Présentation du document De l`assiette au menu : un déjeuner d
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Présentation du document De l`assiette au menu : un déjeuner d
Présentation du document De l'assiette au menu : un déjeuner d'après-guerre Les repas français sont composés traditionnellement d'une entrée, d'un plat de résistance, d'une salade, d'un fromage et d'un dessert. Cette composition n'a pas toujours été identique et a évolué au fil des époques. Les menus sont révélateurs des habitudes culinaires et témoignent aussi d'événements culturels, sociaux et politiques. Apparition du menu à la Renaissance L'ancêtre du menu apparaît à la Renaissance. Des écriteaux indiquent parfois aux convives le détail des plats qui sont servis lors d'un festin. Au XVIIIe siècle, le terme "menu" désigne les mets composant un repas. Celui-ci n'est pourtant pas destiné aux invités. Il est plutôt un instrument de travail pour l'hôte, les cuisiniers et les valets. Le menu, tel que nous le connaissons aujourd'hui, apparaît seulement au XIXe siècle. Il quitte la cuisine pour s'imposer comme objet de table et devient un outil de convivialité. Sa naissance est due aux évolutions du service de table. Jusqu'alors, le service à la française prédomine lors des repas. Ce dernier est organisé en plusieurs services successifs. Chacun d'eux, composé de plusieurs mets, est présenté aux convives et est disposé sur une table dressée luxueusement. Cette présentation est soumise à des normes : chaque plat à une place précise, dans une organisation de la table caractérisée par la symétrie. Ce service ne laisse pas de place au menu. Les mets sont aux yeux de tous, il n'y a donc pas besoin de noter ce qui va être dégusté. Le service à la russe présente aussi les plats aux convives mais les uns après les autres et dans un ordre établi par l'hôte. Les invités ne savent donc pas ce qu'ils mangeront avant cette présentation. C'est le prince russe Borissovitch Kourakine, ambassadeur du tsar Alexandre I auprès de Napoléon, qui fait découvrir cet art de la table à la France. C'est une nouvelle façon de consommer. Les repas durent moins longtemps et sont moins riches. Ce service se propage progressivement à Paris. Le menu trouve sa place dans cet art de la table. Grâce à sa lecture, les invités peuvent décider de la quantité qu'ils mangeront, afin de préserver leur appétit pour la suite du repas. Cependant, peu de menus de cette époque sont recensés en France. Lentement, ils prennent place dans les mœurs. Ils s'imposeront comme un phénomène de société, d'abord réservé aux grandes tables, avant de s'installer peu à peu sur les tables bourgeoises puis populaires. C'est véritablement au XXe siècle, comme peuvent le témoigner les menus de baptêmes et mariages, qu'ils se démocratisent dans tous les foyers. Menu de la société des mutilés d'Epernay Les Archives municipales d'Epernay conservent quelques menus. Cette carte présentée ci-dessous est le témoin d'un repas organisé par la société des mutilés d'Epernay. Le 3 juillet 1921 est marqué par une double cérémonie : la remise de la croix de guerre à des communes de l'arrondissement d'Epernay1 et la remise de drapeaux à des sections de mutilés par M. Lugol, sous-secrétaire d'Etat aux régions libérées. La société des mutilés d'Epernay profite de cet événement local important pour organiser une kermesse dont le produit est versé aux œuvres de secours et aux orphelins de guerre d'Epernay. Une autre partie contribue à l'édification du monument aux morts de la ville (inauguré le 6 juillet 1924). Ce menu est assez simple d'apparence, avec un fond blanc sur encadrement rouge. Il est illustré par un dessin représentant un pique-nique et une frise de fleurs. L'accent est porté sur la simplicité et la convivialité. Ce repas a pour but de réunir les Sparnaciens autour d'une noble cause : aider les victimes de la guerre. En effet, cette kermesse est organisée trois ans après le conflit mondial mais les plaies ne sont pas toutes refermées. Les villes de l'arrondissement d'Epernay sont marquées par les destructions des bombardements. Les orphelins de guerre sont nombreux et beaucoup d'hommes sont revenus blessés, mutilés ou défigurés. Ce déjeuner est un appel à la solidarité des habitants d'Epernay. Toutes et tous sont conviés à cette kermesse pour se divertir mais aussi pour ne pas oublier les maux engendrés par la guerre. La Maison de Champagne Moët & Chandon marque de son prestige ce repas et une personnalité locale, Monsieur Benedetti (rédacteur en chef du Réveil de la Marne), prête sa notoriété à cet événement. Le menu n'apparaît pas seulement comme un outil de convivialité et de gastronomie mais comme un témoin de la vie locale et de l'Histoire. En observant cette carte, naïve dans sa présentation, il apparaît bien plus qu'une liste de plats. Ce menu témoigne avant tout de la douleur infligée par la guerre mais aussi de la solidarité qui unit les hommes dans la difficulté. Sources 1 I 8, kermesse du 3 juillet 1921 Bibliographie Potage, tortue, buisson d'écrevisses et bombe glacée... histoires de menus, sous la direction de Caroline POULAIN, Agnès Vienot éditions, 2011, 239 p. ; Le menu du Moyen Age au XXe siècle : témoin de l'histoire et de la gastronomie, Patrick Rambourg, 2012, 38 p. Illustration de la page d'accueil : cote FCV11-116 issue de la collection des menus de la médiathèque centre-ville 1Une croix de guerre a été remise à Epernay en 1920 par le Président de la République Raymond Poincaré