La modification du contrat de travail et le

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La modification du contrat de travail et le
6 - La modification du contrat de travail et le changement de l’employeur A1 / Modification du contrat de travail
Changement des conditions de travail : impossible d’imposer
à une salariée le passage, même partiel, d’un horaire de jour
à un horaire de nuit
Cassation sociale,
11 juillet 2007,
n° 06-41.537
Résumé : Le passage, même partiel, d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une
modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié et qui ne peut pas être
imposée par l’employeur.
Les faits
er
Mme X. est affectée dès le 1 janvier 1995 au poste de responsable de
réservation. Après être partie en congé parental d’éducation du 1er juillet 2000 au
16 septembre 2001, elle revient dans l’entreprise et se voit proposer
successivement deux postes de travail par son employeur. Elle les refuse à cause
des horaires désormais fixés de 5 heures à 17 heures (sauf quelquefois en été de
13 heures à 22 heures), au lieu de 8 heures à 16 heures 30. Elle prend alors acte
de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Le 29 octobre 2001,
elle est licenciée pour faute grave.
L’explication
Que s’est-il passé ? L’employeur peut-il, au nom de l’intérêt de l’entreprise,
imposer à un salarié de travailler parfois au-delà de 21 heures dès lors que le
contrat de travail est muet sur cette question ?
L’employeur soutient que oui, d’autant qu’il avance que le poste auquel reste
affectée la salariée constitue un emploi similaire à celui de responsable de
réservation tant en ce qui concerne la définition des fonctions que des
responsabilités. Le seul changement réside dans la répartition des horaires.
La salariée soutient que l’employeur outrepasse ce qu’il peut imposer dans le
cadre de la direction de son entreprise puisqu’il lui demande parfois de venir
travailler de nuit.
Notez-le :
Une nouvelle
répartition de
l’horaire au sein de
la journée ne
constitue pas une
modification du
contrat de travail
mais une simple
modification des
conditions de travail
qu’un employeur
peut imposer à un
salarié.
Les juges donnent tort à l’employeur. Ils notent que le nouveau poste proposé à
Mme X. constitue bien un emploi similaire à celui de responsable de réservation
tant en ce qui concerne la définition des fonctions que des responsabilités. Mais
le poste proposé s’accompagne d’une modification des horaires de travail avec
parfois un travail au delà de 21 heures. Or, le passage, même partiel, d’un horaire
de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui doit
être acceptée par le salarié et qui ne peut pas être imposée par l’employeur.
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6 - La modification du contrat de travail et le changement de l’employeur A1 / Modification du contrat de travail
Egalement jugé
Horaire de travail
Lorsque la durée du travail effectif est ramenée à la durée légale par décision
unilatérale de l’employeur, la réduction du salaire constitue une modification du
contrat de travail qui ne peut intervenir sans l’accord préalable du salarié.
Dès lors qu’elle résulte d’un accord collectif, la seule réduction du temps de travail
ne constitue pas une modification du contrat de travail. Mais à défaut d’accord
collectif ou si la réduction négociée s’accompagne d’une modification d’un autre
élément du contrat de travail, l’accord préalable des salariés concernés est
indispensable. Ainsi, l’employeur qui décide unilatéralement de réduire le temps
de travail ne peut imposer aux salariés une réduction de leur salaire sans leur
accord (Cassation sociale, 24 mars 2004, n° 02-45.130).
L’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, imposer au salarié
une nouvelle répartition des horaires de travail au sein de la journée. Cela
constitue un simple changement des conditions de travail, et non une modification
du contrat de travail. Ainsi, le salarié qui refuse un tel changement commet une
faute pouvant justifier son licenciement. Si ce refus est motivé par des obligations
familiales impérieuses, il n’est pas constitutif d’une faute grave, mais d’une cause
réelle et sérieuse de licenciement (Cassation sociale, 15 décembre 2004,
n° 02-44.924).
Le fait de demander à un salarié de travailler certains jours jusqu’à 19 heures au
lieu de 16, 17, 18 ou 18 heures 30 ne constitue pas une modification du contrat
de travail (Cassation sociale, 13 décembre 2000, n° 98-42.598).
Le passage d’un horaire continu à un horaire discontinu constitue une modification
du contrat de travail. L’employeur ne peut pas imposer à un salarié des
changements d’horaires ayant comme répercussion de lui imposer une pause de
4 heures à la mi-journée et de le priver d’une demi-journée de repos
hebdomadaire. En agissant ainsi, il ne fait pas que modifier les conditions de
travail du salarié. Il modifie son contrat de travail, ce qui ne peut pas se faire sans
son accord. En conséquence, le refus du salarié n’est pas fautif et ne peut pas
légitimer un licenciement pour faute grave (Cassation sociale, 25 avril 2007,
n° 05-45.106).
