Stratégie pour l`avenir de l`épuration des eaux de l`agglomération

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Stratégie pour l`avenir de l`épuration des eaux de l`agglomération
Éditorial
Stratégie pour l'avenir
de l'épuration des eaux
de l'agglomération parisienne
Les bases d u réseau actuel des égouts de Paris datent de 1 8 5 6 ,
lorsque le baron H a u s s m a n n , préfet de la Seine, approuva la réalisation des travaux proposés par BELGRAND. L'originalité de ce p r o g r a m m e consistait à prévoir le rejet des e a u x usées e n dehors des limites
de l'agglomération a u lieu de les évacuer e n Seine, a u plus près. BELGRAND préconisa de diriger les effluents e n aval de Paris à la hauteur
de Clichy par quatre grands collecteurs qui formèrent les artères
maîtresses d u réseau d'égouts parisien. Il e n résulta u n e pollution
notable de la Seine à l'aval de Clichy et rapidement il devint nécessaire d'envisager l'épuration des e a u x d'égout avant leur rejet e n fleuve.
U n e nouvelle étape de l'assainissement parisien s'est donc développée. A la suite d'expériences concluantes m e n é e s dans la plaine de
Gennevilliers, ils envisagèrent de traiter les effluents par la voie de
l'épandage agricole sur des terrains filtrants convenablement drainés. Ceci aboutit entre 1 8 9 5 et 1 9 0 5 à la mise e n service progressive
des c h a m p s d'épandage d'Achères, acquis par la Ville de Paris et alim e n t é s depuis Clichy par l'émissaire général. Il fut alors possible,
grâce à leur efficacité de faire bénéficier les parisiens d'un véritable
«tout à l'égout» dont le raccordement fut d'ailleurs r e n d u obligatoire
par la loi d u 1 0 juillet 1894. E n 1919, la surface des c h a m p s d'épandage e n activité atteignait 5 0 0 0 ha. Elle permettait à l'époque de
traiter l'ensemble des e a u x usées recueillies. Cette situation fut satisfaisante jusqu'aux lendemains de la première guerre mondiale.
Par suite de l'évolution d é m o g r a p h i q u e de la région parisienne,
surtout de l'urbanisation et de l'industrialisation de la banlieue, de
l'accroissement des volumes d'eaux c o n s o m m é s , des c h a m p s d'épan-
Article disponible sur le site http://www.water-quality-journal.org ou http://dx.doi.org/10.1051/water/19952602129
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dage de la Ville de Paris devinrent insuffisants pour assurer l'assainissement de l'agglomération parisienne. Les problèmes de l'assainissement reprirent de l'acuité et durent être repensés. Ils se transposèrent d'ailleurs d u cadre strictement parisien à u n cadre régional
lié à la topographie de la région parisienne et intéressant les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise. Ils conduisirent e n 1 9 3 0 à
l'élaboration d u p r o g r a m m e général d'assainissement, véritable
charte de l'assainissement de la région parisienne.
C e p r o g r a m m e , dont la réalisation s'est poursuivie d'une manière
continue, tendait à rassembler la quasi-totalité des e a u x d'égout de
cette agglomération sur u n e station d'épuration unique, implantée e n
tête des c h a m p s d'épandage de la Ville de Paris d a n s la plaine
d'Achères (entre la forêt de Saint-Germain et la Seine).
Par ailleurs, d e u x autres stations drainent les e a u x usées des
départements situés à l'amont de Paris : les stations de Valenton dans
l'Essonne et de Noisy-le-Grand e n Seine-Saint-Denis. L'ensemble de
ces travaux est géré par u n organisme interdépartemental : le Syndicat Interdépartemental d'Assainissement de l'Agglomération Parisienne établi sur 7 départements et desservant plus de 1 0 millions
d'habitants.
L o n g t e m p s le grand public n'a
le m o y e n de préserver la faune et
m e n c e désormais à être sensible
c'est aussi et avant tout préserver
sable à la vie h u m a i n e .
v u dans l'épuration des e a u x q u e
la flore des rivières, mais il c o m a u fait qu'épurer les e a u x usées
u n e ressource naturelle indispen-
Lorsque n o u s énonçons " R e n d r e l'eau à la vie, c'est notre devoirfaire". N o u s pensons e n effet, qu'à Orly, Choisy et Ivry, e n aval de la
station d'épuration de Valenton, sont implantées trois des plus importantes usines de production d'eau potable de l'agglomération parisienne. E n outre, les prises d'eau de l'usine d'Aubergenville, qui alimentent u n e grande partie d u département des Yvelines, se situent
quant à elles e n aval de celle-ci.
