surveillance medicale renforcee et cmr

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surveillance medicale renforcee et cmr
SURVEILLANCE MEDICALE RENFORCEE ET CMR
Docteur M.D. RAINE, Médecin du Travail, SIEST AMET, Rosny-sous-Bois 93
1- La Surveillance Médicale Renforcée (SMR), bébé de la « réforme » de 2004,
instaurée par le décret du 28.07.2004, fait suite en fait aux SMS et SMP des
réglementations précédentes.
- Qu’est-ce que cela entraîne ?
Une visite médicale annuelle au minimum (pour certains risques, elle est
semestrielle), alors que les autres salariés ne sont vus que tous les 2 ans.
Des examens complémentaires, prévus ou non par les textes (nous les
verrons plus loin pour chaque exposition), mais des examens
complémentaires peuvent être aussi nécessaires pour des salariés nonSMR.
- Quels sont les salariés en SMR ?
Tous ceux qui occupent des postes de travail référencés dans les différents
« décrets et arrêtés spéciaux », dans l’arrêté du 11 juillet 1977, des accords collectifs
de branche étendus et les catégories de salariés mentionnées dans l’article R.462419 du Code du Travail.
- Qui « classe » les salariés dans l’une ou l’autre catégorie ?
A l’heure actuelle (et c’est là où « le bât blesse » !), ce sont les employeurs, sur les
conseils du Médecin du Travail et en concertation avec le CHSCT ou les délégués du
personnel s’ils existent, qui définissent les salariés en SMR.
- Nous avons vu qu’il n’y avait finalement pas de grande différence avec les SMS et
SMP des textes antérieurs à 2004, si ce n’est que le nombre de salariés SMR
n’intervient plus dans le calcul du temps médical : les effectifs maximum pour un
Médecin du Travail temps plein restent les mêmes que les salariés soient SMR ou
non…
2- Les postes de travail exposés à des produits ou procédés cancérogènes,
mutagènes ou reprotoxiques (CMR) entraînent une SMR depuis 1993 (article R441260 et suivants du Code du Travail).
- Définition : toute substance ou préparation classée cancérogène, mutagène ou
toxique pour la reproduction de catégorie 1 ou 2.
S’y ajoutent, pour ce qui nous concerne,
les travaux exposant aux poussières de bois,
les travaux exposant au formaldéhyde (01.01.2007).
S’y ajoutent les préparations dont la teneur en substances cancérogènes ou
mutagènes est égale ou supérieure à
0,1 % pour les substances de catégorie 1 et 2
1 % pour les substances de catégorie 3.
Ces substances ou procédés sont toxiques par inhalation,
ingestion,
pénétration cutanée.
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- Des textes :
décret n° 2001-97 du 01.02.2001 sur la prévention des risques CMR.
décret n° 2003-1254 du 23.12.2003 relatif à la prévention du risque chimique.
circulaire du 04.11.2004.
circulaire DRT n° 12 du 24.05.2006.
arrêté du 13.07.2006 modifiant l’arrêté du 05.01.1993 fixant la liste des
produits CMR.
- Qu’est-ce que la présence d’une substance ou préparation ou procédé CMR
entraîne dans une entreprise ?
l’obligation pour l’employeur de procéder à l’évaluation des risques encourus
pour la sécurité et la santé des travailleurs (Document Unique).
La mesure de l’exposition au moins une fois par an par un organisme agréé,
avec communication des résultats au Médecin du Travail, au CHSCT ou aux
délégués du personnel s’ils existent.
Cette mesure sera renouvelée en cas de dépassement des VLE et en cas de
modification des installations.
L’établissement par l’employeur :
- d’une liste actualisée des travailleurs exposés,
- d’une fiche individuelle d’exposition : nature du travail effectué,
caractéristiques des produits,
périodes d’exposition,
autres risques ou nuisances ,
dates et résultats des contrôles de
l’exposition individuelle,
durée et importance des
expositions accidentelles.
Un double de cette fiche est transmis au Médecin du Travail et fera partie
du dossier médical du salarié.
