Les PDG viennent de Mars, les DSI viennent de Pluton

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Les PDG viennent de Mars, les DSI viennent de Pluton
Photographie : NASA
# 18 (La Lettre)
Le magazine de CSC
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TENDANCES
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Lesviennent
PDGde Mars,
lesviennent
DSI de Pluton
Un nouveau DSI pour le 21ème siècle : moins technique, plus ouvert au dialogue
Flash-back. C’était il y a six ans. Un rapport de CSC, publié dans le cadre de son programme de recherche «Leading Edge Forum – Executive Programme»,
établissait le fait que les directeurs des systèmes d’information bataillaient ferme pour faire partie du comité de direction de leur entreprise. Le rapport était alors
intitulé CEOs are from Mars, CIOs are from Pluto (les PDG viennent de Mars, les DSI viennent de Pluton). Un petit clin d’œil au best-seller de l’époque de John
Gray (Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus). Car si les PDG viennent de Mars (symbole mythologique de l’action), beaucoup de DSI
se comportent comme s’ils vivaient sur Pluton, une toute petite planète en marge du management, avec une orbite très excentrique autour des métiers.
Malentendus, déchirements, incompréhensions mutuelles… Aujourd’hui, cela pourrait changer.
Par Alex Mayall, directeur général du “Leading Edge Forum – Executive Programme”
Selon l’étude CEOs are from Mars, CIOs are from
Pluto, 40% des DSI étaient sur un siège éjectable,
puisque leurs prédécesseurs avaient été licenciés, de
l’aveu même de ces derniers. Un pourcentage
surprenant puisque l’éventualité de cette sanction
n’était pas liée à leur incapacité à fournir des
services informatiques efficaces. Trois raisons
principales pouvaient en revanche expliquer leurs
échecs :
leur incapacité à contribuer à la mise en
oeuvre de la stratégie d’entreprise ;
leur inaptitude à œuvrer en tant qu’acteurs du
changement ;
leur manque de communication avec la
direction générale de leur entreprise.
L’expérience montre en effet que si un projet
informatique tourne au «film d’horreur», une grande
part de responsabilité est à attribuer au PDG et autres
membres du management. Mais les DSI restent
tout de même les premiers à blâmer. Et deux facteurs
expliquent qu’ils mettent en danger - malgré eux leur avenir professionnel, tout en compromettant le
succès des entreprises pour lesquelles ils œuvrent.
Le premier facteur tient au fait que les objectifs
personnels des DSI ne sont pas explicitement liés
aux critères de succès de leur entreprise. Le second
est leur difficulté à comprendre et à exploiter le jeu
des relations informelles au sein de l’entreprise, qui
jouent pourtant un rôle clé dans la prise de décision.
Une minorité de DSI supervise des programmes
de changement
Tout DSI récemment recruté doit saisir
l’opportunité de profiter de ses premières
# 19
semaines de prise de poste pour rencontrer et
travailler avec son PDG, et définir avec lui la
meilleure manière de déployer les technologies
de l’information pour répondre au mieux aux
besoins de l’entreprise. En alignant ses objectifs
professionnels aux orientations stratégiques de
son entreprise, le DSI pourrait ainsi renforcer la
pertinence de la fonction informatique et
concentrer ses efforts sur les aspects les plus
déterminants pour son entreprise. La réalité est
pourtant autre : seule une petite minorité de DSI
très influents sont régulièrement amenés à superviser de grands programmes de changement.
Les résultats de cette enquête ont été confirmés
ensuite par des sources indépendantes. CSC
a demandé à plusieurs grands cabinets de
recrutement quels étaient, selon eux, les qualités
que recherchaient les dirigeants d’une
multinationale lorsqu’ils recrutaient un
nouveau DSI. Le cabinet Whitehead Mann a
établi les critères suivants, qui, étonnamment,
correspondent au profil d’un directeur général :
ouverture d’esprit, intégrité, affinité
commerciale, vivacité d’esprit
pertinence, flexibilité, résultats tangibles
potentiel pour créer de la valeur
leadership, énergie, créativité,
volontarisme, passion
sérieux
sens de l’arbitrage entre le temps
de la réflexion et celui de l’action
propension à gérer les changements
vision
Remarquez que cette liste ne fait nullement mention
de compétences informatiques. En fait, la
connaissance des technologies de l’information
par les DSI est un fait acquis. Naturellement, elle
ne doit pas être aussi avancée que celle requise
pour un chercheur en informatique ou un
directeur de la technologie, mais elle doit être
suffisante pour permettre au DSI de proposer des
opportunités technologiques appropriées
aux activités, de juger de la sagesse et de l’ampleur
des investissements technologiques et de qualifier
les offres des fournisseurs informatiques.