Sachant q u e la c o n s o m m a t i o n d'eau dans l'agglomération parisienne représente u n v o l u m e proche de la moitié d u débit m o y e n de
la Seine à l'étiage (70 m V s ) il est évident q u e si n o u s n e faisions pas
correctement notre travail d'assainissement, les rejets viendraient
souiller g r a v e m e n t l'eau de rivière dont la mauvaise qualité n e permettrait plus alors son retraitement pour produire de l'eau potable.
Si l'on c o m p a r e le débit m o y e n de la Seine à Paris (300 m V s ) à celui
d u Saint-Laurent a u C a n a d a qui est de 1 0 2 0 0 m V s o u à celui des
autres fleuves d'Amérique c o m m e l'Amazone (200 0 0 0 m V s ) ,
d'Afrique o u encore d'Asie c o m m e l'Angara (2 9 0 0 m V s ) notre " fleuv e " apparaît bien modeste et fragile. N o u s s o m m e s donc obligés de
gérer ce faible potentiel sur le fil d u rasoir car tout incident sérieux
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de fonctionnement a u niveau d'une seule station d'épuration poserait
i m m a n q u a b l e m e n t de graves problèmes pour ce qui concerne la qualité de l'approvisionnement e n eau de la Région Ile-de-France.
Il est donc impérativement de notre devoir d'utiliser tout notre
savoir-faire pour régénérer les e a u x usées avant de les rendre a u
fleuve.
Il convient également de prendre e n c o m p t e à ce stade le rôle
important des barrages-réservoirs d u bassin de la Seine qui permettent de réguler le débit de l'eau et de la stocker pour pouvoir continuer à approvisionner les c o n s o m m a t e u r s dans de b o n n e s conditions,
m ê m e e n cas de sécheresse, ce qui a été le cas e n 1 9 9 1 , 1 9 9 2 et
1993.
Producteurs d'eau, assainisseurs et gestionnaires des barragesréservoirs forment u n e grande famille solidaire qui p e r m e t d'assurer
à l'ensemble des habitants de la région parisienne u n e alimentation
e n e a u de très grande qualité qui a la réputation d'être tout à fait
exceptionnelle.
Pour maintenir celle-ci, il a été créé u n
Propre » qui comportait plusieurs volets :
programme
«Seine
• L a modernisation des d e u x premières tranches et d u prétraitem e n t de la station d'épuration d'Achères dont la capacité sera m a i n tenue à 2 1 0 0 0 0 0 m V j .
• L a construction de l'émissaire Sèvres-Achères, branche de N a n terre, destiné à collecter les rejets encore existants e n Seine sur son
parcours en interceptant n o t a m m e n t les e a u x d u ru de Marivel qui se
déversaient jusqu'alors a u niveau d u Pont de Sèvres.
• L a construction à Valenton e n a m o n t de Paris d'une nouvelle
station d'épuration d'une capacité de 3 0 0 0 0 0 m V j .
Ces trois premières opérations ont été m e n é e s à bien. D e s capacités de traitement complémentaires ont été recherchées sur d'autres
sites dans le cadre d u s c h é m a directeur d'assainissement «Horizon
2 0 1 5 » , n o t a m m e n t à Colombes, o ù vient de débuter la réalisation
d'une station de haute technologie capable de traiter 2 4 0 0 0 0 m par
jour par t e m p s sec.
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D a n s le cadre de ce p r o g r a m m e , n o u s avons entrepris également
des travaux pour réduire les nuisances olfactives et sonores, n o t a m m e n t à Achères.
E n ce qui concerne la répartition des ouvrages o n constate lorsqu'on regarde u n e carte d u réseau SIAAP, qu'il existe u n déséquilibre
entre l'Est et l'Ouest de l'agglomération, ceci pour des raisons historiques. U n des buts d u n o u v e a u s c h é m a directeur est donc de rééqui-
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librer les m o y e n s d'épuration tout e n les complétant pour assurer le
traitement de la totalité des e a u x usées. Cette nouvelle politique qui
avait été a m o r c é e avec la construction de la station d'épuration de
Valenton sera poursuivie avec le doublement de cette station (600
0 0 0 m /]) et l'extension de celle de Noisy-le-Grand qui sera portée de
2 0 0 0 0 à 6 0 0 0 0 m /j. N o u s envisageons aussi la construction d'une
nouvelle unité d'épuration des e a u x e n Seine-Saint-Denis. Ces différentes opérations permettront de disposer d'une capacité journalière
de traitement totale de 3 3 2 5 0 0 0 m par jour e n incluant u n e m a r g e
de sécurité de 1 0 % et qui correspond a u x besoins d'épuration des
e a u x usées par t e m p s sec à l'horizon 2 0 1 5 .
