Charles Cornic, corsaire cartographe de la Baie de Morlaix et du
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Charles Cornic, corsaire cartographe de la Baie de Morlaix et du
Charles Cornic, corsaire cartographe de la Baie de Morlaix et du chenal de l'île de Batz (1731-1809) Né à Morlaix, fils d’un ancien capitaine reconverti au négoce, il effectue son premier embarquement à 9 ans sur des navires qui naviguent sur toute la façade atlantique de l’Europe. Durant la guerre de succession d’Autriche, il embarque en 1744 sur « La paix », armé guerre et marchandise, capitaine Pierre Cornic, puis sur « Le Vigilant », une prise anglaise de 10 canons et 60 tonneaux armée en course par le malouin Le Fèvre qui fait naufrage suite à un engagement. En 1745, il est capturé à 14 ans par les anglais à bord du « Jean Baptiste », capitaine Loisement-Josselin, en quittant l’île de Batz pour SaintDomingue. Libéré fin 1948 des prisons anglaises lors du traité d’Aix la Chapelle, il embarque sur « le Léopard » à 18 ans pour les bancs de Terre Neuve en tant qu’enseigne. A son deuxième voyage, le jeune Cornic doit prendre le commandement de son bâtiment au retour, suite au décès du capitaine. Il sert alors une première fois dans la marine royale pour postuler à l’examen de maître au grand cabotage. Il participe ainsi comme pilotin à une campagne de 7 mois à Saint-Domingue en 1751 puis à trois campagnes en tant que second capitaine au commerce triangulaire entre Saint-Malo, Terre Neuve et Marseille sur « l’Aimable Reine » puis « La Providence ». Après une seconde période dans la Royale, il peut enfin se présenter à l’examen de maître au grand cabotage qu’il obtient, le 5 août 1756 à Morlaix. A l’éclatement de la guerre de sept ans contre l’Angleterre, la situation navale de la France est déplorable. Des particuliers sont contraints d’armer à leurs frais des corvettes pour pallier aux carences de la marine royale. Mathurin Cornic, le père de Charles, arme « l’Agathe » à Laninon et en confie le commandement à son fils avec 50 hommes. Armée de 6 canons et 10 pierriers, la corvette escorte les convois et approvisionne Brest. 26 convois seront ainsi acheminés sans perdre un navire ce qui vaut à Cornic une gratification de 300 livres. Par manque cruel d’officier, l’état décide d’intégrer des bleus, marins du commerce, au grand dam du grand corps des officiers rouges issus de la noblesse. La légende populaire raconte que le bouillant Cornic, insulté, aurait relevé le gant d’un duel contre sept officiers rouges. Promu de façon exceptionnelle par Louis XV, il peut continuer à commander l’Agathe mais dans des missions subalternes d’escorte au cours des quelles il reprend « les Deux Frères » à des corsaires de Jersey. C’est sa première prise en tant que capitaine et il est nommé Lieutenant de Frégate, promotion rapidement suivie du commandement de « La Félicité » en 1958, une frégate de 124 m de long, 32 canons, 200 hommes. Attaquée par 3 navires anglais (vaisseau Alcide 50 canons, Frégate Tamise 36 canons, Corvette Rumbler 8 canons), La Félicité soutient un terrible combat de 4 heures qui fait 8 morts et 18 blessés. Elle réussit une manœuvre hardie qui incite les navires anglais à rompre l’engagement. Criblée par la mitraille, celle-ci s’échappe en passant entre Balanec et Molène. Une nouvelle pension de 500 livres lui est accordée, et 150 livres à chaque mutilé de l’équipage, 100 livres aux blessés, 150 livres aux veuves et 20 livres aux orphelins. Charles Cornic obtient que son grand frère Pierre obtienne la corvette « Scott » 12 canons pour aller chasser de conserve les corsaires des anglo-normandes qui tiennent la Manche. C’est au cours d’un transfert de canons de Rochefort au Havre que Pierre Cornic décède d’une fièvre maligne à Concarneau alors que les deux frégates s’y réfugient suite à une chasse anglaise. Le 2 navires n’atteignent Le Havre assiégé que 5 mois après le départ de Rochefort. Charles se retrouve sans affectation à Brest et décide d’armer en course à ses frais deux bâtiments, le vaisseau Protée de 64 canons et la frégate Comète de 30 canons. En 1761, il prend 4 navires dont l’Ajax un vaisseau de 655 tonneaux de la British India Company venant de Madras. Prise exceptionnelle, bourrée de salpêtre et de mousseline du bengal et une caisse de diamants estimée à 800000 livres. Nommé capitaine de brulôt à Lorient, ce poste privilégié est offert à un bleu et constitue l’antichambre du grand corps. Ce privilège marque la fin de sa carrière de corsaire à 32 ans. C’est alors que commence sa carrière de notable au service du bien public et d’hydrographe. Nommé capitaine de port à Bordeaux, reconnu par la ville comme «bourgeois de la ville», il s’ennuie à terre. Nommé lieutenant de vaisseau, il épouse la fille de l’une des plus grandes fortunes maritime de Bordeaux, les de Kater. Il reprend cependant la mer dans une expédition aux Amériques pour transporter des colons du Canada vers Cayenne où il assure les relevés hydrographiques, puis dans le long des côtes espagnoles. Il assure l’aménagement du port de Bordeaux et de la Gironde et s’établit à Bégles où il passe les débuts de la Révolution assez mouvementés à Bordeaux. En 1993, à 62 ans, confronté aux excès de la terreur, le Breton revient au pays et achète le manoir de Suscinio à Ploujean. En 1794, le comité de salut publique le charge d’une mission d’inspection des côtes de la 3 e circonscription entre Saint-Malo et Correjou pour réorganiser la défense côtière, puis le nomme chef des mouvements du port de Morlaix. Pendant 5 ans, il travaille d’arrache pieds à cartographier, améliorer le balisage de la Baie et du chenal de l’île de Batz. Il est l’auteur de la sécurisation de la baie par un balisage intelligent dont il assure même l’entretien faute de fonds débloqués par l’état. La carte de la Baie qu’il avait levée en 1776 ne sera éditée et diffusée qu’en 1794 bien que de nombreux naufrages aient eu lieu faute de documents appropriés. Atteint par la limite d’âge, évincé de sa fonction et allergique au désoeuvrement, Charles Cornic se consacre à l’enseignement de la navigation auprès des mousses de la région. Subsistent sur la rive droite de la rivière de Morlaix en amont du Dourduff le magasin Cornic, entrepôt de matériel du corsaire et la maison du clique dédiée à l’école des mousses. Il meurt en 1809 à Morlaix après une carrière brillante servie par un esprit d’initiative, une énergie et une générosité hors du commun.