SSV Chabotterie jardin clos

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SSV Chabotterie jardin clos
Le jardin clos du logis de la Chabotterie
Cécile Lataste
Au cœur du Bocage vendéen, dans la commune de Saint-Sulpice-le-Verdon, le logis de la
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Chabotterie fut sans doute construit à la fin du XV ou au début du XVI siècle, avant d'être remanié
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au cours du XVIII siècle. À l'image d'une grande ferme, le logis bas-poitevin est l'exemple même
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d'une synthèse entre le château et la métairie, qui se répand dans le paysage vendéen entre le XV et
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le XVIII siècle. Autour d'une cour carrée, maison noble, logements de personnel et dépendances
agricoles sont étroitement associés les uns aux autres. Délimité par deux murs agrémentés de
pavillons carrés aux extrémités, le jardin clos est adossé au logis. Une douve, appelée haha, participe
à la clôture de l'espace réservé au jardin sans pour autant obstruer la perspective vers la grande allée
bordée d'arbres, dite "allée cavalière".
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Issu d'une reconstitution historique , le jardin de la Chabotterie, d'une superficie de 3000 mètres
carrés, puise son inspiration dans l'art des jardins de l'époque médiévale, des jardins classiques dits
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"à la française" des XVII et XVIII siècles, ainsi que de ceux du XIX siècle. Reconstitué d'après des
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plans d'archives datés des XVII et XVIII siècles, le dessin du jardin actuel est à appréhender comme
étant une pièce particulière du logis, une pièce de verdure... où, au fil d'une promenade et de ces
quelques lignes, vous pourrez découvrir le jardin fleuri du charmant logis.
Un jardin issu d'une reconstitution historique
Pensé à partir de références historiques et stylistiques diverses, le jardin clos de la Chabotterie
met en scène des périodes variées de l'histoire de l'art des jardins : Moyen Âge, Renaissance et
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classicisme des XVII et XVIII siècles.
Sous un voile blanc, le jardin de la Chabotterie révèle ses plus belles parures
Ainsi, nous retrouvons dans la composition actuelle du jardin la volonté de reproduire l'image
biblique du Paradis, du jardin d'Éden. En effet, l'agencement du jardin clos par un mur d'enceinte
s'organise autour d'un puits central, symbole de la vie, duquel partent les quatre allées principales qui
en structurent la disposition. Dès lors, la référence aux descriptions bibliques du jardin d'Éden semble
évidente : "Le jour où le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n'y avait encore sur la terre aucun
arbuste des champs, et aucune herbe des champs n'avait encore germé [...]. Le Seigneur Dieu planta
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un jardin en Éden, à l'orient, et il y plaça l'homme qu'il avait formé. Le Seigneur Dieu fit germer du sol
[...] l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance [...]. Un fleuve sortait d'Éden pour
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irriguer le jardin ; de là il se partageait pour former quatre bras " (Genèse, II, 1).
Le jardin était structuré de manière à répondre aux besoins vitaux. Aussi, nous avons le plaisir de
voir, de sentir et de toucher les plantes d'un jardin potager et d'un jardin de simples composé de
plantes aromatiques et médicinales.
Hormis l'influence de l'époque médiévale, le jardin est empreint des découvertes structurelles et
formelles de la Renaissance italienne. Ainsi, on peut observer la mise en place d'un terrassement
entre deux niveaux de jardin que relient quelques marches, des ifs taillés en topiaire reprenant des
silhouettes coniques ou en boules, des buis plantés et taillés. En se promenant sous une tonnelle en
berceau couverte de rosiers, le long des plates-bandes traitées en pelouse, on peut entrevoir des
vases dits "de Médicis" ainsi qu'un cadran solaire.
Les deux parterres du jardin régulier
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L'inspiration des XVII , XVIII et XlX siècles est perceptible principalement à travers les dessins
réguliers des parterres dits "à la française" suivant la mode instaurée par Le Nôtre aux jardins de
Versailles. Dans cette idée, les parterres et les massifs sont disposés symétriquement. L'intérieur des
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parterres ainsi que le choix des variétés se réfèrent clairement aux traités sur les jardins dès le XVII
siècle. Dans Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs (1600) Olivier de Serres écrit que "audessus de la maison tendant au midi, est la droicte situation des jardins [...] pour le plaisir d'este veu
des principales fenestres de la maison" et recommande plus loin "[les] jardinages et vignobles, unis
ensemble, enfermés dans un grand parc, seront posés près de [la] maison [...] tant pour le plaisir
d'avoir la veue sur telles beautés [...] que d'estre parés par le bastiment, de la violence de la bise".
C'est pourquoi, le jardin d'agrément est disposé, depuis les fenêtres, à portée du regard des hôtes du
logis. Le choix des plantations, camélias, figuiers, tabac... a pour objectif d'évoquer le goût de
l'exotisme et du voyage; et finalement des grandes découvertes liées au transport et à l'acclimatation
des végétaux en France et dans l'Europe entière. Enfin, le jardin a pour volonté d'inscrire dans la
nature et la campagne environnantes des perspectives en dehors de ses propres limites. À cet égard,
le mur d'enceinte situé à l'est, juste en face de la façade sur jardin, est remplacé par un fossé ou sautde-loup. Cet effet visuel permet de clore physiquement le jardin, tout en offrant une vue privilégiée sur
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la très belle allée cavalière aménagée, comme le haha, au XVIII siècle. Cette perspective
monumentale matérialise l'autorité du maître des lieux tout en signalant son pouvoir sur la nature.
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À la découverte du jardin d'agrément et du jardin potager
Situé au niveau du jardin haut, le jardin d'agrément avait pour vocation et prétention d'être
agréable à la vue et à l'odorat. Ainsi, le jardin du logis de la Chabotterie est divisé en deux parties
consacrées aux simples et aux fleurs.
