : rester un chercheur. Ces dernières années, il a mis en scène Debout les morts de Layla Nabulsi, Une femme seule, Trois femmes seules et Récits de femmes de Franca Rame et Dario Fo, Joconde sur vous de Hervé Le Tellier, Iphigénie de Racine, etc. Il a joué dans Les Caprices de Marianne et Fantasio de Musset en 2011, Les Sulfureuses de Grâce de Capitani en 2010, En attendant la guerre de Yves Simon en 2009, etc. 5 La pièce, Vieilles chansons maléfiques Vieilles chansons maléfiques parle d’une relation entre un professeur de musique viennoise arrivant à la fin de la cinquantaine, le professeur Josef Mashkan, et son nouvel étudiant, Stephen Hoffman. Hoffman est un pianiste de 25 ans qui était à une époque considéré comme un prodige dans son domaine, mais souffrant d’un grave blocage artistique, il n'a pas joué depuis un an. Dès son arrivée à Vienne, Hoffman pense qu'il va étudier l'accompagnement sous la direction du professeur Schiller. Cependant, à sa grande surprise, il doit d'abord étudier le chant pendant trois mois sous la tutelle du professeur Mashkan. Au début de la pièce, Mashkan profère des insultes envers le peuple juif. On découvre plus tard qu'il s'agit d'un mécanisme de défense utilisé par Mashkan pour dissimuler son secret. Après une série de leçons, les calomnies de Mashkan sur la culture juive commencent à construire une forte tension entre lui et Hoffman, qui est juif. Cette situation est aggravée lorsque Hoffman, remplissant une promesse faite à son père, visite Dachau. Après cette expérience, il saute les leçons de Mashkan durant plus de deux semaines, errant dans Vienne. Quand il revient, il raconte toute l'histoire à Mashkan, y compris la nuit qu'il a passée avec Sarah, une jeune Juive, qu’il a rencontrée dans le bus à Dachau. Le souvenir de cette visite, de l'horreur d'un camp de concentration et de l'amour intense mêlent la tristesse et la joie. Après une tentative de suicide, Mashkan est retrouvé gisant sur son lit par Hoffman. Pendant le processus de sauvetage de Mashkan, Hoffman remarque un numéro tatoué sur l'avant-bras de Mashkan, un signe clair que Mashkan est un survivant de l'Holocauste. 6 En arrière-fond, le devoir de mémoire La pièce se déroule à Vienne, en Autriche dans le studio de répétition du professeur Mashkan. Elle commence au printemps 1986 et se poursuit durant l’été. Le contexte politique national et international est l’élection de Kurt Waldheim à la présidence fédérale autrichienne en été 1986. En raison de son implication présumée dans les crimes de guerre dans les Balkans pendant la Seconde Guerre mondiale, la nomination de Waldheim a été farouchement opposée dans le monde entier, par exemple par le Congrès Juif Mondial. Cette situation met en exergue les questions de devoir de mémoire, de « nation entachée » et de révisionnisme. Comment ne pas oublier et avancer tout de même ? 6.1 Kurt Waldheim1 Waldheim, qui avait dix-neuf ans lorsque l'Allemagne nazie annexa l'Autriche, en 1938, a servi dans les rangs de l'armée du Troisième Reich. Mais il écrivait dans ses mémoires que son engagement avait cessé en 1941 après une blessure sur le front russe. En mars 1986, l'hebdomadaire autrichien Profil affirmait au contraire que Waldheim avait entretenu des liens avec les SA nazis. L'accusation avait marqué sa campagne pour la présidence autrichienne, le Congrès Juif Mondial affirmant notamment qu'il était mêlé à des crimes de guerre dans les Balkans. Officier de la Wehrmacht, Waldheim avait été affecté en 1942 à l'état-major allemand dans les Balkans. Selon ses détracteurs, il aurait alors dirigé des exactions contre les partisans du Yougoslave Tito et supervisé la déportation des Juifs de Salonique, en Grèce. Dans une autobiographie publiée dix ans plus tard, Waldheim reconnaissait qu'avoir dissimulé son passé nazi dans les Balkans avait été une erreur, mais réaffirmait être au-dessus de tout soupçon et ne pas avoir eu connaissance des crimes commis sur place, dont la déportation de milliers de Juifs grecs. La plupart des Autrichiens ne croyaient pas à une implication de Waldheim dans les crimes nazis, et les accusations dont il avait fait l'objet au moment de sa campagne électorale de 1986 l'avaient même propulsé dans les sondages. Toutefois, devenu indésirable dans nombre de pays étrangers, il n'avait accompli pratiquement aucun voyage officiel lors de son mandat, à l'exception du Vatican à deux reprises et de plusieurs Etats arabes. Waldheim estimait que cette polémique, si elle lui avait été personnellement dommageable, avait contribué à aider les Autrichiens à faire face à leur passé durant la guerre, et à accepter que tous n'avaient pas été des victimes passives du nazisme. Un grand nombre de dignitaires nazis, dont Adolf Hitler, étaient Autrichiens. 