La génération internet en Aquitaine : Equipée, connectée et

AQUITAINE
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www.aecom.org
Juin 2008 / n° 4
L’Aquitaine mesure et analyse sa société de l’information
La génération internet en Aquitaine :
Equipée, connectée et accessible
Les idées clefs
Considérés, à tort, comme arrogants et
sans repère, les jeunes de la Génération
Internet vont peser sur l’organisation
de la société et sur l’économie dans
les années à venir. Cette étude à pour
objectif de faire le point sur cette génération en Aquitaine. Si elle est fortement urbaine et diplômée, elle évolue
dans un environnement totalement
dématérialisé : ordinateur, internet,
blog et téléphonie mobile constituent
les quatre piliers de la socialisation de
cette jeune génération. L’Aquitaine ne
semble pas échapper au phénomène :
largement plus équipés que l’ensemble de la population, les jeunes de la
Génération Internet sont également
beaucoup plus utilisateurs de technologies numériques. Leurs journées
sont ainsi largement occupées par
l’envoi de sms, par les conversations
par messagerie instantanée ou par la
participation active à la rédaction de
blogs. Toutefois, si cette génération
semble homogène, il n’en reste pas
moins que les comportements se différencient selon le sexe. De même, il
est important de garder à l’esprit que
la fracture numérique touche également cette génération et ce d’autant
plus fortement que ces technologies
composeront le quotidien de demain.
Les jeunes Aquitains nés entre 1978 et 1994
appartiennent à ce que Howe et Strauss
(2000) ont appelé la Génération du Millénaire,
communément qualifiée de « Generation Y »
ou Génération Internet. Nés avec la « société du
savoir », les jeunes de la Génération Internet ont
des caractéristiques propres qu’il est nécessaire
d’appréhender pour penser la société de demain.
D’une nature optimiste, ils se considèrent avant
tout comme ceux qui participeront le plus au
progrès de la société. Confiants en eux et en
leurs capacités, ils n’en sont pas pour autant
méfiants ou arrogants, développant, à l’inverse,
un fort esprit d’équipe et de coopération. De
même, leur arrivée sur le marché du travail, s’il
inquiète les plus sceptiques, est synonyme de
renouveau de la « culture du travail » : dotée d’un
esprit d’inclusion, d’une forte exigence sur les
conditions de travail, en recherche permanente
d’innovation, la Génération Internet est celle du
temps de réaction instantané. Enfants de babyboomers, les jeunes Y sont conformistes, tolérants
et indépendants.
En ce qui concerne leurs relations aux technologies
numériques, les Y ont grandi avec l’Internet.
Leur quotidien est ainsi composé de virtualités,
quelles soient locales (on « chat » avec son
voisin ou ses camarades de classe) ou mondiale
(l’information est accessible instantanément
d’où qu’elle provienne), virtualités qui trouvent
cependant des concrétisations dans le monde
réel : absence quasi-totale de racisme et forte
implication dans des associations. Toutefois, si les
Y semblent composer une population homogène
en regard des générations plus âgées, il n’en reste
pas moins que demeurent certaines inégalités
économiques et sociales. Ceux sont ces deux
pistes que nous proposons d’explorer ici.
Une génération à part : caractéristiques sociodémographiques de la
Génération Internet
Avec 431 individus âgés de 15 à 29 ans, les Y
représentent 21% de l’échantillon représentatif
des individus sur l’ensemble de l’Aquitaine1.
Ceux-ci sont essentiellement concentrés en
Gironde (52%) et plus particulièrement dans les
communes de plus de 10000 habitants (56%).
Plus urbaine et plus citadine, cette génération
est en grande partie composée de lycéens et
d’étudiants (40%) ainsi que de jeunes diplômés
du supérieur peu mobiles (37%).
Malgré la présence, dans la population, de
collégiens et de lycéens, les jeunes aquitains
sont plus diplômés que leurs ainés (28%) : l’effet
de génération est visible ici, les Y jouissent d’un
niveau d’éducation beaucoup plus élevé. Ils
1 L’échantillon est composé de 2002 individus représentatifs de la
population aquitaine. La représentativité est obtenue par un
échantillonnage par quota fondé sur le département, l’âge, le sexe
et la CSP.
