La musique est toute ma vie

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La musique est toute ma vie
SAMEDI 30 NOVEMBRE 2013 LE JOURNAL DU JURA
RIFFS HIFI 23
TEXAS Après un quart de siècle d’activité, Sharleen Spiteri fascine toujours
«La musique est toute ma vie»
PASCAL VUILLE
Dans sa loge du très sélect festival Baloise Session, Sharleen
Spiteri, la charmante Ecossaise
aux 35 millions de disques vendus nous a accordé un entretien
sincère, après avoir laissé son
groupe en berne pendant huit
ans.
Vous arborez un veston country et une guitare acoustique
sur la pochette de «The conversation». Est-ce intentionnel?
C’est en effet un retour à l’esprit de nos trois premiers albums. Pour la première fois de
notre carrière, nous avions terminé le disque sans avoir de
contrat avec un label. Nous
avons donc pu travailler sans
questions, sans appels téléphoniques, sans avocat et sans délais. La liberté totale! Nous
avons composé ces chansons
entre amis, personne n’est venu
nous ennuyer comme des parasites. Nous avons fait un putain
d’album!
Le disque débute par cette
phrase: «Il est temps d’avoir
une conversation». C’est provocateur à l’heure où les
smartphones remplacent les
contacts humains, non?
C’est une phrase très forte. Parfois, il nous arrive de nous cacher de la vie. C’est si facile de se
REGGAE DUB RASTA SKA
Un 3e plateau pour Spahni’s Dub Dancers
En guise de vernissage d’un 3e album pour le band à Daniel Spahni, le
groupe se produira à l’Etage, à Bienne ce soir (ouverture des portes
21h30). Le plus ska et le plus reggae des batteurs d’Helvétie rameute
ses troupes pour un gig qui s’annonce débridé avec des invités
comme Dennis Bovell (chant) et Samuel Blaser (trombone). Les
amateurs de reggae, dub, ragga, roots, dubstep, et d&B en prendront
plein les mirettes et les cages à miel, on peut en être sûr. Musique
chaude et vivante, mais aussi superbe production pour la bande à
Spahni, qui dépasse largement le régional, cantonal, national, pour
atteindre, on l’espère pour eux, gloire et réussite aux quatre coins du
monde. Un monde que le batteur neuchâtelois établi à Bienne n’est
pas sans connaître: «Il faut noter que Dennis est arrivé pour mixer
l’album et quand il a entendu le morceau pour ma fille Alice, il a tout
de suite flashé et s’est exclamé qu’il voulait chanter dessus. le
lendemain, c’était dans la boîte!» Quinze ans de collaboration entre
Spahni et Bovell, et la magie semble intacte. Le disque contient des
reprises de The Skatalites, New York, Ska Jazz Ensemble, Rotterdam
Ska Foundation ou Jazz Jamaica, mais également des compos
originales. L’album en vente sur place. Concert organisé par Uptown
Productions. PYT
TRISTAN DÉCAMPS
CD forcément angélique pour le fils de Christian
Sharleen Spiteri: en route vers de nouvelles aventures sur les plaines du Texas.
dissimuler derrière son téléphone, ses e-mails, ses SMS.
Cette chanson parle d’une conversation que j’ai eue avec une
amie qui déconnait complètement. Au début, je l’évitais, mais
comme je tenais à notre amitié,
j’ai décidé de la confronter, au
risque de la perdre.
La plupart de vos textes parlent des difficultés d’aimer.
L’amour est-il toujours quelque chose de difficile à quarante-six ans?
« Je dis toujours à ma fille de
●
ne pas croire tout ce que ses
instituteurs lui disent. J’essaye de
différencier le bien du mal.
SHARLEEN SPITERI CHANTEUSE DE TEXAS
Je ne dirais pas que l’amour est
une chose difficile, mais intéressante. Je parle de l’amour en général: pour mon partenaire, ma
fille, mes parents, ma sœur, la
vie, la musique, mon chien.
J’essaie de faire en sorte que
toutes mes relations importantes soient basées sur le respect.
Dans l’amour, il y a de la pureté et
de la vérité, mais aussi parfois de
la peur et de la confusion. Mes
chansons évoquent tous ces aspects.