6.2 L’Autriche dans la Seconde Guerre mondiale Après une longue période de stagnation économique, de dictature politique et d'intense propagande nazie en Autriche, les troupes allemandes pénétrèrent dans le pays le 12 mars 1938. Elles reçurent un soutien enthousiaste de la majorité de la population. L'Autriche fut incorporée au Reich le jour suivant. En avril, l'annexion fut approuvée de façon rétroactive par un plébiscite qui fut manipulé pour indiquer que 99% du peuple autrichien voulait l'union (connue aussi sous le nom d'Anschluss) avec l'Allemagne. Ni les Juifs, ni les Tsiganes ne furent autorisés à voter lors de ce plébiscite. Après l'Anschluss, les Allemands étendirent rapidement la législation antijuive à l'Autriche. 1 http://www.lexpress.fr/actualite/monde/kurt-waldheim-mort-de-l-ex-chef-de-l-onu-au-passetrouble_464941.html Le pogrom de la Nuit de cristal ("Nuit du verre brisé") de novembre 1938 fut particulièrement brutal en Autriche. La plupart des synagogues de Vienne furent détruites sous les yeux des pompiers et des habitants. Les commerces juifs furent aussi vandalisés et saccagés. Des milliers de Juifs furent arrêtés et déportés vers les camps de concentration de Dachau ou de Buchenwald. L'émigration juive augmenta considérablement après l'incorporation allemande de l'Autriche et la Nuit de cristal. Entre 1938 et 1940, 117.000 Juifs, soit environ 50% de la population juive d'Autriche, quittèrent l'Autriche. Environ 35.000 Juifs furent déportés de Vienne vers les ghettos d'Europe de l'Est, principalement à Minsk, Riga et Lodz, et vers les ghettos de la région de Lublin en Pologne. Des milliers de Juifs furent aussi envoyés dans des camps de concentration en Allemagne. En novembre 1942, il ne restait en Autriche environ que 7.000 Juifs, la plupart d'entre eux étant mariés à des non-Juifs. Des Juifs survécurent aussi cachés. Les armées soviétique et américaine occupèrent l'Autriche en avril et mai 1945. 6.3 Le devoir de mémoire "Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre" George Santayana. "L'oubli serait une injustice absolue, au même titre qu'Auschwitz fut le crime absolu. L'oubli serait le triomphe définitif de l'ennemi : c'est que l'ennemi tue deux fois, la seconde, en essayant d'effacer les traces de ses crimes." Elie Wiesel Qu’appelle-ton « devoir de mémoire » ou depuis peu « travail de mémoire » ? La Deuxième guerre mondiale et plus précisément l’extermination organisée, rationalisée des Juifs, gitans, homosexuels, émigrés et opposants est sans doute l’exaction la plus horrible que l’Humain ait perpétrée envers sa propre race. Certains survivants ont tu leur vie entière leur passage dans les camps, d’autres sont devenus témoins et n’ont cessé d’expliquer l’inexplicable. Près de 70 ans plus tard, la plupart des survivants ont disparu, mais nombreux sont les associations et les historiens qui continuent ce travail de mémoire pour que, de générations en générations, les hommes restent vigilants face à la haine et aux extrémismes nationalistes montants. Le devoir ou le travail de mémoire est celui de continuer à sensibiliser les plus jeunes à des évènements (au-delà des faits propres qui relèvent donc de l’Histoire) qui ont construit, mais aussi ébranlé notre société. A ce sujet, le texte suivant questionne le pourquoi du devoir de mémoire. Pourquoi se rendre à Auschwitz ? Pourquoi s’imposer et imposer un voyage au cœur des vestiges de la plus grande usine de mort de l’Histoire ? […] L’avenir proche, c’est la disparition physique des derniers rescapés de la déportation, l’effacement des ultimes témoins. Cette situation de transition est un virage à haut risque, puisque son enjeu est tout simplement le sort qui sera réservé au traitement du souvenir de cette catastrophe historique qui a modifié notre perception du monde et de nous-mêmes. Alors comment faire pour que cela reste vrai, pour que jamais les mythes et les falsifications