- L’évaluation des risques sera réalisée par l’employeur avec l’aide
du Médecin du Travail,
d’un IPRP du Service de Santé au Travail,
des étiquettes des produits utilisés, avec les pictogrammes et les phrases de
risques (R.40, 45, 46, 49, 60, 61, 62, 63, 68 sont celles concernant les CMR),
et de leur Fiches de Données de Sécurité (FDS),
d’autres spécialistes comme les CRAM…
Il ne faut pas seulement lister les produits ou procédés, mais aussi connaître les
modes d’utilisation afin d’évaluer le degré d’exposition.
Afin d’aider les employeurs et les autres intervenants, la CNAMTS a élaboré et
continue d’élaborer des
FAR : fiches d’Aide au Repérage (FAR3 : labo. d’ana-path ; une
FAR est en préparation pour les hôpitaux)
FIP : fiches d’Information et de Prévention (FIP1 : formol au poste
de macroscopie ; FIP8 : préparation des médicaments
cytotoxiques en milieu de soins)
FAS : fiches d’Aide à la Substitution (FAS10 : formaldéhyde).
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- Quelques chiffres :
> 2 millions de travailleurs exposés aux CMR en 2003 (SUMER)
environ 180 000 salariés sont exposés à des produits reprotoxiques
(SUMER 2003)
> 200 agents ou situations cancérogènes répertoriés par le C.I.R.C.
> 10 000 cas de cancers par an liés à des expositions passées.
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3- Les CMR à l’Hôpital : où les trouve-t-on principalement ?
Agent ou procédé
Radiations ionisantes
VHB, VHC, VHD
VIH
Papillomavirus, EB
Services
Radiologie
Radiothérapie
B.O.
Laboratoires
Tous services
hospitaliers
Laboratoires
Services généraux
(déchets, eaux usées)
Amiante
Services généraux
Poussière de bois
Benzène
Services généraux
Laboratoires
Services généraux
Oxyde d’éthylène
Formaldéhyde
Stérilisation
Labo. ana-pathologie
Amines aromatiques
Bis-chlorométhyléther
(BCME)
(formol + produits chlorés)
Nitroso-guanidines
nitroso-urée
Toluène
Médicaments anticancéreux
Certains médicaments
anti-viraux et antiparasitaires (en particulier
en aérosols) :
pentamidine, ribavirine,
zidovudine (Retrovir®),
ganciclovir (Cymevan®),
cidofovir (Vistide®),
Foscavir®, entécavir,
abacavir, famciclovir,
valganciclovir, Viread®,
Hepsera®.
Amphithéâtre
B.O.
(Dialyse)
Laboratoire biologie
Laboratoire ana-path.
Laboratoire biologie
Laboratoire biologie
Oncologie
Pharmacie
Services hospitaliers
médecine interne,
maladies infectieuses
Pharmacie
Personnels
Médecins, chirurgiens
MERM
Infirmiers
Techniciens, chercheurs
Personnel soignant
Personnel d’entretien
Techniciens de labo.
Plombiers, personnel
S’occupant des déchets et
eaux usées
Personnel d’entretien des
bâtiments et des véhicules
Menuisiers
Techniciens labo.
Peintres, personnel
d’entretien des véhicules
AS et ASH en stérilisation
Médecins ana-path.
Techniciens labo.
Personnel d’amphithéâtre
Infirmiers
(techniciens de dialyse)
Médecins, techniciens labo.
Techniciens labo.
Personnel de nettoyage
Médecins
Techniciens labo.
Techniciens labo.
Médecins, infirmiers
Pharmaciens, préparateurs en
pharmacie
Infirmiers
Pharmaciens, préparateurs en
pharmacie
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Cette liste n’est pas exhaustive et il faut éventuellement la compléter en « chassant »
les produits chimiques dans les laboratoires et les ateliers en particulier, afin de bien
définir l’exposition de chaque travailleur.
