Accès aux services bancaires et lutte contre le surendettement

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Accès aux services bancaires et lutte contre le surendettement
Accès aux services bancaires et lutte contre
le surendettement
Contribution pour le
plan pluriannuel
contre la pauvreté et
pour l’inclusion sociale
Agence Nouvelle des
Solidarités Actives
Octobre 2012
Contribution pour le plan pluriannuel
contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale
Accès aux services bancaires et lutte contre le
surendettement
Octobre 2012
Dans le cadre de la préparation de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour
l’inclusion sociale, l’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) a souhaité soumettre cette
contribution au groupe, et à son Président M. François Soulage, chargé de faire des propositions sur
les thématiques de l’accès aux services bancaires et de la lutte contre le surendettement.
Cette contribution s’appuie sur des éléments identifiés au fil des interventions nationales et locales
de l’ANSA pour favoriser l’inclusion financière des ménages (cf. encadré ci-dessous).
L’ANSA se tient à la disposition des différents acteurs pour détailler les propositions présentées
succinctement dans ce document ainsi que pour travailler à leur mise en œuvre.
-----Sommaire
IPréconisations pour l’accès aux comptes et autres services bancaires ..................................... 3
II-
Préconisations pour l’accès au crédit et microcrédit ................................................................. 4
III-
Préconisations pour la prévention du surendettement ............................................................. 7
IV-
Préconisations transversales .................................................................................................... 10
V-
Synthèse des préconisations de l’Ansa .................................................................................... 12
Contacts
Arthur Lhuissier
Vanessa Ly
[email protected]
[email protected]
06 69 76 96 76
06 50 32 13 33
Démarche de l’ANSA
Depuis 2006, l’ANSA a développé, en lien avec de nombreux partenaires, un programme d’actions visant à
améliorer la prévention et le traitement des difficultés budgétaires que peuvent rencontrer les ménages.
Convaincue qu’il n’existe pas une solution unique pour lutter contre la dégradation des situations budgétaires,
ni de responsable désigné de ces situations, l’ANSA mobilise un ensemble d’acteurs et de méthodes
d’intervention pour agir à différents niveaux depuis la prévention des difficultés par l’éducation budgétaire et
l’évolution des pratiques bancaires jusqu’aux solutions et dispositifs proposés par les intervenants sociaux en
passant par la détection des situations fragiles.
Sur le terrain l’ANSA mène- ou a mené- notamment les projets suivants :
Réalisation d’une étude pour la Caisse des Dépôts visant à faire un diagnostic national du
fonctionnement opérationnel du microcrédit personnel. Le rapport final a constitué un document de
référence du Grenelle du microcrédit de 2008.
Appui aux services de la Caisse de Dépôts pour l’animation du dispositif de microcrédit personnel sur
les territoires depuis 2009.
Déploiement d’une expérimentation de « plateforme budget » pour prévenir et lutter contre le
surendettement avec le CCAS de Grenoble depuis 2010 (cf. premiers bilans du dispositif en annexe).
Pilotage d’une expérimentation européenne (appel à projet PROGRESS de l’UE) visant à mesurer
l’impact d’une formation à la gestion budgétaire auprès d’apprentis. Cette expérimentation fédérant
plus de 25 partenaires institutionnels, bancaires et associatifs est en cours d’évaluation par le Credoc
(cf. présentation du projet en annexe).
Appui de La Banque Postale pour la création d’un service d’assistance et d’intermédiation pour les
clients en difficultés.
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I- Préconisations pour l’accès aux comptes et autres services bancaires
Renforcer le droit au compte
En France, l’accessibilité bancaire est garantie par la loi, grâce à la procédure du « droit au compte ».
Toutefois, certains dysfonctionnements sont observés sur le terrain notamment pour les personnes
en situations précaires de logement :
- Il reste difficile d’obtenir la lettre de refus qui permet de lancer la procédure du droit au
compte.
- Lorsque le compte est ouvert par l’intermédiaire de la procédure, il est parfois refermé
par l’établissement bancaire dans les 3 mois qui suivent l’ouverture effective (celle-ci
pouvant avoir été faite plus d’un mois après leur désignation).
