l`agriculture belge, bilan et perspective

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l`agriculture belge, bilan et perspective
L’AGRICULTURE BELGE, BILAN ET
PERSPECTIVE
Philippe BOIKETE
Décembre
Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles
2012
Introduction ............................................................................................ 2
A.
B.
Quelques chiffres ........................................................................... 2
1.
Caractéristiques principales ....................................................... 2
2.
PIB et exportations ................................................................... 4
3.
Type de production ................................................................... 4
4.
Agriculture et consommation ..................................................... 5
5.
Agriculture biologique ............................................................... 6
6.
Comparaison avec l’agriculture européenne ................................. 7
7.
Tracteurs agricoles ................................................................... 7
Les difficultés du secteur................................................................ 8
1.
Un contexte socio-économique dégradé....................................... 8
2.
La réforme de la Politique agricole commune (PAC) ...................... 9
3.
La crise du lait ......................................................................... 9
4.
Le manque d’attractivité du métier ........................................... 10
Conclusion ............................................................................................. 10
1
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Introduction
Le secteur agricole subit aujourd’hui des difficultés croissantes. La volatilité des
marchés, les changements climatiques, des normes phytosanitaires plus strictes,
la concurrence des pays émergeants, les conditions de travail difficiles conduisent
de plus en plus d’agriculteurs et d’éleveurs à quitter ce métier.
A. Quelques chiffres1
1.
Caractéristiques principales
Caractéristique majeure du secteur agricole belge : la diminution structurelle du
nombre d’exploitations qui entraîne un phénomène de concentration des terres.
En 30 ans (1980 à 2010), le pays a perdu 63% de ses exploitations. Le rythme
de disparition a été le même en Flandre et en Wallonie (-3,4% par an en
moyenne). Entre 2010 et 2011, leur nombre s’est à nouveau réduit d’environ
3.300 unités. Il en subsiste encore un peu moins de 39.528.
Si le nombre d’exploitations agricoles ou horticoles baisse chaque année, la
superficie totale de l’ensemble des exploitations recule beaucoup moins vite.
Entre 1980 et 2011, le nombre d’exploitations est passé de 113.883 à 39.528
unités (-65%) alors que pour le même intervalle de temps, la superficie agricole
utilisée est passée de 1.418.121 à 1.337.303 ha (-6%). En moyenne, les
exploitations ne cessent donc de s’agrandir. En trente ans, la superficie moyenne
des exploitations a plus que doublé, tant en Flandre (de 8,4 ha en 1980 à 21,8 ha
en 2010) qu’en Wallonie (de 20,8 ha à 51,1 ha). Il y a dès lors un glissement de
la part relative des différentes classes de superficie, illustrant un phénomène de
concentration des moyens de production.
La main-d’œuvre dans l’agriculture connaît parallèlement une contraction de son
volume : le secteur a perdu 45 % des travailleurs occupés aux activités agricoles.
En Belgique, seul un faible pourcentage de la population travaille dans
l’agriculture. En 2011, l’agriculture occupait environ 74.400 personnes, soit une
baisse de 8% par rapport à l’année précédente (2010 : 80.900) et de 31% par
rapport à 2000. On observe toutefois une double évolution dans les exploitations
belges depuis trois décennies :
• d’une part une très légère augmentation du nombre de travailleurs par
exploitation (de 1,6 travailleur en 1980 à 1,9 travailleurs en 2011) ;
• mais surtout une proportion de plus en plus importante de main-d’œuvre
non-familiale (qui passe de 3,9 % en 1980 à 17,8 % en 2011).
En synthèse : En 2011, la Wallonie dénombrait 13.521 exploitations, pour une
superficie de 722.652 hectares et des effectifs de 22.566 personnes. La Flandre
quant à elle en comptait 25.982, pour une superficie totale de 613.860 hectares
1
Ces chiffres sont issus d’une étude de la DG statistiques et informations économiques
du SPF économie : « Chiffres clés de l’agriculture 2011 »
http://statbel.fgov.be/fr/binaries/FR_A5_WEB_Landbouw_2012_tcm326-192178.pdf
2
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et une main-d’œuvre de 51.796 personnes. Les effectifs sont en baisse sensible
pour les deux régions.
