p58-61_Enqu`te 49 - Bourgogne Aujourd`hui

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Les anciens
font de
la résistance
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Le marché des vieilles bouteilles, ou plus simplement des vins
à boire, existe. Nous l’avons rencontré !
Si la tendance est à la consommation des vins jeunes,
sur le fruit, c’est encore les vieux flacons qui réservent les plus
belles surprises. Tour d’horizon de ces producteurs, négociants
BOURGOGNE AUJOURD’HUI n° 49
A
ussitôt mis en bouteille,
aussitôt acheté, et trop
souvent aussitôt bu…
Caricatural certes, mais
voilà peu ou prou le sort
réservé à bon nombre de bouteilles.
“La mode est au vin jeune !” “Nous ne
faisons pas des vins pour les antiquaires !”
Slogans souvent entendus dans le
vignoble. “Nous perdons le goût des
vieux vins, avec ces arômes tertiaires de
champignons, de cuir”, s’inquiète pour
sa part Jean-Pierre Charlot, du domaine
Joseph Voillot à Volnay. La mode,
les goûts présupposés des consommateurs ont souvent bon dos pour faire
passer ce qui relève davantage de l’intérêt économique que de la recherche de la
satisfaction du consommateur. “Fiscalité
sur les stocks aidant, restaurateurs, viticulteurs, négociants, plus personne ne
veut assumer le stockage des vins”,
constate Jean-Noël Rigaudie, caviste à
Avallon (Le Bouchon d’Avallon,
Yonne). Point de salut donc pour les
amateurs qui ne disposent pas de caves ?
Pas tout à fait. Un premier constat :
le marché des vieux millésimes, ou plus
simplement des millésimes à boire, est
anecdotique. “L’offre est restreinte.
On peut trouver de vieux millésimes
chez des propriétaires qui vendent
moins. Cela signifie souvent que ce sont
des millésimes qui n’ont pas été achetés à
leur sortie. On peut avoir des doutes sur
la qualité de ces vins”, affirme Pascal
Laville, caviste à Chalon-sur-Saône.
“Certains avec qui je travaille depuis
10 ou 15 ans gardent un volant de vin par
geste commercial”. Quelques domaines
mènent, pourtant avec mérite, une véritable politique de commercialisation de
ces vieux millésimes. Le domaine Robert
Ampeau à Meursault en est l’exemple le
plus exceptionnel. Aucun vin n’y sort
avant 8 à 10 ans passés en cave. Le millésime le plus récent commercialisé actuellement est 1994 et l’on trouve sur les
tarifs des vins jusqu’à 1976 ! “C’est mon
père qui a commencé à stocker”,
explique Michel Ampeau. “Il demandait
à ses clients d’être patients ! Mais ces
derniers revenaient l’année suivante en
disant : On a tout bu ! D’où la décision
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ou cavistes, qui entretiennent la mémoire bourguignonne.
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Une belle gamme de vieilles bouteilles ! Des flacons rares, mais pas forcément introuvables.
de ne vendre que des vins à boire”.
La famille Ampeau fait figure de puriste
et force le respect de bien des professionnels. Stocks très importants, impossibilité
de bénéficier des retombées médiatiques
des dégustations des vins jeunes, travail
de suivi et de préparation des bouteilles
démultiplié, etc. Les Ampeau n’ont pas
choisi la facilité. D’autres domaines ont
opté pour le stockage d’une partie plus
ou moins importante de leur récolte,
c’est le cas chez Joseph Voillot à Volnay.
Les caves de vieux vins comptent environ 20 000 bouteilles antérieures au millésime 1994. “Mon beau-père (Joseph
Voillot) a décidé, à l’époque, de garder
environ 2 000 bouteilles de chaque
cuvée et de les commercialiser pour
compléter sa retraite”, explique JeanPierre Charlot aujourd’hui à la tête des
dix hectares de l’exploitation. Le domaine s’est ainsi constitué une clientèle d’amateurs, et Jean-Pierre Charlot pérennise la
démarche en “oubliant” un volant de
chacun des premiers crus produits
chaque année.
Côté négoce, seuls de rares maisons pratiquent une véritable politique dans ce
sens : Camille Giroud, Remoissenet,
Doudet-Naudin et Leroy. “Le roulement de stock existe depuis plusieurs
décennies. Les deux-tiers des vins sont
gardés pendant au minimum 8 à 10 ans”,
explique Stéphane Kat, directeur commercial chez Camille Giroud, dont la
maison a fait une spécialité de la commercialisation des vieux millésimes.
C’est le potentiel de vieillissement du
millésime qui détermine la durée de son
séjour en cave avant commercialisation.
La liste des références descend jusqu’au
millésime 1969. Mais le stock de plus de
300 000 bouteilles compte également
des 1947, 1949, 1964... réservés aux
meilleurs clients. “La demande est plus
forte que l’offre”, affirme Stéphane Kat.