Installés au centre du jardin
d'agrément, entre deux massifs de
fleurs, les parterres sont destinés au
jardin des simples composé de
plantes aromatiques et médicinales,
aux vertus le plus souvent oubliées
aujourd'hui. Voici quelques exemples
de l'utilisation médicinale que nos
aïeux faisaient à partir de plantes bien
connues de nos jardins. Les feuilles
de la sauge au goût astringent sont
reconnues
pour
leurs
vertus
antiseptiques. C'est pourquoi ces
dernières sont employées contre les
troubles digestifs, l'inflammation des
voies respiratoires et la sudation
excessive. Elles peuvent également
être utiles en bains de bouche pour le
traitement des mycoses. Le thym,
plante aromatique, permet de soigner
les maladies des voies respiratoires,
d'où sa préconisation contre l'asthme.
Le romarin, autre plante aromatique,
stimule les sécrétions gastriques tout
en luttant contre les douleurs
provoquées par les rhumatismes. En
usage externe, ses feuilles ont un
pouvoir antiseptique. Les graines du
fenouil ont un effet analgésique et
carminatif. Le buis peut avoir un effet
fébrifuge utile en cas d'hyperthermie
ou d'inflammation des voies biliaires
et urinaires. Enfin, la camomille,
hormis sa décoction en tisane, a des
vertus
anti-inflammatoires
et
désinfectantes. Elle calme le système
nerveux et lutte contre les douleurs
des crampes gynécologiques. Outre
les plantes citées ci-dessus, le jardin
de simples présente estragon, oseille,
ciboulette, cive, sarriette, menthe,
persil, origan et bien d'autres
variétés...
En ce qui concerne les fleurs,
plantées symétriquement et de
variétés actuelles et anciennes, les
compositions des parterres s'inspirent
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des jardins du XVIII siècle. Il est fort agréable de flâner parmi les fleurs à tige courte et à tige haute
qui sont judicieusement associées afin de conférer à l'ensemble relief et légèreté. Cosmos, cannas,
œillets d'Inde, tulipes, narcisses, jacinthes, pensées, pâquerettes, giroflées constituent la base des
massifs de printemps et d'été, à laquelle s'ajoutent des variétés moins courantes aujourd'hui. Il
convient ici de signaler que le renouvellement d'un massif, qui a lieu au commencement de chaque
saison, représente un travail méthodique et important pour les jardiniers du logis. Pour ce faire, il est
impératif de nettoyer le sol, d'arracher les plantations précédentes, d'incorporer le terreau, de niveler,
de tracer les emplacements des semis au cordeau et enfin de mettre en terre les nouvelles plantes
avec précision. Chaque année, ce sont dix mille fleurs, dont trois mille plantes à bulbes, qui sont
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plantées dans l'ensemble des massifs du jardin clos du logis de la Chabotterie.
Au même titre que le jardin d'agrément, le potager requiert les soins attentifs, passionnés et
journaliers du jardinier.
"Plus grand sera le seul jardin potager, que le bouquetier et le médicinal ensemble, étant en cest
endroit plus requis le profit, que la simple délectation" (Olivier de Serres, Le Théâtre d'agriculture et
message des champs, 1600).
Partie utile du jardin, le potager du logis de la Chabotterie est composé autour de douze carrés.
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Chaque carré est planté de trois ou quatre variétés de légumes cultivés au XVIII siècle : bettes,
oignons, pois, fèves, choux, pommes de terre... Sont représentés également les fruits exotiques tels
que les tomates du Mexique, rapportées à la suite d'expéditions maritimes. Les fleurs vivaces,
coupées pour la décoration du logis, sont mêlées aux légumes. Les pavots et l'angélique sont mis à
sécher... Au total, ce sont trois mille légumes qui sont plantés chaque année dans le potager. Situé à
l'extérieur du jardin clos, le verger, qui vient compléter les plantations du potager, compte quatre-vingtdouze pommiers, dont une vingtaine d'essences anciennes, auxquels s'ajoutent une quarantaine de
poiriers en espalier implantés le long du mur.
Pour clore la visite, un passage sous la roseraie, inspirée des compositions des jardins de la
Renaissance, s'impose. Une pergola, habillée d'une vingtaine de rosiers grimpants issus de variétés
anciennes, enveloppe le promeneur de ses senteurs suaves et de ses couleurs voluptueuses. Tout au
long d'une floraison qui dure un été entier, les rosiers exhalent leur parfum précieux et délicat. Ainsi,
pour les amoureux des jardins, le logis de la Chabotterie offre, au rythme des saisons, un intérêt sans
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cesse renouvelé, et évoque harmonieusement l'art de vivre à la campagne au XVIII siècle.
Cécile Lataste, in Vendée côté jardin, 2006, p. 367-371
1. Le jardin, inauguré en 1993, est une création du Conseil général de la Vendée. Le projet fut mis en œuvre par
Jacques Boissière, architecte des bâtiments de France, et Richard Levesque, conservateur des antiquités et
objets d'art de la Vendée, avec le concours de la paysagiste Sylvie Portier.
2. La Bible, "Ancien Testament et le Nouveau Testament, Paris, éditions du Cerf, 1988. Le Paradis est séparé du
reste du monde par une muraille divisant le monde ordonné et le
monde sauvage. À l'intérieur de l'enclos, le jardin merveilleux, ou Éden, abrite l'arbre de vie dont les fruits
symbolisent l'immortalité À côté de cet arbre jaillit une source de vie qui se partage en quatre fleuves: Phishiôn,
Guihôn, Tigre et Euphrate.
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