LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 : de la

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LE PATRIMOINE IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 : de la
LE PATRIMOINE
IMMOBILIER DES ANNÉES 50–70 :
de la stratégie à l’action.
SAINT-NAZAIRE, les 6 et 7 octobre 2015
MERCREDI 7 OCTOBRE
ATELIER N°5 « Les habitants du parc des années 50-70 en centre-ville : une
approche sociale et sensible »
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PRESIDENCE FONDATION SOLIHA
Delphine AGIER, PACT 69 - SOLIHA
Elisabeth LAFORGE, CDH44 - SOLIHA
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INTERVENANTS
Sylvaine LE GARREC, sociologue urbaniste
Elise ROY, École d’architecture de Nantes
Perig GOUTTEUX, PACT 29 – SOLIHA
Laurence MOLEY-JOSSE, Agence d’urbanisme de Saint-Nazaire (ADDRN)
Sylvain GUERRINI, CEREMA (DT Nord-Picardie)
Florent MONKERHEY, CEREMA
Elisabeth LAFORGE
J’ai le plaisir de vous accueillir dans cet atelier 5. Nous verrons que ce parc connaît des évolutions importantes depuis les
années 70. Ces évolutions importantes peuvent peut-être influer sur le processus de décision des copropriétés.
La question sera comment faire aboutir un projet avec cette diversité de profils. Pour nous, opérateurs, quels sont les leviers à
actionner pour recueillir l’adhésion des copropriétaires sur un projet quelquefois imposé ?
Nous aurons 5 interventions pour nous éclairer. Nous allons partir d’une vision macro avec Sylvaine LE GARREC, sociologue
indépendante, qui va nous présenter un état des lieux des recherches sociologiques de l’occupation des copropriétés depuis
les années 70. Que nous apprennent ces recherches ? Quelles pistes tirer de certaines actions ? Nous allons donc vous
écouter.
Je ne me suis pas présentée. Je suis Élisabeth LAFORGE, directrice adjointe de la structure SOLIHA en Loire-Atlantique, à
Nantes. J’ai longtemps été chargée des opérations pour des copropriétés anciennes, de centre-ville à Paris puis à Nantes. Je
vais présenter Delphine.
Delphine AGIER
Bonjour à tous, je suis de la fédération SOLIHA en charge de la thématique de copropriété. Je suis très contente d’être
présente à ce colloque. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de venir à Saint-Nazaire. Je vais donc présider cet atelier. Qu’est-ce
que cela signifie ? J’ai la lourde charge de restituer lors de l’assemblée plénière de cet après-midi les points clefs de l’échange
de ce matin.
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Elisabeth LAFORGE
Je vous rappelle le fil rouge de notre atelier, sachant que nous allons partir d’une vision macro, très large, de l’évolution
sociologique des copropriétés pour se focaliser ensuite sur une approche beaucoup plus fine dans une copropriété avec une
approche beaucoup plus fine via une galerie de portraits de copropriétaires. Perig GOUTTEUX nous présentera ce point.
Au milieu de l’atelier, nous évoquerons aussi les occupations des villes de la reconstruction avec une approche de CEREMA.
Vous avez travaillé sur l’occupation sociale des différentes villes de la reconstruction. Nous aurons également un zoom sur
l’évolution des habitants du centre-ville de Saint-Nazaire avec Laurence MOLLEY-JOSSE.
Nous terminerons par une vision exploratoire issue d’un travail effectué l’année dernière sur Saint-Nazaire par des étudiants de
l’école d’architecture. Ils ont travaillé à travers une approche anthropologique sur les personnes, qui utilisent aujourd’hui les
cours communes de Saint-Nazaire. En effet, avec les copropriétés, il y a beaucoup de cours communes dans le centre-ville de
Saint-Nazaire. Cette approche vous a permis de repérer les usages des habitants sur ces cours. Vous avez essayé de travailler
sur le potentiel d’évolution de ces cours à partir de cette approche.
Nous commençons donc notre atelier avec vous Sylvaine sur l’état de la recherche sociologique sur les copropriétés.
Sylvaine LE GARREC
Merci. D’abord, je vais me présenter, je suis Sylvaine LE GARREC, sociologue. Je travaille essentiellement sur les
copropriétés. J’ai fait ma thèse de doctorat sur un grand ensemble en copropriété : le grand ensemble de Clichy-sous-BoisMontfermeil, plus particulièrement sur la copropriété des bosquets, compte plus de 1 500 logements. Elle a la particularité
d’avoir été l’une des toutes premières copropriétés des Trente Glorieuses à avoir fait l’objet d’une intervention publique lancée
en 1981. Elle a également la particularité de s’inscrire dans le plus coûteux projet de rénovation urbaine avec le projet de
Clichy-Montfermeil avec un budget de 600 millions d’euros pour la phase 1. La phase 2 va commencer sur les nouvelles
copropriétés. Ce sont mes travaux de thèse de doctorat.
J’ai ensuite été pendant 3 ans chargée de recherches au sein de l’association des responsables de copropriétés, où j’ai mené
un programme de recherches-actions sur la rénovation énergétique des copropriétés dans le cadre d’un programme mené par
le PUCA et l’ANAH. C’est sur la base d’un état des lieux des recherches sociologiques que je vais vous parler aujourd’hui des
dynamiques sociales propres aux copropriétés.
Avant de vous parler des travaux de sociologie, je vais tout de même vous faire un petit panorama statistique comme il se doit
sur le parc des années 50-70. Il convient de prendre une précaution quant à la question des copropriétés des années 1948 à
1984, qui représentent un échantillon traité par une étude de l’ANAH sur ce parc de copropriétés, publiée en 2011. Le parc des
années 1948 à 1984 représente 45 % des logements en copropriétés. Quasiment un logement sur deux en copropriété date de
ces années-là.
Naturellement, il s’agit d’un parc plutôt hétérogène. Voilà plusieurs exemples d’époques de constructions :
- Le parc de la reconstruction ;
- Le parc des années 50 ;
- Le parc des années 70.
Chacun répond à des caractéristiques et à des modes de financement très différents. Ainsi, pendant les années 50 et 60, ils
étaient essentiellement financés par des primes du crédit foncier sur des plans types standardisés et notamment des logements
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économiques et familiaux. Les années 70 voient a contrario la construction de logements plutôt de standing avec des
équipements et un coût des charges très importants. Il est donc difficile de faire des généralités sur l’ensemble du parc. Je vais
tout de même vous présenter les chiffres de cette étude de l’ANAH.
La question qu’il faut se poser est de déterminer si les habitants des copropriétés des années 50-70 ont des spécificités. De
petites tendances se dégagent. Là encore, les chiffres sont à prendre avec précaution. Ils sont extraits de l’enquête nationale
du logement de 2006, qu’il faudrait réactualiser avec la nouvelle enquête nationale logement en cours actuellement.
Il y a un tout petit peu plus de propriétaires occupants dans l’ensemble du parc : 53 % de propriétaires occupants contre 47 %
dans l’ensemble du parc en copropriété. 40 % des ménages ont plus de 60 ans. La part des propriétaires modestes est dans la
même tendance que pour l’ensemble du parc, soit environ 30 %. Le prix de vente est un peu moins élevé que dans l’ensemble
du parc : 2 340 € contre 2 880 € du mètre carré dans l’ensemble du parc. Il est cependant difficile de faire des généralités, dans
la mesure où ces copropriétés ont été construites dans des territoires très différents.
Ce portrait statistique ne nous donne pas d’informations sur le fonctionnement d’une copropriété, les relations entre les
copropriétaires ni sur le processus de décision dans les copropriétés. Je vais éclairer ces questions avec un état des lieux des
recherches sociologiques sur les copropriétés réalisées depuis les années 70. Il y a beaucoup moins de sociologues, qui se
sont intéressé aux copropriétés que de sociologues, qui se sont intéressés au parc HLM.
Pourquoi depuis les années 70 ? Parce qu’en fait, dans les années 70, les copropriétés sont extrêmement nouvelles. Avant la
Seconde Guerre mondiale, il y avait peu de copropriétés. Aujourd’hui, le parc en copropriété représente un logement sur 4. Au
début des années 60, il ne représentait que 6 % du parc total de logements. C’était vraiment une réalité très nouvelle.
D’ailleurs, la loi, qui régit le fonctionnement des copropriétés date de 1965. C’étaient vraiment les copropriétés et le parc privé,
qui alimentaient l’effort de reconstruction en France, beaucoup plus que le parc HLM. Il y a beaucoup plus de parcs privés
aidés que de parc HLM après la Seconde Guerre mondiale. Ce phénomène marque le paysage urbain dans les années 70.
Or, on constate, dès les années 70, des difficultés de fonctionnement. Ils se manifestent par des absentéismes aux assemblées
générales, par des dégradations très précoces sur certains immeubles et même par des impayés avec des coupures d’eau et
de chauffage collectif, dès la fin des années 70. C’est pourquoi certains sociologues s’intéressent à ce phénomène.
Ils vont chercher à comprendre quels sont les facteurs de blocage et de difficultés. Trois grandes recherches sont menées dans
les années 70. Nicole AUMONT, Antoine AUMONT et Henri RAYMOND sont les fondateurs d’un centre de recherches sur
l’Habitat. Ils éditent un ouvrage, La copropriété en 1971. Leur conclusion est que l’hétérogénéité sociale crée des difficultés par
le fait que des personnes de profils sociaux et d’horizons différents aient à prendre des décisions communes.
Francis BÉDARD publie une autre étude portant sur le Plan de Construction et d’architecture sur les rapports de propriété du
logement : Ségrégation et gestion du logement. Dans certains de ces immeubles, on note très tôt des regroupements de
population immigrée, qu’on ne s’attendait pas forcément à voir dans des ensembles de privé. Leur conclusion est que la source
de blocage provient de la nécessité de prendre des décisions communes entre propriétaires bailleurs et propriétaires
occupants, dont les intérêts divergent.
Ensuite est publiée une étude à la documentation française en 1978 qui conclut que la taille de la copropriété complexifie la
prise de décision. En effet, décider à beaucoup est plus difficile que de décider à peu.
Ces recherches mettent en avant qu’il suffit de regarder les caractéristiques des immeubles et des habitants pour comprendre
quel est leur fonctionnement. Cette théorie va être complètement remise en cause par les recherches des années 80, qui vont
montrer qu’il n’existe pas de déterminisme en copropriétés. Il ne suffit pas de regarder les seuls caractéristiques d’une
copropriété et d’un immeuble pour comprendre cette dynamique.
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Dans les années 80, un groupe de sociologues grenoblois, René BALLAIN et Claude JACQUIER, mènent de nombreuses
recherches. En effet, Grenoble est une ville marquée par les constructions des années 70, financées par les primes et prêts du
Crédit foncier. Deux synthèses présentent toutes les études qu’ils ont menées depuis les années 70 : Dévalorisation du parc
privé et gestion d’une copropriété (1984) et l’Habitat collectif privé des Trente Glorieuses, la gestion du patrimoine urbain.
Ils montrent que la taille, les propriétaires bailleurs et l’hétérogénéité sociale ne sont pas des facteurs centraux et qui se
comprennent uniquement dans un contexte. Ils ne se comprennent que, si on prend en compte la taille de l’immeuble dans le
marché local, qui est à chaque fois spécifique. Tous ces facteurs peuvent être des handicaps de départ, mais ils ne sont pas
déterminants. La copropriété n’est pas condamnée à cause de ces facteurs.
Ce qui joue de manière beaucoup plus forte est les conditions de production de l’immeuble. Plutôt que sa taille ou son
conditionnement, il faut regarder l’histoire de l’immeuble, notamment comment il a été financé, comment il a été produit et
comment il a été commercialisé. Par exemple, la copropriété des Bosquets est symptomatique de ce phénomène. Elle a été
financée par les prêts du Crédit foncier (Logéco) et a été commercialisée dans un contexte de crise de surproduction, car tout
le monde avait voulu profiter des Logéco.
