MODULE 12–97 La police permanente existante peut

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MODULE 12–97 La police permanente existante peut
MODULE 12–97
La police permanente existante peut devenir, tout de suite ou dans quelques années, celle dont on a besoin pour le concept de rente-assurance (concept 12.3 et 12.4). Avant
d’annuler une police, il faut donc s’assurer que ce concept ne s’appliquera jamais. Lorsque la police a été souscrite plusieurs années avant l'achat de la rente, le concept est
encore plus intéressant et procure au retraité de meilleurs flux monétaires nets après impôt.
La police peut être donnée à un organisme de charité. Nous avons traité de cette option à
la section 12.11. Un reçu égal à la juste valeur de la police sera émis. Il faut toutefois savoir comment seront financées les primes futures. Dans le contexte où le titulaire ne veut
plus payer les primes, il faudra trouver un donateur indépendant ou acheter une rente.
Dans l'exemple chiffré de la section 12.11, les résultats montrent qu’au lieu d’abandonner
la police sans rien recevoir en retour, le fait de la donner et d’acheter une rente pour
l’autofinancer occasionnera un excédent de 50 000 $.
Si le client ressent une lassitude à payer sa police ou s'il estime qu'elle coûte trop cher, il
est probable qu'il n’en comprend pas toutes les facettes. Dans un cas pratique récent,
une personne nous a indiqué qu'elle avait abandonné sa police en raison de son coût
trop élevé (8 500 $ par année). Il est illogique de faire ce raisonnement sans comparer
les primes de 8 500 $ au capital assuré et sans tenir compte du nombre d’années pendant lesquelles cette prime devra encore être payée. Une éducation financière souvent
déficiente et une incompréhension des questions d'assurance entraînent certaines personnes à prendre des décisions entièrement irrationnelles. Elles ne comprennent pas que
l'assurance est une forme de placement (au profit des héritiers, certes, mais une forme
de placement quand même). S’il est question d’un objectif successoral, ce type de placement est souvent le meilleur disponible.
12.14.
Le cas des personnes âgées
De façon assez étonnante, et contrairement à la croyance populaire, il existe des stratégies très
intéressantes dans le cas des personnes âgées, particulièrement si la police est souscrite par
une société.
La question des personnes âgées soulève les points suivants que nous analyserons dans cette
section :
l'effet CDC accéléré;
le capital décès fixe par rapport au capital décès majoré;
les questions de santé pour les personnes âgées;
le « CBR négatif ».
Nous présenterons un exemple concret illustrant un tel cas.
12.14.1.
La stratégie de base : l'effet CDC accéléré
En matière de polices d'assurance pour personnes âgées souscrites dans une société, l'effet
CDC est au cœur de la stratégie. L'objectif est de transférer rapidement des surplus dans le
CDC. En termes courants, il s'agit de « transformer des BNR en CDC ». L'effet CDC joue dans
toutes les stratégies d'assurance impliquant une société, mais dans le cas des personnes âgées,
cet effet surviendra rapidement en raison de l'âge et du fait, qu'objectivement, le décès ne peut
pas survenir dans 40 ans. L'impact positif se répartit sur une plus courte période, d'où l'effet
quelque peu « explosif ».
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–98
En cas de décès de l'actionnaire, une société possédant des placements de 1 000 000 $ devra
payer sur cette somme des impôts se situant entre 240 000 $ (24 %) et 360 000 $ (36 %), selon
la stratégie post-mortem utilisée. Ces impôts peuvent être quasiment éliminés en passant plutôt
cette somme dans le CDC, grâce à une stratégie d'assurance. En renonçant à cette stratégie
d'assurance, il est facile d'imaginer que, pour compenser les impôts qu'elle permet de sauver,
les rendements sur les placements faits par ailleurs dans la société devront être fabuleusement
élevés, et cela, avant même d'avoir pris en compte le fait qu'un capital décès sera versé en plus!
Le rendement de l'assurance pure par rapport à celui des placements dans la police a été discuté à maintes reprises dans ce module (en particulier au début de la section 12.4.6). Règle générale, le rendement de l'assurance pure est plus élevé que le rendement des placements dans la
police. Cela est toutefois inexact lorsqu'il est question de personnes âgées, pour qui il faut chercher à maximiser les placements et réduire le capital d'assurance. Nous en traitons de nouveau
plus loin.
12.14.2.
Capital fixe et capital majoré
À la section 8.7.1.6, nous avons expliqué la différence entre ces deux types de capital décès
dans une VU. Selon l'option de capital majoré, le versement aux bénéficiaires de la police lors du
décès se compose du capital assuré de base et de la valeur des placements. C’est l'option la
plus utilisée pour les clients relativement jeunes. Selon l'option de capital fixe, le montant de la
prestation de décès est toujours le même, sans qu'aucun placement préalablement ajouté ne
soit versé aux bénéficiaires. En fait, la décision de verser des placements dans une VU avec un
capital fixe consiste donc à choisir de réduire le capital d'assurance. L'assurance est remplacée
par des placements. Bien sûr, le coût de mortalité sera moins élevé, car le « capital au risque »
pour l'assureur est inférieur. Le tableau 12.17 présente les détails.
Tableau 12.17 : Capital majoré et capital fixe
Capital majoré
Capital fixe
Capital décès de base
5 000 000 $
5 000 000 $
Placements dans la police
1 000 000 $
1 000 000 $
Montant versé en cas de décès
6 000 000 $
5 000 000 $
Capital au risque pour l'assureur
5 000 000 $
4 000 000 $
60 000 $
48 000 $
Coût de mortalité de l'année (hypothèse pure)
Dans les deux cas, les placements sont de 1 000 000 $. Selon l'option de capital majoré, cette
somme est versée en plus du 5 000 000 $ de couverture en cas de décès. Selon l'option de capital fixe, seul le capital décès de base de 5 000 000 $ est versé. L'option de capital fixe constitue
pour l'assureur un risque moindre, qui n'est plus en réalité que de 4 000 000 $, au lieu de
5 000 000 $. Le client choisit ainsi de réduire le capital décès de base en le remplaçant par des
placements. Ainsi, le coût annuel d'assurance sera moins élevé avec le capital fixe (60 000 $ vs.
48 000 $). Dans les deux cas, la somme de 1 000 000 $ rapporte des revenus de placement
permettant de faire face aux coûts d'assurance.
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–99
Pourquoi est-il parfois intéressant d'envisager le capital fixe? Lorsque le coût d'assurance est
très élevé, notamment pour les personnes âgées, les calculs montrent qu'advenant un décès
tardif, l'assurance pure est moins rentable que le rendement net total après impôt des placements. Il est alors trop coûteux de maintenir l'assurance, et le rendement de l'assurance pure
peut même devenir négatif en cas de décès tardif. Il vaut mieux remplacer l'assurance par des
placements. Tel qu'indiqué précédemment, ces placements iront rapidement dans le CDC, et
c'est là tout l'intérêt de cette stratégie. Le capital d'assurance n'est qu'un prétexte pour atteindre
ce but ultime, étant donné que le capital d'assurance initial doit être important pour pouvoir investir des sommes importantes dans la police.
12.14.3.
Un exemple
Le tableau 12.18 présente le cas d'une dame de 79 ans, dont la police est souscrite dans une
société. Une somme égale à 1 000 000 $ sera investie en 3 ans. Le capital d'assurance est fixe
et le coût est nivelé (dans l'exemple, le coût est en fait un TRA 85/15, nous en reparlons plus
loin). Le capital décès de 1 683 454 $ restera constamment le même. Nous avons même traité
récemment au cabinet le cas d'une dame de 84 ans dont les résultats étaient très intéressants
aussi.