Nombre d’exploitations, superficie et main - d’œuvre
(1980, 1990, 2000, 2008 – 2010)
Belgique
1980
1990
Nombre
113.883
87.180
d’exploitations
(!)
Superficie
1.418.12
1.357.36
agricole
1
6
utilisée (en ha)
Main d’œuvre
185.134
142.272
(effectif)
Main-d’œuvre
(UTA)*
Main1,63
1,63
œuvre/exploita
-tion
Flandre
1980
1990
Nombre
75.898
57.934
d’exploitations
(!)
Superficie
634.397
603.896
agricole
utilisée (en ha)
Main d’œuvre
124.658
96.015
(effectif)
Main-d’œuvre
(UTA)*
Main1,64
1,66
œuvre/exploita
-tion
Wallonie
1980
1990
Nombre
37.843
29.178
d’exploitations
(!)
Superficie
783.165
752.743
agricole
utilisée (en ha)
Main d’œuvre
60.141
46.076
(effectif)
Main-d’œuvre
(UTA)*
Main1,59
1,58
œuvre/exploita
-tion
*UTA : unités de travail-année
2000
61.926
2009
44.381
2010
42.854
2011
39.528
1.394.08
3
1.365.15
5
1.358.01
9
1.337.30
3
107.399
83.865
80.944
74.399
-
63.036
61.881
57.415
1,73
1,89
1,89
1 ,88
2000
41.047
2009
29.394
2010
28.331
2011
25.982
636.876
620.161
616.866
613.860
74.695
58.635
56.575
51.796
-
44.590
44.058
40.653
1,82
1,99
2,00
1,99
2000
20.843
2009
14.966
2010
14.502
2011
13.521
756.725
744.733
740.885
722.652
32.614
25.176
24.315
22.566
-
18.403
17.778
16.740
1,56
1,68
1,68
1,67
(!) Attention : Sur le nombre d’exploitations, voir avertissement en avant-propos (p.2) lié
au changement de registre des entreprises agricoles.
3
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2.
PIB et exportations
Cependant, face aux défis environnementaux et énergétiques, le secteur agricole
est appelé à retrouver une place cruciale. De plus, l’agriculture au sens strict
exporte six fois plus que sa part dans le PIB, et si l’on y ajoute l’industrie
alimentaire, cette proportion atteint même un facteur douze!
PIB
La part de l’agriculture dans l’économie belge, qui était déjà très faible, continue
son repli et est désormais tombée sous la barre de 1%. En 2011, ce secteur
représentait 0,58% du PIB contre 1,13% en 1980. Néanmoins, en y associant
l’industrie alimentaire, la place du secteur agro-alimentaire devient nettement
plus importante.
Produit intérieur brut
(2002, 2007 – 2011)
PIB aux prix du
marché
Agriculture,
chasse, sylviculture
et pêche
%
2002
310.068
2007
347.241
2008
350.608
2009
340.788
2010
348.414
2011
355.102
2.112
1.975
2.053
2.044
2.027
2.076
0,68%
0,57%
0,59%
0,60%
0,58%
0,58%
Exportations
Mais, dans les exportations, sa part relative est bien supérieure. L’agriculture en
tant que telle (animaux, produits animaux et végétaux et les graisses)
représentait 5,6% des exportations belges. On peut encore y ajouter les 5,1%
d’exportations de produits alimentaires, de boissons et de tabac.
Exportations du secteur agro-alimentaire en valeur (en millions d’euros)
(1995, 2000, 2007 – 2011)
Total des
exportations
belges
Total secteur
agroalimentaire
%
3.
1995
112.877
2000
158.038
2007
217.714
2008
223.739
2009
177.583
2010
209.413
2011
236.734
13.367
15.997
22.135
23.476
22.124
23.412
25.424
11,8%
10,1%
10,2%
10,5%
12,5%
11,2%
10,7%
Type de production
Au niveau des assolements, l’évolution des dernières années montre un
accroissement sensible des céréales, principalement dû à l’augmentation régulière
des superficies cultivées en maïs grain. Par contre, au niveau des tendances à la
4
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réduction de superficie, il faut épingler la chute spectaculaire mais attendue des
jachères. De même, les betteraves sucrières poursuivent leur chute.