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profitent ainsi qualitativement du processus de
massification scolaire engagé depuis le milieu des
années 1970. La forte concentration d’ouvriers
(18%), d’employés (11%) et dans une moindre
mesure de chômeurs (7%) caractérise une sous
population composée d’individus qui ont arrêté
leurs études assez tôt, entrant sur le marché du
travail sans diplôme ou avec un CAP/BEP.
Enfin, dernière caractéristique qui confirme les
études sociologiques, les Y paraissent optimistes
et satisfaits de leur niveau de vie. En effet, plus
de 6 personnes sur 10 estiment leur niveau
de vie confortable ou très confortable contre
1 sur 2 pour l’ensemble de la population. Ce
phénomène peut également traduire un niveau
de vie objectivement plus élevé que celui des
générations précédentes.
Equipée, connectée, accessible :
la Génération Internet est la plus
incluse dans l’ère numérique
Nés dans un environnement propice à l’échange
d’informations (naissance des radios libres au
début des années 1980, des sites d’information en
ligne et des médias alternatifs depuis le milieu des
années 1990), les jeunes âgés de 15 à 29 ans n’ont
pas les mêmes comportements que leurs aînés en
matière de technologie numérique. Suréquipés,
ils adaptent leurs équipements à leurs usages :
nomades, ils sont dans la quasi-totalité équipés
d’un téléphone mobile (seuls 3% n’en sont pas
équipés, principalement des collégiens), possèdent
dans 2 cas sur 3 un lecteur MP32 et plus de 70%
ont un appareil photo numérique3. Autre constat
intéressant, plus préoccupant pour les opérateurs
de téléphonie fixe, 28% de cette classe d’âge ne
possède pas de ligne fixe étant uniquement équipée
d’un téléphone mobile (mobile only) contre 15%
sur l’ensemble de la population.
En ce qui concerne les équipements à domicile,
les chiffres confirment le passage d’une « culture
2 N otons ici que l’écoute de la musique est sous-évaluée ici
puisque 46% des détenteurs d’un téléphone mobile écoutent ou
téléchargent de la musique à partir de ce dernier.
3
Même remarque que précédemment, les téléphones portables
permettent aujourd’hui de prendre des photos de qualité
satisfaisante.
Equipement en technologies numériques (en %)
15-29 ans
Ensemble de la
population
Taux d’équipement en téléphone mobile
97
85
Mobile Only
28
15
Autre opérateur que France Télécom
35
34
Dégroupage total (en % des non abonnés à F.T.)
57
40
Taux d’équipement en micro-ordinateur
84
65
Taux de connexion à Internet
65
53
Taux de connexion à Internet Haut Débit
58
45
Lecteur DVD
90
81
Console de jeu
51
29
TV payante
28
35
Appareil photo numérique
72
59
Lecteur MP3
65
38
de l’écran » à une « culture de la chambre »4 :
moins bien équipés en médias traditionnels
comme la télévision (28% sont équipés du câble
contre 35% pour l’ensemble de la population), ils
sont en revanche mieux équipés en matière
de micro-informatique (+20 points) et de
connexion à Internet (+12,4 points). Ici aussi,
les usages dictent les équipements puisque
58% des 15-29 ans ont Internet Haut-Débit leur
permettant de télécharger plus facilement et
plus rapidement de la vidéo ou de la musique
(respectivement 26% et 32% contre 14% et 19%
pour l’ensemble de la population).
Au niveau des usages du mobile, les différences
entre la Génération Internet et les autres
générations sont également marquées. Quelque
soit le type d’usage, les jeunes 15-29 ans sont
largement plus utilisateurs que l’ensemble
de la population. Les principaux écarts
concernant l’envoi de minimessages (95% contre
60%), l’écoute de musique (46% contre 16%) et
l’accès à Internet (20% contre 9%). Ces résultats
peuvent, en partie, s’expliquer par le fait que
le téléphone portable est vécu, par ces jeunes
générations, de manière « dédramatisée » et
que contrairement aux générations plus âgées,
le téléphone mobile « tend à s’effacer comme
objet pour n’être plus qu’un prolongement du
4
S. Octobre, 2004, Les loisirs culturels des 6-14 ans, La
Documentation françaises, repris dans S.Octobre, 2007, Les Jeunes
et les TIC, Culture et Recherche, n°112, pp.36-37.
corps »5, une prothèse de communication. En ce
sens, le téléphone mobile, plus qu’un objet
du quotidien, est un objet de l’instant.