Nous présentons d'abord certains commentaires de base, en commençant par les éléments
clairs et les conclusions évidentes, puis nous explorerons les facettes plus techniques à l'intention des lecteurs qui désirent approfondir le sujet.
Les colonnes 3 à 10 concernent les données et les rendements d'une stratégie utilisant
une police d'assurance. Les colonnes 11 et 12 indiquent les résultats d'un cas sans stratégie d'assurance, mais comprenant des placements rapportant des revenus d'intérêt de
4,0 %. Rappelons ici que l'assurance vise toujours à remplacer la portion conservatrice
du portefeuille. Les deux dernières colonnes présentent la différence entre les deux stratégies au niveau de la valeur successorale nette (en argent) et du taux après tous les impôts.
La colonne 6 donne le fonds accumulé. Cette somme n'est pas versée en cas de décès
(comme le montre la colonne 7). Toutefois, en cas de résiliation du contrat, elle peut être
récupérée, après déduction des frais de rachat. Cette somme sert à payer le coût d'assurance et diminue donc graduellement au fil des années (compte tenu aussi des rendements qu'elle génère au taux d'intérêt garanti indiqué).
La colonne 8 donne la valeur successorale nette. Il s'agit de la somme qui sera disponible aux héritiers après le paiement de tous les impôts par suite du décès (société et personnels). Toutes les nuances techniques ont été considérées (surplus fiscaux, règle de
minimisation des pertes, pipeline, IMRTD, etc.).
La colonne 9 donne le rendement net après impôt. Dans le cas d'une personne âgée, il
faut éviter de tirer des conclusions trop hâtives sur ces chiffres qui peuvent sembler faibles, mais qui ne le sont pas en réalité. Nous en reparlons ci-dessous.
La colonne 10 donne le rendement avant impôt « équivalent », c'est-à-dire le rendement
avant impôt qu'il aurait fallu obtenir sur des sommes équivalentes qui n'auraient pas été
investies dans la police, mais dans des placements ordinaires générant des revenus d'intérêt. Nous discutons ci-dessous de cette colonne qui en dit long sur la rentabilité du
concept.
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–100
À comparer avec les colonnes 8 et 9, les colonnes 11 et 12 présentent les résultats du
scénario sans police d'assurance, mais comprenant des placements ordinaires générant
des revenus d'intérêt à 4,0 %. Afin de comparer des pommes avec des pommes, les lignes 1 à 3 tiennent compte uniquement des sommes déjà investies dans la police à ce
moment. À partir de l'année 4, la totalité du million est considéré. Ces chiffres montrent
bien qu'une police est très rentable en cas de décès prématuré.
Les colonnes 11 et 12 illustrent bien l'effet néfaste de l'impôt. La valeur successorale diminue énormément par rapport au montant des placements dans la société, car l'impôt
au décès fait son œuvre (taux entre 24 % et 36 % selon la stratégie post-mortem utilisée). À l'année 11 seulement, la succession atteint une somme à peu près égale au million initial disponible dans la société. Par contre, la stratégie comprenant l'assurance
montre toujours un encaissement net clairement supérieur à un million (colonne 8).
Interprétation des résultats :
Les colonnes 13 et 14 se passent de commentaires sur la rentabilité du concept. En dollars absolus, la colonne 13 indique l'argent supplémentaire qui restera aux héritiers grâce
à la stratégie d'assurance. Dans ce cas, l'espérance de vie théorique est de 92 ans, et à
cet âge la différence est de 585 000 $. Compte tenu d'une somme initiale de 1 000 000 $,
cette différence est énorme. Nous présentons en gris les âges les plus probables (entre
89 et 95 ans). Même si le décès a lieu à 100 ans, la différence est encore de 411 000 $.
Dans le cas d'un décès prématuré, les chiffres montrent un avantage très marqué en faveur de la stratégie d'assurance. Exprimée en taux de rendement composé après tous
les impôts, la colonne 14 indique la différence entre les deux stratégies. La stratégie
d'assurance permet toujours d'améliorer le rendement net final, même lorsque le décès
survient à 100 ans.
Revenons à la colonne 9. Même si à première vue, ces chiffres ne paraissent pas
concluants à partir de l'année 18, les résultats sont trompeurs. En fait, la vraie question
est la suivante : quelle est l'alternative? En n'utilisant pas de stratégie d'assurance, la situation serait pire encore! Les chiffres de la colonne 12 indiquent que, sans assurance,
les rendements sont fortement négatifs en raison des impôts résultant du décès. Sans
assurance, et même lorsque le décès survient à 100 ans, le taux après impôt atteint à
peine 1 %.
La plus révélatrice, la colonne 10 indique le taux implicite avant impôt de la stratégie
d'assurance. À prime abord, la comparaison des colonnes 9 et 10 peut porter à croire
que le taux d'impôt est extrêmement élevé (par exemple, à la ligne 17, le taux d'impôt
semble être de 60 % (pour faire passer le taux de 7,91 % à 3,23 %). En fait, la colonne
10 représente le taux de rendement avant impôt qu'il faudrait gagner en revenu d'intérêt
sur les sommes pertinentes (1 000 000 $ à partir de l'année 4, et moins avant) pour que
la valeur successorale nette de la stratégie sans assurance parvienne au même niveau
que celle de la stratégie d'assurance. Une espérance de vie de 92 ans montre un taux
annuel composé de 10,07 %. Considérant que l'assurance remplace la partie des titres à
revenu fixe, il est impossible de battre ce taux. Même à 100 ans, il est de 6,33 %, ce qui
est impossible à surpasser dans la conjoncture actuelle qui prévaudra durant la vie de la
cliente, étant donné son âge. En fait, sans stratégie d'assurance, le client accepte indirectement de payer ce taux d'impôt.
(suite du texte après le tableau)
Assurance vie : les concepts
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1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
Durée
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
Âge
au
décès
de
Mme
449 000 $
454 000 $
97 000 $
Prime
annuelle
449 000 $
903 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
1 000 000 $
Primes
cumulatives
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
Capital
décès de
base
412 182 $
854 792 $
951 456 $
949 823 $
944 194 $
934 119 $
915 657 $
886 957 $
842 979 $
783 200 $
702 644 $
593 279 $
448 778 $
257 011 $
1 323 $
1 222 $
1 118 $
1 011 $
899 $
784 $
665 $
Fonds
accumulé à
3,50% min.
garanti +
boni 0%
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
1 683 454 $
Bénéfice
payable au
décès
Stratégie avec assurance vie
1 567 020 $
1 452 187 $
1 457 689 $
1 489 943 $
1 540 044 $
1 548 420 $
1 558 851 $
1 539 384 $
1 556 765 $
1 578 116 $
1 598 750 $
1 611 934 $
1 629 354 $
1 652 471 $
1 683 295 $
1 683 307 $
1 683 319 $
1 683 332 $
1 683 346 $
1 683 359 $
1 683 374 $
Valeur
successorale nette
249.00%
36.26%
17.12%
12.53%
10.38%
8.48%
7.22%
6.03%
5.43%
4.99%
4.63%
4.29%
4.03%
3.83%
3.69%
3.45%
3.23%
3.05%
2.88%
2.73%
2.59%
Rendement net
(après
impôt)
annuel
composé
Rendement brut
(équiv.