Production agricole (1998, 2010 et 2011)
(en tonnes)
Céréales
Pommes de terre
Betteraves succr.
Colza
Culture fourragère
Maïs fourrager
1998
2,53 millions
2,56 millions
5,36 millions
19.510
8,48 millions
7,6 millions
2010
3,1 millions
3,46 millions
4,46 millions
45.500
8,56 millions
8,18 millions
2011
2,94 millions
4,13 millions
5,41 millions
52.200
8,61 millions
7,92 millions
En ce qui concerne la production de viande, en nombre de têtes abattues, on
notera la relative stabilité de la viande bovine ces 10 dernières années (dans
laquelle la part des vaches s’accroît). Le poids moyen des bovins abattus
augmente par contre. Les abattages de porcs sont restés très stables entre 2000
et 2009, l’année 2010 se marquant par une hausse significative, suivi en 2011 par
un léger recul.
On constate en 2011 une hausse des productions notamment des cultures
industrielles (10.123.641 tonnes), de pommes de terre (4.128.669 tonnes), de
betteraves sucrières (5.408.977 tonnes), de cultures fourragères (8.613.915
tonnes). A l'inverse, les productions de céréales pour la graine (2.944.203
tonnes), de froment d'hiver (1.571.201 tonnes), de maïs fourrager (7.918.987
tonnes) et des prairies (1.614.832 tonnes) sont en recul.
Cheptels animaux (2000, 2010 et 2011)
Vaches laitières
Animaux abattus
Gros bétail abattus
Porcs abattus
Moutons abattus
Volailles abattues
4.
2000
594.000
2010
500.000
12,05 millions
532.000
11,09 millions
-
128.000
-
2011
488.000 dont
223.000 en RW
12,76 millions
527.000
11,76 millions dont
1,5 millions en RW
127.000
304,49 millions dont
5,2 millions en RW
Agriculture et consommation
La place occupée par l’alimentation dans la consommation totale se restreint
depuis longtemps déjà. Ces trente dernières années, elle a reculé d’environ un
quart, de 22% à 16%. Mais tous les produits n’ont pas baissé dans les mêmes
proportions : la part du pain, de la viande fraîche et de la charcuterie a
régressé de près de moitié, tandis qu’une autre catégorie gagnait en
importance, les plats préparés. Ces changements sont bien sûr liés à l’évolution
de nos modes de vie.
Depuis 2000, les prix alimentaires ont grimpé de 28% pour le consommateur
contre une augmentation de 19% seulement pour les prix à la production dans le
5
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secteur agricole. A noter le bond du prix des produits laitiers, du pain et des
céréales en 2007.
Ces quelques chiffres ne peuvent que conforter ceux qui pensent qu’une
régulation plus affirmée des secteurs clés de notre économie est nécessaire. Il est
dès lors essentiel de doter l’observatoire des prix de moyens suffisants afin
d’assurer une répartition plus équitable des marges bénéficiaires entre
producteurs, transformateurs (agroalimentaire) et la distribution..
5.
Agriculture biologique
L’agriculture biologique gagne progressivement en importance en Belgique mais
les chiffres du nombre d’exploitations et de superficies cultivées montrent que ce
phénomène est davantage wallon. En Flandre, l’évolution du nombre
d’exploitations bio est toutefois à nouveau à la hausse, après une période de
stagnation. Il faut noter l’évolution très importante du nombre de bovins certifiés
en bio qui a doublé en 5 ans.
Agriculture biologique : nombre d’exploitations et superficie
(1987, 1997, 2005 – 2010)
Belgique
1987 1997
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Nombre
109
291
733
803
852
901
1.021
1.140
d’exploitations
Superficie (en
1.000 6.818 24.378 28.634 32.719 35.822 41.354 48.700
ha)
Nombre de
33.187 32.774 38.365 43.000 54.076 64.009
Bovins
Flandre
1987 1997
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Nombre
72
107
236
232
230
230
242
256
d’exploitations
Superficie (en
417
820
3.153
3.267
3.497
3.492
3.659
3.822
ha)
Nombre de
2.043
1.931
2.090
2.533
2.554
2.676
Bovins
Wallonie
1987 1997
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Nombre
37
184
497
571
622
671
779
884
d’exploitations
Superficie (en
583
5.998 21.225 25.367 29.222 32.330 37.695 44.878
ha)
Nombre de
31.144 30.843 36.275 40.467 51.522 61.333
Bovins
Source : Ministère de la Communauté flamande – Département EWBL/AMS, Ministère de
la Région Wallonne /DGA,
Bioforum, Blik et Ecocert
La répartition par type d’exploitation montre qu’en Wallonie la conversion touche
principalement les éleveurs alors qu’en Flandre elle concerne particulièrement
l’horticulture. Tout cela est bien sûr lié aux différentes spécialisations des deux
régions.