Par conséquent, beaucoup de logements T3 et T4 avaient été construits de manière standardisée partout sur le territoire. Les
promoteurs, qui ont spéculé sur ces prêts en espérant revendre immédiatement ces logements aux conditions normales du
marché, se sont retrouvés avec beaucoup d’invendus. Ils se sont donc retrouvés propriétaires bailleurs de ces 1 500 logements
sans jamais payer leurs charges de copropriété. Dès le départ, la copropriété a commencé avec un tiers de son budget grevé,
malgré des équipements collectifs très importants. Il faut donc regarder l’histoire de la production et de la commercialisation de
ces logements.
On retrouve aujourd’hui ce même facteur sur des immeubles qui, esthétiquement, peuvent paraître corrects, qui ont été
financés par des produits de la défiscalisation. De ce fait, ils ont été construits dans des marchés peu porteurs et connaissent
aujourd’hui des problèmes d’occupation.
Le facteur encore plus déterminant est la capacité de mobilisation des copropriétaires. C’est-à-dire la capacité des
copropriétaires à s’organiser collectivement, à prendre des décisions. Ainsi, ils peuvent faire face aux handicaps rencontrés au
départ. Une copropriété n’est jamais condamnée. Tout dépend de la prise en main par les copropriétaires de sa gestion.
C’est sur cette dimension des capacités de mobilisation des copropriétaires que vont se pencher les recherches sociologiques
des années 90. Il s’agit d’étudier ce qui différencie ces copropriétés actives de copropriétés plus passives. Une recherche
d’Alain BOURDAIN et Odile SAINT-RAYMOND porte sur les marchés de travaux dans les copropriétés d’après-guerre. Il s’agit
d’un rapport pour l’ANAH en 1991.
Il montre que ce qui distingue les copropriétés, qui entreprennent des travaux de celles qui n’en entreprennent pas, c’est la
capacité d’anticipation des copropriétaires. C’est-à-dire la connaissance de l’état de leur bâti, de leur patrimoine et la capacité
de se projeter sur plusieurs années et de programmer des travaux sur plusieurs années. De même, le degré d’organisation du
syndicat revêt une certaine importance. Il faut savoir que le conseil syndical est une instance très récente, qui n’est devenue
obligatoire qu’à partir de 1986.
Nicolas GOLOVTCHENKO a publié sa thèse sur Les copropriétés résidentielles entre règle juridique et régulation sociales à
Toulouse, qui est aussi marquée par cette production immobilière des Trente Glorieuses, notamment dans le quartier du Mirail.
Il étudie spécifiquement les copropriétés, qui auraient dû être condamnées, dans des quartiers dépréciés avec des tailles assez
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importantes, des conditions de commercialisation initiales assez défavorables. Il montre que certaines copropriétés arrivent à
se redresser d’elles-mêmes avec un conseil syndical mobilisé. Ces conseils syndicaux sont caractérisés par leur capacité à
être à l’écoute des copropriétaires. Ce ne sont pas simplement des programmateurs de travaux. Ils sont aussi capables de
trouver des compromis et de créer du consensus.
C’est cette idée que poursuit ensuite Marie-Pierre LEFEUVRE avec son ouvrage La copropriété en difficulté : faillite d’une
structure de confiance, qui montre encore une fois l’importance de conseils syndicaux en tant que leaders, qui s’investissent
réellement dans la copropriété. Ces derniers travaillent vraiment à renforcer les liens moraux via des actions de convivialité, de
communication. Ils arrivent à créer une dimension collective dans la copropriété, un intérêt collectif, qui fait que les décisions
sont facilitées.
Ensuite, il y a, dans les années 2010, la thèse de Gaëtan BRISEPIERRE sur la rénovation énergétique et le chauffage collectif.
Un chapitre est dédié aux copropriétés. Il montre les mêmes conclusions. Qu’est-ce qui distingue une copropriété, qui
entreprend des travaux de rénovation énergétique, d’une copropriété qui n’en prend pas ? C’est la présence d’un
copropriétaire, qui va appeler les leaders énergétiques, qui porte le projet dans sa copropriété en étant sensible non seulement
au chauffage et à l’énergie, mais qui va réussir à mobiliser la collectivité via des circuits de communication informels. Il s’agit de
réunions organisées en dehors de l’assemblée générale. Ce projet se construit vraiment progressivement, pas à pas.
Il montre aussi l’importance des nouveaux acteurs de l’accompagnement : agences locales de l’énergie, espace d’information
énergie, associations de propriétaires comme l’AR, qui vont soutenir ces leaders dans le cadre de leurs actions auprès de la
copropriété.
Ma recherche sur les travaux énergétiques s’inscrit dans la suite des travaux de Gaëtan BRISEPIERRE. J’ai développé un
aspect plus opérationnel. L’idée est d’étudier les copropriétés pionnières de la rénovation énergétique pour en dégager des
outils reproductibles pour aider ces fameux leaders énergétiques et les acteurs, qui les accompagnent.
Je vais passer rapidement. Concernant ces copropriétés pionnières de la rénovation énergétique, on s’aperçoit qu’il s’agit
essentiellement de copropriétés des années 50-70, dotées d’un chauffage collectif et comptant plus de 100 logements. A priori,
il s’agit des grandes copropriétés, dont les études des années 70 disaient qu’elles avaient de grandes difficultés à prendre des
décisions. On les retrouve pourtant en tant que pionnières des rénovations, parce qu’elles ont un équipement collectif et qu’il
est, par conséquent plus facile, de créer un intérêt commun autour d’un équipement collectif qu’en chauffage individuel.
J’ai aussi remarqué que le profil socioéconomique de la copropriété n’était pas déterminant, mais plutôt le rôle joué par ces
leaders. Le processus de décision peut prendre 3 à 5 ans pour aboutir à une décision de travaux avec des outils à chaque
phase. En effet, il faut convaincre les copropriétaires d’adhérer à un programme de travaux. La décision collective n’est pas liée
à de conviction ou de la manipulation, mais elle est le fruit d’un travail d’écoute des attentes des copropriétaires et des
occupants. Il faut aussi créer la concertation pour que des décisions et du consensus émergent. Il faut aussi créer des
animations. Ainsi, on relève que les copropriétés pionnières de la rénovation et de l’animation étaient dynamiques : fête des
voisins, arbre de Noël, etc. Ces copropriétés faisaient vivre l’intérêt collectif en dehors de la seule assemblée générale, qui est
un lieu où il est très difficile de faire exister un intérêt collectif.
Quelles perspectives pour l’action ? L’ARC a publié un guide, que j’ai rédigé, intitulé Rénovation en copropriété : comment
mobiliser les copropriétaires ? Qui est vraiment centré sur cette question. Il propose des outils concrets à chaque étape d’un
projet de rénovation. Nous avons également créé des fiches outils de communication en libre accès sur le site
coproprietaires.org à destination des copropriétaires et des acteurs, qui les accompagnent. Elles exposent comment mettre en
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place une campagne d’affichage, comment faire des permanences du conseil syndical, des idées d’animations, comment
préparer les assemblées générales ou comment animer une assemblée générale.
Les pistes opérationnelles portent sur l’accompagnement, qui est un nouveau métier émergent dans le travail de la rénovation
énergétique et dans le travail que mènent depuis des années les opérateurs pour développer les nouvelles pratiques. C’est
vraiment un métier à consolider, y compris avec des financements pérennes et à valoriser, notamment les savoir-faire
construits au contact du terrain, qui ne sont pas forcément capitalisés. Il faut également capitaliser ces savoir-faire
particulièrement sur la mobilisation collective.
Dans ce cadre, j’ai mené une étude exploratoire sur les interventions dans les copropriétés en difficultés avec un focus sur
toutes les actions concernant la participation des habitants et la mobilisation collective. On voit naître, au gré des territoires, des
petites expérimentations, qui ne sont pas forcément capitalisées.
Il convient également d’expérimenter de nouvelles choses. Beaucoup d’outils d’expérimentation se développent dans le cadre
de projets urbains ou de conception de logements, avec des méthodes innovantes telles que la sociocratie, des méthodes de
créativité, les méthodes collaboratives. Pourquoi ne pas les tester dans les copropriétés pour créer de la décision et des
échanges sur les supports nouveaux ? On développe beaucoup de formations à destination des propriétaires et des conseils
syndicaux. Pourquoi ne pas innover dans ces formations ? Par exemple, nous avons essayé de mettre en place le théâtre
forum dans les copropriétés.
Je pense qu’il y a un certain nombre de nouveaux outils. Je vous invite à explorer ce champ. Merci.
Elisabeth LAFORGE
Merci beaucoup. C’était très intéressant. Beaucoup d’outils peuvent être expérimentés par nous tous, en tant qu’opérateurs.
De la salle
Il ne s’est rien passé dans les années 2000 ?
Sylvaine LE GARREC
Il ne s’est pas passé grand-chose dans les années 2000. J’ai soutenu ma thèse sur les conséquences sociales de la démolition
d’une copropriété. Les années 2000 constituent en quelque sorte une période de transition, pendant laquelle les thèmes des
copropriétés en difficultés étaient un peu en déclin, avec la rénovation urbaine du début des années 2000. La rénovation
énergétique avec le bâtiment Grenelle n’avait pas encore émergé.
Je n’ai pas évoqué tous les travaux, qui ont marqué les années 90, autour des regroupements d’immigrés dans les copropriétés
en difficultés.
De la salle
On s’aperçoit que le conseil syndical reste l’une des pièces maîtresses de la copropriété.
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Sylvain GUERRINI
Si la capacité des copropriétaires à prendre des décisions n’est pas liée à la composition, au peuplement, etc., est-ce que vous
avez poussé cette réflexion plus loin ? Qu’est-ce qui fait qu’une copropriété se prend en main ?
Sylvaine LE GARREC
C’est vraiment la présence de ces leaders. Il existe néanmoins des moyens de les faire émerger. Ainsi, la rénovation
énergétique a permis de faire émerger de nouveaux leaders. L’ARC a créé un outil, le bilan énergétique simplifié, qui permet
aux copropriétaires intéressés d’estimer par eux-mêmes leur consommation de chauffage et de les comparer à une moyenne.
Cet outil est très facile d’accès.
De ce fait, cela fait émerger un nouveau type de leaders, plutôt autour de la figure de l’ingénieur. En termes de catégories
socioprofessionnelles, les leaders étaient plus typés. Or, on voyait peu ce type de profils au sein des adhérents de l’ARC plutôt
issus de la comptabilité ou de la gestion. Cela a permis de dynamiser les conseils syndicaux, parfois d’en renverser
complètement. En effet, le conseil syndical de base s’apparente plus à un pointage de factures. Cet outil a permis d’impulser
une dynamique de projets au sein du conseil syndical.
Toutefois, la rénovation énergétique n’est pas le seul moyen de voir émerger des leaders. Le verdissement ou encore des
projets sur les cœurs d’îlots avec la création d’aires de jeux pour enfants peuvent être des pistes. Je pense qu’il y a une carte à
jouer pour faire émerger de nouveaux leaders. À l’inverse, l’intervention publique peut parfois casser des leaders, notamment
par l’intervention massive d’un office HLM dans une copropriété.
Intervenant
On parlait hier des risques de focalisation en analysant l’impact des ressources financières des copropriétaires pour déterminer
la possibilité de s’impliquer.
Sylvaine LE GARREC
Non, ce n’est pas déterminant, notamment dans les copropriétés en difficulté où les ressources sont très réduites. Ce qui est
important, c’est intégrer cette dynamique de projet. Cela peut être aussi de repeindre les cages d’escaliers par soi-même. En
effet, la loi de 1965 a été conçue pour qu’il n’y ait pas de dynamique de projet, pour privilégier l’intérêt individuel dans les
parties privatives et les quotes parts sur un intérêt collectif. Il faut insuffler cette dynamique d’envie de partager autre chose
qu’une assemblée générale.
Pierre HAMELIN - SOLIHA
Il y a un point que vous n’avez pas évoqué : la question du parcours des copropriétaires. Je pense pourtant que cela peut être
déterminant. En effet, dans une copropriété, chacun a son agenda personnel. Cela peut être déterminant. Les agendas ne
concordent pas nécessairement entre une personne de 70 ans propriétaire occupante et un jeune investisseur. Il y a x profils
parmi les acheteurs. Or je pense qu’il s’agit d’un élément important sur le bilan de la copropriété.