avant
impôt)
annuel
composé
535.57%
95.16%
48.16%
34.22%
27.38%
22.21%
18.76%
15.81%
14.10%
12.80%
11.75%
10.82%
10.07%
9.49%
9.04%
8.44%
7.91%
7.45%
7.03%
6.66%
6.33%
Madame 79 ans (NF)
Police d'assurance vie universelle à capital uniforme, coûts TRA 85/15, placements garantis, souscrite dans une société
Calcul du rendement réalisé sur le placement successoral
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
(7)
(8)
(9)
(10)
Tableau 12.18
(12)
349 905 $
713 060 $
807 665 $
829 105 $
851 003 $
873 370 $
896 214 $
919 547 $
943 378 $
967 718 $
992 579 $
1 017 971 $
1 043 906 $
1 070 395 $
1 097 450 $
1 125 083 $
1 153 307 $
1 182 134 $
1 211 578 $
1 241 650 $
1 272 365 $
-22.07%
-14.77%
-8.75%
-5.46%
-3.65%
-2.50%
-1.71%
-1.13%
-0.70%
-0.35%
-0.07%
0.16%
0.35%
0.51%
0.65%
0.77%
0.88%
0.97%
1.05%
1.12%
1.19%
Stratégie sans assurance vie
Placements à 4 % en
intérêts
Valeur
Rendesuccesso- ment net
rale nette
(après
impôt)
annuel
composé
(11)
(14)
1 217 115 $
739 127 $
650 024 $
660 838 $
689 041 $
675 050 $
662 637 $
619 837 $
613 387 $
610 398 $
606 171 $
593 963 $
585 448 $
582 076 $
585 845 $
558 223 $
530 012 $
501 198 $
471 768 $
441 709 $
411 008 $
Différence
successorale nette
271.07%
51.03%
25.87%
17.99%
14.03%
10.98%
8.93%
7.17%
6.13%
5.34%
4.70%
4.13%
3.68%
3.32%
3.04%
2.68%
2.36%
2.08%
1.83%
1.60%
1.40%
Rendement net
(après
impôt)
annuel
composé
Augmentations
(Diminutions)
(13)
MODULE 12–101
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
Assurance vie : les concepts
MODULE 12–102
Rappelons de nouveau que l'assurance a pour but de remplacer la portion conservatrice
du portefeuille de placements. Nous ne prétendons donc pas qu'à long terme, l'assurance
surpasse les placements en actions ou une stratégie immobilière bien gérée. Même si à
court terme, l'assurance bat n'importe quoi, il faut éviter de miser sur le court terme et
prévoir une stratégie saine même à long terme.
Notez que la stratégie indiquée ci-dessus est sans risque ni incertitude autre que l'âge du
décès. Le rendement ne dépend aucunement de la performance d’un quelconque titre en
bourse. Même la question de la solvabilité de l'assureur est sous contrôle (voir les sections 11.7 et 3.5).
Ces stratégies s'appliquent à des clients qui ont un objectif d'ordre successoral. Nous
avons défini cet objectif à la section 11.1. Deux contextes sont possibles : le premier
concerne des personnes désirant absolument laisser des sommes à leur décès même s'il
survient à un âge tardif; le deuxième concerne des personnes fortunées qui, en raison de
leur patrimoine et de leur train de vie, laisseront de toute évidence des sommes à leur
décès.
Nous présentons un exemple portant sur une femme. Pour un homme, les chiffres restent
encore très intéressants.
Dans le cas de deux conjoints vivants (en relative santé), une police conjointe au 2e décès donne des résultats encore plus intéressants.
Lorsqu’aucune société de gestion n'est impliquée, les chiffres sont évidemment moins intéressants. L'âge à partir duquel il vaut la peine d'aller de l'avant avec une stratégie d'assurance diminue. Pour une femme, les taux de rendement de la stratégie sont intéressants jusqu'à un âge actuel de 78 ans. Pour un homme, l'âge se situe vers 74 ans. Avec
une police conjointe au 2e décès, l'âge augmente. Il vaut toujours mieux faire évaluer les
résultats potentiels avant de conclure trop vite à la non rentabilité.
La présence d'une surprime qui, soit dit en passant, ne tient pas à l'âge du client mais à
son état de santé relativement à des gens du même âge, peut évidemment réduire la rentabilité à l'âge de 100 ans. Dans ce cas, le client doit faire un choix sachant qu'une surprime est souvent le signe que la personne ne vivra pas aussi longtemps. Une partie subjective intervient donc dans la stratégie. Une légère surprime n'affecte toutefois pas les
résultats sensiblement. Rappelons que, dans le cas d'une police conjointe au 2e décès, la
bonne santé de l'un peut réduire ou annuler complètement les effets des petits bobos de
l'autre (voir section 12.17).
L'âge de 84 ans constitue pour le client la limite supérieure à laquelle il est possible d'envisager la stratégie. En général, les assureurs n'acceptent pas les clients de 85 ans et
plus. Comme indiqué précédemment, même à ces âges, il y a une rentabilité certaine si
la police est détenue par une société. Nous l'avons vécu dans un récent dossier d'une
dame de 84 ans.
Aspects plus techniques
Le montant pouvant être crédité au CDC est égal au capital décès moins le CBR de la
police (voir section 9.4). Le CBR d'une police est égal, grosso modo, aux primes cumulatives versées, moins le CNAP cumulatif (voir section 9.3). À un âge avancé, le CNAP annuel très élevé aura tôt fait de dépasser les primes versées. La totalité du capital décès
peut donc être rapidement créditée au CDC. Ainsi, un décès prématuré « profite » de l'effet de « loterie », et dans le cas d'un décès survenant à l'espérance de vie théorique, le
transfert des placements vers le CDC est rapidement complet, démontrant la rentabilité
du concept. La stratégie gagne dans tous les cas.
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–103
Puisqu'il s'agit d'une police à capital fixe, le coût d'assurance sera différent chaque année
et dépendra du capital au risque pour l'assureur. Le capital au risque est égal au capital
décès moins les placements dans la police. Assez élevé au début, il diminue jusqu'à l'année 4, puis augmente de nouveau graduellement à mesure que les placements diminuent. Voici quelques chiffres selon le tableau 12.18 :
o Année 1 : 1 271 272 $ (soit 1 683 454 $ moins 412 182 $)
o Année 3 : 731 998 $ (soit 1 683 454 $ moins 951 456 $)
o Année 13 : 1 234 676 $ (soit 1 683 454 $ moins 448 778 $)
Le montant de 1 000 000 $ investi dans la police permet de faire face à tous les coûts
d’assurance jusqu'à 100 ans. La police est donc autofinancée à vie. De même, il ne faut
pas confondre capital au risque variable avec coût d'assurance variable (TRA). Le coût
d'assurance par 1 000 $ de capital d'assurance est le même (coût nivelé). Seul le capital
d'assurance sur lequel est calculé le coût d'assurance varie. Par contre, dans l'exemple
présenté au tableau 12.18, nous avons utilisé une formule TRA 85/15. Selon cette formule, le coût croissant cesse d'augmenter après 15 ans (ou à l'âge de 85 ans, selon la période la plus longue). Nous évitons toujours un TRA calculé jusqu'à 100 ans, mais plusieurs cas de TRA 85/15 sont intéressants dans certains contextes.
Colonne 8 versus 7 : Nous avons considéré une hypothèse conservatrice, tenant pour
acquis que la société de gestion ne possède rien d'autre que la valeur de rachat (pas
d'autres actifs ou placements). Ainsi, il est plus probable que la règle de minimisation
s'applique. Puisque la grande majorité des cas comprendront d'autres actifs, les résultats
réels seront meilleurs, car la valeur successorale atteindra plus rapidement le montant du
versement payable au décès (les montants de la colonne 8 seront rapidement égaux à
ceux de la colonne 7). Nous maintenons toujours notre objectif d'éviter des calculs trop
optimistes.
En conclusion, les stratégies d'assurance pour les personnes âgées peuvent être très rentables.
En s'en privant, un client devra souvent renoncer à des avantages importants.
12.14.4.