Usage du téléphone mobile (en %)
Ensemble
de la
15-29 ans population
Envoi de SMS
95
60
Envoi de courriel
11
7
Consultation d’info
24
13
Mobinaute
20
9
Musique
46
16
Vidéo
10
3
5
enrath, J., Jarrigeon, A., 2007, « Le téléphone mobile aujourd’hui :
M
perceptions et pratiques », Etude sociétale réalisée par Discours et
Pratiques pour le compte de l’AFOM, 33p.
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Pratiques et usages d’Internet (en %)
15-29 ans
Ensemble de la
population
Tout type de lieu
88
60
Visite hebdomadaire
91
90
Connaissance d’un PAPI
54
35
Courriel
67
68
Messagerie instantanée
60
42
Sites Internet
75
69
Info loisirs/voyages
24
23
Info vie locale
16
17
Info Santé
15
17
Opérations bancaires
38
40
Téléchargement vidéos
26
14
Téléchargement musique
32
19
Blog
24
10
Usages Internet
Fréquence d’utilisation au moins hebdomadaire
Cette communication de l’instant se retrouve
aux niveaux des usages d’Internet (tableau
ci‑dessus). En effet, contrairement à l’ensemble
de la population, les jeunes générations mettent
en concurrence l’usage des courriers électroniques
et ceux de la messagerie instantanée (67%
contre 60% tandis que dans l’ensemble de la
population l’écart est plus marqué, 68% contre
42%). Associés aux usages du minimessage sur
téléphone mobile, les usages communicationnels
chez les plus jeunes apparaissent clairement sous
la forme de l’écrit. Toutefois, il s’agit d’un écrit
vécu comme une oralité puisque est inventée
une nouvelle forme d’écriture, aussi bien utilisée
lors des échanges de minimessages que par
messagerie instantanée, qui s’inscrit dans
l’immédiateté et qui est perçue chez les plus
jeunes comme une forme de dialogue6. Internet
est, alors, principalement, un outil de
communication mais aussi de socialisation.
En ce sens, près d’un internaute sur 4 de cette
génération a créé son propre blog contre un seul
sur dix pour l’ensemble de la population. Internet
comme outil de recherche d’informations passe au
6 B ays, H., 2008, « Compétences visio-verbales : Temporalité &
rythme dans la Messagerie Instantanée », Journée d’études
« Plurilinguisme et multimédia », ICAR UMR 5191 – Lyon 2.
second plan, ces usages étant moins développés
que chez les générations plus âgées. Enfin, les
téléchargements de vidéo (26% contre 14%) et
de musique (32% contre 19%) sont beaucoup
plus fréquents chez les jeunes de la Génération
Internet que dans le reste de la population7 : qu’ils
soient légaux ou illégaux, ces téléchargements
reflètent l’appétence de cette génération
pour une dématérialisation culturelle8.
En ce qui concerne la pratique du commerce en
ligne, les jeunes de la Génération Internet sont
moins utilisateurs de cette forme de consommation
(57% contre 62%). Plusieurs raisons peuvent être
avancées : tout d’abord, il est évident que joue ici
un effet générationnel lié au niveau de revenu. En
effet, si l’on raisonne en termes de cycle de vie, les
plus jeunes ont des revenus inférieurs à ceux de
leurs ainés. La moindre pratique du commerce
électronique n’est pas symptomatique d’un
comportement différencié vis-à-vis des
technologies numériques mais l’exact reflet
7
S’agissant de données d’enquête, donc déclaratives, il peut exister un
écart entre les pratiques et les déclarations notamment en matière
de téléchargement. Nous considérons ici que les chiffres exprimés
peuvent être sous-estimés mais tout de même représentatifs des
comportements générationnels.