ne diluent cette souffrance infinie ? […] Il faut faire des nouvelles générations des passeurs de Mémoire, des témoins de témoins, pour que se perpétue une once du souvenir. Mais passeurs de quelle mémoire ? Celle d’un événement dont la singularité historique est incontestable. Premièrement parce que tout événement est singulier, et le piège des analogies est à éviter. Deuxièmement, parce que la singularité d’Auschwitz a fissuré la raison comme aucun autre événement. La raison fut littéralement abolie à Auschwitz, et l’instrument de compréhension du monde qu’elle constitue pour nous demeure impuissant pour capturer cet événement, et, en définitive, le rendre pleinement intelligible. Dire Auschwitz fut impossible pour les survivants, l’expliquer l’est tout autant pour les historiens. Parce que Auschwitz est le mariage plus que parfait de l’irrationnel de la doctrine nazie érigée en système performant, et de la technologie propre au XXe siècle, où des concepts de gestion, de planification et d’industrialisation ont été appliqués dans un projet froidement mis en œuvre d’élimination physique totale de collectivités humaines tout entières, et dont le non-aboutissement complet n’a pour origine que la défaite militaire de l’Allemagne nazie. Mais pourquoi enseigner et transmettre l’histoire si chaque événement est singulier, ceux d’hier comme ceux de demain, et si Auschwitz, d’une certaine manière, est encore plus singulier que les autres ? Parce que la prise de conscience de la singularité des événements reste pertinente dans la formation des individus, dans la constitution de leur identité. Le mot est lâché. Et c’est très précisément ici le nœud du problème qui nous occupe, qui doit nous faire envisager les sens à donner au terme de reconnaissance. On a coutume, à juste titre, de distinguer la mémoire individuelle et la mémoire collective. Cette dernière repose sur la nécessité de tout groupe humain de se constituer des références au passé pour forger son identité, exprimée à travers ce que l’on appelle des lieux de mémoire - et Auschwitz en est un fameux - qui sont des lieux de reconnaissance, c’est-à-dire où l’individu se reconnaît, donc se retrouve. Ces retrouvailles sont fondamentales dans la prise de conscience de soi, et donc dans la capacité à répondre à de nouvelles expériences historiques singulières. Il s’agit donc moins, à travers Auschwitz, de reconnaître des événements analogues ou d’anticiper des catastrophes historiques, que de se connaître et donc d’affronter de nouveaux événements et d’être prêt à faire face à l’avenir inconnu. Parce que, dans nos démocraties, nous sommes tous des fils d’Auschwitz, et nous ne serions pas les mêmes femmes ni les mêmes hommes, pour peu que nous existions, si le projet Auschwitz avait connu son aboutissement. Et c’est à son interruption que nous devons ce que nous sommes. Ce simple constat est déjà une justification suffisante pour se rendre à Auschwitz, et, cette fois-ci, en revenir. Philippe Raxhon, Aide-Mémoire n° 27, janvier-mars 2004, Les Territoires de la Mémoire in Dossier pédagogique « Construire lʼAvenir », Les Territoires de la Mémoire asbl, Liège, 2007. 6.4 Révisionnisme et négationnisme Travestir l’histoire, l’aseptiser de ses crimes, n’est-ce pas un acte pernicieux qui tend à rendre ces falsificateurs potentiellement criminels ? Car c’est activer le processus de renouvellement de la monstruosité si l’on travaille à faire oublier ce qu’elle a produit, et c’est refuser aux morts leur statut de personnes humaines. Si nous effaçons ces crimes, si nous énervons la Mémoire, si nous disculpons les bourreaux en niant qu’ils aient donné la mort, nous faisons disparaître leurs victimes à nouveau, et nous en préparons d’autres. Jean-Marie MARTIN , membre de la LICRA et d'Amnesty International La notion de « négationnisme » est fondamentalement à distinguer de celle de « révisionnisme ». Le néologisme « négationnisme » a été créé par l’historien Henry Rousso en 1987. Son utilité est de désigner correctement la démarche de falsification historique. Il entend ainsi marquer la différence entre ce qu'il estime relever avant tout d’une idéologie servie par la négation malhonnête de la « réalité » des faits, et le révisionnisme historique, aspect normal de l'activité scientifique exercée par les historiens lorsqu'ils réexaminent une