La santé des personnes âgées
Une foule de gens estiment qu'il est impossible d'assurer une personne âgée en raison de son
âge, et pensent qu'il y aura un refus ou une surprime. Ce n'est pas du tout le cas. Une personne
peut être assurée lorsqu'elle est en état de santé relative compte tenu de son âge. Bien sûr, le
coût d'assurance sera élevé en fonction de l'âge, mais d'un autre côté, il est plausible de penser
que le décès surviendra dans un nombre d'années restreint (les primes seront donc versées
durant une période plus courte). Le principe logique de l'assurance prévaut toujours. Bien sûr, il
ne doit y avoir aucune maladie importante existante.
Par contre, les tests de santé seront légèrement différents des tests administrés à des personnes plus jeunes. Ils viseront à s'assurer que la personne âgée est encore alerte au niveau cognitif (petit test de mémoire) et comprendront un ECG à l'effort adapté en fonction de l'âge. Il n'est
pas attendu que la personne âgée ait la forme d'une jeune personne de 30 ans.
Bref, la question de l'âge n'est pas une barrière.
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–104
12.14.5.
Le « CBR négatif »
Voici une nouvelle notion intéressante portant sur des personnes âgées qui ont déjà des polices
en vigueur.
Essentiellement, le CBR d'une police est égal aux primes cumulatives moins le CNAP cumulatif
(voir la section 9.3 et l'annexe correspondante du module 9 qui en explique les nuances). Le
CBR est important, car il sert à établir le montant qu'il sera possible de créditer au CDC. Plus le
CBR est bas et plus le crédit au CDC est élevé. Pour les personnes plus âgées dont la police est
en vigueur depuis un certain temps, il est possible que le CNAP cumulatif soit bien plus élevé
que les primes cumulatives. Dans ce cas présentant un CBR nul, il serait quand même possible
d'ajouter de nouvelles primes (nouveaux placements dans la police), de profiter du CNAP cumulatif inutilisé, tout en conservant un CBR nul. Il y a donc un « coussin » permettant d'ajouter des
sommes sans changer le CBR. Ainsi, des placements de la société peuvent donc passer directement dans le CDC.
Le tableau 12.19 présente ce calcul avec des chiffres. Jusqu'ici, le client a déposé 1 500 000 $
en primes dans une police dont le capital décès de base est de 4 000 000 $ et la valeur des placements de 1 000 000 $. Le CNAP cumulatif est de 2 500 000 $.
Tableau 12.19
Capital décès de base (capital majoré)
Valeur des placements dans la police
Prestation de décès totale
Cas 1
(situation actuelle)
4 000 000 $
1 000 000 $
5 000 000 $
Cas 2
4 000 000 $
2 000 000 $
6 000 000 $
Calcul du CBR
Primes cumulatives
1 500 000 $
2 500 000 $
CNAP cumulatif
(2 500 000) $
(2 500 000) $
CBR
(1 000 000) $
(Nul en réalité)
Montant crédité au CDC en cas de décès
(prestation de décès moins le CBR)
5 000 000 $
NUL
6 000 000 $
Au jour 1, le CBR est nul, et le montant pouvant être crédité au CDC en cas de décès immédiat
est de 5 000 000 $. On note toutefois une différence de 1 000 000 $ entre les primes cumulatives et le CNAP cumulatif, ce qui constitue un avantage dont il est possible de profiter. Au jour 2,
le client dépose 1 000 000 $ dans sa police. S'il survenait un décès immédiat, le CBR demeurerait nul, même si le montant de 1 000 000 $ venait tout juste d'être versé en prime. Le montant
pouvant être crédité au CDC serait de 6 000 000 $. En un jour, un transfert de 1 000 000 $ est
effectué dans le CDC!
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–105
Morale de l'histoire : il faut surveiller de près le CBR de la police, en particulier s'il y a une possibilité qu'il puisse être « négatif ».
Compte tenu de la discussion de la section 12.14.3 ci-dessus démontrant qu'une nouvelle police
peut être rentable pour une personne âgée, une question se pose dans le cas d'un client en
santé : vaut-il mieux pour lui d'investir le montant de 1 000 000 $ disponible dans une nouvelle
police ou de placer cette somme dans sa police actuelle ayant un « CBR négatif », tel qu'indiqué
dans le tableau de la présente section?
Il faut approfondir l'analyse des résultats. Une foule de situations sont possibles, et il est
difficile d'établir des règles claires. Il faut comprendre que les placements dans une police
n'ont pas le même traitement fiscal que le capital d'assurance. Ce dernier n'a aucun effet
sur la valeur des actions de la société de gestion par suite de leur disposition présumée
lors du décès du détenteur des actions. Par contre, les placements dans une police font
augmenter la valeur des actions du décédé et, par conséquent, son gain en capital au
décès.
À court terme, la nouvelle police sera assurément meilleure en raison de l'effet de « loterie ».
Il faut connaître le taux d'intérêt minimum garanti dans la police actuelle. Dans certaines
polices plus âgées, ce taux peut être très intéressant.
Pour la partie excédant le « CBR négatif », il vaut mieux souscrire un nouveau contrat.
Si la personne n'est pas en santé, il faut assurément remplir la police actuelle, même au-delà du
CBR. Le rendement sera peut-être supérieur à la gestion des titres à revenus fixes actuels hors
police. Même si le plein montant n'est pas crédité au CDC, il sera quand même non imposable
au niveau corporatif.
12.15.
L'analyse des polices en vigueur
Tout au long de ce volume, nous nous situons au moment de l'analyse d'un besoin d'assurance
ou de la mise en place d'une stratégie successorale. Les polices ne sont pas émises, et nous
cherchons l'option la mieux adaptée aux besoins actuels du client.
En pratique, il faut aussi aborder un autre volet tout aussi important : l'analyse des polices que le
client possède déjà. Dans cette perspective entièrement différente, l'analyse fait appel à une
autre partie du cerveau. Une assurance qui était peut-être un mauvais choix au moment de
l'émission ne l'est peut-être plus 10, 15 ou 20 ans plus tard. Puisque « le mal est déjà fait »,
peut-être est-il avantageux de conserver maintenant une police que nous n'aurions sans doute
pas suggérée auparavant. Il faut se tourner vers le futur et non vers le passé.
Cette situation n'est pas rare. Au contraire, elle se présente dans presque tous les dossiers.
Il ne faut pas se le cacher, nombreux sont ceux qui ne savent pas parfaitement ce qu'ils
ont en matière d'assurance et souvent, la confusion la plus totale prévaut dans ce domaine. L'assuré ne connaît pas les couvertures de ses polices, ne sait plus où sont les
contrats originaux, et les relevés annuels de police sont éparpillés un peu partout.
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–106
La confusion est plus évidente encore chez les gens d'affaires. Dans un organigramme
compliqué, les polices peuvent se retrouver dans n'importe quelle entité du groupe. Souvent, on ne connaît pas le titulaire, le bénéficiaire, ni le payeur. On ne se souvient parfois
même pas de la raison qui a incité la souscription d'une police. En pratique, nous avons
vécu ces situations à maintes reprises.
Tout nouveau dossier d'assurance requiert une analyse des polices actuelles avant de
proposer une nouvelle police, surtout si la nouvelle stratégie prévoit l'abandon ou le remplacement d'une police en vigueur. Cette analyse constitue une exigence légale, nécessitant l'envoi à l'AMF d'un formulaire prescrit de préavis de remplacement dûment rempli.
En fait, les besoins changent en fonction de l’évolution du contexte familial, financier, fiscal ou
d'affaire, et diverses actions doivent être prises régulièrement. Les polices d'assurance doivent
être surveillées continuellement.