LDD
tent à vos yeux?
Des nuances
Appartenez-vous à la grande
famille écossaise de la musique?
Texas ne fait partie d’aucune
mouvance. Texas est une famille
en soi: nous prenons soin les
uns des autres au sein du
groupe, nous protégeons notre
musique. Texas est ce qui nous
permet de rêver.
J’essaie de différencier clairement ce qui est bien de ce qui est
mal, et d’être aimable. Il est important de ne pas mentir, d’être
complètement honnête, de vivre en cohérence avec ce que
l’on juge important. Ce sont ces
principes que j’inculque à ma
fille. Je lui dis aussi de ne pas
croire tout ce que ses instituteurs lui disent. A l’école, un
jour, un prof a écrit dans mon
cahier de devoirs: «Sharleen n’a
absolument aucune compréhension de la langue anglaise». Cela
fait pourtant vingt-cinq ans que
j’écris des chansons. Je n’ai pas
une très bonne rhétorique, la
musique m’aide à être plus éloquente que dans une conversation. La musique est toute ma
vie, elle est en moi.
A un niveau personnel, quelles sont les valeurs qui comp-
Texas, «The conversation», distribution
Musikvertrieb.
HEAVY METAL La tradition hard se maintient après Transylvania et Middlecage
Une fois de plus, le gland n’est pas tombé loin de l’arbre. Et, par la
grâce d’Ange, on sait désormais que le bois travaille même le
dimanche! Tristan Décamps, justement, est un angelot. Fils du
fondateur du groupe mythique, il avait déjà rejoint son père dans
Christian Décamps & Fils. Et ensuite dans Ange quand le vieux décida
de reprendre le nom du groupe à son compte avec une bande de kids,
les anciens ayant opté pour la retraite. Au sein d’Ange, Tristan occupe
la place du claviériste jadis réservée à son oncle Francis, parti sous
d’autres cieux pour cause d’incompatibilité d’humeur avec le parfois
tyrannique Christian. Mais foin de nostalgie! Aujourd’hui, c’est bien du
fiston dont il est question. Après «Le jouet», Tristan Décamps vient de
sortir un deuxième album solo, «Le bruit des humains». Ramdam
suffisant, en tout cas, pour attirer notre attention. Sur cet album, le fils
Décamps signe à la fois les textes et les musiques, à l’exception
notoire de trois morceaux où il a fait appel à autant de paroliers de
talent. Allusion à son père Christian, à Pierre-Yves Theurillat – oui, le
PyT! – et à Jean Fauque, le parolier du défunt Alain Bashung. Sur «Le
bruit des humains», son créateur (se) joue à peu près de tous les
instruments. Il s’est cependant entouré de quelques musiciens
exceptionnels. Allez! on passe à l’essentiel? Les habitués d’Ange
savent déjà que Tristan Décamps possède une voix unique, aussi
incomparable qu’inimitable. Il sait ici la mettre au service de ses
compositions. Parlera-t-on de rock hybride? De rock progressif? Sûr, le
son d’Ange d’aujourd’hui lui doit beaucoup. Néanmoins, il faut prendre
le temps de se plonger dans cette atmosphère subtile. Avec, au bout
du compte, l’assurance de gagner un rivage tranquille. PABR
L’album peut-être commandé sur www.lebruitdeshumains.com
LA PLAYLIST DE...
Pierre-Yves Theurillat (PyT)
[email protected]
Violette: un bouquet post hardcore prog
FISH A feast of consequences (2013)
On se souvient sans doute de
Transylvania, pionnier non abouti en matière de heavy metal dans
les années 80, qui avait joué avec
bonheur en première de New
Model Army, à Bassecourt à la fin
des eighties. Comme Transylvania, à presque 25 ans de distance,
Violette fait du heavy metal. A la
moulinette post rock. Résidus
vraiment heavy, hardcore, tartiné
d’une sauce cosmico-progressive
MARILLION Misplaced Childhood (1985)
brute. Après la disette des nineties pour ceux qui cherchaient
vainement à s’identifier à des forces de la nature régionales en matière de rock (calme dans le Jura
bernois),vinrenttheMiddlecage,
portés dans les années 2000 par
la foule mobilisée jusque dans les
tréfonds zurichois pour y pousser
la comptine guerroyant ou le fitness blues n’hard. Alors qu’aujourd’hui Middlecage, toujours
Le hardcore, au goût de Violette, fusionne avec la progressive metal. LDD
vivant, se fait plus discret, surgit
le combo Violette dans le paysage
metal local. Ce band dépasse les
espérances en se plaçant avec son
album comme un produit d’une
qualité dépassant les frontières.
