N`oublie pas ce que tu devines
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N`oublie pas ce que tu devines
N’oublie pas ce que tu devines chorégraphie Daniel Larrieu Et des mouvements. Toujours des mouvements. Des mouvements modernes, des mouvements à l’ancienne, des mouvements d’amour, des mouvements pour faire rire, des mouvements pour séduire, pour pleurer, des mouvements pour sévir, des mouvements pour hurler, des mouvements pour incendier, des mouvements pour gémir, des mouvements pour supplier, des mouvements pour punir, des mouvements pour trembler, des mouvements pour attendre, des mouvements pour croire. Des mouvements pour pardonner. © Marc Domage D’après Cécile Helleu « Soleil même » ed Balland Contact : Tanguy Accart, Hélène Joly Compagnie ASTRAKAN 129, avenue Philippe Auguste, 75011 Paris Tél : +33 (0)143 79 05 40 / Fax : +33 (0)143 79 05 60 E : [email protected] www.daniellarrieu.com "Je souhaite explorer les notions de vitesse et de temps dans la composition du mouvement, dans la dynamique, l’endurance et le risque et poursuivre mon travail sur le geste et la composition. La danse sera écrite parallèlement à un travail sur l’image et la vidéo. Ce projet conjugue l’image, le mouvement, le son, l’espace, les supports de représentations, la lumière. Il s’agira de mettre l’accent sur la juxtaposition des éléments et des évènements plastiques et chorégraphiques en laissant une place au hasard et à la désynchronisation. Je centre ce travail sur l’écriture chorégraphique en m’appuyant sur le texte de Cécile Helleu comme une pratique poétique." Daniel Larrieu, février 2003 Chorégraphie et mise en scène, Daniel Larrieu Interprètes Jérôme Andrieu, Agnès Coutard, Christine Jouve, Daniel Larrieu, Anne Laurent, Joël Luecht Assistant à la mise en scène, Franck Jamin Scénographie, vidéo, patrickandrédepuis1966 Création musicale, Scanner / Robin Rimbaud Lumières, Françoise Michel Stylisme, Marthe Desmoulins Assistant, Didier Despin Broderies, Atelier Jean-Pierre Ollier Direction technique, Christophe Poux régie son, Félix Perdreau Production Compagnie Astrakan Coproduction Centre Chorégraphique de Tours, Les Gémeaux Scène Nationale de Sceaux, La Coursive Scène Nationale de La Rochelle Avec la participation du Vivat, scène conventionnée danse et théâtre d’Armentières / du Fresnoy, studio national des arts contemporains. Astrakan est subventionné par le Ministère de la Culture – DMDTS Un premier mot s’impose à la réception de N’oublie pas ce que tu devines, la récente création de Daniel Larrieu qui vient de retrouver sa compagnie Astrakan, après une dizaine d’années passées à la direction du Centre chorégraphique de Tours. Ce premier mot est richesse. Non pas de celle qui accumule objets et discours, mais plutôt celle qui parvient à soustraire : geste particulier qui rejoint l’émotion dans l’abstraction des formes. Une proposition qui pour agir dans la plus grande modestie n’en offre pas moins une puissante force d’impact. Chez Daniel Larrieu, depuis l’origine, le mouvement chorégraphique est habité par une poétique subtile. Elle s’élabore grâce à une modulation savante du temps, qui sans cesse se transforme. Chaque pièce, et l’écriture qui lui correspond, réfléchit les multiples façons d’explorer les possibilités temporelles et leurs contenus. Daniel Larrieu crée avec ce que les Anciens appelaient les « tactiques de Kronos ». Cette poétique tient aussi à la simplicité, voire même la sobriété des effets, des gestes, des matériaux utilisés. Richesse de réflexion et de travail, qui sans se délier du monde, repose avant tout sur le gisement sensoriel. Ces endroits, surfaces, lumières, corps, un peu mystérieux, énigmatiques où le chorégraphe puise la matière essentielle de son écriture et de l’imaginaire qui l’accompagne. Procédant par sédimentation ou juxtaposition, N’oublie pas ce que tu devines, se déploie entre deux couleurs majeures, le blanc et le bleu, espaces lunaires, nocturnes. Impressions, mouvements, images, silhouettes et danses se dévoilent par strates successives de fines compositions également vouées à la disparition par effets de sonorisation procurant des sensations de profondeur. Glissements de projections d’images comme autant d’empreintes labiles qui tiennent du négatif photographique et de son procédé de révélation. Il y a de la trace et du signe, de l’élémentaire et du subtil, une mise à jour profonde de la qualité du mouvement et de la force de l’écriture dans cette nouvelle création. N’oublie pas ce que tu devines se déplie comme un lit de songes dans un climat fascinant, sorte d’apesanteur qui tient tant aux nappes musicales distillées par Scanner, aux lumières de Françoise Michel et aux images discrètes, végétales, nuageuses, se profilant au sol ou en fond de scène, projetées par le plasticien patrickandrédepuis1966. Cela apparaît ou disparaît avec l’idée d’une matière fluide, quasi transparente, insaisissable, perpétuellement mouvante tandis que six interprètes : Jérôme Andrieu, Agnès Coutard, Christine Jouve, Daniel Larrieu, Anne Laurent, Jöel Luecht évoluent sur une même ligne temporelle et des mesures différentes. Une écriture concise faite de mémoire et d’expérimentation. Tour à tour, en duos, appuyés dos à dos, en trios ondulant au sol, par ensembles composant des lignes graphiques et humoristiques : bras étirés levés à la verticale ou à l’oblique, femmes penchées dont le buste incliné tourne lentement. Cela prend corps en de remarquables solos égrenant