Voici quelques points à considérer :
La première étape consiste à obtenir l'information disponible. Essentiellement, il s'agit
d'abord d'obtenir les contrats et les relevés récents. Ensuite, à l'aide d'une procuration du
client, il faut obtenir les renseignements détaillés de la police (titulaire, bénéficiaire,
payeur, assuré, type de police, valeur des placements et type de placements, valeur de
rachat, frais de rachat, types de bonis, coût de mortalité, CBR de la police, etc.).
Parallèlement à cette prise d'information, il faut discuter avec le client au sujet de ses objectifs et de ses besoins potentiels en termes d'assurance, tant du point de vue de protection que du point de vue des stratégies successorales. Grâce à cette étape révélatrice, il
sera possible de juger de la pertinence des polices actuelles et de la nécessité de les
conserver, de les modifier ou de souscrire à d'autres polices. Souvent, la situation financière du client est plus claire et permet ainsi de préciser davantage les objectifs successoraux.
Après avoir éclairci les objectifs du client et obtenu toutes les caractéristiques des
contrats en vigueur, il est possible d'envisager les stratégies suivantes :
o Conserver des polices permanentes actuelles à la suite d'une analyse de rentabilité, si le client a toujours un objectif d'ordre successoral.
o Convertir des polices à coût croissant (TRA) en polices à coût nivelé (voir la section 11.10).
o Transformer des polices temporaires en polices permanentes si le client a un objectif d'ordre successoral.
o Souscrire d'autres polices temporaires sans attendre le renouvellement des polices temporaires actuelles (qui seront annulées).
o Modifier les options de placements des polices d'assurance vie universelle.
o Souscrire de nouvelles polices successorales au premier ou au deuxième décès
si le client a un objectif d'ordre successoral.
o Envisager une stratégie de rente-assurance pour une police existante (voir les
sections 12-2 et 12-3).
o Arrêter le versement de sommes dans une police qui est déjà autofinancée, ou s'il
n'est plus rentable de le faire.
o Verser des sommes supplémentaires dans une police s'il est rentable de le faire,
en particulier lorsqu'une police pour une personne plus âgée présente un « CBR
négatif » (voir la section 12.14.5).
o Annuler un avenant désormais inutile.
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–107
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Modifier le statut de fumeur en celui de non fumeur, le cas échéant (chaque assureur a ses exigences sur ce point).
VEAP : arrêter les paiements, changer les options de distribution des participations, rembourser l'emprunt sur police, faire un emprunt sur police, etc.
Revoir toutes les nominations des bénéficiaires (en particulier dans le cas de polices personnelles).
Changer le titulaire, le bénéficiaire ou le payeur de la police en surveillant de près
les incidences fiscales. Cela s'applique surtout à des polices utilisées antérieurement à des fins de convention entre actionnaires (voir le module 13), mais aussi à
d'autres contextes. Cela peut survenir dans le cas de certaines polices temporaires désormais inutiles pour le client, mais qui pourraient servir pour un de ses partenaires.
Transférer la propriété de la police à ses enfants ou à un organisme de bienfaisance au lieu d’abandonner une police (voir la section 12-13).
Transférer vers une société une police détenue personnellement (voir la section
9.5.3 et A9.7.4).
Gérer de près le fonctionnement des bonis dans une police vie universelle.
Surveiller les dates d'émission de la police. Une police datée d'avant 1982 ou
1995 peut comprendre des avantages fiscaux à ne pas négliger (voir les sections
9.8 et A9.8).
Prendre note des dates importantes à venir pour les délais à respecter (renouvellement, bonis, sommes à ajouter, fin des frais de rachat, etc.). La gestion de polices nécessite chaque année plusieurs actions.
Abandonner des polices permanentes ou temporaires qui sont devenues inutiles
ou ne conviennent plus aux besoins :
L'abandon d'une police est une décision grave qu'il faut gérer correctement. Un décès rapide survenant après un abandon peut entraîner des
conséquences financières fâcheuses.
Lorsque nous proposons l'abandon d'une police, notre approche signifie
en réalité ceci : « si vous ne l'aviez pas, nous ne vous la suggérerions
pas ».
Lorsque nous envisageons le replacement d'une police par une autre, il
faut attendre que la 2e police soit en vigueur avant d'annuler la première.
S'il s'agit d'une police vie universelle comprenant des frais de rachat, il faut
parfois attendre que ces frais s'annulent avant d'abandonner la police.
Compte tenu de l'ampleur du coût d'assurance par rapport aux frais de rachat, il vaut parfois mieux laisser la police en vigueur au lieu de payer les
frais de rachat.
L'analyse des polices en vigueur peut aussi concerner le domaine des prestations
du vivant (invalidité, maladies graves et soins de longue durée). Plusieurs changements peuvent aussi s'avérer avantageux dans ce secteur.
Diverses autres stratégies sont possibles... la pratique ne cesse de nous étonner
par des situations imprévisibles comportant des stratégies surprenantes qui débordent des cas d'école.
Ce processus d'analyse peut entraîner diverses conséquences positives pour le client. Il pourra
économiser des sommes importantes en optimisant ses couvertures. Grâce à un portefeuille
d’assurance convenant davantage à ses besoins, sa planification successorale s'en trouvera
souvent améliorée. Il aura aussi l'impression d'avoir réglé un aspect de sa situation financière qui
le préoccupait depuis quelque temps.
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–108
12.16.
L’immobilier et les stratégies d’assurance vie
Pour les promoteurs immobiliers, l'utilisation de stratégies d'assurance vie peut être très pertinente pour divers motifs :
Les promoteurs immobiliers, dont le patrimoine est souvent très important, répondent au
critère de l’objectif d'ordre successoral.
L'impôt payable au décès (ou au décès du conjoint) est souvent très substantiel en raison
des gains en capitaux latents et de la récupération de l'allocation du coût en capital.
Comme les biens immobiliers ne constituent pas des actifs liquides, le paiement de ces
impôts est souvent problématique. La section 11.5 aborde ce contexte spécifique dans
lequel l'utilisation de l'assurance est pertinente.
Compte tenu de l'élimination de la taxe sur le capital, les actifs immobiliers sont de plus
en plus couramment détenus dans des sociétés de gestion, favorisant ainsi la rentabilité
implicite de l'assurance. Toutefois, cette rentabilité existe aussi pour les polices détenues
personnellement.
Malgré tout, le thème de l'assurance est souvent sous-estimé dans le domaine de l'immobilier
pour les raisons suivantes :
En général, les promoteurs immobiliers se passionnent pour l'immobilier! Souvent leur
patrimoine, peu diversifié globalement, comprend un portefeuille concentré sur cette
classe d'actif, sans aucune portion conservatrice (comme des CPG ou des obligations
gouvernementales). Il est reconnu que l'assurance vie est particulièrement avantageuse
dans ce contexte.
Comme les promoteurs immobiliers sont conscients de la rentabilité de leur stratégie, ils
ne tiennent pas à la restreindre. En comparant la rentabilité à long terme de l'assurance
avec celle de leur projet, ils ne sont donc pas intéressés à aller de l'avant. Nous verrons
plus loin en quoi ce raisonnement est souvent inapproprié.
Souvent, ces promoteurs n'ont pas suffisamment de liquidités excédentaires pour capitaliser rapidement leur police. Par contre, les flux monétaires annuels nets étant souvent
très importants, ils peuvent facilement faire face au coût annuel de la police, si elle n'est
pas capitalisée rapidement. Les polices de type VEAP pourraient donc être pertinentes.
Pour les bons gestionnaires, il est vrai que l'immobilier peut s'avérer très rentable. À long terme,
les stratégies d'assurance ne surpassent pas forcément ce rendement, pas plus que celui d'un
portefeuille d'actions. Il vaut toutefois la peine d'apporter ici quelques nuances.
