Manet 7 – La tentation impressionniste

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Manet 7 – La tentation impressionniste
Manet 7 – La tentation impressionniste
La question de l’appartenance de Manet à l’Impressionnisme s’est posée de son vivant et s’est affirmée après sa mort, et
se pose parfois encore. En fait Manet n’est pas un peintre impressionniste, il n’a jamais participé aux expositions du
groupe impressionniste, mais il a regardé faire et s’est intéressé à leur travail, a noué des relations d’amitiés (Monet,
Renoir) et leur a pris certaines caractéristiques pour les insérer dans sa peinture.
Edouard MANET-La Femme au perroquet-1866-185,1x128,6- New York, Metropolitan Museum of Art
L’intérêt pour la couleur claire est visible dans sa peinture dès 1866 comme on le voit dans ce portrait en pied de
Victorine Meurent dit aussi la femme en rose, soulignant l’aspect inhabituel de sa peinture d’une telle couleur, distribuée
avec autant de subtilité, des roses foncés aux plus clairs. Zola, dans l’article du 1er janvier 1867, Une nouvelle manière
en peinture. Edouard Manet dans la revue du XIXème siècle écrit. « Une jeune femme, vêtue d’un long peignoir rose, est debout,
la tête gracieusement penchée et respirant le parfum d’un bouquet de violettes qu’elle tient de sa main droite… le peignoir est d’une grâce infinie,
doux à l’œil, très ample et très riche. Ce serait trop joli si le tempérament du peintre ne venait mettre sur cet ensemble l’empreinte de son
austérité »
Edouard MANET- Le Déjeuner dit Dans l'atelier-1868-118x153-Munich, Staatsgalerie en dehors de l’aspect
énigmatique de cette toile suscité par la présence du jeune homme au premier plan, sans doute Léon Leenhoff (beau-fils
ou fils ?), et du casque à gauche, ce qui frappe c’est la nature morte à droite disposée devant Auguste Rousselin, ancien
élève de Charles Gleyre et Thomas Couture, dans l’atelier duquel Manet avait fait sa connaissance, dont la clarté
répond au cache-pot à gauche et au pantalon du jeune homme.
Edouard MANET-Dans la serre-1879-115x150-Berlin, Nationalgalerie permet de comprendre ce que la
peinture en extérieur a apporté à l’art de Manet. Il s’agit du portrait de monsieur et madame Guillemet, propriétaires
d’un magasin de nouveautés réputé au 19 rue du Faubourg saint Honoré. La jeune femme, d’origine américaine, était
célèbre pour sa beauté et son élégance (petit chapeau recouvert de plumes d’autruche jaune, assorti à l’ombrelle et aux
gants, robe à la coupe raffinée.. dont Manet souligne le plissé au premier plan). Les personnages sont placés dans une
serre, pièce à laquelle le second empire a donné ses lettres de noblesse et dont Zola en 1871, dans son roman la Curée,
avait fait le lieu central de l’infidélité du personnage féminin, madame Saccard, épouse d’un riche financier et
promoteur immobilier. Ce jardin d’hiver est celui de Manet, celui de l’atelier loué entre juillet 1878 et Avril 1879, au 70
rue d’Amsterdam. C’est un compromis avec la nature de plein-air, qui lui permet d’éviter la lumière naturelle au profit
d’une intensité dans les relations des personnages. La fraicheur des tons et l’harmonie de la couleur doivent cependant
beaucoup à son expérience sur le motif. Comme le prouve la suite d’œuvres qui marquent un tournant dans son œuvre.
Edouard MANET-Au jardin-1870-44,5x55-Shelburne (Vermont), Shelburne Museum est la première œuvre
que Manet aurait commencée et fini en plein air. Ce sujet est une évidente fascination pour les effets de lumière
naturelle que l’artiste n’avait pas encore manifestée. Edmond Bazire dans Manet 1884 « la clarté inonde la toile, elle est
traduite dans toutes ses valeurs, se décompose dans les reflets et dans ses tâches. Le paysage vit et s’illumine, l’air circule ». Il s’agit bien
d’un tableau majeur dans l’évolution de Manet. La palette, l’accent mis sur les jeux d’ombre et lumière naturelle, la
touche libre et le sujet lui-même, un couple avec son bébé. Il s’agit soit d’Emma Carré, son mari et leur bébé, des voisins
de Manet, soit de Giuseppe de Nittis avec son épouse et leur enfant, dans le jardin de leur maison à St Germain en laye.
Edouard MANET-Intérieur à Arcachon-1871-39,4x53,7-Williamstown, The Sterling and Francine Clark
Institute Manet passe un mois à Arcachon (mars 1871) dans un meublé, le chalet Servanti (41 avenue Sainte Marie)
après un bref séjour à Bordeaux. A Arcachon, il y a plusieurs tableaux, très rapidement exécutés, pour la plupart des
scènes de plage. Le sujet du tableau est ici plus rare. L’extérieur joue un rôle important puisque nous voyons Manet
regarder l’horizon par la porte-fenêtre largement ouverte sur le bassin. Jean est perdu dans ses rêveries, Madame Manet
nous tourne le dos.
Plage de nouveau avec les œuvres peintes durant l’été 1873, trois semaines passées en famille à Berck sur mer en juillet.
Edouard MANET-Sur la plage-1873-59,6x73,2-Paris, musée d'Orsay c’est un écho à Sur la plage de
Boulogne-1868-32,4x66-Richmond, Virginia Museum of Fine Arts qui fait penser à une œuvre de Boudin, avec
des personnages vus de loin, en groupe, minuscules et colorés entre ciel et sable. Dans la toile de 1873, une scène plus
monumentale et concentrée sur Suzanne Manet et Eugène Manet, son frère. On est proche de Monet.