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6 - La modification du contrat de travail et le changement de l’employeur A1 / Modification du contrat de travail
Lorsqu’un employeur demande à une salariée qui travaillait selon un horaire qui,
en dernier lieu, était réparti du lundi au vendredi de 7 h à 12 h et de 14 h à 17 h 30,
de travailler à l’avenir non plus de manière hebdomadaire en deux périodes
distinctes sur une journée, mais en horaire continu par cycle de deux semaines,
une semaine le matin et une semaine l’après-midi, avec en outre un service à
assurer un samedi sur quatre, il modifie son contrat de travail. En conséquence,
il ne peut licencier pour faute grave la salariée qui refuse une telle modification
(Cassation sociale, 6 juillet 2004, n° 02-44.331).
Le fait de demander aux salariés, qui travaillaient 4 jours par semaine, de travailler
un jour supplémentaire constitue une modification du contrat de travail (Cassation
sociale, 23 janvier 2001, n° 98-44.843).
Lorsque le contrat de travail des salariées mentionne expressément qu’elles
disposent d’un samedi de repos sur trois, la fixation du repos un samedi sur six
constitue une modification du contrat de travail qu’elles peuvent refuser. Elles sont
alors en droit de réclamer le rétablissement de leurs conditions de travail
antérieures (Cassation sociale, 12 juillet 2005, n° 03-42.414).
Le passage d’un horaire fixe à un horaire variable constitue une modification du
contrat de travail. Dans cette affaire, les nouveaux horaires de la salariée, qui
travaillait depuis plusieurs années de 7 heures à 15 heures, comportaient une
coupure de plusieurs heures dans la journée et variaient chaque semaine dans un
cycle de cinq semaines. Les juges ont considéré qu’il y avait là modification du
contrat de travail (Cassation sociale, 14 novembre 2000, n° 98-43.218).
La présence, dans le contrat de travail, d’une clause ainsi rédigée « vos horaires
de travail seront, conformément à votre demande, du lundi au jeudi 8 h 30 - 17 h
et le vendredi 8 h 30 - 16 h » interdit à l’employeur de modifier unilatéralement les
horaires de travail du salarié (Cassation sociale, 11 juillet 2001, n° 3533).
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6 - La modification du contrat de travail et le changement de l’employeur A1 / Modification du contrat de travail
Le changement de la répartition des horaires de travail imposant à une salariée
de travailler deux dimanches sur trois, et non plus un dimanche sur trois, constitue
une modification du contrat de travail que l’intéressée est en droit de refuser
(Cassation sociale, 17 novembre 2004, n° 02-46.100).
Salarié à temps partiel
Dans le cas d’un contrat de travail à temps partiel, le salarié peut refuser
d’accepter un changement de ses horaires ordonné par l’employeur dans le cadre
de son pouvoir de direction, même si le changement est prévu au contrat, lorsque
ce changement n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses.
Dans cette affaire, il avait été demandé à la salariée, qui travaillait habituellement
du lundi au vendredi de 10 heures à 19 heures, de travailler à son retour de congé
de maternité deux soirs par semaine jusqu’à 22 heures ainsi que les samedis et
dimanches, qui étaient habituellement ses jours de repos, respectivement de
12 heures à 17 heures et de 18 heures à 23 heures (Cassation sociale, 9 juillet
2003, n° 01-42.723).
Le passage, même partiel, d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une
modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié.
Si l’employeur ne peut pas modifier, sans l’accord préalable du salarié, sa durée
de travail, il rentre en principe dans le cadre de son pouvoir d’organisation de
modifier la répartition des horaires de travail au sein de la journée, sans que le
salarié ne puisse s’y opposer. Il s’agit non d’une modification du contrat mais d’un
simple changement de ses conditions de travail que l’employeur peut
unilatéralement lui imposer. Il en va différemment lorsque l’employeur impose à un
salarié un passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, même lorsque cette
modification est partielle et que la modification ne fait travailler la salariée qu’une
heure de nuit, l’employeur doit alors obtenir l’accord de la salariée (Cassation
sociale, 10 mai 2007, n° 05-45.690, confirmé par Cassation sociale, 11 juillet 2007,
n° 06-41.537).
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