Les stratégies d'assurance ne surpassent peut-être pas la rentabilité à long terme de
l'immobilier, mais elles surclassent assurément la rentabilité des dettes liées à l'immobilier. Certains promoteurs se hâtent de rembourser leurs dettes hypothécaires (sans forcément emprunter de nouveau par la suite, notamment pour acheter un autre immeuble).
Comme elles sont garanties par un immeuble, ces dettes sont peu coûteuses en terme
de taux d'intérêt, et le montant des intérêts versés est entièrement déductible d'impôt. Le
coût après impôt qui en résulte est souvent ridiculement bas. Au lieu de se hâter de rembourser la dette, il serait plus avantageux d’en augmenter la période d'amortissement,
afin de réduire la mensualité et d'utiliser la différence pour payer la prime annuelle d'assurance. La famille sera ainsi plus riche 25 ans plus tard!
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–109
Il ne faut pas oublier l'effet de loterie de l'assurance. Même si à long terme, l'assurance
ne concurrence peut-être pas le rendement de l'immobilier, à court terme par contre,
l'effet peut être explosif. Lorsqu'il est question d'impôt au décès, il est impossible de
savoir quand il faudra y faire face. D'une part, il peut être dangereux de spéculer sur un
décès tardif, et d'autre part, une souscription d'assurance n'implique certes pas le
renoncement à toute rentabilité, car elle produira un rendement très bon, même en cas
de décès survenant à un âge avancé.
L'immobilier est un domaine parfait pour les stratégies de type 10-8 ou PFI (voir les
sections 12.6 et 12.7 du présent module). Selon ces stratégies, l'argent investi dans la
police peut être récupéré rapidement pour permettre au promoteur de réaliser ses projets
en toute liberté, tout en profitant des stratégies d'assurance.
Abordons maintenant la question de l'impôt au décès. Dans le domaine de l'immobilier, quelles
sont les options au décès lorsqu’aucune assurance vie ne permet de faire face aux impôts?
Dans le cas d'actifs non liquides, diverses options plus ou moins avantageuses sont souvent
suggérées pour obtenir les liquidités nécessaires. Nous en examinons quelques-unes.
Vendre un immeuble : certainement la pire des options! Pourquoi se départir des
principaux actifs qui constituent le patrimoine, lorsqu'un bien immobilier est rentable? La
perte d'un rendement futur peut être substantielle. La vente peut aussi subir des délais
parfois longs, ou survenir dans des conditions loin d'être optimales, selon les
circonstances.
Contracter un nouveau prêt hypothécaire : Cette option, souvent envisagée comme une
solution simple et évidente, semble faire abstraction du fait que la dette réduira le
patrimoine et devra par la suite être remboursée. Même si cette option règle la question
des liquidités, elle n'est pas forcément rentable. Nous examinons la question ci-dessous.
Accumuler des liquidités au fil des années : Cette solution n'est pas avantageuse.
Premièrement, elle n'est d'aucun secours en cas de décès prématuré. Par ailleurs, au
lieu de laisser dormir des sommes durant des années, mieux vaut les mettre à profit à
l'abri de l'impôt dans une police d'assurance offrant un rendement intrinsèque supérieur,
et bénéficier potentiellement aussi de l'effet de loterie.
La base du problème réside dans l'incompréhension souvent généralisée du rôle de l'assurance
et de son excellente rentabilité intrinsèque. Les gens d'affaires perçoivent souvent l'assurance
comme un coût. Pourtant, dans un contexte d'objectif d'ordre successoral, les primes versées
sont entièrement récupérées, tout en bénéficiant aussi d'un excellent rendement. L'assurance
devient un placement pur et simple.
La rentabilité des stratégies d'assurance, dans un contexte d'immobilier ou autre, a été
démontrée à diverses reprises, notamment à la section 12.1.1, qui indique que le taux de
rendement composé après impôt est de 3.4 % pour un homme de 40 ans et de 3,8 % pour une
femme du même âge, même lorsque le décès survient 60 années après le début de la
souscription (à l'âge de 100 ans). Pour battre ce rendement, le taux de la dette hypothécaire
avant impôt doit être supérieur à 6,5 % et 7,25 % respectivement. Ces taux sont très
satisfaisants, sans qu'il soit question de les comparer aux taux actuellement très bas, et
n'oublions pas qu'il est question d’un âge de décès de 100 ans! Toutefois, la possibilité d'un
décès prématuré reste plausible. À titre d'exemple, un décès survenant 35 ans après la
souscription porterait le taux après impôt à 8,21 % ou à 15,8 % avant impôt pour un homme
(8,83 % et 17,0 % respectivement pour une femme)! Les taux auraient été meilleurs encore pour
une stratégie utilisant une police conjointe au dernier décès, ou encore en capitalisant
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–110
rapidement la police au lieu de la payer à vie (voir le tableau 12.8 de la section 12.4.6). À court
ou à long terme, l'utilisation de l'argent pour souscrire une assurance surpasse largement l'option
de remboursement rapide d'un prêt hypothécaire. La même logique s'applique lorsqu'il faut
vendre des immeubles au décès, au risque de se priver alors d'un rendement important. L'impôt
au décès ne doit jamais amputer une partie importante des principaux actifs de l'entreprise.
Autres considérations :
Dans le cas des actifs non liquides comme des biens immobiliers, il est plus délicat de
souscrire une police conjointe au 2e décès. En effet, lors du décès du premier des exconjoints dans le cas d'un couple séparé, l'impôt sera payable immédiatement, mais le
capital décès ne sera pas versé puisqu'il s'agit d'une police au 2e décès. Une police sur
une vie unique est donc préférable. Lorsque les deux conjoints sont propriétaires de
biens immobiliers, il faut couvrir chacun convenablement. Nous abordons plusieurs
facettes intéressantes de cette décision dans la section 12.17.
o Dans le cas d'un couple qui ne se sépare pas et qui a choisi des polices sur une
vie unique, il y aura donc un encaissement d'une des deux polices lors du premier
décès.
o Lorsque la solidité du couple n'est pas un enjeu, il est bien évident que la
rentabilité de la police conjointe au 2e décès est excellente.
Bien sûr, dans le cas d'un patrimoine comprenant d'autres types de placements en plus
de l'immobilier, la stratégie habituelle s'applique, et l'assurance pourra remplacer la
portion conservatrice du portefeuille de valeurs mobilières.
En conclusion, les stratégies d'assurance s'appliquent très bien aux promoteurs immobiliers, et
ce, sans qu'ils n'aient à renoncer à aucun projet. Lorsqu’aucune autre forme de liquidité n'est
disponible pour financer l'assurance, il suffit simplement de tirer parti de la dette actuelle et de
calmer l'empressement à la rembourser rapidement. Une stratégie de type 10-8 ou PFI peut
aussi être envisagée.
12.17.
Police vie unique ou police au deuxième décès
Dans un contexte de couple, vaut-il mieux souscrire une police sur une seule tête ou une police
conjointe au deuxième décès, en tenant pour acquis que la même somme totale sera investie
quelle que soit la stratégie choisie ? Voici quelques options possibles :
Mettre la somme au complet dans une police conjointe au deuxième décès.
Mettre la somme au complet sur la tête d'une seule personne (Madame ou Monsieur)
Mettre individuellement la moitié de la somme sur chacune des deux têtes (ou autre
combinaison).
À titre d'exemple, considérons un couple de 60 ans qui a 1 000 000 $ à investir dans une
stratégie d'assurance. Tenons pour acquis que le couple souhaite une option d'autofinancement
de la police jusqu'à 100 ans, telle que nous avons présentée quelques fois dans ce module.
Pour une police conjointe au deuxième décès, il est possible de souscrire un capital
d'assurance de 3 860 000 $.