interprétation antérieure de faits. Il s'agit donc principalement de dénoncer les méthodes employées par les négationnistes : contre-vérités, falsifications, discrédit jeté sur les témoins. Le négationnisme vient en parfaite contradiction des évènements qui se sont effectivement déroulés, lorsque le révisionnisme essaye de réinterpréter ou de remettre en perspective des faits, en accord avec les données objectives, sans opérer de sélection dans celles-ci. Les motivations des négationnistes peuvent être diverses. Dans le cas de la négation du génocide juif commis par les nazis, elles apparaissent être principalement l'antisémitisme et la volonté de défendre - en niant la réalité des faits - le régime nazi et ses collaborateurs (comme le régime de Vichy en France). La négation d’un génocide (Shoah, Génocide arménien, Rwanda, etc.) vise notamment, de facto, à obtenir un non-lieu pour ce qui est admis comme un crime, et à retirer aux victimes ou à leurs ayant droit tout droit à la moindre réparation (en l’absence de crime, il n’y a plus ni criminels ni victimes). Le négationnisme peut ainsi servir à protéger aussi bien les auteurs d'un génocide que leurs complices et les héritiers idéologiques d'un génocide. 7 La musique Pour découvrir l’évolution de la musique dite « classique » et le courant romantique dans lequel Schumann s’inscrit, voici quelques clés et un parcours d’écoute2. 7.1 La musique classique La musique classique est le terme utilisé en opposition à la musique populaire. On appelle « musique classique » toute la musique savante européenne, de la musique du Moyen Age à la musique contemporaine. Elle englobe donc elle-même différentes périodes et styles. Il convient donc de bien dissocier la musique de style classique (entre le style baroque et le style romantique) et le dénominatif général « musique classique ». o La musique baroque Le baroque couvre une grande période dans l’histoire de la musique et de l'opéra. Il s’étend du début du XVIIe siècle environ au milieu du XVIIIe siècle, de façon plus ou moins uniforme selon les pays. Le style baroque se caractérise notamment par l’importance du contrepoint3, puis par une harmonie qui s’enrichit progressivement, par une expressivité accrue, par l’importance donnée aux ornements 4, par la division fréquente de l’orchestre avec basse continue 5 , et par la technique de la basse continue chiffrée comme accompagnement de sonates. C’est un style savant et sophistiqué. Avec Johann Sebastian Bach, la musique baroque atteint à la fois son apogée et son aboutissement. Dès sa disparition, le musicien, déjà relativement peu connu de son vivant, est quasiment oublié parce que passé de mode, et dépassé par les nouvelles idées du classicisme, tout comme le contrepoint qu'il a porté à une perfection inégalée. 2 Toutes les écoutes conseillées sont trouvables sur www.youtube.com La superposition organisée de lignes mélodiques distinctes. Un ornement forme habituellement une ou plusieurs dissonances passagères avec l'accord sur lequel il est placé. 5 Dans la musique occidentale, une basse est un chanteur à la voix grave, chargé à l'origine d'exécuter la partie « basse » d'un chant polyphonique. En musique baroque, la basse continue — également appelée le continuo — désigne une pratique d'improvisation à partir d'une basse écrite — chiffrée ou non. 3 4 => Ecoutez Johann Sebastian Bach : Suite pour orchestre n°3 Sarabande o La musique classique Le classicisme désigne par convention la musique écrite entre la mort de Johann Sebastian Bach, soit 1750, et le début de la période romantique, soit les années 1820. Les compositeurs phares du classicisme sont Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig van Beethoven et Christoph Willibald Gluck. Le langage classique se définit par des règles très strictes, une grande rigueur formelle, une grande simplicité harmonique, et un sens de la mélodie développé. Le principe de contraste au sein d'une même pièce est l'élément moteur du langage classique, très dramatique. => Ecoutez Wolfgang Amadeus Mozart : Petite musique de nuit => Ecoutez Joseph Haydn : Symphonie N°95 o Beethoven, la charnière À la jonction du classicisme et du romantisme se situe la puissante personnalité de Ludwig van Beethoven, dont les premières œuvres se rattachent à l'esthétique classique tandis que celles de sa maturité doivent