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Elisabeth LAFORGE
Cela va nous permettre de passer à la présentation suivante, qui porte sur la comparaison de l’occupation sociale des
copropriétés dans les différentes villes de la reconstruction. Nous allons voir quels sont les profils d’âges et de parcours
résidentiels, qui peuvent effectivement interférer.
Sylvaine LE GARREC
Justement, je pense que toutes ces questions de mobilisation collective sont d’autant plus urgentes à explorer dans un contexte
de vieillissement de la population, qui écarte encore plus les intérêts individuels. Or cette mobilisation permet de faire converger
les intérêts au-delà des handicaps de départ.
Sylvain GUERRINI
Nous travaillons au Centre d’études sur les risques, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), qui est un établissement public
créé il y a 2 ans. La direction territoriale Nord-Picardie (Lille) a créé un pôle de compétences sur le marché de l’habitat. Nous
avons développé depuis plusieurs années une collaboration avec l’université du Littoral (Dunkerque). Nous avons récemment
développé une thématique sur les villes industrielles ou portuaires fortement marquées par des problématiques de risques,
mais aussi par des problématiques de copropriétés et de reconstruction.
Après plusieurs années, au cours desquelles ces quartiers ne constituaient pas la priorité de la municipalité et de la
communauté urbaine, le changement de maire a provoqué un vrai questionnement autour de ce quartier, notamment sur
l’image négative dont souffrait le quartier de la reconstruction de Dunkerque de la part des responsables et des habitants.
Pourtant, ce quartier est très riche, architecturalement parlant. On l’a vu hier au travers de plusieurs exposés. Nous avons donc
décidé d’engager un travail sur la valorisation et la patrimonialisation de ce quartier de la reconstruction.
Notre premier travail visait à fixer des idées avant de traiter des politiques de valorisation et de leurs effets éventuels. Il s’agit de
faire un état des lieux de la situation à Dunkerque. Comment situer le quartier de la reconstruction dans la ville ? Comment il se
situe par rapport à d’autres villes de la reconstruction, qui nous ont semblé plus exemplaires ? Nous pensions bien sûr au
Havre, mais aussi à Brest et à Saint-Nazaire.
Il s’agissait de comparer les destins à partir d’une approche plutôt quantitative et de profiter ainsi des bases de données, dont
nous disposons et que nous connaissons bien. Il est intéressant d’avoir une approche commune de ces 4 villes. En effet,
chacune a ses outils et on manque un peu de comparaison entre les villes. Pour cette première mission, nous avons accueilli
en vacation un étudiant de l’Université du Littoral, Florent MONKERHEY, qui va vous présenter une sélection des résultats de
cette étude.
Florent MONKERHEY
Bonjour. Je viens de terminer un master en urbanisme à Dunkerque. Je suis en vacation de deux mois au CEREMA à Lille. Je
vais donc rappeler différents points sur ces différentes villes en soulignant leurs points communs et leurs divergences.
Tout d’abord, elles ont subi des destructions massives durant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit également de 4 villes
industrialo-portuaires, développant des navires de commerce. Leur reconstruction a été simultanée avec bien sûr des
différences sur les dates de début et de fin. On a conservé sur ce travail une date de cœur de reconstruction entre 1945 et
1965.
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Le style est essentiellement moderniste dans ces villes, qui appliquent la Charte d’Athènes issue du Congrès international
d’architecture moderne. Elle a pour objectif une meilleure circulation de l’air, plus de luminosité dans les villes ainsi qu’un
élargissement des rues.
Cependant, des divergences apparaissent entre ces différents quartiers et villes sur la superficie notamment. Le plus petit
territoire étudié concerne le centre-ville de Dunkerque avec une soixantaine d’hectares. Le plus grand est celui de SaintNazaire avec 160 hectares.
Nous avons rencontré différents soucis d’architecture. Ces différents quartiers sont plutôt d’architecture moderne, mais nous
avons des exemples d’architecture plus régionaliste, comme l’îlot Saint-François au Havre, avec des toits en pente, alors que le
reste de la ville est en toit-terrasse. Des politiques de patrimonialisation ont parfois été mises en place comme au Havre ou de
renouvellement urbain comme à Saint-Nazaire avec le projet ville port.
Des divergences apparaissent aussi sur le logement individuel et collectif. Dunkerque, Le Havre et Brest ont quasiment 100 %
de logement collectif, alors que Saint-Nazaire comprend environ 20 % de logement individuel.
Je vous présente donc ici une carte du centre-ville de Dunkerque. Un premier travail a donc consisté à délimiter les différents
quartiers, sur lesquels l’étude allait s’appuyait. Un code couleur distingue les logements en fonction de leur année de
construction d’après les fichiers fonciers.
En termes d’occupation de ces logements, le locatif privé est surreprésenté dans ces 4 quartiers (en vert). Brest a également la
spécificité de ne compter que 4 % de logements HLM. Il reste également plus faible que dans les autres communes étudiées
dans le reste de la commune de Brest. De même, on note une vacance assez élevée de ces quartiers pourtant centraux (de
10 % à 16,5 %) par rapport au reste de la commune, où il est d’environ 10 %.
J’ai choisi de ne pas représenter la part de variation de chaque segment entre 2003 et 2013, puisque celle-ci est très faible
entre les parcs. Ainsi, la location était déjà fortement développée. Nous n’avons pas pu observer à quelle période s’est fait le
basculement entre une majorité de propriétaires-occupants, puisque c’était la vocation première de ces quartiers aux sorties de
la guerre, à une majorité de locataires.
Quels types de résidents ? Par classes d’âge, on observe une forte concentration de population jeune et âgée dans ces
quartiers. Ce phénomène est particulièrement marquant à Brest. La proportion d’habitants de la tranche d’âge 15-29 reste plus
importante que dans le reste de la ville. Il y a également moins d’enfants dans les quartiers de la reconstruction (10 % contre
15 % dans le reste de la commune). La part de la population de plus de 60 ans est également surreprésentée avec une
différence d’environ + 5 % par rapport au reste de la commune.
Ici, je vous présente la typologie des ménages. Les quartiers de la reconstruction comptent une surreprésentation des
personnes seules (hommes et femmes). Entre 1999 et 2011, on observe, comme généralement dans la population française,
une régression du statut des couples chaque année à Dunkerque, ainsi qu’une légère hausse des familles monoparentales.
L’ensemble de ces quartiers compte une part importante des actifs occupés. À Brest, on observe que la population des
quartiers de la reconstruction comprend un nombre important de retraités et d’étudiants. Néanmoins, on note une diminution
des étudiants au profit des actifs occupés et de la part de retraités de moins de 65 ans dans l’ensemble des villes étudiées,
excepté à Dunkerque. Ces quartiers gagnent un peu moins de jeunes retraités chaque année par rapport au reste de la
commune.
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Concernant les catégories socioprofessionnelles selon l’INSEE, on retrouve les retraités, qui constituent la part la plus
importante de la population de ces quartiers. On observe une baisse de la population étudiante. Brest compte une part
importante des cadres et professions intellectuelles supérieures, qui a augmenté entre 1999 et 2011. À l’inverse, cette
proportion a diminué à Dunkerque durant la même période. Il y a également un certain nombre de professions intermédiaires et
d’employés dans ces quartiers avec une progression pour les professions intermédiaires.
Ce diagramme représente l’évolution brute du revenu médian et de la consommation des ménages entre 2003 et 2013. Sans
surprise, le revenu des propriétaires occupants est supérieur à celui des locataires. Les quartiers de la reconstruction du Havre
et de Brest ressortent avec une moyenne de 27 500 €, puis Dunkerque. Le revenu le plus faible est représenté à Saint-Nazaire.
Il est également intéressant de relever que les locataires HLM du Havre se situaient assez haut par rapport à la moyenne des
autres revenus, puisqu’ils sont même supérieurs à ceux des locataires privés de Dunkerque et de Saint-Nazaire.
Le taux de vacances de ces quartiers est le plus élevé à Dunkerque avec 16 % suivi de Brest et de Saint-Nazaire. Cependant,
le taux de vacances est plus faible au Havre (10 % comme dans le reste de la commune). On observe que la durée de vacance
la plus élevée concerne les vacances inférieures à un an. À Dunkerque, on relève une vacance de longue durée, alors que la
vacance la plus faible concerne Le Havre.
En conclusion, nous remarquons que ces quartiers sont spécialisés dans l’accueil d’une population seule et active, mais
également d’une population de retraités. Nous notons une augmentation parallèle des jeunes et des personnes âgées. Le
quartier, qui regroupe le plus de signaux inquiétants, serait plutôt celui de Dunkerque, où le taux de vacances est assez élevé
avec des revenus plutôt modestes des habitants. À l’inverse, les plus favorisés seraient La Havre et Brest, dont la population
est plus aisée. Est-ce que la mise en place d’une politique de patrimonialisation a eu un impact sur ce point et de l’inscription au
patrimoine mondial de l’UNESCO ? Nous n’en sommes pas sûrs, puisque ces populations étaient déjà présentes auparavant.
C’est peut-être l’inverse. Ces populations ont peut-être appelé à une protection de ces quartiers et à leur inscription
patrimoniale.
Intervenant
On observe une progression de la vacance à Dunkerque entre 2000 et 2003, puis suit une période de stabilisation avant de voir
le taux de vacance repartir à la hausse à partir de 2007. Est-ce que vous avez analysé les développements urbains sur
l’agglomération avec peut-être des zones plus attractives ?
Sylvain GUERRINI
En fait c’est une première chiffrée en chambre en quelque sorte. Cependant, il est vrai que Dunkerque poursuit une véritable
politique d’extension via le programme Neptune notamment. Cela a pu créer une concurrence défavorable à ces quartiers.
Intervenant
Ces courbes sur la vacance sont très intéressantes. Ce sont des éléments pour nourrir la réflexion sur l’avenir.
Delphine AGIER
Il faut mettre cela en regard avec la tendance démographique de Dunkerque, qui est globalement à l’inverse de la population.
Les communes, qui perdent le plus de population, connaissent forcément un phénomène de vacance plus important.
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Sylvain GUERRINI
Les autres villes ne sont pas dynamiques non plus. Qu’il s’agisse du Havre ou de Saint-Nazaire, ce ne sont pas des villes
connaissant un fort taux de croissance de population.
Intervenant
Puis-je savoir d’où viennent vos chiffres sur les revenus ?
Sylvain GUERRINI
Ils proviennent de FILOCOM, le fichier de logements par communes, qui est créé à partir du rôle de la taxe d’habitation, sur
lequel on rapporte les informations de l’impôt sur le revenu des personnes concernées.
Florent MONKERHEY
Pour les données générales de l’étude, sur chaque quartier, j’ai déterminé deux périmètres. Sur la carte, un seul îlot était
concerné, celui du centre. Pour les données telles que la vacance, j’ai utilisé les données cadastrales. Il y a vraiment deux
périmètres différents. À Dunkerque, j’ai préféré me concentrer sur cet îlot. En effet, les autres bâtiments de la reconstruction
sont situés à proximité d’un quartier de nouveaux logements, qui aurait pu fausser les résultats. C’est pourquoi j’ai préféré
concentrer mon étude sur la population de cet îlot.
Elisabeth LAFORGE
On va voir sur Saint Nazaire comment la vacance a été traitée. Laurence MOLEY-JOSSE va donc nous présenter son travail
sur l’évolution de la population du centre-ville de Saint-Nazaire à partir de données statistiques, mais aussi d’une enquête
réalisée auprès des habitants.
Laurence MOLEY-JOSSE
Bonjour. Je travaille à l’Agence d’urbanisme de la région nazairienne sur des problématiques d’habitat et de démographie. En
complément de l’intervention du CEREMA, je vous présente un zoom sur le centre-ville de Saint-Nazaire.
Le périmètre d’études n’est pas tout à fait le même que celui, qui vient de vous être présenté, du moins pour les chiffres,
puisque nous partons d’une étude, qui remonte au début des années 2010. En effet, la CARÈNE s’est penchée sur la
rénovation du centre-ville de Saint-Nazaire depuis plusieurs années. Nous sommes sur un périmètre plus élargi.
Ma présentation va se dérouler en deux temps : d’abord les données chiffrées en complément de l’intervention précédente,
puis sur une enquête réalisée par l’agence sur le regard porté par les jeunes ménages sur le centre-ville.