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–111
Pour une police sur la tête de Monsieur seulement, le capital assuré serait de
2 100 000 $ (en comparaison de 1 050 000 $ si la moitié seulement de la somme est
investie dans la police).
Pour une police sur la tête de Madame seulement, le capital assuré serait de 2 630 000 $
(comparativement à 1 315 000 $ si la moitié seulement de la somme est investie dans la
police).
Pour deux polices où la moitié de la somme a été investie sur chaque tête, le capital
assuré total est donc de 2 365 000 $ (1 050 000 $ + 1 315 000 $).
Voici quelques considérations :
Les différences constatées sont très importantes. La décision de renoncer à la police
conjointe au deuxième décès n'est pas banale. Le coût de mortalité de la police conjointe
au deuxième décès est nettement inférieur.
Tout repose sur l'âge prévu des décès et l'ordre dans lequel ils surviennent. Il peut être
risqué de tenter de prévoir de tels évènements, d'autant plus que, si chacun peut
souscrire une police, il faut en conclure que les deux conjoints sont en bonne santé
relative.
La police conjointe au deuxième décès est considérée pertinente lorsque les deux
conjoints sont les parents des mêmes enfants, et que ces derniers sont les héritiers
finaux prévus. Dans le cas contraire, la stratégie reste possible en pratique, mais il faut
en évaluer les nuances (bénéficiaire final, famille reconstituée, dons à des organismes de
charité s'il n'y a pas d'enfants, etc.).
La police conjointe au deuxième décès constitue l'option sage et conservatrice. Elle
garantit à coup sûr une excellente rentabilité, même pour un deuxième décès à 100 ans.
Même si les polices vie unique restent rentables, à l'âge de 100 ans, le TRI se classe
dans une fourchette inférieure, en particulier pour les hommes.
Lorsqu'un des deux conjoints a un problème de santé, il risque de subir une surprime en
souscrivant une police individuelle. Par contre, dans le cas d’une police conjointe au
deuxième décès, la police peut parfois être émise au taux standard, la bonne santé de
l'un compensant pour les petits bobos de l'autre. Même s'il est parfois difficile d'en
comprendre la raison, cette politique favorable existe vraiment chez certains assureurs,
et nous avons pu déjà en tirer parti dans quelques dossiers.
L'argument principal de ceux qui préconisent l'utilisation des polices individuelles se
fonde sur l'impôt au décès en cas de séparation. En cas de séparation du couple, l'impôt
sera payable au décès de chacun, puisque aucun roulement au conjoint n'aura lieu. Cela
vaut dans l'hypothèse où il n'y a aucun autre conjoint, ou que même s'il y en a un autre,
les héritiers finaux demeureront les enfants, et qu'ainsi, il n'y aura pas forcément de
roulement. Cet argument doit être nuancé. Nous avons déjà souligné une
incompréhension fréquente de plusieurs conseillers au sujet de l'impôt au décès. Nous en
traitons à la section 11.5 que nous vous recommandons de relire. Ainsi, la question la
plus importante consiste à savoir si les actifs sont liquides ou pas.
o Dans le cas d'actifs non liquides, il faut en effet être plus prudent et prévoir
l'investissement d'une portion du montant dans une police vie unique afin de
disposer des liquidités nécessaires au paiement des impôts en cas d'une
séparation éventuelle du couple.
Assurance vie : les concepts
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MODULE 12–112
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Dans le cas où les liquidités sont disponibles pour faire face aux impôts, sous
forme de placements dans la société de gestion par exemple, il n'y a pas
forcément de problème. Dans le cas de conjoints séparés et d'impôts payables
lors du décès du premier des ex-conjoints, il suffira d'utiliser les liquidités pour
payer ces impôts (avec toutes les nuances fiscales qui en découlent, et elles sont
nombreuses). Cela ne change en rien la rentabilité de la police conjointe au
deuxième décès qui continuera d'exister, et qui sera toujours destinée aux
héritiers finaux prévus : les enfants (ou autres héritiers). Rappelons que
l'assurance ne réduit pas forcément les impôts (voir les renseignements plus
détaillés à la section 11.5). Il s'agit d'un placement rentable, comme d'autres. Au
décès, n'importe quel placement peut servir à payer les impôts, et il ne faut pas
forcément utiliser l'argent provenant des polices! Le problème lié au paiement des
impôts au premier décès découle de la séparation du couple, et la police
d'assurance n'y est pour rien! La police d'assurance continue de jouer son rôle de
placement rentable.
Il va sans dire que diverses nuances de contexte et de structure peuvent
s'appliquer aux entités concernées.
Examinons maintenant quelques calculs en tenant compte des chiffres indiqués ci-dessus.
Comparons d'abord une police vie unique souscrite sur la tête de madame seulement
avec une police conjointe au deuxième décès. Au décès de madame, il y a deux options :
o Si Monsieur est déjà décédé, les deux polices seront terminées, et le capital décès sera encaissé. Dans ce cas, la stratégie au deuxième décès sort clairement
gagnante, procurant un encaissement supplémentaire de 1 230 000 $
(3 860 000 $ – 2 630 000 $). Statistiquement, cette option est la plus probable,
même si tout est possible dans les cas pratiques.
o Si Monsieur n'est pas décédé, une somme de 2 630 000 $ sera encaissée dans
l'option de la police vie unique, mais dans l'option de la police au deuxième décès,
il faudra attendre le décès de Monsieur pour encaisser la somme de 3 860 000 $.
Autrement dit, il faudra dans l'immédiat renoncer à 2 630 000$ pour attendre
l'encaissement de 3 860 000 $. Cela en vaut-il la peine? Tout dépend du temps
qu'il faudra attendre. Au taux de rendement de 3 % après impôt, le point mort est
atteint 13 ans plus tard. Il y a donc une foule de possibilités !
Le même genre d'analyse s'applique pour une police souscrite sur la tête de Monsieur
seulement.
o Si Madame est déjà décédée, les deux polices seront terminées, et le capital décès sera encaissé. Dans ce cas, la stratégie au deuxième décès sort clairement
gagnante, procurant un encaissement supplémentaire de 1 760 000 $
(3 860 000 $ – 2 100 000 $).
o Si Madame n'est pas décédée, une somme de 2 100 000 $ sera encaissée dans
l'option de la police vie unique, mais dans l'option de la police au deuxième décès,
il faudra attendre le décès de Madame pour encaisser la somme de 3 860 000 $.
Autrement dit, il faudra dans l'immédiat renoncer à 2 100 000$ pour attendre
l'encaissement de 3 860 000 $. Au taux de rendement de 3 % après impôt, le
point mort est atteint 21 ans plus tard.
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–113
Il est aussi possible de comparer une police au deuxième décès avec deux polices
individuelles, dans chacune desquelles une somme de 500 000 $ est investie.
o Au premier décès, une somme sera encaissée, soit 1 050 000 $ ou 1 315 000 $
selon que Monsieur ou Madame décède en premier. Au deuxième décès, l'autre
somme sera encaissée, soit 1 050 000 $ ou 1 315 000 $ dans le cas d'une
stratégie utilisant deux polices, ou une somme de 3 860 000 $ dans le cas d'une
stratégie utilisant la police au deuxième décès. En supposant que Madame
décède en premier, le fait d'utiliser la stratégie au deuxième décès nous oblige à
renoncer à 1 315 000 $ dans l'immédiat, afin d'obtenir 2 810 000 $ (3 860 000 $
moins 1 050 000 $) de plus au décès de Monsieur. Est-ce avantageux? En
supposant toujours un taux de rendement de 3 % après impôt, le point mort se
situe à 25 ans d'attente. Si Monsieur décède en premier, le point mort se situe
à 30 ans.