La logique de la maison se retrouve à
tous les échelons, vinification et élevage
compris : les vins passent de 30 à 32 mois
en fûts (aucune futaille neuve). Elle rencontre une demande importante à
l’export : Etats-Unis, Japon, les pays
nordiques, mais aussi en grande restauration. Camille Giroud garantit la qualité
de ces vieilles bouteilles : chaque cuvée
est suivie de près, le niveau des bouteilles
refait, les bouchons changés dès que le
besoin s’en fait sentir. Bref, le marché
des vieux vins existe, nous l’avons
rencontré ! Il n’y a pas mieux qu’un
vieux flacon pour se laisser surprendre
comme cet étonnant volnay Santenots
1984 goûté chez Ampeau. Pourquoi ne
pas s’offrir un 76 pour les fêtes ?
Longtemps resté hermétique, ce millésime se dévoile enfin…
Laurent Gotti
photographies : Lionel Georgeot,
David Clémencet.
LES BONNES ADRESSES
LES DOMAINES
LES CAVISTES
• Sylvain Mosnier (Beines, 89)
Tél. 03 86 42 43 96
Chablis “vieilles vignes” 1994 (9 €),
Chablis “vieilles vignes” 1996 (9 €).
• Denis Perret (Beaune, 21)
Tél. 03 80 22 35 47
Beaune Clos des Mouches rouge 1990,
Chanson Père et Fils (34 €),
Beaune Clos des Mouches rouge 1993,
Chanson Père et Fils (25 €).
• Daniel-Etienne Defaix (Chablis, 89)
Tél. 03 86 42 42 05
Le domaine commercialise ses premiers crus
4 à 6 ans après la récolte. Les prix s’entendent
par lot de six bouteilles sauf les 82 vendus par
deux.
Chablis Côte de Léchet 1982 (120 €),
Chablis Côte de Léchet 1995 (144 €),
Chablis Premier cru Vaillon 1997 (114 €),
Chablis Premier cru Les Lys 1997 (114 €).
• Domaine du Clos de Tart
(Morey-Saint-Denis, 21)
Tél. 03 80 34 30 91
Clos de Tart 1989 (130 €),
Clos de Tart 1992, magnum (170 €).
• Joseph Voillot (Volnay, 21)
Tél. 03 80 21 62 27
Une cinquantaine de références entre 1993
et 1971. Exemples :
Volnay Fremiets 1976 (35,88 €), 1978 (35,88 €),
1988 (29,9 €),
Volnay Champans 1972 (41,86 €),1976 (35,88 €),
1978 (35,88 €), 1985 (35,88 €),
Pommard Epenots 1971 (41,86 €), 1981
(35,88 €), 1985 (38,27 €),1988 (35,88 €),
Pommard Rugiens 1976 (35,88 €), 1985
(38,27 €), 1991 (35,88 €),1993 (33,48 €).
• Ampeau Père et Fils (Meursault, 21)
Tél. 03 80 21 20 35
Plus d’une trentaine de références sur
12 appellations jusqu’aux millésimes 1976
en rouge et 1979 en blanc. Exemples :
Auxey-Duresses Ecusseaux (rouge), 1976,
1989, 1993,
Volnay-Santenots 1976, 1984, 1988, 1991, 1992,
Savigny-lès-Beaune Les Lavières (rouge) 1976,1992,
Meursault Perrières 1985,1987, 1988,
Puligny-Montrachet Combettes 1979, 1982, 1987.
Prix non communiqués.
• Albert Grivault (Meursault, 21)
Tél. 03 80 21 23 12
Bouteilles commercialisées à l’unité et en quantité très limitée. Règlement à la commande.
Meursault Clos des Perrières 1979 (122 €),
Meursault Perrières 1983 (84 €),
Meursault 1988 (37 €),
Pommard Clos Blanc 1988 (58 €).
• Le Cellier Saint-Vincent
(Chalon-sur-Saône, 71)
Tél. 03 85 48 78 25
Vins achetés à la propriété et conservés dans
les caves de l’enseigne.
Volnay 1976, Rossignol Changarnier (45,50 €),
Chevalier-Montrachet 1991, Latour (98,40 €),
Montrachet 1992, Olivier Leflaive (169,37 €),
Volnay 1990, Rossignol Changarnier (45,50 €),
Meursault Les Perrières 1993, Grivault (26,68 €).
• Bourgogne Wijnen (Anvers, Belgique)
Tél. 00 32 32 38 48 84
Gevrey-Chambertin “vieilles vignes” 1993
et 1995, Sérafin père et fils (52,25 €),
Chambolle-Musigny 1993, Comte de Vogüé
(68,40 €).
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MAISON DE NÉGOCE
• Camille Giroud
Tél. 03 80 22 12 65
Une quarantaine de références antérieures à
1995 principalement en côte de Beaune, mais
aussi en côte de Nuits et côte chalonnaise.
Quelques exemples :
Pommard Epenots 1969,
Clos de Vougeot 1971,
Corton 1978,
Corton Clos du Roi 1976,
Vosne-Romanée Les Suchots 1985,
Volnay Clos des Chênes 1985,
Chambolle-Musigny Les Charmes 1988,
Volnay Fremiets 1989,
Vosne-Romanée 1990,
Beaune Grèves 1991,
Mercurey Clos des Montaigus 1985,
Beaune Marconnets 1990.
Prix non communiqués.
• Sans oublier également les nombreuses
ventes aux enchères partout en France.
Nous aurons l’occasion d’y revenir lors d’une
prochaine enquête.
Tous les prix communiqués sont T.T.C. départ
cave, dans la limite des stocks disponibles.
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MILLESIMES
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