(1) Modifier le code monétaire et financier pour imposer dans la réglementation du droit au
compte un temps minimum de conservation du compte par les établissements bancaires
désignés par la Banque de France (par exemple = 1 an).
Actuellement le compte ouvert suite à un recours devant la Banque de France peut être
fermé par la banque qui a été désignée pour l'ouvrir (la banque doit motiver sa décision et
laisser un préavis de 2 mois).
Encadrer la vente jumelée de produits bancaires
Bien souvent, les établissements financiers et bancaires proposent des « packages » de produits
bancaires qui comportent notamment des « réserves d’argent ».
Exemples : package « carte de crédit + assurance + réserve d’argent + autres » ; « réserve d’argent
articulée sur un découvert » ; carte double action « paiement comptant + paiement à crédit ».
L’argumentaire déployé est souvent le suivant : « cela vous revient moins cher, si certains produits ne
vous intéressent pas, vous n’êtes pas obligés de les utiliser ».
Le consommateur se retrouve alors détenteur de produits dont non seulement il n’a pas besoin
(exemple : certaines assurances couvrent des risques pour lesquels il est déjà couvert par ailleurs)
mais qu’il peut éventuellement utiliser à mauvais escient (exemple : ligne de crédit mise à
disposition, il peut être tentant de l’activer lors d’une difficulté).
L’offre bancaire est finalement peu lisible pour le consommateur.
La même problématique se retrouve avec le couplage des cartes de fidélités et des cartes de crédits
dans de nombreuses enseignes.
(2) Modifier le code de la consommation pour interdire le couplage des cartes de fidélité et
des cartes de crédit.
(3) Lancer une réflexion pour règlementer les ventes jumelées au sein des établissements
bancaire afin de rendre les offres plus lisibles aux clients.
Piste : obligation de proposer les produits à l’unité et laisser la possibilité d’une remise
commerciale si plusieurs produits sont souscrits (exemple : proposer une liste de produits
bancaires, de manière dissociée, avec remise de x% si x produits sont achetés)
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II- Préconisations pour l’accès au crédit et microcrédit
Renforcer l’application de la Loi pour l’encadrement des crédits
Différents rapports montrent que certaines dispositions prévues par la loi Lagarde portant sur
l’encadrement du crédit à la consommation ne sont pas respectées. En particulier :
- L’obligation de proposer une offre alternative au crédit renouvelable sur les lieux de vente
pour des montants supérieurs à 1 000 € semble peu respectée.
- De nombreux ménages continuent à rembourser des crédits renouvelables sur des durées
très longues. Confrontés à des difficultés ou ayant besoin « d’acheter de l’argent », ils
maintiennent ou augmentent leur réserve : il s’agit dans ce cas d’une mauvaise utilisation du
crédit qui coute très cher au ménage et ne lui apporte qu’un sursis limité.
Par ailleurs la Loi Lagarde a fait l’impasse sur l’encadrement du découvert : il s’agit pourtant d’un
crédit qui s’apparente au crédit renouvelable sur de nombreux aspects. Le découvert, lorsqu’il n’est
pas adapté, et grève durablement la situation des ménages alors que sa fonction (dans une bonne
utilisation) est de palier un décalage de quelques jours dans le versement des revenus attendus.
(4) Faire appliquer l’obligation légale de proposer une alternative au crédit renouvelable sur
les lieux de vente pour des montants supérieurs à 1 000 € : prévoir sur le contrat de prêt la
signature du client qui attesterait que les 2 options lui ont été proposées.
(5) Encadrer le découvert bancaire.
- Le découvert ne doit pas être systématiquement proposé à l’ouverture d’un compte.
- Le découvert ne doit pas dépasser un pourcentage du revenu mensuel du ménage (10 à
20% par exemple) afin qu’il puisse facilement être remboursé.
- Si le client a besoin d’un montant supérieur à cette limite, le banquier devrait lui
proposer un crédit amortissable, même si celui-ci est d’un faible montant.
Ces prêts amortissables consentis de manière réfléchie par le banquier présenteront un
risque de défaillance (et son coût associé) plus limité que les découverts tels qu’ils sont
actuellement pratiqués.