Claude MONET-Sur la plage à trouville-1870-Paris, musée Marmottan
Les scènes de plage vont se prolonger avec des scènes de régates à Argenteuil, devenu le centre de l’Impressionnisme à
partir de 1873, en raison de la présence de Claude Monet. Manet passe l’été dans la maison familiale de Gennevilliers,
non loin de Monet et Caillebotte.
Edouard MANET-Claude Monet peignant sur son bateau-1874-80x98-Munich, Neue Pinacothek Manet fit
d’abord poser Monet et sa femme dans le bateau-atelier du peintre
Edouard MANET-Argenteuil-1874-149x115-Tournai, musée des Beaux-Arts un canotier et sa compagne
sont assis sur un ponton d’amarrage, des voiliers au repos sont accotés au ponton, et la Seine très bleu apparait en fond.
Il s’agit de Rudolph Leenhoff, son beau-frère est accompagné d’une inconnue. « les canotiers, dit Théodore Duret, venaient
de mondes différents et les jeunes filles qu’ils emmenaient avec eux n’appartenaient qu’à la classe des femmes de plaisir de moyenne condition.
Celle de l’Argenteuil est de cet ordre. Or comme Manet serrant la vie d’aussi près que possible, ne mettait jamais sur le visage d’un être autre
chose que ce que la nature comportait, il a représenté cette femme du canotage, avec sa figure banale, assise, oisive et paresseuse ; Il a bien rendu
la figure que l’observation de la vie lui offrait ». Monet reste donc un observateur impitoyable de la vie, ce que ne sont pas ses
camarades impressionnistes.
L’œuvre a été partiellement peinte en plein air, de même que
Edouard MANET-En bateau-1874-97,2x130,2-New York, The Metropolitan Museum of Art le même
couple se retrouve à bord d’un canot. La critique lui reproche la technique sommaire, technique que l’on voit aussi dans
Edouard MANET-Les Bords de la Seine-1874-62,3x103-Londres, collection particulière, en dépôt aux
Courtauld Institute Galleries
Edouard MANET-La famille de Monet dans le jardin-1874-61x99,7-New York, The Metropolitan
Museum of Art Manet peint Camille et son fils, et le jardinier de Monet. Monet s’exerce à la même scène ; puis
Renoir peint les deux peintres peignant le même sujet…
Edouard MANET-La Partie de croquets-1872-72x106-Francfort, Städel Museum dans un style très lache,.
On peut se poser la question de l’état d’achèvement de la toile.
Edouard MANET-Jeune fille dans un jardin-1880-152,9x116,8-Collection particulière
Manet retrouve l’eau à Venise, lorsqu’il décide de faire un voyage avec sa femme. On ne connaît que 2 vues rapportées
de ce voyage.
Edouard MANET-Le Grand canal à Venise-1875-57x48-Collection particulière
Edouard MANET-Le Grand canal à Venise (Venise bleue)-1875-58x71- Shelburne (Vermont), Shelburne
Museum
Manet s’enthousiasmait des eaux agitées par le passage des barques, des oscillations d’ombre et lumière. (Il a
beaucoup gratté et repeint). La spontanéité de la touche est très différente. La Salute dans le fond est sans
doute peinte avec un Manet lui même embarqué. Le second tableau est probablement peint de mémoire car
les bâtiments n’ont vraiment pas un caractère vénitien. A droite le palais Venier dei Leoni. Joséphin Péladon
en février1884 dans l’Artiste « le procédé Manet » le traite de « Coloriste chimérique ». ce sont des paysages
urbains très particuliers que Manet peint à Venise. Manet s’était aussi intéressé que ses amis à la ville de Paris
(rue Mosnier)
Edouard MANET-LE Chemin de fer-1872-1873-93x114-Washington, National Gallery
Edouard MANET-Chez le Père Lathuille, en plein air-1879-93x112-Tournai, musée des Beaux-Arts
Il s’agit du fils du propriétaire d’un café des Batignolles et de Ellen André, puis de Judith French, cousine d’Offenbach
qui posèrent pour la femme. Est-ce la fin d’un déjeuner ? Ou bien une scène galante, un opportuniste venant tenter sa
chance ?
Edouard MANET-Mon jardin ou Le Banc-1881-65,1x81,2-Collection particulière
Manet passe l’été 1881 à Versailles où il suit une cure d’hydrothérapie dans une maison au 20 avenue de Villeneuve
l’Etang. Sa santé se détériore, il ne profite guère du jardin mais s’y sent bien. Bien qu’il ait écrit à Eva Gonzalez qu’il
s’agissait du plus affreux des jardins. Cette vue est vrai chef-d’œuvre de l’impressionnisme, une œuvre très intime, avec
ce chapeau jaune accroché au banc, le vase de fleurs.. ; « chaque touche de pinceau est restée indépendante, apportant à l’ensemble
son accent essentiel et précis. Tourbillons et taches de couleurs, brèves virgules … »
Edouard MANET-Une allée dans le jardin de Rueil-1882-61x50-Dijon, musée des Beaux-Arts
La maison de Rueil a été louée par Manet pour y passer l’été 1882, il est déjà très malade (il est atteint d’une ataxie
locomotrice d’origine syphilitique)
Edouard MANET-La Maison de Rueil-1882-78x92-Berlin, Nationalgalerie
Maison de style restauration avec une façade sur jardin. Le sujet est typiquement impressionniste avec la lumière, la
dispersion des couleurs, les ombres bleues de l’allée. D’après Léon Leenhoff, Manet s’installait sous l’acacia pour
peindre…