6
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Répartitions des exploitations bio (ou en phase de conversion) selon le
type d’exploitation (2007)
Exploitation horticoles
spécialisées
Exploitations fruitières
Exploitations avec ovins,
caprins et autres herbivores
Exportations bovines
spécialisées
Exportations spécialisées de
production animale hors sol
(granivores)
Exploitations de polyculture
Exploitations de polyélevage
Exploitations mixtes culturesélevage
Exploitations de grandes
cultures
6.
Flandre
30,8%
Wallonie
2,4%
Belgique
10,2%
10,9%
9,0%
1,5%
10,2%
4,0%
9,9%
21,8%
65,5%
53,5%
1,9%
1,0%
1,2%
5,8%
2,6%
11,5%
2,9%
4,1%
6,6%
3,7%
3,7%
7,9%
5,8%
5,8%
5,8%
Comparaison avec l’agriculture européenne
Par rapport à l’agriculture de ses voisins européens, l’agriculture belge présente
les caractéristiques suivantes :
La Belgique est, avec le Danemark, le pays dont le poids de la production
porcine est le plus important (autour de 20% de la valeur de la production
agricole en 2008, contre 9% pour l’ensemble des 27 pays, et 29% pour le
Danemark). La production horticole présente également un poids
relativement important ;
Par contre, les céréales ne représentent que 5% de la valeur de la
production, contre 15% dans l’ensemble de l’Union et 19% en France ;
L’agriculture belge est particulièrement efficiente, si l’on se réfère à la
valeur ajoutée nette par unité de travail agricole. Cette agriculture procure
aussi au producteur belge « moyen » un revenu généralement supérieur à
celui de ses voisins ;
Les coûts de production à l’hectare, s’ils sont en moyenne encore loin du
niveau de ceux des Pays-Bas, sont néanmoins très importants quand on les
compare avec ceux des autres pays voisins. Cela s’explique bien sûr en
grande partie à l’importance des productions hors sol et très intensives
(élevage porcin, de volaille, horticulture).
L’agriculture est donc un secteur à potentiel pour l’économie belge, notamment
pour en termes d’exportation.
7.
Tracteurs agricoles
Parallèlement, le nombre de tracteurs et autres outils agricoles a augmenté de
manière spectaculaire. Cette augmentation est principalement due au fait que les
tracteurs agricoles sont de plus en plus utilisés pour le transport de béton et de
matériaux de construction. Ce qui crée une concurrence déloyale dans la mesure
où les tracteurs agricoles échappent à une série d’obligations auxquelles sont
7
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soumises les entreprises de transport de la construction (accise, vignette, permis
C, licence de transport, tachygraphe, etc.). Les agriculteurs doivent se recentrer
sur leur métier de base et ne pas se disperser dans des activités qui tôt ou tard
seront plus strictement contrôlées par l’Etat.
Tracteurs agricoles : nombre et nouvelles immatriculations
(1977, 1987, 2000, 2008 – 2011)
Nombre
Nouvelles
immatriculations
1977
114.5
17
N/A
1987
146.55
0
9.817
2000
162.12
3
8.964
2008
174.70
9
2.194
2009
176.52
2
10.832
2010
177.98
9
10.692
2011
180.17
4
12.303
B. Les difficultés du secteur
1.
Un contexte socio-économique dégradé
Hausse des coûts de productions à la fois :
exogène : hausse des prix du pétrole qui pèsent sur les exploitations et la
crise financière qui a poussé les spéculateurs à se tourner vers le marché
des matières premières, notamment végétales ;
endogène :
multiplication
des
réglementations
européennes
(environnement, protection animale, sanitaire, etc.) qui rendent les
productions agricoles moins compétitives.