Développer le microcrédit personnel
Malgré le fonds de garantie mis en place par l’Etat et l’augmentation progressive du nombre de
microcrédits personnels octroyés depuis 2005, encore peu de microcrédits personnels sont
aujourd’hui octroyés au regard du potentiel quantitatif1 et qualitatif du dispositif (impact positif pour
les bénéficiaires et taux de risque maitrisé dès lors que l’instruction est bien réalisée).
Par ailleurs, le modèle de développement actuel est basé sur la multiplication des partenariats
locaux, ce qui était pertinent pour la phase initiale de montée en compétence et de capitalisation
d’expériences. Aujourd’hui, dans une phase de développement du dispositif, ce modèle doit être
repensé afin de mutualiser les moyens et renforcer la productivité, tout en garantissant une visibilité
sur les modalités de financement pour les acteurs de terrain.
En 6 ans, 35481 microcrédits ont été distribués. Le dispositif a connu une lente montée en charge, pour
atteindre aujourd’hui une moyenne de près de 10 000 microcrédits personnels distribués par an, par 469
structures accompagnantes réparties sur l’ensemble du territoire national. Cependant, de fortes inégalités
existent entre les territoires concernant le développement du dispositif, en fonction des acteurs impliqués
(collectivités, etc…) et des moyens octroyés.
L’ensemble du public cible n’est pas touché, en particulier les « travailleurs pauvres » dont une grande partie
ne sont traditionnellement pas en contact avec les structures accompagnantes opératrices dans le dispositif.
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(6) Communiquer fortement sur le dispositif de microcrédit personnel (et directement auprès
du public, en multipliant les canaux) pour positionner le microcrédit comme une véritable
alternative au crédit renouvelable pour les ménages qui ne sont pas éligibles à un crédit
amortissable.
Pour répondre à la demande importante qui serait alors suscitée, cette communication doit
s’accompagner d’une évolution de l’organisation des dispositifs (cf. proposition suivante).
(7) Mutualiser les moyens sur les territoires afin d’améliorer l’efficience du dispositif.
Les structures accompagnantes, les banques et les services de la Caisse des Dépôts déploient
une énergie conséquente pour faire vivre une multiplicité de dispositifs.
A l’échelle d’un territoire, il est pertinent, et dans l’intérêt des publics, que de nombreux
acteurs puissent informer des personnes sur le microcrédit et les orienter vers cet outil. Pour
autant, l’expérience montre qu’il n’est pas nécessaire –et pas optimum- que chaque acteur
réalise l’instruction des dossiers.
- En effet, cela demande à chaque structure accompagnante un important temps
d’appropriation, de conventionnement avec les acteurs bancaires, de formation initiale et
d’ajustement par l’expérience. Tout ce travail est souvent mis en œuvre pour un volume
très faible de microcrédits accordés car peu d’usagers, en contact avec telle ou telle
structure, sont éligibles au dispositif.
- Dans le même temps, certaines structures accompagnantes développent une activité
relativement importante2 et constituent des équipes qu’elles ont des difficultés à
maintenir lorsque les 4 années de financement mobilisables auprès de la Caisse des
Dépôts arrivent à leur terme.
Un acteur unique pourrait être choisi pour instruire l’ensemble des microcrédits d’un
territoire (par exemple à l’échelle d’un département). Ce choix pourrait s’effectuer par un
appel d’offre dont le cahier des charges préciserait notamment les attentes vis-à-vis de la
structure en termes de :
- Information des publics : communication directe et mobilisation d’un ensemble de
prescripteurs. Une liste d’acteurs inconditionnels pourrait être intégrée au cahier des
charges.
- Conventionnement bancaire : toute banque qui souhaite conventionner dans le cadre fixé
par le Fonds de Cohésion Sociale doit être acceptée par la structure. Idéalement, les
microcrédits personnels seraient octroyés par l’établissement bancaire de domiciliation
de l’emprunteur. Une harmonisation des conditions d’octroi des microcrédits par les
partenaires bancaires pourrait être recherchée (taux d’intérêt, etc.)