être considérées comme le début du romantisme musical. =>Ecoutez Ludwig van Beethoven : (œuvre appartenant au classicisme) Concerto pour Piano n°2 et (œuvre appartenant au romantisme) La neuvième symphonie o La musique romantique L'expression « musique romantique » recouvre les productions qui s’échelonnent du début du XIXe jusqu'au tout début du XXe. La musique, comme la peinture, est influencée par le romantisme qui, à l'origine, est un mouvement littéraire. La musique romantique vise à susciter l'émotion, à bouleverser. Le piano-forte6, en remplaçant le clavecin, permet désormais d'exploiter de puissants contrastes de dynamique. De la même façon, l'orchestration devient de plus en plus audacieuse et élaborée, d'autant plus que certains instruments, comme le cor, sont modifiés de manière à devenir plus maniables. Les sonorités inventées par les romantiques sont particulièrement colorées et évocatrices. La Première Guerre mondiale mettra fin au romantisme musical. On trouve trois formes principales de la musique romantique : - La symphonie Portée au plus haut degré par Ludwig van Beethoven, la symphonie devient la forme la plus prestigieuse à laquelle se consacrent de nombreux compositeurs. Les plus conservateurs, comme de Franz Schubert, Robert Schumann ou de Johannes Brahms, respectent le modèle beethovénien. D'autres font preuve d'une imagination qui leur fait dépasser ce cadre, dans la forme ou dans l'esprit : le plus audacieux d'entre eux est Hector Berlioz. => Ecoutez Robert Schumann : Symphonie N°4 => Ecoutez Hector Berlioz : Symphonie fantastique - Le lied 6 Bartolomeo Cristofori, l’inventeur du piano-forte, cherchait à doter le clavecin de possibilités expressives plus nuancées, en permettant à l'instrumentiste de varier l'intensité des sons selon la force exercée sur les touches. Ce genre musical est apparu avec l'évolution du piano-forte vers le piano au cours de la période romantique. Le lied est une musique vocale accompagnée le plus souvent par cet instrument. Le chant est tiré de poèmes romantiques et ce style permet de rapprocher le plus possible la voix des sentiments. L'un des premiers et des plus célèbres compositeurs de lieder, est Franz Schubert, cependant beaucoup d'autres compositeurs romantiques se sont adonnés au genre du lied comme Robert Schumann, Johannes Brahms et Gustav Mahler. => Ecoutez Robert Schumann : Dichterliebe => Ecoutez Franz Schubert: Der Koning in Thule - Lied - Le concerto Le concerto est une forme musicale composée généralement de trois mouvements (un rapide, un lent, un rapide), où un ou plusieurs solistes dialoguent avec un orchestre. Dans sa forme moderne, le concerto comporte un seul soliste. D'origine italienne, il se développa pendant la période baroque et fut une des formes musicales les plus prisées pendant les périodes classique et romantique. C'est Beethoven qui inaugure le concerto romantique, avec ses cinq concertos pour piano (surtout le cinquième) et son concerto pour violon. Son exemple est suivi par de nombreux compositeurs : le concerto rivalise avec la symphonie dans le répertoire des grandes formations orchestrales. Enfin, le concerto va permettre à des compositeurs instrumentistes de révéler leur virtuosité, tels Niccolò Paganini au violon, et Frédéric Chopin ou Franz Liszt au piano. => Ecoutez Frédéric Chopin : Nocturne in E => Ecoutez Niccolò Paganini : Caprice n°24 7.2 Le classique dans les musiques actuelles Tout d’abord, il faut avoir que la musique de variété du XXe siècle se base en grande majorité sur le système tonal, introduit progressivement à partir de la musique baroque à l'aube du XVIIe siècle, et sur la gamme tempérée (fin du XVIIIe siècle). La musique classique est donc, en grande partie, à la base de notre musique contemporaine. Pour terminer ce parcours d’écoute, penchons-nous sur l’utilisation de la musique classique dans les musiques actuelles. Le rap, par exemple, est un style qui construit fréquemment sa musique en samplant la musique classique. Sur Facebook, il existe la page La musique classique samplé par le rap dont le responsable, à l’oreille avertie, met en parallèle des morceaux de rap et les œuvres classiques qui ont servi à les construire. Voici quelques exemples (visibles sur Youtube) : Nocturne n°20 de Chopin dans Le poids des préjugés de Scred Connexion L’hiver de Vivaldi dans Classique (Plus rien ne m’étonne) de Youssoupha Toccata and Fugue in D minor de Bach dans Something Like A Horror Flick de Mobb Deep Un autre exemple est celui du groupe Muse qui dans le morceau United States Of Eurasia place à 3’50 Nocturnes Op. 9 No. 2 de Chopin. =>Citez d’autres domaines où la musique classique est exploitée ? Les films, publicités et documentaires exploitent énormément la musique classique pour créer des atmosphères et diriger les émotions du spectateur. 