D'autres options de police conjointe au deuxième décès sont possibles (conjoint de
même sexe, deux frères, père et fille, deux associés, etc.). Même si les calculs diffèrent,
le même raisonnement s'applique.
Quelle conclusion doit-on tirer de cette analyse? Il est évidemment impossible de conclure avec
certitude, car un trop grand nombre de situations différentes sont possibles. L'important consiste
à poser les bons critères de décision. Chose certaine, le fait de renoncer à la police conjointe au
2e décès peut être très grave et en fait, seuls les cas où les actifs ne sont pas liquides peuvent
nous amener à utiliser une autre stratégie.
12.18.
Vente d’actions en cas de lien de dépendance (84.1 LIR) et assurance vie
La problématique
L’article 84.1 de la Loi s'applique dans un cas de disposition des actions d'une société résidant
au Canada en faveur d'une autre société dans le cadre d'une opération avec lien de dépendance. L'article vise à prévenir la conversion de surplus imposables en remboursements de capital
non imposables. Lorsque ces dispositions s'appliquent, un dividende est réputé avoir été versé
au particulier cédant, ou le capital versé des actions émises par la société cessionnaire est réputé avoir été réduit (ce qui produira également un dividende réputé au moment du rachat des actions).
Malheureusement, la portée de l’article 84.1 de la Loi est très large. L'article s’applique notamment aux membres d’une famille qui vendent les actions de leur société à une autre société appartenant à d’autres membres de la même famille, par opposition à une vente qui serait faite à
un étranger, entraînant un gain en capital qui ne serait pas converti en dividende imposable.
Plusieurs fiscalistes ont maintes fois souligné l’injustice de cette mesure qui s’applique aux véritables transferts d’entreprises familiales à la génération qui suit. Plusieurs avenues ont été proposées aux gouvernements pour corriger la situation. Madame Suzanne Landry de HEC Montréal a publié un texte intéressant sur le sujet4.
4
Voir l'article de Madame Suzanne Landry, Ph.D., M.Fisc., FCA, FCMA du HEC Montréal intitulé « Transmission
d’entreprises familiales : que faire en cas d’iniquité fiscale ? » publié au congrès 2011 de l’APFF.
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–114
Une solution impliquant l’assurance vie
Il existe toutefois une stratégie faisant appel à l’assurance vie qui permet d’éviter les conséquences fiscales négatives de l’article 84.1 de la Loi. Illustrons cette stratégie à l’aide d’un exemple.
Père et Mère détiennent chacun 50 % des actions ordinaires d’Opco dont la valeur totale est de
1,5 millions $. Le PBR et le capital versé de leurs actions sont nominaux. Les actions d’Opco
sont admissibles à l’exonération du gain en capital de 750 000 $ pour les actions admissibles
d'une petite entreprise (AAPE).
Père
Mère
AO 50 %
AO 50 %
Opco
Père et Mère souhaitent vendre leurs actions d’Opco à Fils (leur fils). Conscients toutefois que
leur fils peut difficilement réunir le capital équivalant à la valeur de la société, ils sont disposés à
lui céder la société en contrepartie de paiements périodiques (par exemple sur une période de
10 ans). De plus, Père et Mère ne souhaitent pas être imposés lors de la transaction.
Les parties désirent élaborer une stratégie permettant d’utiliser efficacement sur le plan fiscal
l’actif présent et futur de la société de gestion de Fils (Filsco), afin d'aider Fils à acheter personnellement les actions d’Opco et ainsi, d’éviter les conséquences de l’article 84.1 de la Loi. Ce
mode d’acquisition permettrait ainsi à Père et Mère de profiter chacun de leur exonération pour
gains en capital de 750 000 $ (1,5 million $ au total) et d’éviter de payer des impôts sur la transaction.
Les étapes :
Père et Mère échangent leurs actions ordinaires d’Opco contre des actions privilégiées
de gel de 1,5 million $.
Filsco souscrit de nouvelles actions ordinaires d’Opco.
Père
Mère
AP 50 %
AP 50 %
Fils
Filsco
AO 100 %
Opco
Filsco souscrit une police d’assurance vie (VU ou VEAP) sur la tête de Père et Mère,
payable au dernier décès.
Filsco est titulaire et bénéficiaire de la police dont il paie les primes.
Fils obtient une facilité de prêt personnel garanti par les placements futurs qui seront
injectés dans la police d’assurance vie détenue par Filsco.
Assurance vie : les concepts
Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés
MODULE 12–115
Opco verse des dividendes annuels à Filsco pendant 10 ans. Les liquidités provenant de
ces dividendes sont déposées dans le contrat d’assurance vie, et servent à la fois à
payer les primes de base et à faire des placements supplémentaires dans la police
d’assurance.
Fils obtient annuellement des avances sur la facilité de prêt, à mesure qu'augmente la
partie placement (valeur de rachat) de la police d’assurance vie. Ces avances portent
intérêt. Il est recommandé que Fils paie annuellement à Filsco des frais de garantie pour
éviter un avantage imposable annuel conféré à Fils, puisque Fils effectue des emprunts
personnels qui sont garantis par une police appartenant à la société (voir la section
11.14.5.3.1).
Les fonds avancés servent à l’achat, par Fils, des actions privilégiées de ses parents.
(Note : certaines considérations s'appliquent en matière de déductibilité d'intérêts
lorsqu’un individu acquiert des actions privilégiées, et plus particulièrement au Québec.)
Les montants reçus par Fils en contrepartie des actions de Père et Mère sont traités
comme le produit d'une disposition d’immobilisation. La transaction de vente donne lieu à
un gain en capital. Père et Mère réclament leurs déductions pour gain en capital sur les
AAPE pour éviter de payer de l’impôt sur ce gain.
Au décès du dernier vivant de Père ou Mère, le capital décès total est versé en franchise
d’impôt à la société Filsco. Des précautions doivent être prises pour éviter un avantage
imposable au décès, puisque l’assureur a un lien sur la police détenue par Filsco qui est
donnée en garantie d’une dette personnelle de son actionnaire (voir la section
11.14.5.3.1).
Filsco utilise une partie du capital décès pour verser un dividende non imposable
(provenant du solde du compte de dividende en capital) à Fils, et lui permettre ainsi de
rembourser le solde qu'il doit au titre de la facilité de prêt. L’excédent du capital décès
total sur les sommes affectées au remboursement des prêts assure le recouvrement du
coût d’acquisition des actions privilégiées.
Il est à noter que cette stratégie s'applique à des clients relativement fortunés et disposés à assumer les coûts de mortalité annuels d’une police d'assurance vie jusqu'au décès du deuxième
parent. Même s'il est reconnu que la stratégie consistant à assurer ses parents est très rentable
pour Fils, il faut tout de même qu'il dispose des liquidités nécessaires pour assumer ce déboursé
supplémentaire. Tout dépend donc de la situation financière d’Opco et des divers intervenants.
De même, en fonction de la stratégie d'emprunt adoptée (10-8 ou PFI, voir les sections 12.6 et
12.7), il est possible que le montant emprunté annuellement soit inférieur au montant injecté
dans la police. Ici encore, il faut donc voir si la situation financière permettra une diminution des
liquidités disponibles.
En conclusion, cette stratégie permet à Fils d’acquérir personnellement les actions d’Opco détenues par ses parents et d’éviter les conséquences fiscales de l’article 84.1 de la Loi. L’utilisation
de l’assurance vie dans ce contexte permet de faciliter l’acquisition des actions à l’aide
d’emprunts, lesquels seront remboursés au décès, grâce au produit d’assurance vie encaissé
par Filsco puis distribué à Fils sous forme de dividende en capital non imposable.
Assurance vie : les concepts
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