- Accompagnement : une fois l’instruction (et l’éventuel octroi de prêt) réalisée, la structure
instructrice devrait assurer le suivi des prêts octroyés à des personnes n’ayant pas
d’accompagnant par ailleurs. Pour les personnes déjà accompagnées, une coordination au
cas par cas définirait les modalités de suivi à mettre en place avec les structures
concernées, afin de ne pas multiplier les interlocuteurs et de conserver les spécificités
d’accompagnement des publics de chaque structure
- Proximité territoriale :
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Ou freinent volontairement leur développement, au détriment des publics potentiels, en accord avec les
financements qu’elles peuvent mobiliser.
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o organisation de permanences permettant de mailler le territoire pour proposer un
point d’accueil à moins de X km de tout habitant : les fréquences et durées de
chacune des permanences seraient adaptées aux volumes constatés ;
o organisation de permanences dans les locaux d’un ensemble de structures
partenaires (notamment les structures qui réalisaient auparavant l’instruction de
microcrédits).
La transition avec l’organisation actuelle peut se faire progressivement. Dans un premier
temps, quelques plateformes pourraient être expérimentées sur plusieurs territoires.
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III- Préconisations pour la prévention du surendettement
Créer un fichier central des crédits (fichier positif et négatif)
L’ANSA est favorable à la création un fichier positif et négatif, géré par une institution publique telle
que la Banque de France, regroupant l’ensemble des crédits (incluant les découverts)), et détaillant
pour chaque ligne de prêt : le type de contrat, le capital emprunté, et les mensualités de
remboursements.
Un tel fichier permettrait à la fois de responsabiliser les prêteurs et de limiter la spirale du
surendettement (lorsqu’un Nième crédit est souscrit pour remboursé les précédents).
Piste de réflexion : L’analyse statistique des données pourrait servir de base pour détecter et
éventuellement sanctionner les produits et/ou prêteurs irresponsables (par exemple sur la base des
taux de défaillance constatée)
(8) Modifier le code monétaire et financier pour Instaurer une centrale positive et négative
des crédits en lieu et place du FICP.
Renforcer l’obligation pour les prêteurs de vérifier la solvabilité des emprunteurs
Aujourd’hui cette vérification se fait couramment sur déclaration de l’emprunteur, ce qui n’est pas
suffisant. Lorsqu’un emprunteur est dans une situation financière difficile, quelles que soient les
causes, il arrive souvent qu’il « achète de l’argent » pour maintenir son niveau de vie. Il a donc
tendance à minorer son endettement et ne pas exposer l’ensemble de ses difficultés financières.
(9) Préciser dans la partie réglementaire du code de la consommation les pièces nécessaires à
l’étude de la solvabilité des emprunteurs lors de l’octroi d’un crédit.
Ces mêmes pièces justificatives devraient être présentées lors de la réévaluation de la
solvabilité (tous les 3 ans) des clients détenteurs d’un crédit renouvelable.
Pistes :
- Obligation de présenter les 3 derniers relevés mensuels des comptes courant du ménage.
- Si lors de la réévaluation de la solvabilité des clients, la situation s’avère obérée,
transformation systématique du crédit renouvelable en crédit amortissable avec des
mensualités identiques mais avec un terme et un taux minoré).
(10) Par transposition avec le droit des affaires, lancer une réflexion afin de définir les éléments
permettant de qualifier de soutien abusif au crédit les prêts octroyés à mauvais escient.
La qualification de prêt abusif entraînerait de fait, devant un juge ou par l’intermédiaire de la
commission de surendettement, l’effacement de la dette, voire le remboursement aux
autres créanciers des prêts initialement consentis lorsque la situation était saine.
Lors d’un dépôt d’un dossier de surendettement, le prêteur abusif ne pourrait alors plus
demander l’irrecevabilité du dossier au motif de la non-connaissance des autres crédits.
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Développer l’éducation et la pédagogie budgétaire
Une partie de la population méconnait les principes de base de gestion d’un budget ainsi que ses
droits et devoirs vis-à-vis de la banque.
La gestion d’un budget et les produits bancaires constituent des éléments incontournables de notre
vie quotidienne et leur mauvaise maîtrise peut aggraver et même être à l’origine de situations
sociales très problématiques.
Pourtant ces éléments ne sont pas enseignés et dépendent souvent de l’éducation familiale de
chacun.
(11) Lancer une expérimentation d’ampleur de modules d’éducation budgétaire au sein de
l’éducation nationale, assortie d’un protocole d’évaluation permettant d’en mesurer
l’impact.