lentement de nouveaux espaces créés par des gestes infimes entièrement surgis d’une qualité de mobilité qui laisse libre cours aux sensations. Des filaments fluorescents percent la nuit accompagnant les gestes des interprètes dispersés dans l’espace, distillant entre ciel et mer, plutôt que ciel et terre, des émotions vaporeuses, une perception flottante, quelque chose d’un sentiment qui relie au cosmos ou évoque des rencontres surprenantes comme celle de la pierre et du nuage. N’oublie pas ce que tu devines se regarde comme un paysage abstrait. Une écriture faite d’écoute jusqu’au plus intime mouvement. Travail des gestes et des états de corps qui accueillent où se prêtent au surgissement des choses. Au-delà du sens, à travers une sorte de vacuité ou d’ouverture au vivant qui tient parfois du désœuvrement – à l’inverse du temps ordinaire – les corps semblent se mouvoir dans une qualité de relâché, là ou signes, sens, sentiments et mémoire peuvent entrer en collision, flotter dans l’espace, tisser leur propre poétique. Dans cette nouvelle création proche de la parabole, il s’agit, comme dit le philosophe : « d’entendre notre propre oreille écouter, de voir notre œil regarder cela même qui les ouvre et qui s’éclipse dans cette ouverture. » (Jean-Luc Nancy, in Noli me tangere). Irène Filiberti lu dans la presse Daniel Larrieu reprend de l’envergure « Serein et profondémént soulagé » : ainsi se dit Daniel Larrieu à propos de son départ du centre chorégraphique de Tours, où il a passé pratiquement dix ans. A voir N’oublie pas ce que tu devines, sa dernière création (et première hors institution), on éprouve à quel point cela est vrai. Côté salle aussi, on se sent heureux de retrouver cette danse si fine, intérieure, enveloppante, tout entière dédiée au mouvement. Alors qu’on pouvait se sentir peu concerné par ses derniers travaux, on se trouve là pris par l’élan. Chaque mouvement se coule en nous jusqu’à son extrémité. Il y a une évidente qualité de présence, accentuée par l’engagement total de tous les interprètes, alliés fidèles de Larrieu. Au milieu desquels la longue et brune Anne Laurent renvoie un éclat particulier. Le titre, N’oublie pas ce que tu devines, dit assez cette façon qu’a le chorégraphe de se donner du temps, comme pour laisser percer le doute. Chaque pas engagé, chaque geste, se déplie et se replie, avec calme, dans un courant continu de mouvements, comme une phrase poétique déployée sur toute la largeur du plateau. Pas de décor, mais des images vidéo qui, traitées en négatif (par Patrickandré), offrent un paysage abstrait d’une étonnante profondeur sur laquelle les corps semblent tanguer ou flotter. Il règne un climat d’intimité et de mystère nocturne, une obscurité blanche et miroitante de contre-jour, que viennent parfois brutalement trancher les rais de lumière colorée (Françoise Michel), en partie pilotés par les danseurs – élargissant ou rétractant ainsi notre champ de vision de façon géométrique. Les collages sonores opérés par Scanner achèvent de créer cette atmosphère de rêve éveillé. (…) Maïa Bouteillet – Libération 16 janvier 2004 Le meilleur de Larrieu Comme son titre, la pièce N’oublie pas ce que tu devines joue de mémoire entretenue et de suggestion décelée. Le chorégraphe y cultive élégance détachée, présence frolée et précieuse tranquilité, qui sont sa marque. Mais quand on l’avait vu céder aux tentations du maniérisme ou aux pesanteurs d’exécution, le voici à nouveau d’un pas léger, d’un trait infiniment nuancé, dans la traversée au pays du mouvement heureux et de la vibration véloce. Cela tient à la magnifique qualité des cinq interprètes qui l’accompagnent, triés sur le volet du métier et de l’amitié, et à la nouvelle qualité du travail, plus libre et confiant, qu’il a su instaurer, au grand bonheur d’un plateau transcendé par les images lumineuses de Patrick André et Françoise Michel. Gérard Mayen – Danser Décembre 2003 Dans les limbes A la joie éclatante de On était si tranquille, pièce majeure de Daniel Larrieu, ex-directeur du Centre chorégraphique de Tours, avait répondu, dans Cenizas, une profonde mélancolie. Sa dernière création le montre libéré du poids de l’institution. Il retrouve le goût du travail en compagnie, et une profonde sérénité. Dans Cenizas, Larrieu dansait sur des cendres incandescentes. Avec N’oublie pas ce que tu devines, il se met à l’écoute de la rumeur du monde, la réinterprète en coloriste discret et joyeux. Six danseurs (dont lui même) évoluent en groupe, en trios ou duos de part et d’autre d’une bande de couleur rouge, partageant en deux le plateau. De part et d’autre, par bribes gestuelles, chacun retrace une histoire, celle de Larrieu, de son art chorégraphique. Telles des mélopées tendres et nostalgiques, les phrases dansées sont autant de coup d’œil en arrière, revenant sur les intuitions qui en naissant, ont semé le trouble en l’artiste, et puis au fil des années l’ont construit. Les danseurs jouent avec des images vidéo qui se baladent des cintres au plateau. Par touches circonspectes, elles évoquent la liberté retrouvée – couleurs tendres, horizons où se fondent dans un même bleu le ciel et la mer. Dans un premier temps, N’oublie pas ce que tu devines donne l’impression de baigner dans une torpeur d’après l’ivresse. Au fil des tableaux, cependant, le regard est transposé en cet autre lieu : les limbes, chères à la Marguerite Duras d’India Song, territoire de l’apaisement et non pas de l’oubli. Hervé Pons – Théâtres Janvier 2004