8
Donnat, O., Lévy, F., 2007, « Approche générationnelle des pratiques
culturelles et médiatiques », Culture Prospective, Coll. Pratiques et
publics, n°3, DEPS, Ministère de la Culture.
d’une moindre consommation, à un niveau
général, des générations les plus jeunes.
Parmi ceux qui pratiquent les achats en ligne, les
comportements ne se différencient réellement
que sur certains pôles de consommation, les plus
représentatifs d’une jeune génération. En ce sens, les
jeunes consomment plus de biens liés à la musique
ou la vidéo (44% contre 38%), au sport (64% contre
56%) et aux transports (61% contre 51%). Ce dernier
résultat peut être expliqué par le développement
d’offres promotionnelles à l’attention des plus
jeunes sur Internet. En revanche, ils consomment
moins de produits culturels, comme les livres ou
les magazines (40% contre 43%) et sont moins
enclins à organiser leurs vacances par Internet (31%
contre 36%). Il parait donc nécessaire d’anticiper
l’explosion du commerce électronique dans les
années à venir. Les entreprises, si elles veulent
rester concurrentielles, devront rapidement
s’adapter, sous peine de voir leur chiffre d’affaire
s’effriter. Les pouvoirs publics, de leurs côté, devront
impérativement accompagner les entreprises
réticentes à entrer dans l’ère du commerce en ligne.
Il s’agit d’un des enjeux les plus importants afin
que l’économie régionale reste compétitive
dans un marché de plus en plus mondialisé.
Filles et garçons : deux visions différentes des technologies numériques
Si la population des 15-29 ans présente des
comportements spécifiques en matière de
technologies numériques, il est en revanche
difficile d’assurer qu’il s’agisse d’un groupe aux
comportements homogènes. Plusieurs facteurs
peuvent expliquer ces différences internes
(comme le revenu ou le niveau de diplôme
atteint) et le genre apparaît particulièrement
discriminant. Si garçons et filles sont équipés
d’un téléphone mobile dans les mêmes
proportions (97% dans les deux cas) et si près
de 95% d’entre eux envoient des minimessages,
les garçons sont beaucoup plus utilisateurs des
autres fonctionnalités du téléphone mobile :
ils téléchargent plus, ils sont plus facilement
mobinautes.
En matière de connexion à Internet et des usages
relatifs, si les filles envoient plus souvent de
courriels (69% d’entre elles en envoient au moins
un par semaine contre 64% pour les garçons),
elles sont moins intensément branchées à Internet
que leurs homologues masculins. Enfin, elles
pratiquent plus le commerce électronique (62%
contre 50%) mais différemment : leurs dépenses
sont plus orientées vers la culture, le sport et les
vacances tandis que les jeunes hommes sont
plutôt attirés par ce qui touche à l’informatique
(matériel et jeux), aux produits financiers (11%
contre 4% pour les filles) et aux transports (66%
contre 58% chez les filles).
Comportements des garçons et des filles en matière de nouvelles technologies (en %)
Possède un Mobile 97% 97%
Envoi de SMS 95% 95%
Envoi de courriel 13% 9%
Mobinaute 22% 19%
Musique 50% 42%
Vidéo 15% 7%
Fréquence d’utilisation au moins hebdomadaire
Courriel 64% 69%
Messagerie instantanée 61% 60%
Téléchargement vidéos 37% 17%
Téléchargement musique 39% 26%
Blog 29% 19%
Commerce en ligne
Pratique du commerce en ligne 50% 62%
Vidéo, musique (en % des acheteurs en ligne) 42% 45%
Magazines, livres (en % des acheteurs en ligne) 30% 47%
Sport (en % des acheteurs en ligne) 59% 67%
Logiciels/jeux (en % des acheteurs en ligne) 37% 24%
Matériel informatique (en % des acheteurs en ligne) 42% 31%
Produits financiers (en % des acheteurs en ligne) 11% 4%
Vacances (en % des acheteurs en ligne) 28% 33%
Transport (en % des acheteurs en ligne) 66% 58%
pour les garçons
pour les filles
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