Piste : dispenser de modules d’éducation budgétaire auprès des lycéens dans une approche
d’éducation civique. Ces modules seraient dispensés par des intervenants spécialisés qui
pourraient tester différentes modalités pédagogiques (notamment jeux ludiques).
Cette sensibilisation pourrait s’inscrire dans une approche pédagogique plus large visant à
sensibiliser les lycéens aux enjeux de la consommation auxquels sont confrontés tous
citoyen.
Apporter des modifications à la procédure de surendettement
Environ les ¾ des dossiers de surendettement aboutissent à l’établissement de plans ou de mesures
recommandées ou imposées devant permettent le rétablissement des situations des demandeurs.
Parmi eux, environ la moitié doit mettre en place des remboursements. Certains y arrivent mais une
proportion importante partie rencontre des difficultés de remboursements, soit dès le début, soit
dans les mois qui suivent la mise en place du plan. Plusieurs causes sont à l’origine de ce constat :
- Les budgets calculés par les commissions de surendettement sont trop « serrés ».
Depuis quelques années, la Banque de France a choisi de privilégier l’application de
forfaits pour améliorer la productivité dans le traitement des dossiers. Ainsi, dans la
majorité des commissions, le secrétariat décompte des revenus du surendetté le loyer (et
les charges), les impôts (pour 1/12è) puis déduit un forfait qui tient compte de la situation
familiale mais qui ne tient pas compte des différences de situation.
Par exemple, en Ile-de-France, le forfait est de 700 € pour une personne seule (+ 243 € par
personne supplémentaire). Cette somme doit permettre de payer toutes les autres
charges contraintes du ménage (électricité, gaz, eau, assurances, mutuelle, transports,
cantine, tel/internet) mais également l’alimentation et les frais divers (santé, loisirs, etc).
Certains ménages parviennent à respecter ce plan d’apurement, car leurs charges réelles
correspondent à ce forfait. D’autres font face à des charges réelles trop lourdes, par
exemple les ménages vivant dans des logements mal isolés et qui ont de lourdes charges
de chauffage ou encore les ménages ayant des coûts de transports très élevés (comment
comparer le prix d’une carte Navigo 2 zones et le coût d’un transport pour quelqu’un qui
habite un village dans le sud Seine-et-Marne et travaille à Paris ?).
Proposer des budgets plus adaptés à la situation réelle des ménages permettrait d’éviter
les échecs de nombreux plans de surendettement, échecs qui se font au détriment des
créanciers, du ménage (nouvel échec) et de l’ensemble de la société (répercussions des
coûts de traitement des re-dépôts, etc.)
- Une mauvaise compréhension des démarches à entreprendre dans le cadre de la
procédure.
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Les courriers envoyés par les commissions de surendettement sont difficiles à
appréhender pour un grand nombre de personnes (usagers, travailleurs sociaux, petits
créanciers). Leur rédaction n’est pas adaptée à la population concernée.
Il en est de même pour les propositions de plan, peu les comprennent et donc peu sont
capables de les appliquer.
- Un manque d’accompagnement budgétaire
Pendant longtemps, on a pensé que la réduction du montant des mensualités, via les
plans de surendettement, permettrait mécaniquement le rétablissement des situations
financières. Or, cette spirale positive s’observe dans trop peu de situations. Même si les
accidents de la vie sont à l’origine de nombreuses situations de surendettement, le
manque d’éducation budgétaire est un constat partagé qu’il ne faut pas sous estimer.
Sur le terrain, nous constatons que beaucoup de personnes en situations financières
difficiles « consomment » mal leurs revenus. Elles ont souvent la sensation de ne jamais
rien dépenser alors qu’ils dépensent plus qu’ils ne le devraient. Exemple typique : une
personne va tous les jours faire des achats alimentaires et toujours avec des petites
sommes sans savoir de quels montants elle peut vraiment disposer pour ces dépenses.
Conséquences : elle se nourrit mal, elle se sent bien souvent coupable, et elle accroit son
déficit régulièrement.
(12) Faire évoluer les modalités de calculs de la capacité de remboursement des ménages par
les commissions de surendettement de la manière suivante :
- Revaloriser les forfaits.