On ne peut s’empêcher de constater l’évolution, l’adaptation aux
goûts du jour du metal éternel
(?),etcequ’onenretientenfinde
compte. Plus loin que les gloires
respectives de ces trois destinées
pour Transylvania, Middlecage,
ouViolette,entrenteansdemetal
àTavannesetrégion,quelleévolution! Surtout que l’affaire ici s’exporte.
Avec cet opus, les vieilles amitiés heavy metal et progressif épique sont confirmées une fois de
plus. Rajoutez-y le post rock (Cult
of Luna, Isis, Mogwaï), et vous
saurez dans quel champ pousse
(la)Violette.JensBogren,unSuédois de la trentaine, signe le mastering de l’album, lui qui l’a fait
auparavant pour Katatonia, Paradise Lost, Opeth ou This Misery
Garden. Un perfectionnisme de
bon aloi semble motiver le
groupe. L’humanité y est touchante, entre deux chants gutturaux. Certains arrangements vintage bien maîtrisés donnent une
valeur ajoutée à ce volume I des
propos musicaux de Violette. Des
guitares qui cisaillent, des arpèges humides d’émotions, un beau
vocabulaire instrumental et une
démarche variée à leur actif. Un
sens de l’émotion et un mélange
de fragrance qui finissent vraiment par sentir la rose. Idéal pour
votreViking,Mesdames,saufque
là, en noir urbain, ça va aussi!
Vernissage à l’Eldorado
Sortir du complexe des rockers
qui, mettant de l’harmonie dans
leurs machins, feraient s’amollir
mille quéquettes en même
temps. Se demander si le post
rock-hardcore paie la rédemption
pour les fautes que le rock traditionnel a commises. Violette n’a
plus qu’à se montrer. Ce sera le
cas, après le Festivernal de Moutier, à l’Eldorado de Bienne, pour
le vernissage de l’album, le 20 décembre. PIERRE-YVES THEURILLAT
Une voix chargée de mythes, d’images du siècle et de l’autre, une
infographie de nos mentalités contemporaines, nos faits politiques,
sociaux, vus par un «Jester», maître Dick, et qui résonne dans quelques
salles de ma vingtaine, et qui traverse le temps avec son falsetto et
son grimage entre théâtre japonais et cérémonie celtique. Une voix et
un accent, le pollen de l’amour version Ecosse.
Gros retour de quick ces derniers temps sur Marillion et sa splendide
carrière, ses live, sa discographie richissime. Internet donne le lien:
plusieurs versions, dont celle du Fish actuel pour l’éternel «Misplaced
Childhood» existent, point de rencontre pour de nombreux êtres autour
de ces maîtres de la néo-progressive dans les sombres départs des
eighties. Alors que tout semblait perdu... Les normes de la musique
virant au social, l’esthétique à la poubelle et le monde des sentiments
au préservatif usagé.
DAVID SYLVIAN Secrets of the beehive (1987)
David Sylvian ou le modèle impossible. Le raffinement tout masculin
avec le je ne sais quoi de yin qui rend fertile tout ce qu’il touche. Cela
chez Sylvian s’épanouit en chanson. L’ex-brailleur de Japan il y a si
longtemps est aujourd’hui un gentleman éthéré et mystique à la
sensualité canalisée et diffuse qui a le don de remettre le sens du
sacré sur le plus. En un univers pop excessif dans ses travers et ses
recettes.
FRED FRITH Step across the border (1990)
Un film, une œuvre référentielle. Frith et ses amis anoblissent la
déglingue, donnent d’autres limites à la norme, savent converser
bruitistes. En fait, ce qu’ils jouent, c’est la musique de la réalité. Une
école expérimentale inflammable, en quelque sorte le B-A BA de
l’inaccessible.