Nous avons aussi travaillé à partir des données FILOCOM 2013. Ce découpage peut parfois suivre des parcelles ne
correspond absolument pas au découpage en îlots de l’INSEE. L’étude comprend 4 sous-secteurs :
- Le secteur de la gare, qui a une physionomie très différente des secteurs situés plus au sud, plus près du port ;
- Le secteur plus à l’ouest, près de l’hôtel de ville. Cette zone comprend un peu plus de patrimoine datant d’avantguerre.
- Le secteur hypercentre, qui est le plus important en termes de volumes de logements et d’habitants.
Globalement, l’ensemble de ce périmètre compte un peu plus de 11 000 logements et plus de 16 000 habitants.
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L’offre de logements dans le périmètre que je vous ai présenté tout à l’heure représente un peu plus du quart des logements en
résidence principale de la ville de Saint-Nazaire (9 266 résidences principales recensées en 2013). La moitié de ces résidences
principales sont des logements en copropriété (4 260).
Le parc de logements du centre-ville se caractérise par une vacance de ses logements plus forte que dans l’ensemble de la
ville. Le taux de vacance est de l’ordre de 11 % contre 7 % pour l’ensemble de la ville et 12 % de vacance des copropriétés
dans le centre-ville. Le secteur de la gare (au nord) monte jusqu’à 16 % de vacance de ses logements.
Cependant, la ville continue à se développer et à se renouveler. Des constructions nouvelles ont été réalisées dans le centre et
dans le sud de la ville depuis les années 2000. On remarque donc un taux de renouvellement plus important et un taux de
résidences principales plus élevé dans ce quartier du centre-ville par rapport à l’ensemble de la ville de Saint-Nazaire, avec un
taux de croissance des résidences principales de 1,4 % par an contre 1,3 % pour la ville de Saint-Nazaire. Avec l’arrivée de ce
patrimoine nouveau, on peut se poser la question de l’attractivité du patrimoine de la reconstruction s’il n’a peu ou pas été
requalifié ou maintenu en état face aux prestations différentes proposées dans les nouveaux logements.
Le patrimoine du centre-ville est plus ancien que la majorité du patrimoine de la ville de Saint-Nazaire. La majorité de ces
logements ont été construits avant 1975, dont 60 % sur la période de reconstruction 1946-1975. C’est plus que sur l’ensemble
de la ville. 16 % des résidences principales datent des années 2000. Cela démontre que le centre-ville se renouvelle de
manière continue.
Le centre-ville a également la caractéristique d’un parc de logements collectifs avec beaucoup de petits logements. Cela a été
renforcé avec les constructions nouvelles, souvent liées à de la défiscalisation. Il y a également une surreprésentation des
locataires privés dans les logements du centre-ville : 41 % contre 26 % sur l’ensemble de la ville de Saint-Nazaire. Les durées
d’occupation des logements sont généralement plus courtes dans le centre que dans le reste de la ville, en lien avec le statut
d’occupation, puisqu’un locataire privé reste en moyenne moins longtemps dans son logement qu’un propriétaire.
En 2013, il y a 16 000 occupants dans ces logements en résidence principale, soit 23 % des Nazairiens. Comme cela a été
souligné tout à l’heure, le centre voit une surreprésentation des personnes âgées de moins de 40 ans et une surreprésentation
des séniors (20 % contre 18 % pour l’ensemble de la ville de Saint-Nazaire). Je me suis penchée sur l’âge moyen des chefs de
ménage entre 2001 et 2013. Il y a une augmentation des séniors âgés de 50-64 ans sur le centre-ville et une baisse des chefs
de ménage âgés de moins de 30 ans, ceci dans des proportions différentes selon les quartiers. En effet, ce renforcement des
séniors est plus marqué dans le quartier du port, alors que les jeunes se concentrent davantage sur le quartier de la gare, au
nord du centre-ville. C’est aussi là où le marché immobilier nazairien du centre-ville est le moins onéreux du fait de sa
localisation et de son état. Les ménages du centre-ville sont de plus petite taille que ceux de l’ensemble de la ville, ceci quel
que soit le statut d’occupation.
En 2001, 50 % des personnes vivaient seules dans les logements. Plus encore dans les copropriétés, puisque nous sommes à
60 % de personnes vivant seules. J’ai également oublié de vous dire que les habitants de moins de 40 ans sont surreprésentés
dans les copropriétés.
Le revenu médian est plus faible à Saint-Nazaire qu’en Loire-Atlantique et qu’à l’échelle nationale. Il s’élève à 15 470 € par
unité de consommation en 2013. Si on compare le centre-ville au reste de Saint-Nazaire, tous les habitants du centre-ville ont
des revenus inférieurs de 500 € en moyenne à ceux de l’ensemble de la ville de Saint-Nazaire. La précarité y est donc un peu
plus prononcée.
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En conclusion sur ces chiffres, les jeunes ménages et les ménages séniors sont surreprésentés dans la ville avec des
disparités selon les quartiers. Les ménages du centre-ville sont de petite taille. Ils ont des ressources plus faibles que
l’ensemble des Nazairiens et ils occupent moins longtemps leur logement que les propriétaires occupants. L’ensemble de ces
éléments peut nous amener à nous interroger sur leurs capacités à investir dans leur logement pour continuer à l’améliorer.
Je vais ensuite vous apporter un éclairage sur une enquête réalisée par l’agence cette année auprès de jeunes ménages
nazairiens âgés de 25 à 45 ans. 11 entretiens en tête à tête ont été réalisés avec ces ménages issus du centre-ville de SaintNazaire et 100 questionnaires ont été transmis. Malgré ces chiffres relativement réduits, de grands axes ressortent.
Dans notre échantillon, il y avait 62 familles, soit un ménage sur deux avec enfants. Même si nous avons vu qu’il y avait assez
peu de familles avec enfants, nous avons réussi à en trouver. Un ménage sur deux est propriétaire de son logement. 67 %
habitent un appartement, dont 47 % un appartement ancien. 30 vivent dans une maison, dont une a été rénovée. Il est
intéressant de noter que les trois quarts de ces jeunes ménages sont arrivés récemment (depuis 2010). Ils sont plutôt issus de
classe moyenne et occupent généralement un emploi.
À la question : pourquoi habitez-vous la ville de Saint-Nazaire ? On a plutôt des réponses liées au travail (51 %). Ensuite, les
autres réponses sont liées au fait urbain. Ainsi, 27 % répondent pour l’accès à la ville et à ses équipements. En 3e et 4e position
arrivent le cadre de vie et le mode de vie urbain que représente la ville de Saint-Nazaire.
Une autre question demandait pourquoi avoir choisi le centre-ville de Saint-Nazaire. Il y a des avantages et des inconvénients.
Dans les avantages, on retrouve les principaux avantages émis pour le choix de la ville : le cadre de vie, le mode de vie urbain,
l’accès aux équipements. On trouve également des avantages propres au logement. Même si 8 logements sur 10 sont des
appartements, il y a tout de même de petites maisons avec des jardins. Ce sont généralement les ménages vivant en maison,
qui ont émis des avis positifs sur le logement. La taille du logement est également mise en avant. En effet, les logements de la
reconstruction sont plutôt de grands logements. Cela a été déjà dit. En outre, il s’agit sûrement d’une catégorie de ménages,
qui a retapé sa maison ou son appartement.
Des défauts ressortent. Les principaux défauts retenus portent sur les nuisances sonores. On peut retrouver ici les personnes
vivant en appartement. Ce sont principalement des nuisances sonores causées par la rue.
Elisabeth LAFORGE
Par rapport à la rue, pas aux voisins ?
Laurence MOLEY-JOSSE
Non, par rapport à la rue. C’est ce qui ressort.
Le centre-ville manque de dynamisme. Il est un peu mort. Cela ressort beaucoup aussi. On retrouve des défauts propres au
logement. C’est la contrepartie de ce qu’on a dit tout à l’heure. Les maisons nantaises, la mauvaise isolation, l’humidité, la taille
du logement. Cela concerne probablement des logements plus anciens, qui n’ont pas été réhabilités. On trouve également
d’autres items déplorant la saleté du centre-ville, qui est dégradé, ou des problèmes de stationnement.
Intervenant
Excusez-moi de vous interrompre. Pour les touristes, qu’est-ce qu’une maison nantaise ?
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Laurence MOLEY-JOSSE
Ce sont des maisons où les pièces de vie sont à l’étage. C’est très courant à Saint-Nazaire. Au rez-de-chaussée, il y a les
chambres et le garage et à l’étage, le salon et le séjour.
Elisabeth LAFORGE
Cela répond à une vision plus hygiéniste. Les architectes nantais ont travaillé sur des logements.
Laurence MOLEY-JOSSE
On en trouve non seulement dans le centre-ville de Saint-Nazaire, mais aussi dans toute la couronne, où des maisons des
années 70-80 ont été construites.
Elisabeth LAFORGE
Maintenant, on a la réflexion inverse avec des travaux pour restructurer ces maisons.
Intervenant
J’ai une question sur le cadre de vie. En effet, 53 % des sondés sont contents de leur cadre de vie. Or, quand on aborde le
mécontentement, on entre complètement dans le cadre de vie avec les nuisances sonores, le quartier triste en fait partie. Je
trouve cette contradiction assez étonnante.
Laurence MOLEY-JOSSE
C’est le propre des enquêtes. Je pense que ce ne sont pas forcément les mêmes personnes, qui ont répondu cela, du moins je
l’espère. Il y a peut-être des ambiguïtés dans cette enquête, puisque ces jeunes ménages ont plutôt une image positive de leur
cadre de vie. En effet, 82 % n’ont pas de problèmes de voisinage. Tout dépend ce qu’ils entendent par problèmes de voisinage,
le son, la convivialité… Ils n’ont pas non plus de sentiment de promiscuité. Or beaucoup habitent en appartement. Ils relèvent
peu de nuisances sonores. Est-ce par rapport à la rue ? À l’intérieur de l’immeuble ? Le cadre de vie est décrit comme agréable
et convivial.
En revanche, comme ce sont de jeunes ménages (moins de 25 ans), on leur a volontairement demandé s’ils souhaiteraient
déménager pour avoir autre chose. 61 % ont répondu oui. Quand on leur a demandé pourquoi, ils ont répondu pour habiter une
maison et/ou pour devenir propriétaires. Quel type ? La maison de ville ou la maison isolée.
Cela soulève un certain nombre d’interrogations sur le rôle et l’attractivité des copropriétés dans le parcours résidentiel des
jeunes ménages, parce qu’ils sont contents, mais pas toujours. Ils ne souhaitent pas y rester, car ils veulent aussi habiter en
maison.
Une autre question est de savoir comment entretenir et remettre à niveau le parc de la reconstruction, alors qu’il draine un fort
taux de locataires privés avec des niveaux de ressources moins élevés. On a eu une partie de la réponse tout à l’heure, en
soulignant qu’il fallait avoir des leaders et des thématiques sur lesquelles s’appuyer.
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Une autre préoccupation porte sur le vieillissement de ces occupants, notamment des propriétaires qui habitent dans des
logements anciens sans ascenseurs. Comment mettre en accessibilité leur logement, notamment face à une politique tendant
vers un maximum de maintien à domicile ?
Elisabeth LAFORGE
Avec des copropriétés qui font 4 niveaux maximum.
Laurence MOLEY-JOSSE
Oui.
Françoise ROUXEL, urbaniste
Je m’interroge depuis hier sur les comparaisons entre les villes reconstruites et les villes dites ordinaires. Est-ce qu’il y a une
spécificité entre l’évolution des centres villes reconstruits et des centres villes ordinaires ?
Par ailleurs, je trouve que ces comparaisons sous-estiment les configurations de chacune des villes. Pour connaître les 4 que
vous avez étudiées, Brest est une ville universitaire d’une taille différente de Dunkerque. Vous avez évoqué les 160 hectares vs
60 hectares. Il est évident qu’on ne se développe pas de la même manière sur des surfaces aussi différentes. À Dunkerque, le
déploiement industriel est au pied du centre-ville. C’est tout de même moins attractif, que, quand vous avez à Saint-Nazaire
l’estuaire de la Loire. Je ne sais pas si des suites seront données à vos travaux. Je trouve qu’il serait intéressant d’étudier cela.