Des profils psychologiques différents
Le second point négatif souligné par l’enquête du
Leading Edge Forum est l’incapacité des DSI à
communiquer avec les directions générales. Cela se
manifeste parfois dans la tendance qu’ont les
directeurs informatiques à opter pour un discours
extrêmement technique, plutôt que d’utiliser une
terminologie commerciale, compréhensible par un
plus large public. Une fois encore, un DSI avisé
devrait présenter ses projets informatiques en
termes de bénéfices commerciaux plutôt que sous
l’angle de constatations purement techniques, telles
que le choix de telle solution informatique plutôt
qu’une autre. L’utilisation d’un langage commun
ne résout cependant pas tout le problème. Les
directeurs informatiques semblent réticents à l’idée
même de prendre part aux jeux politiques de
l’entreprise. Pour infirmer ou confirmer ce qui
n’était qu’un constat empirique sur le terrain, CSC
a commandé une enquête à une psychologue, le
docteur Robina Chatham de l’université de
Cranfield en Angleterre. Robina Chatham a
identifié un groupe de dirigeants (des PDG et
des DG) qui avaient déjà eu des expériences
professionnelles dans le secteur informatique, et a
comparé leurs profils avec ceux d’un groupe de
responsables informatiques traditionnels. Son
analyse est succinctement représentée dans le
schéma 1. Il apparaît clairement que la plupart des
responsables informatiques, bien qu’experts dans
leurs domaines, seront incapables, ou réticents à
agir comme un PDG, selon le profil dressé pour ce
poste par le docteur Chatham. Néanmoins, les
directeurs informatiques les plus ambitieux
adopteront probablement certaines de leurs caractéristiques, s’ils veulent devenir un membre de la
direction générale de leur entreprise à part entière.
DG et DSI : une collaboration stratégique
Il y a cinq ans, la fonction informatique n’était pas
vue du meilleur œil. C’était juste après l’éclatement
de la bulle Internet, l’ère était au désenchantement
lié à l’an 2000, la «catastrophe technologique»
annoncée et qui n’est finalement jamais arrivée…
Dans un tel contexte, même le plus politique des
Schéma 1 > Des profils bien différents
Schéma 2 > Les principales barrières à l’utilisation des technologies
LES PDG
LES DSI
Gèrent et contrôlent
Recherchent et partagent
les connaissances
Se comportent en visionnaires
Écoutent, délèguent
et communiquent
Sont attentifs à leurs ressources
et à leur développement
Sont confiants et tranchants
Ont l’intelligence du travail en
équipe (en recourant à l’humour)
Sont ambitieux pour leurs équipes
et leur entreprise, plus que pour eux
Sont politiquement intelligents
Savent ce qui est le mieux et comment
le mettre en place (dans le détail)
Se concentrent sur des problématiques
opérationnelles
Préfèrent ce qui a été testé et éprouvé
Sont mauvais dans leur communication
et dans la délégation
S’expriment en termes de technologies
et non de métiers
Sont sur la défensive
S’avèrent travailleurs mais beaucoup
trop sérieux
Se montrent peu sociables, directifs,
négatifs
Sont politiquement naïfs
Source : Enquête du Dr Robina Chatham, Cranfield University, 2004
DSI se battait corps et âme pour sauver la
crédibilité de l’informatique. Aujourd’hui, la
plupart des dirigeants s’accorde sur le fait que
l’informatique est au cœur de leurs métiers. Dans
l’édition d’octobre 2005 du magazine Harvard
Business Review («Information Technology and
the Board of Directors»), les professeurs Richard
Nolan et Warren McFarlan décrivent comment les
technologies de l’information «envahissent»
aujourd’hui les conseils d’administration. C’est
bien simple, si les systèmes défaillent, c’est toute
l’activité qui peut se trouver pénalisée.
Rappelons qu’en quelques années, la sphère
économique a changé.
D’une part, plusieurs lois draconiennes sont
entrées en vigueur et stipulent aujourd’hui qu’en
cas d’erreurs dans les systèmes, les PDG
et les directeurs financiers peuvent être passibles
de lourdes pénalités, voire d’emprisonnement.
D’autre part, l’entreprise se transforme
constamment. Et mettre en place de nouvelles
stratégies commerciales requiert évidemment
le déploiement de nouvelles technologies.
L’ensemble de ces facteurs amène les dirigeants
d’entreprise à s’intéresser plus qu’avant au
support offert par la fonction informatique. Ce
regain d’intérêt pour l’informatique a été
confirmé par les résultats d’une enquête
internationale, menée récemment par le
«Leading Edge Forum – Executive Programme».
Le résultat peut-être le plus étonnant de cette
enquête est le fait que les directeurs généraux
jugeaient que les métiers, et non plus les
fonctions informatiques, étaient responsables de
cette barrière à l’utilisation des technologies de
l’information (voir schéma 2). Les mêmes
dirigeants ont désormais la certitude qu’ils
pourront plus aisément surmonter ces
barrières en collaborant avec leur direction
informatique. Alors, maintenant que les
métiers veulent en savoir plus sur les
technologies de l’information, les DSI n’ont
plus aucune excuse pour relever le défi. Mars,
Pluton : les orbites pourraient bientôt se croiser.
Tous à vos télescopes !
de l’information sont dressées par les métiers
DSI (%)
COMITÉ
DE DIRECTION(%)
Manque de compréhension des métiers par la direction
informatique
6
11
Incapacité des équipes métiers à comprendre ce qui peut
et ce qui ne peut pas être accompli avec les technologies
de l’information
41
42
Incapacité des métiers à évoluer de manière à tirer un
avantage de ces nouvelles capacités
44
32
Aucun/NSPP
9
15
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Source: Enquête internationale menée par le LEF en collaboration
avec l’unité de recherche du Financial Times, 2005
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