7.3 La musique de Vieilles chansons maléfiques • Un lied (littéralement chant, pluriel : lieder) est un poème germanique chanté par une voix, accompagné par un piano ou un ensemble instrumental. • Dichterliebe (Les Amours du poète) est un cycle composé de 16 mélodies (lieder) que le compositeur Robert Schumann a écrites sur des poèmes de l’écrivain allemand Heinrich Heine. Cette œuvre date de 1840, l'année du mariage de Schumann avec la pianiste Clara Wieck. • Robert (Alexandre) Schumann, né le 8 juin 1810 et décédé le 29 juillet 1856, est un compositeur allemand. Sa musique s'inscrit dans le mouvement romantique qui domine en ce début de XIXe siècle une Europe en pleine mutation. Compositeur littéraire par excellence, Schumann et sa musique illustrent une composante du romantisme passionné. Sa musique pour piano d'avant 1840 combine avec originalité l'influence de Schubert, des compositeurs virtuoses et de la littérature. Il s'éloigne des formes classiques et crée ses propres formes, accomplissant ainsi la mutation commencée par Beethoven et Schubert du classicisme vers le romantisme, tout en conservant le principe d'une œuvre en plusieurs mouvements qui lui permet de juxtaposer des pièces de caractère très contrasté. Il s'inscrit dans l'esthétique romantique, celle de Chopin ou de Liszt, avec les pièces de caractère que sont l'Arabesque op. 18, les Novelettes op. 21 ou les Fantasiestücke op. 12, où l'on retrouve l'univers onirique de Hoffmann. La poésie présente dans ces pièces se retrouve, approfondie, dans les pièces pour piano de la deuxième période (1845-1854). La virtuosité démonstrative a disparu, l'introspection se fait plus profonde. Les Scènes de la Forêt op. 82 font entrer l'univers des lieder dans sa musique pour piano, tendance qui se confirme avec les Chants de l'Aube op. 133, qui préfigurent l'impressionnisme. Introspection et poésie se combinent dans les Variations en mi bémol (« Variations des esprits ») qu'il composa avant d'être interné à Endenich. Il faut mentionner spécialement l'Album pour la jeunesse op. 68 et les Trois sonates pour la jeunesse op. 118 qui, outre leurs qualités pédagogiques (recherche d'une progression dans la gradation des difficultés, mélodies attractives), montrent un Schumann attaché à la poésie de l'univers de l'enfance. Les principaux poètes mis en musique par Schumann sont : Heine (43 lieder), Rückert (28 lieder), Emanuel Geibel (25 lieder), Justinus Kerner (20 lieder), Goethe (19 lieder), Eichendorff (16 lieder). • • Le romantisme est un mouvement artistique apparu au cours du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne et en Allemagne, puis au début du XIXe siècle en France, en Italie et en Espagne. Le romantisme s'esquisse par la revendication des poètes du « je » et du « moi » qui veulent faire connaître leurs expériences personnelles. Le romantisme se caractérise par une volonté d'explorer toutes les possibilités de l'art afin d'exprimer les états d'âme : il est ainsi une réaction du sentiment contre la raison, exaltant le mystère et le fantastique et cherchant l'évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le sublime, l'exotisme et le passé. Idéal ou cauchemar d'une sensibilité passionnée et mélancolique, les valeurs esthétiques et morales du romantisme, les idées et thématiques nouvelles qu’il apporte n’ont pas tardé à influencer d'autres domaines, en particulier la peinture et la musique. Christian Johann Heinrich Heine (1797-1856) fut l'un des plus grands écrivains allemands du XIXe siècle. Heine est considéré comme le "dernier poète du Romantisme" et, tout à la fois, comme celui qui en vint à bout. Il éleva le langage courant au rang de langage poétique, le feuilleton et le récit de voyage au rang de genre artistique et conféra à la littérature allemande une élégante légèreté jusqu'alors inconnue. Peu d'oeuvres de poètes de