Sylvain GUERRINI
Nous n’avons présenté ici que quelques résultats ponctuels. L’étude que nous allons remettre inclue des documentaires fournis
sur la façon dont se sont passées les destructions, comment elles ont été reconstruites, quelles politiques ont été engagées par
la suite durant les 60 ans, qui ont suivi. Le contexte sera bien entendu pris en compte, mais l’objet de l’étude est d’arriver à faire
une comparaison. Nous ne sommes pas en science exacte. Nous n’arriverons jamais à établir des comparaisons avec partout.
Ce n’est pas possible, mais les exemples que nous avons choisis ont tout de même un certain nombre de points communs.
Comparer à d’autres villes issues de la reconstruction permet de ne pas avoir une vision déformée par le destin de la ville ellemême. On essaie de trouver une relation entre le quartier reconstruit et le reste de la ville. Par ailleurs, nous voulons insister
sur le fait que les politiques ont été centrées depuis plusieurs années sur ces questions-là dans certaines agglomérations et
pas dans d’autres. Il s’agit de donner envie aux pouvoirs publics de s’inspirer de ce qui a été fait et qui semble plutôt avoir
fonctionné, même si le lien de causalité n’est pas évident à faire pour l’appliquer à d’autres villes.
Intervenant
Nous avons toujours essayé d’établir un comparatif entre le quartier reconstruit et le reste de l’agglomération, voire des
quartiers entre eux. Toutefois, nous avons essayé de le comparer aussi au reste de la France. Nous avons pris des données
France entière pour essayer de voir où situer la France par rapport à ces indicateurs et si on était au-dessus, en dessous sur
l’ensemble de ces bâtiments.
Intervenant
Qu’est-ce que cela a donné ?
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Sylvain GUERRINI
Les comparaisons avec la France montrent qu’en termes de revenus Le Havre et Brest sont dans une situation beaucoup plus
favorable que Dunkerque et au-dessus de la moyenne française. Dunkerque est en dessous. Le centre-ville du Havre est très
valorisé par rapport à certaines autres villes, alors qu’on rencontre la situation inverse pour Dunkerque. Le centre-ville est
beaucoup moins valorisé que le reste de la ville.
Intervenant
Je pense qu’on mettra en ligne le document.
Sylvain GUERRINI
Ce n’est pas pareil. La comparaison est donc utile pour mettre en lumière la spécificité de Dunkerque vis-à-vis des autres.
Elisabeth LAFORGE
Est-ce que le fait que ce ne soit pas pareil est dû au phénomène de reconstruction, à ce patrimoine construit en barres ? Ou
est-ce parce qu’on se trouve face à un autre type de bâti, du bâti qui n’a pas été démoli, du bâti ancien ?
Sylvain GUERRINI
C’est difficile à dire au stade actuel de l’étude. Nous pouvons dire qu’à Dunkerque, la qualité architecturale des bâtiments est
remarquable. Le bâti n’est donc pas l’unique explication.
Sylvaine LE GARREC
Je vais aussi poser une question sur les prolongements possibles. Nous avons vu qu’il y avait 60 % de locataires. C’est-à-dire
60 % de propriétaires bailleurs. Est-ce qu’il y a moyen d’avoir des informations sur ces derniers, qui vont être les réels acteurs
du réinvestissement ? Est-ce que la dichotomie entre les ménages jeunes et les ménages âgés recoupe les statuts
d’occupation ? Est-ce que les jeunes sont des locataires et les propriétaires occupants des ménages âgés ?
Florent MONKERHEY
Le rapport final comportera des chiffres relatifs à l’âge, à la localisation géographique des propriétaires bailleurs.
Laurence MOLEY-JOSSE
Pour votre deuxième question, effectivement, les jeunes sont plutôt locataires, mais pas seulement. Beaucoup de jeunes
investissent dans le Nord de Saint-Nazaire, parce que c’est moins cher pour un premier investissement résidentiel. Les séniors
sont plutôt propriétaires occupants.
Delphine AGIER
Cet atelier fait aussi remonter des questions, auxquelles nous n’avons pas forcément de réponse. Il est certain que cette
thématique de centre-ville occupé par une majorité de jeunes et la thématique de la vacance en centre-ville existe dans plein
d’autres communes, notamment de taille moyenne. Il est toujours compliqué de comparer les résultats avec les moyennes
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nationales, qui englobent de grandes communes au marché très tendu. La moyenne nationale agglomère des situations très
différentes.
Ce sujet ne concerne pas uniquement les villes de la reconstruction. Les centres villes perdent de leur attractivité et
s’interrogent sur leur avenir. La perte des familles au profit de communes extérieures avec des offres de maisons est une
thématique. Les programmes neufs offrent un logement de qualité autre à proximité immédiate de ces centres. Ces sujets
posent encore question aujourd’hui aux villes de la reconstruction comme à bien d’autres villes.
Pour resituer, il me semble que l’enjeu de ces échanges entre villes de la reconstruction n’a pas vocation à ne concerner que
les villes de la reconstruction. D’autres communes sont incitées à participer à la démarche. Cependant, il est intéressant pour la
démarche de comparaison de ces villes de prendre conscience que ce parc a besoin de vivre une grande rénovation, de
grands projets. La démarche consiste à dire que ce n’est pas un parc très ancien, pas antérieur à 1950. Il n’est pas historique
au sens de l’histoire médiévale, mais c’est un patrimoine et un parc qui a aujourd’hui 60 ans donc qui a besoin de rénovation.
Je pense que la démarche à entreprendre vise plus à informer les élus, afin d’engager des politiques visant à attirer les gens
vers ces centres. Il me semble que la démarche de ce colloque, initiée par un certain nombre de villes vise aussi à être force de
proposition.
Françoise ROUXEL, urbaniste
Excusez-moi. Pour avoir fait pas mal de recherches sur la période 45-75 et notamment sur l’aspect exceptionnel des sites de la
reconstruction. Je dirais que l’intérêt aujourd’hui ne consiste pas à dire qu’ils sont banals et comme les autres, mais au
contraire ces villes sont extrêmement révélatrices, dans leur constitution elle-même des problématiques qu’on peut retrouver
ailleurs. C’est presque un miroir grossissant. C’est en cela que je les trouve intéressantes. Il ne s’agit pas du tout de les
banaliser.
Delphine AGIER
Vous disiez qu’elles n’étaient pas toutes pareilles.
Françoise ROUXEL, urbaniste
Elles ont chacune leur personnalité. Je trouverai dommage qu’on réduise leur vision et leur avenir.
Elisabeth LAFORGE
Justement on va parler d’avenir avec les deux présentations à venir. Nous allons entrer dans l’histoire d’une copropriété, qui est
en train de se reconstruire. Perig GOUTTEUX est chargé de mission collectivité à SOLIHA Finistère. Il a travaillé sur les
portraits de copropriétaires. Il va vous présenter sa galerie de portraits à travers une histoire de la prise de décision sur des
travaux.
Perig GOUTTEUX
Bonjour à tous. Je suis dans le réseau SOLIHA depuis maintenant 6 ans. J’ai eu par le passé des activités professionnelles qui
m’ont beaucoup amené à travailler en copropriété. Pour cadrer déjà la situation de cette copropriété, il s’agit d’une fiction très
réelle.
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Je n’ai pas inventé la spirale des qualifications. Il s’agit d’un schéma assez classique comprenant des problèmes de
gouvernance, l’impossibilité de faire voter des décisions, des problèmes techniques. On rencontre des problèmes autour de la
fonction urbaine des logements. On ne s’inscrit plus dans un marché. L’implication des propriétaires se dévalorise et l’immeuble
se dégrade très rapidement.
Pour répondre à cela, on va prendre le processus à l’envers pour bâtir un projet en impliquant les propriétaires. On va définir un
projet pour la fonction urbaine future de ce bâtiment. Il s’agit d’une démarche entrepreneuriale pour déterminer les moyens pour
que ce projet soit viable. Après avoir défini un projet technique, on remet de la gouvernance pour résoudre les problèmes
techniques et apporter de la requalification.
M. BON a 26 ans. Heureux propriétaire, il a acheté sur un coup de cœur. Il l’avait confié à l’agence et le notaire a relayé sa
position. Il nous a sollicités, parce qu’il fallait améliorer la cage d’escalier. L’immeuble n’est pas forcément d’architecture de
reconstruction. C’est-à-dire un bâtiment construit entre 1945 et 1975. Je suis brestois. Or, à Brest, on a détruit les dernières
baraques dans les années 75. Ce n’est pas la typologie de ce que je présente aujourd’hui. Il s’agit d’une copropriété en
mauvais état avec un superbe loft au dernier étage. Il avait prévu un budget de 1 000 € supplémentaire dans son budget initial
pour réaliser des travaux dans les communs.
Mme LANTERNIN est veuve. Sa famille avait hérité de l’appartement et géré la reconstruction. Il y a une forte histoire familiale,
qui imprègne les murs. Elle s’occupe notamment de relever les compteurs d’eau et de payer la facture. La gouvernance permet
de mettre en œuvre des projets, mais elle permet surtout de pérenniser un système, qu’il soit bon ou mauvais. L’AG, chez
Mme LANTERNIN, était sympathique autour d’un thé. M. BON a compris que s’il voulait que la copropriété fasse quelque
chose, il faudrait qu’il fasse le syndic. Il avait entendu dire qu’on pouvait le faire bénévolement.
M. BON est le leader. Il connaissait bien les matériaux à utiliser, surtout les matériaux d’isolation. Il connaissait aussi très bien
les revêtements à la mode et toutes les gammes de cuisines Ikéa. Quel objectif commun pour les copropriétaires ? Il faut dire
que les copropriétaires étaient bien satisfaits que M. BON prenne à sa charge les fonctions de syndic, surtout les bailleurs, qui
ne vivent pas nécessairement dans le secteur.
Parmi les 7 copropriétaires, deux sont bailleurs, une est sous tutelle et une autre n’a rien dit. L’un des copropriétaires est
commerçant. Or il ne savait même pas qu’il faisait partie de la copropriété. Voilà la composition d’une copropriété vraiment
classique.
La mise en place d’une dynamique collective passe par l’identification des intérêts communs. Il est important d’identifier des
personnes ayant un intérêt commun pour travailler ensemble autour de ce projet commun. Or notre tâche va être de les réunir
et de pouvoir les accompagner de cette réflexion. Nous travaillons toujours en vision globale.
D’un point de vue technique, l’immeuble est classé, mais il est lourdement attaqué par le capricorne. La charpente est prête à
s’écrouler, mais la maçonnerie est encore en bon état. La toiture est en très mauvais état. M. BON n’avait pas vu cela lors de
sa visite. Les caves sont encombrées et humides et la cage d’escalier est dans un mauvais état.
Le règlement de copropriété revêt une certaine importance. Il a été rédigé à la construction, puis revu. Des éléments ont
changé. Les notaires n’ont pas forcément tous les éléments. Il faut donc remettre à plat ce règlement de copropriété. En outre,
on voit que le grenier a été transformé en logement, celui de M. BON, qui paie actuellement un 17e des charges. Une fois les
changements opérés dans la copropriété, sa quote part va être multipliée par 7.
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Le bilan juridique doit être revu complètement. On propose à M.BON de se rapprocher d’un notaire et d’un géomètre pour
obtenir des devis d’honoraires. Les AG n’ont que le nom de gouvernance. Hormis l’eau, il n’y a pas de charges et plus grave, il
n’y a pas d’assurance sur la copropriété. Or, le lendemain de la souscription de l’assurance, un cache-pot est tombé sur une
BMW qui avait 41 km au compteur. C’est du réel !
Sur la gestion, dans les dispositifs opérationnels que l’on mène, on a des partenariats avec la ville notamment pour
accompagner les syndics bénévoles au cours de sessions de formation à la gestion. Il va bien en formation et comprend que
cela peut être compliqué pour lui.
Les méthodes, que nous mettons en place, consistent à travailler de manière collective avec des groupes d’intérêts communs,
mais aussi de manière individuelle avec des propriétaires via une identification, un profilage de nos conseillers, qui vont
échanger avec les profils et trouver les bons leviers pour motiver les propriétaires à se lancer dans une démarche d’abord
individuelle, puis collective. Le profilage de terrain que nous avons réalisé d’après le terrain comporte plusieurs personnes.