- Permettre une prise en compte plus systématique de charges supplémentaires
constatées selon la situation réelle des ménages (par exemple mutuelle
(13) Mettre en place un groupe de travail composé de personnels de la Banque de France,
d’associations et de services sociaux ainsi que de quelques ménages surendettés pour
rendre plus lisibles les documents transmis par la commission du surendettement aux
ménages aux différentes étapes de la procédure.
(14) Promouvoir l’accompagnement des ménages surendettés dès la recevabilité du dossier par
la commission de surendettement.
Un accompagnement doit être proposé au ménage au minimum dès la recevabilité (voire
dès le dépôt) du dossier. Cela permettrait de mettre à profit le délai de négociation du
dossier pour initier des modifications dans la gestion du budget notamment en mettant en
place des mensualisations de certaines charges courantes et en définissant clairement le
reste à vivre une fois toutes les charges payées. Cet accompagnement peut être fait soit par
les services sociaux soit par des associations locales.
(15) Imposer la participation d’un représentant « politique » du Conseil Général au sein des
commissions de surendettement.
L’action sociale dépendant du Conseil général, il semblerait normal qu’il soit présent dans
cette commission. La conseillère en économie sociale et familiale introduite par la loi en 2003
n’a pas suffisamment de « poids » dans la commission pour que ces propositions soient
entendues.
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IV- Préconisations transversales
Avec l’évolution des modes de vie, l’accroissement des accidents de la vie (notamment séparations et
chômage) et l’augmentation continue du poids des charges contraintes3, les problématiques
budgétaires, qu’elles soient ponctuelles ou chroniques, touchent un nombre de plus en plus
important de ménages. Lorsque ces problématiques ne sont pas ou mal prises en compte par les
ménages, elles génèrent des situations sociales lourdes et des coûts importants pour la société (aides
sociales, expulsion du logement, effacement de dettes, etc.)
Il est primordial de pouvoir prévenir et détecter au plus tôt ces problématiques. De nombreux
ménages ont alors besoin de conseils avisés (voire d’accompagnement) pour mettre à plat leur
situation et prendre des mesures adéquates pour stabiliser et/ou améliorer leur situation.
Malheureusement, aujourd’hui de nombreux ménages restent isolés face à leurs « problèmes
d’argent » et prennent souvent des décisions à court terme qui aggravent les déséquilibres (par
exemple l’utilisation de réserves d’argent pour maintenir un niveau de vie, la sollicitation d’un
nouveau crédit pour rembourser les crédits en cours, le non paiement du loyer pour assurer le
remboursement des crédits, etc). Cet isolement s’explique notamment par :
- La stigmatisation des « problématiques d’argent ». De nombreuses personnes ont honte
de leur situation et se culpabilisent. Il est primordial de communiquer largement afin que
chacun sente qu’il s’agit d’un problème qui concerne de nombreux ménages, que cela
peut arriver à tout le monde et concernent de fait de nombreux ménages.
- La technicité des conseils et de l’accompagnement nécessaires face aux situations
complexes. La majorité des intervenants sociaux n’ont pas les connaissances et l’expertise
nécessaires (négociation de créances, produits bancaires, dossier de surendettement,
etc.). Lorsqu’un acteur spécialisé est présent (par exemple une CESF en appui de la
polyvalence de secteur), il est souvent surchargé de travail.
Les ménages les plus concernés sont les ménages qui ont des revenus réguliers faibles à moyens
(entre 800 et 2000 euros). Contrairement aux bénéficiaires des minima sociaux qui sont contraints de
mettre en place une gestion de leur budget « à l’euro près », ces ménages considèrent que leur
situation leur permet d’avoir plus de « souplesse » dans leur gestion. Ce sont également ces ménages
à qui le banquier va proposer un découvert représentant un mois de salaire, qui vont être sollicités
par les offres de crédits renouvelables. Ce sont également ceux qui n’iront pas voir les services
sociaux car ils sont persuadés qu’ils n’ont droit à aucune aide financière et qu’ils ne peuvent aller
demander de l’aide pour mieux « gérer » leur budget. Enfin ce sont eux qui vont sombrer dans la
spirale du surendettement avant d’oser déposer un dossier auprès de la commission.