Mais il ne faut pas perdre de vue que ces nombreuses exigences réglementaires
en matière sanitaire permettent aussi à nos productions d’être exportées vers des
parties du monde qui exigent de plus en plus des produits de qualité.
L’approche française
Héritière d’une longue tradition agricole, la France entend moderniser son secteur agricole
pour le rendre plus compétitif à l’exportation. Les français veulent professionnaliser leur
secteur en investissant notamment dans la création de valeur ajoutée.
Les français ont considéré que ce n’était pas un choix mais une nécessité. En effet, face au
démantèlement progressif de la PAC (fin des subventions, des quotas et des barrières
tarifaires), les agriculteurs français vont se retrouver en concurrence directe avec les
géants agricoles des BRICS2.
Pour rivaliser avec ces derniers, les français ont considéré que leur production devait
présenter une valeur ajoutée. Il ne faut pas simplement proposer des produits de qualité
(sécurité alimentaire, étiquetage, bien-être animal, contrôle pesticides et additifs), il faut
aussi pouvoir proposer des produits issus de processus de production innovants.
Cette stratégie française n’est pas si éloignée de celle préconisée par le Bureau fédéral du
Plan dans le cadre de la stratégie de relance adopté en juillet 2012 : « augmenter le
volume de nos exportations en misant sur la création de valeur ajoutée (compétitivité
structurelle) plutôt que sur la réduction des coûts (compétitivité-prix) ».
2
Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.
8
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2.
La réforme de la Politique agricole commune (PAC)
Les agriculteurs craignent la nouvelle réforme de la PAC (2014-20). Cette nouvelle
réforme semble se diriger vers plus dérégulation, notamment des mécanismes qui
permettent d’encadrer les denrées agricoles. Cette réforme ne fera qu’accentuer
la concurrence avec les pays émergents et la volatilité des prix.
Les agriculteurs ont également peur du désengagement de l’agriculture
européenne de la scène internationale. Ils craignent que les discussions,
notamment au sein de l’OMC, portent in fine atteinte à la sécurité des
approvisionnements alimentaires en Europe.
Les prochaines étapes de la PAC
Volet financier : Le budget de la PAC fait l’objet d’une programmation budgétaire qui est
discutée en même temps que le cadre financier pluriannuel (2014-2020). Le Cadre
Financier Pluriannuel 2014-20203 (infra CFP) est prévu dans un règlement adopté à
l'unanimité par le Conseil, après approbation du Parlement européen. Les budgets
annuels doivent se conformer au cadre financier pluriannuel. Le 6 juillet 2012, la
Commission a adopté son projet de CFP 2014-2020.
Volet normatif : Après un débat au Parlement européen et au Conseil, l'approbation des
différentes réglementations et des actes d'application est attendu d'ici la fin de 2013, afin
que la réforme de la PAC puisse entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2014.
Le CFP 2014-2020 devrait porter le budget total de la PAC à 435,6 milliards, soit 42% du
budget européen (1.033 milliards) répartis de la façon suivante :
• 317,2 milliards d'EUR alloués au pilier I (système d’aides directes aux agriculteurs
et de soutien au marché), en baisse par rapport à la programmation 2007-2013 ;
• 101,2 milliards d'EUR alloués au pilier II (co-financement de projets qui
participent à la politique de développement rural) ;
• 17,1 milliards de financement supplémentaire composé de différents montants
(recherche et innovation, sécurité alimentaire, aides aux régions les plus
démunies, réserve pour crises agricoles futures etc).
Par rapport à la programmation 2007-2013, si on observe une baisse des moyens alloués
à la PAC, on peut dire qu’une partie importante du budget européen continue d’être
consacrée à l’agriculture. On observe également au sein de la programmation 2014-2020
une réorientation de la PAC : baisse sensible des aides directes aux agriculteurs (1er
pilier) et de nouvelles rubriques apparaissent à travers le financement supplémentaire
(cfr. supra).