Il y a d’abord M. BON, qui est dans son parcours résidentiel. Il a acheté en 2008 ou en 2009, au plus haut de la crise. Il va
changer de projet, rencontrer une compagne, se marier, vouloir des enfants. Or, il ne pourra pas revendre son logement, car il
perdrait de l’argent. Il peut le mettre en location, mais il va devenir propriétaire bailleur malgré lui. Il a un pouvoir de nuisance, à
un moment donné, parce qu’il n’aura plus de capacité d’investissement.
Mme LANTERNIN est une propriétaire occupante historique. C’est une retraitée aux ressources modestes. Depuis 40 ans, elle
n’avait jamais rien investi dans son immeuble. Pourquoi commencer maintenant ? Elle a aussi un pouvoir de nuisance dans les
prises de décision.
M. LUBRIC est un propriétaire très modeste, célibataire sans emploi, aux ressources faibles. On connait très bien ce genre de
profil dans les dispositifs ANAH. On sait le traiter. Quand ils ont les capacités à être surfinancés, en général ils ne posent pas
trop de soucis.
M. et Mme LAURET représentent un couple qu’on voit émerger dans le secteur des copropriétés. Ils sont sortis du parc public,
parce que le programme ANRU sur le plateau d’en face a fait que les logements ont énormément gagné en qualité, impliquant
une augmentation des loyers. Ces propriétaires ont vu qu’on pouvait acheter des appartements de 70 m2 pour 22 000 €. On est
loin des prix moyens avancés tout à l’heure. On est aux alentours de 500 € du mètre carré, ce qui est une spécificité des villes
de la reconstruction. Ils viennent donc du parc public en pensant que cela allait leur coûter moins cher, mais n’ont aucune
capacité d’investissement. En revanche, ils amènent les enfants.
Il y a un marchand de sommeil, M. BRISCARD, qui est engagé sur plusieurs opérations. En général, on retrouve ces gens sur
plusieurs copropriétés sur un même périmètre.
M. STANDER a jeté l’éponge. C’est un propriétaire résigné. Son logement est vide. Il paie à peine ses charges. Il n’est plus
dans le coup.
M. LARSEN est commerçant. Il y a un réel levier du côté des commerçants. J’ai l’expérience d’une copropriété récemment, où
la ville a mis sur la table 5 % de subventions à un commerçant. Il s’est senti tellement valorisé qu’il est devenu lui-même le
leader de la copropriété. C’est lui, qui a mené le projet. Or, 5 % à l’échelle d’un commerce en rez-de-chaussée sur rue ne
représente que 1 000 €. Cela ne coûte rien et cela permet de faire émerger des leaders, qui sont souvent impliqués, voire
militants, dans le centre-ville.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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J’ai remarqué que la mixité sociale dans les copropriétés permet d’actionner des leviers différents, même si, à priori, la mixité
ne constitue pas un facteur déterminant. Je trouve qu’elle nous permet d’avoir plusieurs prises dans une copropriété. La
copropriété en question relève tout de même d’un programme opérationnel. Je ne vais pas donner de chiffres pour les travaux,
mais on est aux alentours des 50 000 € pour des logements, qui valent 50 000 €. M. BON a besoin de réfléchir.
On va mettre en place une stratégie avec le conseil syndical. On va trouver le point de confiance. On en a besoin pour aller à la
rencontre de ces copropriétaires. Souvent, on leur propose de décrire la situation dans laquelle ils se trouvent tout en nous
mettant en retrait. On va aussi à la rencontre des acteurs (leader, pessimiste, opposants, etc.) pour lancer une dynamique
collective en vue de l’appropriation et de l’émergence d’un projet. On va pouvoir ensuite avancer dans le projet.
À ce moment-là, on propose aux copropriétaires d’organiser un forum, qui peut prendre des apparences de petit colloque dans
les plus grandes copropriétés. Il est important de voir que, durant ces rencontres, chacun fait du lobbying en vue de favoriser
l’émergence de son projet. Ils savent très bien que tout le monde ne va pas être d’accord avec leur problématique. On va voir
les langues se délier.
J’aime bien le personnage de Mme LANTERNIN. Elle demande à M. BRISCARD s’il est sûr qu’ils pourront réaliser eux-mêmes
les travaux. M. BRISCARD ne veut pas des travaux. J’imagine Mme LANTERNIN, à 82 ans, la pioche à la main, hésitant à
attaquer la charpente.
Ce forum vise à changer de lieu de débat. L’assemblée générale n’est pas le bon endroit pour prendre des décisions. Ce n’est
pas moi qui le dis non plus. On va y proposer des projets. On va débattre. On va y prendre des décisions en 2 h, sans en avoir
discuté avec sa compagne ou avec son banquier. Les choses vont trop vite. Dans ce contexte, on n’a pas de lucidité pour
prendre les bonnes décisions dans ce contexte. En effet, les assemblées générales coûtent cher. Le syndic essaie de les faire
durer le moins possible. Peut-être y a-t-il eu déjà 3 assemblées générales auparavant, qui ont mis de côté des projets de
travaux, faute de votants.
On va sortir de l’assemblée générale pour organiser ce forum, dans lequel on va rencontrer tous les propriétaires, les petits
collectifs et qui va permettre de mettre en place un certain nombre de points relatifs à la communication, notamment autour de
l’énergie. Ici, on avait des problèmes de capricornes. Notre stagiaire avait imprimé en A3 des capricornes immenses. Les gens
étaient horrifiés par la bestiole.
Il faut s’informer sur les processus de communication, notamment les panneaux d’affichage. L’ADIL peut être présente, ainsi
que le maître d’œuvre, s’il a déjà été nommé. On peut retrouver des représentants de la collectivité. En général, les gens
viennent une heure avant leur passage individuel puis ils restent généralement une heure après. En moyenne, les personnes
restent en moyenne deux heures sur le forum. C’est dire que l’information y circule et que les gens sont intéressés par le projet.
M. BRISCARD a décidé de vendre une partie de ses logements pour financer les autres. M. LARSEN n’a pas de grosse quote
part. Généralement, les commerçants n’ont de fortes quotes parts. M. BON a fini par signer avec l’agence Global immo. La 1re
AG aura lieu dans un mois. M. STANDER est un propriétaire qu’on ne sera pas arrivé à mobiliser.
Pour vous donner une idée, j’étais hier en AG pour un 5e rendez-vous, qui a permis le vote de l’architecte sur un programme
relativement ambitieux. Il s’agit d’une copropriété de logements entre 60 et 95 m2 d’une valeur de 20 000 à 40 000 €. Les
programmes de travaux représentent 20 000 € de moyenne par appartement. Lors de la 1re assemblée générale, moins de
20 % des copropriétaires étaient présents. Lors du forum, 60 % des copropriétaires étaient là. Environ 70 % ont participé au
vote du maître d’œuvre. Par expérience, je sais qu’on arrivera à environ 80 % de présence pour l’AG votant les travaux.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Les architectes étaient présents pour exposer leur travail. Or trois mains se sont levées pour marquer des oppositions au projet.
Il s’agissait de 3 personnes, qui débarquaient après avoir vu les moyens que nous mettions pour les interpeller notamment par
courrier. Or ils n’étaient pas venus avant. Il a donc été assez facile pour nous de mettre en avant leur absence. Des
propriétaires occupants ont parfois besoin d’un accompagnement plus spécifique, parce qu’ils ne comprennent rien à ce qui
leur arrive et sont souvent âgés. Nous avons une équipe, qui leur est spécifiquement dédiée.
Mme LANTERNIN était venue avec des gâteaux.
À la suite du forum, ayant permis de capter un grand nombre de documents, on produit une étude qualitative en proposant aux
copropriétaires d’aller vers un programme de travaux, qui nous semblera le plus adapté à leur stratégie collective. On leur
propose un rapport, qui aborde des questions techniques relatives aux travaux pouvant être financés. On va également parler
gouvernance. On va soumettre le projet à une collectivité, notamment pour solliciter un aide, si jamais on n’est pas sur des
dispositifs opérationnels. En effet, aujourd’hui, ces programmes sont validés par des processus opérationnels et sont en cours
de validation avec des programmes diffus sans aide de l’ANAH. Sur l’occupation, on propose une planification opérationnelle
des actions pour maintenir la dynamique après la rénovation.
Les copropriétaires choisissent de venir pour l’AG de validation de l’acte d’engagement. Il porte sur le projet de coloration de la
façade. Étonnement les copropriétaires ont oublié d’en parler. M. BRISCARD, l’opposant de la 1re heure s’est abstenu, parce
qu’il trouvait que le programme n’allait pas assez loin. Il a compris qu’il y avait un acte d’investissement à faire, qu’il n’avait pas
fait. On lui a expliqué qu’en tant qu’investisseur, il devait prendre des risques. Je pense qu’il en a pris conscience. Il a réussi à
vendre un appartement. Il a compris qu’il pouvait y avoir un retour sur investissement.
M. BON reste président de séance durant les assemblées générales. Il remerciera l’implication du cabinet d’architecture. Il
annonce qu’il est papa depuis ce matin et il quitte l’immeuble. Merci.
Intervenant
Je voudrais simplement faire une remarque. Je crois que monsieur vient de nous présenter un métier intéressant qui est le
coaching dans les copropriétés. Je voudrais savoir si l’ADIL met en place des formations pour devenir coach en copropriétés.
Perig GOUTTEUX
Je ne sais pas s’il y a quelqu’un de l’ADIL dans la salle pour nous éclairer sur les formations existantes en matière de coaching.
À ma connaissance, il n’y en a pas.
Le terme de « coach copropriété » est utilisé par un site concernant les copropriétés, qui permet de faire de l’autocoaching via
une plateforme. On préfère parler de tiers de confiance. La notion de tiers de confiance implique que nous n’avons aucune
partie prenante dans le projet. Je le dis aux copropriétaires. Que le projet aboutisse ou qu’il n’aboutisse pas n’a aucun impact
sur moi. Je n’ai pas d’intérêt commercial à voir aboutir un projet. J’y ai un intérêt pour montrer que notre travail porte ses fruits.
Les programmes opérationnels nous permettaient de travailler pendant des années sur un projet. Aujourd’hui, la durée
moyenne est d’un an et demi.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Elisabeth LAFORGE
Pour répondre quand même à la question de formation de coachs, le réseau SOLIHA dispose de référents nationaux, qui vont
organiser des formations au niveau de notre réseau. Comme dans tout réseau, il existe des formations internes. Aujourd’hui, ce
métier n’est pas reconnu, mais nous avons tellement besoin d’accompagnement individuel ou de groupe que ce métier devrait
apparaître.
Perig GOUTTEUX
Derrière, une équipe de 12 personnes avec des compétences différentes est active sur la copropriété.
Intervenant
Au niveau de la CLCV (association de consommateurs), nous avons un groupe spécialisé dans les copropriétés. Nous
proposons des ateliers de formation des copropriétaires et des conseils syndicaux. En effet, quand on achète un appartement
surtout les primoaccédants, on ne connaît pas le fonctionnement d’une copropriété. Or les dysfonctionnements de celle-ci
découlent souvent d’un manque d’informations. Nous proposons donc des ateliers réguliers sur des thèmes différents, en
fonction des demandes du public.
Elisabeth LAFORGE
Différemment du forum ce sont des ateliers qui regroupent plusieurs copropriétés sur des thèmes identifiés tels que l’énergie ou
encore les cours communes. Il s’agit vraiment de forums pour permettre aux copropriétaires de s’y retrouver.
Intervenant
Vous proposez des forums intercopropriétés ?
Perig GOUTTEUX
Non. Nous nous sommes posé régulièrement la question, mais nous sommes tellement dans l’intimité et l’histoire d’une
copropriété. Les gens ont besoin, à un moment donné, de régler des comptes entre eux pour pouvoir rebondir et aller plus loin.
C’est pourquoi nous n’avons pas osé prendre ce parti.
Intervenant
Nous proposons une information générale, puis une information individuelle au cas par cas, copropriété par copropriété. En
effet, chaque copropriété est différente et de tailles variables. J’ai des copropriétés allant de 3 lots à 600 lots. La problématique
n’est pas la même.