(16) Expérimenter la mise en place de « points accueil budget » (plateforme partenariale)
départementaux.
Ce point d’accueil serait animé par une équipe de professionnels spécialisés (CESF, juriste)
accompagnés éventuellement par des jeunes en services civiques et des bénévoles.
Ce point d’accueil, identifié par l’ensemble des habitants grâce à une communication grand
public adéquate, dispenserait l’offre de service suivante :
- Information, conseil, accompagnement et pédagogie sur le budget. A l’instar des agences
départementales d’information sur le logement (ADIL), ce point d’accueil serait ouvert
gratuitement à tout public. Il constituerait également un centre de ressources pour les
professionnels créant des liens particuliers avec les acteurs de l’action sociale
3
On entend par « dépenses contraintes » les charges mensuelles fixes des ménages : loyer et charges de
logement, énergie, transports, assurances et mutuelles, etc.
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(permanences possibles au sein des locaux des différents intervenants sociaux,
articulation pour le suivi et l’accompagnement des ménages, etc.)
- Instruction des dossiers de microcrédit personnel : ce point d’accueil jouerait le rôle
proposé dans la recommandation 8 de ce document.
- Accompagnement des dossiers de surendettement : l’ensemble des ménages déposant un
dossier de surendettement se verrait proposer un rendez-vous auprès de ce point
d’accueil.
- Intermédiation : capacité à travailler avec des interlocuteurs privilégiés au sein des
principales parties prenantes du territoire autour des situations des ménages : les
fournisseurs énergie, les bailleurs sociaux, les opérateurs de téléphonie, etc.
- Centre de ressources techniques et pédagogiques : appui des professionnels
accompagnants sur des situations particulières, appui auprès des écoles et des centres
sociaux pour monter des modules collectifs d’éducation/sensibilisation budgétaire, veille
et diffusion des informations sur les évolutions règlementaires...
Ce point d’accueil départemental bénéficierait d’une gouvernance partenariale :
représentant local des banques (FBF), Caf, Conseil général, CCAS des grandes communes,
mission locale, associations de consommateurs, associations spécialisées type Crésus,
représentant de la commission de surendettement, représentant local de la FBF, etc.
L’ANSA propose d’expérimenter la mise en place de ces points d’accueil sur quelques
départements avant d’envisager leur généralisation. Le financement des points d’accueil
expérimentaux serait notamment assuré par : les financements de la Caisse des Dépôts pour
le microcrédit personnel, un financement spécifique lié au test de la systématisation de
l’accompagnement des ménages déposant un dossier de surendettement, une participation
des établissements bancaires, une participation des acteurs locaux de l’action sociale (en
contrepartie de permanences spécialisées au sein de leur locaux).
Des expériences locales, à l’instar de la plateforme budget expérimentale développée par le
CCAS de Grenoble, démontrent l’intérêt de ces points d’accueil.
(17) Réaliser une étude sur les projets d’innovation sociale visant à diminuer le poids des
charges contraintes dans le budget des ménages.
La recherche de pistes d’actions pour prévenir et faire face aux situations financières
difficiles, et prévenir la spirale du surendettement, est aujourd’hui au cœur de nombreux
débats (action sociale et insertion, projet gouvernemental de tarification progressive des
fluides, développement du « social business» par les entreprises, etc.).
En complément du récent rapport du CNLE sur la notion de reste à vivre (ou reste pour
vivre), l’ANSA propose de mener un travail de recherche et d’analyse sur le terrain afin
d’identifier des bonnes pratiques et des projets innovants permettant d’agir sur les
dépenses contraintes des ménages. Il s’agit d’assurer la capitalisation et la diffusion des
bonnes expériences et d’alimenter la réflexion des décideurs publics.
Ce travail consiste à dresser un inventaire des différentes modalités possibles d’intervention4
et d’en analyser les avantages et inconvénients, à partir de l’étude de cas concrets auprès de
porteurs de projet. Un benchmark au niveau européen et des entretiens ou réunions de
travail avec des chercheurs, des acteurs institutionnels, des personnes qualifiées viendrait
compléter cette étude.