La Prochaine réforme de la PAC devra garantir une production alimentaire viable; une
gestion durable des ressources naturelles et une action en faveur du climat; et un
développement territorial équilibré.
3.
La crise du lait
Le marché du lait est devenu particulièrement volatil. La cause principale est que
les multiples adaptations de la PAC (quotas, compensations etc.) mettent l’accent
3
Source : proposition de règlement relatif au financement et au suivi de la PAC (p.8).
http://ec.europa.eu/agriculture/cap-post-2013/legal-proposals/com628/628_fr.pdf
9
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sur la productivité et la compétitivité, poussant les prix à la baisse. Ce qui a
provoqué la concentration des exploitations et poussé certains agriculteurs à se
transformer en « chasseurs de primes ».
En chiffres : en 2010, le quota4 moyen de litres de lait livrés par exploitation était
de 293.400 contre 163.200 litres en 2000. On produit toujours plus de lait, mais
avec moins de bêtes (-21% en 10 ans) et beaucoup moins d’agriculteurs (-41%).
Le renforcement de l’Observatoire des prix devrait permettre de mieux identifier
les situations anormales. Il n’est en effet pas normal de constater que quand les
prix baissent au niveau des producteurs, ils augmentent souvent pour les
consommateurs finaux. La prochaine étape doit être la création d’une Agence
européenne de surveillance des prix, une sorte d’observatoire européen des prix.
4.
Le manque d’attractivité du métier
Aujourd’hui, près de 90% des exploitants ont plus de 40 ans. (30,2% plus de 60,
30,4% entre 50-60 et 28,4% entre 40-50). Seuls 11% ont moins de 40 ans
(9,5% 30-40 et 1,5% moins de 30 ans).
Entre 2007 et 2010, pendant que 10 agriculteurs cessaient leur activité,
seulement deux jeunes agriculteurs s'installaient. Dans 15 ans, plus de 55 % de la
population active des agriculteurs wallons aura atteint l'âge de la retraite.
Il y a évidemment plusieurs causes à ce manque de renouvellement du monde
agricole. Mais la principale, est la dynamique d'agrandissement des exploitations.
Cette dynamique décourage l'installation des jeunes agriculteurs et n'est pas
créatrice d'emploi. Pour rendre le secteur attractif pour les jeunes, il est
nécessaire que ceux-ci aient la garantie d'un revenu décent or les capitaux à
engager pour des personnes voulant reprendre une exploitation sont de plus en
plus lourds alors que les prix de vente des denrées agricoles sont fluctuants.
Conclusion
Dans la mesure où l’agriculture belge s’inscrit dans un cadre européen, la défense
du budget de la PAC est essentielle, surtout dans son volet « subvention ». Or il
ressort du dernier Sommet européen sur le budget européen qu’une diminution de
près de 25 milliards de ce budget est envisagée.
Il faut aussi souligner l'importance de la formation et l’accompagnement des
jeunes agriculteurs. Le métier doit en effet redevenir attractif, en améliorant
l’image de l’agriculteur auprès de la jeunesse en lui présentant notamment la
palette de métiers de l’agriculture.
Le dernier point qu’il convient de mettre en avant, c’est l'innovation. Les
agriculteurs belges ne pourront rivaliser avec les nouveaux géants mondiaux que
si leurs productions présentent de la valeur ajoutée. Il faut massivement investir
dans des produits issus de processus de production innovants. A ce titre, les
perspectives offertes par les applications informatiques, la mutualisation des
4
Maximum qu’un producteur peut produire.
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savoirs ou l’adaptation aux demandes des consommateurs représentent des
opportunités de développement certaines.
Comme le rappelait Dacian Cioloş, le Commissaire européen en charge de
l’Agriculture et du Développement rural « L’innovation et la recherche seront
cruciales dans les prochaines années pour assurer la sécurité alimentaire tout en
aidant les agriculteurs à faire face au changement climatique. L'agriculture de
demain, c'est l'agriculture de la connaissance ».
La création au niveau européen d’un observatoire des prix et des marges serait
également un moyen de réguler le secteur agricole et d’éviter que ne se
reproduisent des crises comme celle que nous avons connue dans le secteur
laitier, secteur qui est particulièrement exposé à la volatilité des prix sur les
marchés mondiaux.
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