Delphine AGIER
Il me semble que c’est une vraie spécificité des exemples montrés. À Saint-Nazaire, la taille moyenne des copropriétés est en
moyenne de 6 lots. L’exemple précédent pose la question de l’organisation des copropriétés. Certaines n’ont pas de conseil
syndical ni d’assemblée générale ou de syndic. Il y a cette complexité de copropriétés, qui ne sont pas du tout organisées. Cela
soulève la question du temps. Pour qu’elles mettent en œuvre un projet de rénovation, il faut, au préalable, qu’elles existent en
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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tant que copropriété. Il me semble que ce point constitue un enjeu autour de ces toutes petites copropriétés, qui ne sont pas
organisées.
Par ailleurs, vous avez tous souligné que ces copropriétés jouent un rôle important dans le parc locatif de la ville. Ce rôle est
important, car il permet aux gens de se loger rapidement, notamment quand c’est nécessaire pour leur travail. Il est vrai que
cela donne une couleur particulière à ces copropriétés, qui comptent beaucoup de propriétaires bailleurs. Il y a un enjeu sur ce
point.
Elisabeth LAFORGE
Pour terminer, nous allons passer de l’espace de l’immeuble à la cour commune à Saint-Nazaire. Nous accueillons donc Élise
ROY, maître de conférences à l’école d’architecture de Nantes, qui a fait travailler des élèves en école d’architecture.
Élise ROY, enseignante, chercheure, ENSAN/CRENAU
Cette présentation va vraiment se faire dans l’esprit d’un travail de restitution universitaire. Nos étudiants ont des profils divers,
issus de géographie, de droit ou de l’école d’architecture. Chaque année, nous leur confions des travaux, appelés ateliers.
Cette année, nous avons confié à une équipe de 5 étudiants de réfléchir à la reconversion possible des immeubles du
patrimoine de la reconstruction en entrant par les cœurs d’îlots. Cette commande a été effectuée par la ville de Saint-Nazaire et
la CARÈNE, en étroite collaboration avec le centre de l’habitat.
Dans le cadre de nos ateliers, les étudiants travaillent en autonomie partielle sous la direction de 3 enseignants, suivant les
différentes spécialités du master 2 ville et territoire. Ils ont une approche en deux temps. Tout d’abord, ils font une approche du
sujet et du terrain puis, dans un 2e temps, ils doivent élaborer des propositions concrètes.
Le travail a vraiment été exploratoire. On demande aux étudiants d’être le plus conscients des contraintes juridiques,
techniques, budgétaires, politiques, sociales. En même temps, on leur accorde une certaine marge de manœuvre face à ces
aspects. La tonalité du projet est à mi-chemin entre projet d’école et projet réel.
Je voudrais souligner l’intérêt de la commande, qui nous a été passée, car elle représente un beau projet pour un urbaniste que
d’envisager un projet, qui agit par nos intérieurs urbains. Cet urbanisme fait avec un patrimoine existant, des usagers déjà en
place, des copropriétaires. Faire avec un parc de logement qui a ses spécificités, qui devient du logement social de fait, qui
joue un rôle particulier dans le parcours résidentiel de certains ménages, qui joue un rôle patrimonial pour certains propriétaires
et qui peut être sous le coup d’actions collectives visant à l’amélioration du cadre de vie. Ainsi, il participe à une stratégie
globale de revitalisation du centre-ville, comme c’était le cas à Saint-Nazaire.
Nous nous posons bien la question des moyens d’agir et de la place de ces copropriétés dégradées, parents pauvres des
politiques urbaines. Dans un premier temps, les étudiants ont pu visiter des expériences européennes et d’Amérique du Nord.
Pour ma part, je suis revenue très marquée d’un voyage d’études à Copenhague, où un projet a vraiment transformé des
cœurs d’îlots en y développant des pratiques de cadre de vie nouvelle et des pratiques d’espaces partagés sur la base
d’actions de réhabilitation. Cela permettait aussi de garantir le maintien en place des habitants de ces copropriétés.
Le travail des étudiants a bien été d’être entre eux pour explorer une grande question sur les copropriétés de ce patrimoine de
la reconstruction, tout en étant au plus près du terrain et des îlots, qui leur avaient été confiés à l’étude. Il y a eu des partis pris
méthodologiques. Les étudiants ont recouru à des méthodes socioanthropologiques, notamment sur la base d’observations. Ils
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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se sont beaucoup rendus sur place pour noter, observer ce qu’il se passait. Ces moments d’observation ont aussi été des
moments de rencontres, parfois prolongés par des entretiens qualitatifs sur quelque chose permettant de faire raconter aux
habitants leur rapport à leur cadre de vie, à leur logement, dans une dynamique de parcours résidentiel et dans de futures
projections possibles.
Dans le 2e temps, les étudiants ont élaboré des scénarios sur la base des cœurs d’îlots sur lesquels ils avaient intérêt à
travailler. Ils ont ainsi proposé des projets en faisant varier les curseurs, du caractère public de ces espaces reconquis ou de
leur appropriation par les habitants. Les cœurs d’îlots peuvent faire l’objet d’une extension de l’espace domestique. Il y a
vraiment un enjeu de reconquête autour de ces îlots. En même temps, ils ont fait varier les montages juridiques de ces projets
et réfléchi aux méthodes de concertation.
Au-delà de la remise en état des cœurs d’îlots, l’enjeu du développement d’une véritable offre urbaine voyait le jour, tout en
entrant dans un jeu donnant-donnant entre les copropriétés et le centre-ville. Il y a vraiment une dynamique de centre-ville
renouvelé, qui implique des changements de comportements, notamment vis-à-vis des mobilités.
Clémence AUMOND, Architecte étudiante M2vt
Bonjour à tous. Je suis architecte et étudiante du master ville et territoire. J’ai fait partie avec quatre autres étudiants de cette
étude. Notre premier travail était un travail de terrain. Nous avons réalisé des observations sur site. L’étude concernait 5 îlots
du centre-ville de Saint-Nazaire.
Nous avons donc adopté une posture de spectateur au sein des cours communes pour regarder ce qui s’y passait. Il a été
intéressant que nous ayons capté des usages détournés de ces espaces. Il s’agit d’espaces à dominante minérale marqués par
le stationnement. Nous avons pu mettre en avant que certains garages étaient utilisés comme des pièces supplémentaires pour
procéder à du stockage. Cela peut-être des buanderies ou des espaces de stockage pour les commerçants du rez-dechaussée. Il y a donc des allers venus au sein des cours entre les commerçants, les habitants et d’autres habitants du quartier
venu stationner leur véhicule, alors qu’ils n’habitent pas forcément les logements des copropriétés.
Pour chaque observation, nous avons réalisé des comptes rendus, qui nous ont permis de quantifier le nombre de voitures, de
personnes croisées au sein des îlots. Les situations se sont avérées très diverses. L’îlot Guillouzo proche des halles était très
fréquenté par la population, alors que nous n’avons pas observé beaucoup d’usages dans l’îlot de la rue des Celtes. L’îlot De
Gaulle a présenté des usages intéressants du fait de sa proximité avec une école. Il est en effet très utilisé par la population du
quartier comme raccourci permettant aux familles d’aller de leur logement aux écoles.
À la suite des observations, nous avons pris contact avec des habitants des copropriétés pour réaliser des entretiens très
informels auprès de personnes croisées ou de personnes réceptives à notre étude. On a réalisé des récits de vie de certains
résidents de ces immeubles.
Ainsi, sur l’îlot Guillouzo, Catherine et Vincent sont propriétaires d’un T3. Ils sont très contents de leur maison. Ils trouvent les
logements très pratiques et lumineux, mais ils souhaiteraient changer l’image de leur immeuble. Catherine propose ainsi de
mettre des fleurs, car « les fleurs égaient tout ».
Nous avons également rencontré Marc, qui est une figure importante de cet îlot. Il est cordonnier au rez-de-chaussée de l’îlot.
La cour commune est son combat. Il nous a confié qu’il était très difficile de structurer les habitants autour de la rénovation de
cet espace, notamment parce que la plupart des habitants sont des locataires qui restent peu de temps sur place.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Myriam nous a fait part de sa volonté de retrouver des lieux de vie pour les familles. Pourquoi pas des aires de jeux dans les
cours ? Il faut aussi penser des lieux, où tous les voisins peuvent se rencontrer, puisque chacun se croise, mais il n’y a
actuellement aucun moyen de pouvoir discuter au sein de ces cours communes.
Pour l’îlot De Gaulle, nous avons rencontré Pierre, syndic bénévole, qui nous a fait part de la difficulté actuelle du système
copropriété, qui requiert l’unanimité de tous les copropriétaires. Pour lui, ce système devrait évoluer, puisque la prise de
décision y est presque impossible.
Enfin, nous avons rencontré des copropriétaires très contents d’habiter dans le centre-ville comme Dominique pour qui il est
agréable de retourner en centre-ville après avoir vécu en lotissement. À ses yeux, Saint-Nazaire est l’idéal, surtout du fait de la
proximité de la mer. Elle peut tout faire à pied.
À partir de ces récits de vie, l’objectif consistait à penser 5 projets urbains, qui s’adaptent aux attentes variées des habitants,
qui sont différentes pour chaque îlot. Nous avons donc pensé 5 scénarios complémentaires, qui puissent être des projets types
et utopiques de transformation des cours.
L’îlot Guillouzo est très ensoleillé. La cour est très traversée. Il s’agissait de partir de cette implication forte des habitants pour
développer des extensions de logement donnant sur la cour. Voici la situation actuelle et la situation projetée pour permettre
aux propriétaires de visualiser. On voit que le garage s’est transformé en garage à vélo ou en pièce commune pour accueillir
les barbecues des voisins. On peut également accueillir des logements familiaux selon la demande des copropriétaires, qui,
pour la plupart, n’ont pas de jardin. Enfin, on peut penser des extensions des logements (balcons, loggias) orientés sur les
cours communes, tout en repensant l’accessibilité de ces immeubles, dont la plupart ne disposent pas de cage d’ascenseur. On
peut proposer de passer à un système d’association syndicale libre, qui ne requiert pas l’unanimité des copropriétaires, mais la
majorité des voix.
Dans l’îlot Cran, l’implication des habitants était beaucoup moins importante. Le souhait était vraiment de préserver la fonction
de parking. Nous avons donc essayé de proposer de nouveaux usages tout en maintenant la place de la voiture au sein de
cette cour. Comme l’îlot était plutôt ensoleillé, il s’agissait de proposer une terrasse commune sur les toits des garages pour
essayer de capter au maximum la lumière. Un retraitement de la chaussée a également été pensé, ainsi qu’une rénovation
énergétique des bâtiments. Ici, on peut envisager un système d’association syndicale autorisée, qui requiert l’accord des deux
tiers des copropriétaires.
Pour l’îlot De Gaulle, l’objectif était d’en faire un espace public dans le quartier. En effet, cet espace est très traversé par les
familles et utilisé comme raccourci. L’idée consistait à transformer cet espace en aire de jeu, puisque juridiquement il ne s’agit
pas d’un îlot parking, mais bien d’un îlot aire de jeu, qui a complètement perdu sa fonction depuis 20 ans. On réinstalle donc un
espace de jeu. Certains garages peuvent également être utilisés comme espaces communs intergénérationnels, puisque les
habitants de cet îlot sont plutôt de jeunes familles. Il fallait étudier comment, en termes juridiques, la collectivité peut s’impliquer
pour que cet espace redevienne du domaine public.
Le dernier projet de l’îlot Celtes visait à étudier comment usages publics et privés peuvent cohabiter au sein d’un même
espace. On a donc souhaité diviser cet espace en deux. On retrouve un espace très public, lié à la rue des Celtes, une rue très
passante. En fond de cour, on retrouve une partie privative avec un détournement de l’usage des garages avec des extensions
des logements grâce à des jardins d’hiver et à des balcons, puisque la cour est très bien orientée. Pour aller encore plus dans
l’utopie, pourquoi ne pas transformer certains garages en chambre supplémentaire, en salon commun, en salle de bain, en
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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bureaux ? Ces pièces pourraient être louées aux copropriétaires ou à d’autres personnes de la ville de Saint-Nazaire, si besoin.