4 Quelques exemples de modalités d’intervention possibles pour « traiter » la problématique des charges
contraintes des ménages : interventions de l’action sociale (aides, accompagnement budgétaire),
éducation budgétaire des ménages, tarifs sociaux imposés par la Loi, dispositifs d’économie sociale et
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V- Synthèse des préconisations de l’Ansa
Préconisations pour l’accès aux comptes et autres services bancaires
(1) Modifier le code monétaire et financier pour imposer dans la réglementation du droit au
compte un temps minimum de conservation du compte par les établissements bancaires
désignés par la Banque de France (par exemple = 1 an).
(2) Modifier le code de la consommation pour interdire le couplage des cartes de fidélité et
des cartes de crédit.
(3) Lancer une réflexion pour règlementer les ventes jumelées au sein des établissements
bancaires afin de rendre les offres plus lisibles aux clients.
Préconisations pour l’accès au crédit et microcrédit
(4) Faire appliquer l’obligation légale de proposer une alternative au crédit renouvelable sur
les lieux de vente pour des montants supérieurs à 1 000 € : prévoir sur le contrat de prêt la
signature du client qui attesterait que les 2 options lui ont bien été proposées.
(5) Encadrer le découvert bancaire.
- Le découvert ne doit pas être systématiquement proposé à l’ouverture d’un compte.
- Le découvert ne doit pas dépasser un pourcentage du revenu mensuel du ménage (10 à
20% par exemple) afin qu’il puisse facilement être remboursé.
- Si le client a besoin d’un montant supérieur à cette limite, le banquier devrait lui
proposer un crédit amortissable, même si celui-ci est d’un faible montant.
(6) Communiquer fortement sur le dispositif de microcrédit personnel (et directement auprès
du public, en multipliant les canaux) pour positionner le microcrédit comme une véritable
alternative au crédit renouvelable pour les ménages qui ne sont pas éligibles à un crédit
amortissable.
(7) Mutualiser les moyens sur les territoires afin d’améliorer la productivité du dispositif de
microcrédit personnel
Préconisations pour la prévention du surendettement
(8) Modifier le code monétaire et financier pour instaurer une centrale positive et négative des
crédits en lieu et place du FICP.
solidaire, mécanismes d’incitations pour sensibiliser/mobiliser la société civile sur notre modèle de
société de consommation, approches « Base of Pyramid » ou “ social business » développée par les
entreprises, etc.
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Contribution pour le plan pluriannuel
contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale
Accès aux services bancaires et lutte contre le
surendettement
Octobre 2012
(9) Préciser dans la partie réglementaire du code de la consommation les pièces nécessaires à
l’étude de la solvabilité des emprunteurs lors de l’octroi d’un crédit.
Ces mêmes pièces justificatives devraient être présentées lors de la réévaluation de la
solvabilité (tous les 3 ans) des clients détenteurs d’un crédit renouvelable.
(10) Par transposition avec le droit des affaires, lancer une réflexion afin de définir les éléments
permettant de qualifier de soutien abusif au crédit les prêts octroyés à mauvais escient.
(11) Lancer une expérimentation d’ampleur de dispense de modules d’éducation budgétaire au
sein de l’éducation nationale, assortie d’un protocole d’évaluation permettant d’en
mesurer l’impact.
(12) Faire évoluer les modalités de calculs de la capacité de remboursement des ménages par
les commissions de surendettement de la manière suivante :
- Revaloriser les forfaits.
- Permettre une prise en compte plus systématique de charges supplémentaires
constatées selon la situation réelle des ménages (par exemple mutuelle
(13) Mettre en place un groupe de travail composé de personnels de la Banque de France,
d’associations et de services sociaux ainsi que de quelques ménages surendettés pour
rendre plus lisibles les documents transmis par la commission du surendettement aux
ménages aux différentes étapes de la procédure.
(14) Promouvoir l’accompagnement des ménages surendettés dès la recevabilité du dossier par
la commission de surendettement.
(15) Imposer la participation d’un représentant « politique » du Conseil Général au sein des
commissions de surendettement.
Préconisations transversales
(16) Expérimenter la mise en place de « points accueil budget » (plateforme partenariale)
départementaux.
(17) Réaliser une étude sur les projets d’innovation sociale visant à diminuer le poids des
charges contraintes dans le budget des ménages.
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