langue allemande ont été aussi souvent traduites et mises en musique que les siennes. Journaliste critique et politiquement engagé, essayiste, satiriste et polémiste, Heine fut aussi admiré que redouté. Ses origines juives ainsi que son positionnement politique lui valurent hostilité et ostracisme. Ce rôle de marginal marqua sa vie, ses écrits et l'histoire mouvementée de la réception de son œuvre. Dans l’extrait suivant de Vieilles Chansons maléfiques, nous entrons dans le Dichterliebe (L’Amour du Poète) de Schumann. Stephen (chante avec sensibilité et un sens parfait de la musique) : JE PLEURAIS EN REVANT (Mashkan accompagne au piano. Stephen entre un peu tôt) J’AI REVE Mashkan : Pas si vite. Pensez à la musique. J’essaie de soulager votre douleur. Faites résonner mon insouciance. (Il rejoue sa partie) Stephen J’AI REVE QUE TU ETAIS LA DANS UNE TOMBE (Mashkan ne joue pas pendant un instant, pensant aux mots. Puis il joue) Mashkan J’ai écouté vos mots pour que cette fois-ci mon accompagnement ne soit pas si désinvolte. Maintenant essayez d’être un chouia plus léger pour moi. Stephen QUAND JE ME SUIS REVEILLE (Mashkan accompagne au piano) Mashkan Un petit peu d’espoir. Stephen JE PLEURAIS (Mashkan accompagne au piano) Mashkan Moins d’espoir. Stephen DES LARMES S’ECOULAIENT PAR TROMBE Mashkan Fermata pendant le silence. Entendez les larmes couler. Stephen (Il les entend puis chante) JE PLEURAI EN REVANT La peinture romantique fait également la part belle à ces sentiments. Si la musique romantique devait prendre forme cela pourrait être, par exemple, cette peinture Le voyageur au-dessus de la mer de brume de Caspar David Friedrich, chef de file de la peinture romantique allemande du XIXe siècle. 7.4 La tristesse et la joie Une femme dit alors : « parle-nous de la Joie et de la Tristesse ». Il répondit : « votre joie est votre tristesse sans masque. Et le même puits d'où jaillit votre rire a souvent été rempli de vos larmes. Comment en serait-il autrement ? Plus profonde est l'entaille découpée en vous par votre tristesse, plus grande est la joie que vous pouvez abriter. La coupe qui contient votre vin n'est-elle pas celle que le potier flambait dans son four ? Le luth qui console votre esprit n'est-il pas du même bois que celui creusé par les couteaux ? Lorsque vous êtes joyeux, sondez votre coeur, et vous découvrirez que ce qui vous donne de la joie n'est autre que ce qui causait votre tristesse. Lorsque vous êtes triste, examinez de nouveau votre coeur. Vous verrez qu'en vérité vous pleurez sur ce qui fit vos délices. Certains parmi vous disent : « la joie est plus grande que la tristesse », et d'autres disent : « non, c'est la tristesse qui est la plus grande ». Moi je vous dis qu'elles sont inséparables. Elles viennent ensemble, et si l'une est assise avec vous, à votre table, rappelez-vous que l'autre est endormie sur votre lit. En vérité, vous êtes suspendus, telle une balance, entre votre tristesse et votre joie. Il vous faut être vides pour rester immobiles et en équilibre. Lorsque le gardien du trésor vous soulève pour peser son or et son argent dans les plateaux, votre joie et votre tristesse s'élèvent ou retombent. » Le Prophète, Khalil Gibran A travers ses enseignements, Mashkan dit à Hoffman qu'il y a à la fois « de la tristesse et de la joie » dans la musique et qu'il devrait connaître des exemples réels afin de mieux comprendre le message du cycle de chansons Dichterliebe. Hoffman raconte alors à Mashkan son intention d’aller à l'opéra pour expérimenter la joie et puis de visiter le camp de concentration de Dachau pour la tristesse. La littérature et la philosophie traitent du couple joie/tristesse depuis des siècles. Déjà en 1532, Rabelais nous offre ces sentiments contrastés dans Pantagruel : la naissance étant synonyme de la mort de la mère, le père, Gargantua, se trouve partagé entre joie et tristesse. Pour Spinoza, dans son livre III de Ethique, la joie forme, avec la tristesse et le désir, l'un des trois affects fondamentaux de l'être humain : tous les autres sentiments (amour, haine, espérance, crainte, etc.) se définissent comme des formes particulières de joie ou de tristesse. La joie (lætitia en latin) est définie par Spinoza comme « le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection », c'est-à-dire comme une augmentation de forces et la