La partie juridique a porté essentiellement sur le changement de destination des garages vers un usage d’occupation.
Ces projets relevaient d’une volonté d’engager une démarche globale à l’intérieur du centre-ville. Nous avons donc proposé des
chemins de découverte pour renforcer l’identité du territoire nazairien. Ces chemins de découverte passent par les cœurs
d’îlots. Ils permettent d’avoir une vision différente du centre-ville et de redécouvrir le patrimoine nazairien. Ils permettent
également de proposer des itinéraires bis pour des mobilités douces. Ils permettent également de redécouvrir les commerces
de proximité. Il faudrait ainsi transformer certaines rues via l’aménagement de pistes cyclables ou l’installation de mobilier
urbain attractif.
Nous avions intitulé ce projet : « une reconquête de Saint-Nazaire, une ville de petits projets."
Elisabeth LAFORGE
Merci. Nous aimerions que tout cela soit confronté à la population. Pourquoi ne pas présenter cela au cours d’ateliers ? Votre
étude pourrait être présentée. Cela pourrait donner des idées.
Intervenant
Cela peut donner des idées, c’est de l’utopie mais avec l’utopie on avance.
Intervenant
Que devient la voiture, vous avez envisagé des stationnements périphériques ?
Clémence AUMOND
Oui. La question du stationnement reste très délicate. Nous avons essayé de proposer des cours où on conservait l’usage du
stationnement, des cours où on divisait de moitié les places de stationnement et des cours où il n’y avait plus du tout de
stationnement. Des parkings pourraient être déportés dans d’autres zones du centre. Pourquoi ne pas proposer des forfaits
annualisés aux résidents, leur permettant de bénéficier de tarifs préférentiels dans leur quartier ?
Françoise ROUXEL
Les villes reconstruites ont fait l’objet de nombreux débats avec la population. Une des critiques soulevées par les habitants
portait sur les îlots ouverts ou semi-ouverts, qui donnaient tout à voir. On n’avait plus le fonctionnement traditionnel d’un décor
en façade avec des cours à l’arrière, où on pouvait cacher le désordre. Je trouve vos projets sympathiques, mais je voudrai
savoir où on a le droit de laisser le désordre dans vos projets.
Vous avez utilisé d’emblée un mot que je ne partage pas : le détournement. J’ai un garage, mes voisins aussi. Nous y stockons
le mobilier en trop dans les appartements. Or aucun ne considère qu’il détourne l’occupation du garage. De même, si je passe
par le garage plutôt que par l’entrée principale, parce que c’est un raccourci, je ne m’affranchis pas des règles ordinaires. Cette
notion est importante.
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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Élise ROY
Donc oui nous allons tout à fait partager votre attention aux usages. Nous ne considérons pas cela comme des usages
déviants. Il est vrai que les politiques publiques ont tendance à percevoir la ville ainsi. Toutefois, en tant que concepteurs, nous
essayons de ne pas fermer les yeux sur la richesse de ces usages. Néanmoins, on peut imaginer renouveler le garage. En
effet, des personnes extérieures au cœur d’îlot louent des garages comme espaces de stockage. Au niveau de l’intérêt général,
il serait mieux qu’ils trouvent un espace ailleurs, afin de nous permettre de reconquérir cet espace, de toute manière mal utilisé.
Sur l’aspect d’îlot ouvert, l’endroit où on peut mettre du désordre, je pense que ces espaces peuvent être des espaces de
désordre, du moins des espaces domestiques. Il y a en effet une frontière assez poreuse entre de l’espace domestique,
appropriable par les habitants et quelque chose d’offert à la ville dans les propositions sur certains îlots par les étudiants.
Intervenant
Ce qui nécessiterait un travail de fond avec les usagers. Ici nous sommes sur l’image. L’image est toujours très sympathique.
Cependant l’image est assez bloquante. Les habitants ont du mal à en sortir. Ils vont plutôt chercher à s’identifier à un élément
du projet. Le projet de l’habitant n’est pas un projet d’architecte, d’urbaniste mais d’usager. Cet usager sort tous les jours de
son appartement. Son premier contact avec la population se fait dans la cage d’escalier. Il va ensuite dans sa cour pour
prendre sa voiture. Il va encore rencontrer un nouveau seuil avant d’entrer dans l’espace urbain.
Cela me semble fondamental. Il me semble essentiel que les usagers soient au centre du projet urbain. Tant qu’on ne sera pas
là-dessus, le projet sera déviant. Or je pense que nous devons avoir le raisonnement inverse. Les professionnels doivent entrer
dans les usages de l’habitant.
Élise ROY
Je pense que le travail a été fait dans l’esprit que vous décrives.
Intervenant
Avez-vous rencontré les usagers ?
Élise ROY
Oui.
Intervenant
Non, je n’appelle pas cela rencontrer les usagers. Je suis désolé. Un travail avec les usagers consiste à être dans la cage
d’escalier, rencontrer les gens, leur parler de choses, les questionner.
Clémence AUMOND
C’est ce que nous avons fait, c’est un travail de terrain. Nous sommes allés frapper aux portes et nous avons travaillé avec les
gens qui nous répondaient. Nous avons vraiment réalisé un travail de terrain, car nous n’avions aucun contact en amont.
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Intervenant
C’est donc le résultat de ce que voulaient les gens ?
Clémence AUMOND
Non, pas nécessairement.
Élise ROY
Un projet n’est jamais le résultat de ce que veulent les gens
Intervenant
À ce niveau du débat, qui est très intéressant, qui est la rencontre de professionnels chevronnés et de jeunes émergents. J’ai
travaillé avec Isabelle LAFORGE et la CARÈNE il y a 4 ans à Saint-Nazaire. Hier, j’ai présenté des éléments ayant trait aux
cœurs d’îlots. J’ai naturellement consulté votre travail longuement. Je l’ai trouvé très bon. Je voulais renvoyer cet aspect positif.
Je pense que le travail qui a été fait est intéressant pour nourrir des perspectives vis-à-vis de la collectivité et des habitants. En
effet, on peut utiliser les cœurs d’ilots pour d’autres usages que d’y ranger les poubelles et d’y garer les voitures. Cela renvoie à
des structures professionnelles sérieuses pour prendre le relais.
Je n’ai pas lu ce travail comme un placage de l’image proposée. Ce n’était pas l’objet de la commande. Le travail qui reste à
réaliser consiste à présent à dépasser la valeur d’image pour aller vers la valeur d’usage.
Intervenant
Je suis architecte et enseignant à l’école d’architecture de Lille. Maintenant, je suis élu. Je suis étonné par la qualité du débat
que vous avez actuellement. Tous les témoignages présentés sur l’imprécision ou l’incomplétude de la démarche de l’étudiant
me semblent relever de la formation. Je voudrai vous féliciter pour la qualité de ce débat. Tout ce qui a été dit est très juste.
Cela va nous permettre d’évoluer grâce à la qualité de ces interventions. Je félicite la jeune étudiante. Il n’est pas facile d’être
confronté à des professionnels chevronnés.
Intervenant
Je pense que ce qui pourrait être fait par rapport à votre projet serait de monter un forum, permettant aux habitants, qui
assistent à l’atelier d’avoir des réactions sur ce projet. Ils se l’approprieront pour établir leur projet.
Elisabeth LAFORGE
Il faut exploiter, je pense qu’il faut travailler sur ce terreau déjà existant.
Delphine AGIER
Je trouve que cette expérience-là montre que les cœurs d’îlots sont perçus comme un atout potentiel et pas nécessairement
comme une contrainte du parc de la reconstruction. Ces cœurs d’îlots ont des usages multiples, qui constituent un réel potentiel
pour imaginer de nouvelles images et de nouvelles convivialités. Notre sujet était les habitants. Comment peuvent-ils prendre
part à cette évolution ? Est-il évident d’associer des locataires, qui ne restent pas longtemps à cette démarche ? Il me semble
Le patrimoine immobilier des années 50 à 70 – Saint-Nazaire les 6 et 7 octobre 2015
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important de souligner qu’améliorer la convivialité de cet espace peut constituer un enjeu attractif pour les résidents, même s’ils
ne restent pas longtemps. Il faut étudier les moyens de les associer, de conduire ces ateliers participatifs. Ce potentiel donne
envie d’en faire quelque chose d’agréable à vivre et à traverser.
Elisabeth LAFORGE
Dans le cadre de l’étude préalable, nous avons rencontré des usagers, qui nous ont demandé de faire quelque chose. Hier soir,
si vous vous étiez promené dans ce cœur d’îlot, vous auriez découvert l’étendue du problème. Ils étaient impraticables. Il
pleuvait. Il n’y avait pas de lumière, des flaques d’eau partout.
Intervenant
C’est ce qu’on appelle la valorisation du bien.
Intervenant
Plutôt que dire que le cœur d’îlot va être orienté vers de nouveaux usagers, ne serait-il pas plus pertinent pour le débat de dire
que nous irions vers un nouveau regard sur ces cœurs d’îlots. Je pense que le regard doit plus être nouveau que l’usage.
Delphine AGIER
Je proposais un potentiel pour imaginer de nouveaux espaces et de nouvelles convivialités. Vous parleriez plutôt d’un nouveau
regard ?
Intervenant
Oui, parce qu’un nouvel usage porte un jugement de valeur sur les activités actuelles.
Intervenant
Est-ce qu’on peut imaginer de parler du plaisir d’habiter ? Il faut intégrer les habitants des quartiers de la reconstruction dans
une certaine dynamique.
Élise ROY
L’enquête a révélé un plaisir d’habiter déjà existant chez les occupants. On peut entendre cet attachement-là, au lieu de classer
un peu rapidement ces habitants comme étant insatisfaits, car ils ne pouvaient pas trouver mieux.
Sylvaine LE GARREC
Peut-être que les ilots sont un point d’appui pour que ce plaisir d’habiter ce logement se transforme en projet pour les espaces
collectifs.
Élise ROY
À vous écouter, on pense que cela pourrait être un objet de mobilisation.
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Delphine AGIER
La satisfaction ressortait comme un jugement de valeur. Malgré une certaine image négative qui peut exister sur ces quartiers,
leurs habitants en sont globalement satisfaits. Cette image est un reflet extérieur.
Sylvaine LE GARREC
Je voudrais ajouter quelque chose au niveau des ilots. Je pense que c’est vraiment un objet sur lequel les villes de la
reconstruction peuvent être pionnières, car elles jouent le rôle de miroir grossissant. La réflexion autour des îlots se pose dans
toutes les villes. À Paris, une réflexion pourrait être engagée autour des îlots haussmanniens pour créer de la convivialité ou
trouver des usages aux cours communes souvent réduit à leur strict minimum. Les villes de la reconstruction peuvent jouer ici
leur rôle historique de laboratoire.
Intervenant
Cela pose aussi la question de l’espace public/privé. On est sur un espace privé, qui pourrait devenir public dans certains cas.
De la même manière, cela pose la question entre l’offre et la demande.
Intervenant
Pour préciser une chose par rapport à l’enquête présentée par Laurence. Nous avons fait une étude sur le périurbain de SaintNazaire. Nous avons ainsi vu que les habitants du périurbain avaient une image beaucoup plus négative du centre-ville de
Saint-Nazaire que les habitants du centre-ville eux-mêmes.
Sylvain GUERRINI
Là-dessus on sait que les propriétaires ont un tel enjeu affectif qu’ils ne peuvent pas changer d’avis sur leur maison, même s’ils
constatent des défauts. Cela serait un réel échec personnel. Cela peut jouer sur la satisfaction dans le périurbain.
Perig GOUTTEUX
Pour répondre à la possible transposition sur les copropriétés à Brest et pour rester extrêmement pragmatique, cela représente
un certain coût. Il est évident que, si de tels dispositifs étaient mis en place sur certaines villes de la reconstruction, il faut un
effet rebond et qu’il des projets ambitieux derrière, qu’ils partent sur des projets urbains à l’échelle politique ou de
réappropriation de ces îlots. On ne peut pas rester à planter quelques arbres et à mettre du bardage sur les garages ou à
rebitumer et à mettre une petite chaînette pour empêcher les gens de passer.
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