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Mais la protection d u milieu naturel exige q u e n o u s allions plus
loin encore, e n traitant les e a u x de pluie dont les premiers flots ont
lessivé les chaussées et les toits et représentent u n risque élevé de
pollution. N o u s allons a m é n a g e r des déversoirs d'orages, et doter les
stations d'épuration de m o y e n s destinés à faire subir a u x e a u x excédentaires de t e m p s de pluie u n prétraitement efficace pour minimiser
leur impact sur le milieu naturel. N o u s utiliserons des procédés techniques différents. A Colombes, ce seront des cultures fixées, à
Achères, la clarifloculation afin de nous adapter a u x structures déjà
existantes.
Toutefois, les débits instantanés par t e m p s de pluie étant considérables, nous devrons construire des bassins de stockage de ces e a u x
afin de pouvoir les traiter progressivement. N o u s avons à cet effet u n
projet important e n Seine-Saint-Denis, sur le site d u grand stade, qui
se situe à la convergence d'un certain n o m b r e de réseaux d u S I A À P
o ù n o u s allons construire u n bassin de stockage. N o u s e n s o m m e s
actuellement à la phase de pré-étude.
C o m m e o n peut le constater le n o u v e a u s c h é m a directeur d'assainissement a fixé l'ensemble des objectifs à atteindre d'ici 2 0 1 5 . S o n
coût est actuellement estimé à 25 milliards de francs, dont 9 milliards qui devront être engagés d'ici 1 9 9 7 : 7 pour les stations d'épuration et 2 pour les émissaires. Cependant, sans modifier la stratégie
globale, les incertitudes sur l'évolution des quantités d'eau qui
devront être traitées dans les années à venir pourront conduire à des
actualisations de ce s c h é m a .
D a n s l'état actuel des choses, il est prévu site par site :
• C o l o m b e s : création d'une nouvelle usine capable de traiter par
t e m p s sec 2 4 0 0 0 0 m
par jour à u n niveau correspondant a u x
n o r m e s européennes les plus sévères, et par t e m p s de pluie u n débit
quatre fois plus important avec des performances d e m e u r a n t r e m a r quables. L'intégration de cette unité dans le site e n bordure de Seine
a été particulièrement soignée, de m ê m e q u e la protection de son
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environnement puisqu'elle sera entièrement close et l'air désodorisé
avant d'être rejeté à l'atmosphère.
• A c h è r e s : dans u n premier temps, poursuite des travaux antinuisances dans le cadre de la construction d'une unité de traitement
des e a u x pluviales par clarifloculation. L a clarifloculation devrait
aussi permettre de traiter le phosphore présent dans les e a u x tant
par t e m p s sec q u e par t e m p s de pluie.
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Par ailleurs, trois prototypes de 3 0 0 0 0 m
sont expérimentés
pour le traitement de la pollution azotée et le procédé sera étendu
progressivement à l'ensemble de la station.
• Valenton: doublement de sa capacité et travaux d'environnem e n t (couverture, insonorisation, désodorisation). A côté de ces projets d'ores et déjà engagés, citons les projets à plus long terme :
- Noisy-le-Grand : extension de la capacité de la station.
- L a M o r é e , e n Seine-Saint-Denis: création d'une nouvelle station.
- Les Grésillons : à l'extrémité de l'aqueduc d'Achères, u n e station d'une capacité m a x i m a l e de 3 0 0 0 0 0 m par jour sera réalisée.
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E n m a r g e de ces opérations «lourdes», le S I A A P s'est attaché à
ce q u e nous appelons la pollution visuelle, à savoir les déchets flottants sur la Seine.
Quatre barrages destinés à capturer cesflottantssont déjà opérationnels et six autres le seront prochainement. N o u s disposons désorm a i s d'un bateau qui aura pour mission la récupération des déchets
(bois, plastique...) retenus par ces barrages flottants arrimés près
des ponts.
N o u s avons aussi décidé de mettre e n place u n certain n o m b r e de
dispositifs d'oxygénation, destinés à réduire e n période de crise (gros
orages) la mortalité des poissons évoluant dans la Seine. L a technique consiste à dissoudre de l'oxygène pur sous pression dans l'eau,
de façon à créer des «îlots de survie» pour les poissons pendant ces
périodes.
L'ensemble de ces d o n n é e s traduit l'effort constant et considérable q u e les assainisseurs sont contraints à mettre e n œ u v r e aujourd'hui c o m m e par le passé p o u r restaurer la qualité des e a u x et tenter
de donner en héritage a u x population futures l'équivalent de celui
reçu de leurs illustres prédécesseurs.
Daniel M É R A U D •
Président du SIAAP