réalisation de soi d'un être humain. Tandis que l’inverse, c’est-à-dire la dégradation de l’état supérieur vers l’état inférieur sera qualifié de « tristesse ». Pour autant, l’Esprit qui recherche la plénitude ne recherche en rien ces instabilités permanentes, qui le font osciller de la contrariété à la satisfaction, et de la satisfaction à la contrariété ; l’oscillation même du mouvement de la joie et de la tristesse témoigne qu’il s’agit là d’une passion, que l’Esprit subit, et en aucun cas d’une action. Mashkan S’établir l’amour ? …Non non non. L’amour s’élève dans mon cœur. Ecoutez la chose dans son ensemble. Dans le plus ravissant des mois – Mai. Quand les bourgeons éclosent en fleurs, L’amour s’élève également dans mon cœur. C’est l’amour masculin et l’amour féminin. Masculin dans sa puissance. Féminin dans sa beauté – comme Vienne elle-même. Regardez notre ville quand vous flânez. Voyez les immeubles comme ils sont anciens et inaltérables, les murs larges et solides. Mais attardez-vous sur les ornements – les statues, les arches, les moulures, les corniches, les façades, toutes différentes les unes des autres. Chaque immeuble, certes, a sa propre hauteur, mais tellement de choix offerts aux yeux pour trouver son chemin. Pas comme vos immeubles américains modernes, des boites qui mènent l’œil tout droit vers le haut – sans la moindre possibilité aucune de découvrir ne serait-ce que l’empreinte d’une beauté. Stephen L’architecture moderne est juste une schématisation de vos immeubles. Mashkan Ah, une schématisation, un mot évocateur, mais qu’est-ce qu’il signifie ? Dénuer l’art de toute sa beauté jusqu’à le réduire à la science. Comme les compositeurs modernes avec leur musique schématisée, retirer l’émotion, réduire la musique à une théorie mathématique. Je préfère trop de passion que pas de passion du tout !... Stephen, arrêtez de penser comme votre musique simpliste et votre architecture moderne américaine. La vie n’est pas toujours si nettement tranchée. Il y a un esprit à l’intérieur de tout ça. Faites-le marcher… Maintenant chantez à nouveau, avec plus de…passion ! (Il commence à jouer) Stephen (Chante, exagérément exubérant) IM WUNDERSCHONEN MONAT MAI (Dans le plus ravissant des mois – Mai.) Mashkan Vous n’êtes pas sur Broadway ! Je n’ai pas besoin de voir vos dents et vos yeux. J’ai besoin de sentiments vrais. Pensez à une de vos petites amies à l’école. Juste l’envie de la voir, mais vous devez attendre la fin de la classe, et cette attente semble une éternité. Stephen J’aimais bien mes cours. De plus mes petites amies étaient plutôt du genre …(un peu embarrassé) intellectuel. Mashkan Pourquoi ne suis-je pas surpris ?...Vous devez surement avoir quelque chose qui vous passionne… Stephen Lâcher ce cours ! Mashkan Bien ! Alors servez-vous en. Maintenant passion. (…) Sentez cette musique qui résonne comme quelqu’un qui se remémore, et qui se souvient lentement du mois de mai. Quand le chant commence, la tonalité s’allège, mais les premières notes rappellent la mélancolie du début. (Il chante) IM WUNDERSCHONEN MONAT MAI (Dans le plus ravissant des mois – Mai.) (Stephen joue doucement et chante tandis que Mashkan parle- quand les mots sont en capitale, Mashkan chante aussi.) ALS ALLE KNOPSEN SPRANGEN (Quand les bourgeons éclosent en fleurs) Encore hésitant puis l’amour s’amplifie DA IST IN MEINEM HERZEN Et s’amplifie LIEBE AUFEt s’amplifie ! Et puis à nouveau le triste prélude. Nous entendons toujours de petites parties de la mélodie joyeuse mais seulement par intermittence. Stephen (Doucement) Je vois Mashkan (Alors que la musique continue) Maintenant la joie va reprendre, mais d’abord la dissonante appogiatura7 sur WUNDERSCHONEN Puis une nouvelle séquence montante, comme avant, qui s’élève ALLE VOGEL SANGEN et puis tombe DA HAB’ICH IHR GESTANDEN Et puis s’élève à nouveau. Il parle de ses amours et de ses envies. VERLANGEN Mais ses envies ne sont pas comblées. Le prélude reprend, finissant sur une dominante septième inachevée, qui nous rappelle l’omniprésence de la tristesse. (Stephen finit la chanson visiblement ému. L ‘enseignement de Mashkan était magique. Alors que Mashkan laisse la dernière note trainer dans son esprit, Stephen l’interrompt.) Stephen Recommençons. 7 Appoggiature harmonique: note ajoutée à un accord avec souvent un effet volontaire de dissonance.