4- Rôle du Médecin du Travail une fois l’évaluation des risques (avec les mesures
d’exposition), la liste des travailleurs exposés, la fiche individuelle d’exposition faites
par l’employeur ( ???!!!) :
visite médicale d’embauche, puis annuelle, de reprise du travail,
spontanée ou de pré-reprise.
prescription d’examens complémentaires nécessaires, entre autres,
- à la détermination de l’aptitude médicale au poste de travail
(dépistage des contre-indications) ;
- au dépistage d’une maladie professionnelle ou susceptible de l’être
(maladie à caractère professionnel) ou imputable au service ;
- à l’évaluation et/ou à la surveillance d’une exposition.
Certains examens sont obligatoires, prévus par les différents textes
réglementaires, d’autres ne sont pas obligatoires mais demandés par le
Médecin du Travail pour différentes raisons : recherche d’une contreindication au poste de travail, surveillance de l’exposition, en pré-vaccinal,
dépistage d’une maladie professionnelle….
Je ne rentrerai pas dans le détail pour les expositions à l’amiante et aux radiations
ionisantes, puisque ces sujets ont ou vont être traités par ailleurs au cours de ces
Journées.
Pour les autres expositions :
VHB : dosage des AC anti-HBs, ou éventuellement sérologie complète VHB
(suivant le statut vaccinal ou l’origine du sujet) ; examen obligatoire prévu par
l’arrêté du 06.03.2007.
Benzène : NFS–plaquettes à l’embauche et éventuellement une fois par an.
Oxyde d’éthylène : NFS–plaquettes et transaminases sériques à l’embauche
et une fois par an, avec un bilan OPH régulier à la recherche d’une altération
du cristallin.
Mais ce produit est de moins en moins utilisé.
Formol : NFS–plaquettes à l’embauche et annuelle, et pour les personnels
fortement exposés, un examen ORL et une naso-fibroscopie tous les 3 ans
au-delà de la 30ème année après le début de l’exposition.
Dosages urinaires ou sanguins d’acide formique afin d’évaluer et de surveiller
l’exposition, mais peu sensibles.
Des EFR avec ou non test à la Métacholine, une recherche d’IgE spécifiques
au formol et/ou des tests épicutanés pourront être prescrits à la recherche
d’une sensibilité au formol, ce qui n’a rien à voir avec sa cytotoxicité.
Amines aromatiques : NFS-plaquettes, transaminases sériques avec gammaGT et phosphatases alcalines, compte d’Addis et cytologie urinaire.
Toluène : dosage du toluène sanguin, ou de l’ortho-crésol urinaire en fin de
poste, ou encore de l’acide hippurique urinaire, permet d’évaluer l’exposition.
Médicaments anti-cancéreux : NFS–plaquettes, transaminases sériques et
bilan rénal, mais la recherche des biomarqueurs n’est pas utilisée en routine.
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Médicaments anti-viraux et anti-parasitaires : actuellement, aucun test
spécifique de surveillance du personnel exposé professionnellement n’est
applicable en médecin du travail.
Les résultats, qui seront adressés directement au Médecin du Travail en respectant
strictement la confidentialité, et les dates de ces examens complémentaires seront
consignés dans le dossier médical de chaque salarié, et entraîneront les
conséquences qui s’imposent s’il y a anomalie.
5- Car il faut toujours garder à l’esprit que notre première mission est la prévention !
Dans le cas des CMR, la survenue des effets néfastes n’étant la plupart du temps
jamais corrélée ni à la dose ni au temps d’exposition, la seule prévention acceptable
dans l’absolu est la non-exposition, l’exposition 0.
- Soit par la suppression du produit ou procédé CMR : dans le cas du formol, on peut
adresser au laboratoire d’ana-path. des pièces fraîches (conservées à 4 °C pendant
24 à 48 heures) prélevées au B.O..
Pour les produits ou procédés toxiques pour la reproduction (phrases de risques
R.46, R.60, R.61) ou pour lesquels il existe un doute, l’éviction des femmes
enceintes ou allaitantes est de règle, après avoir informé à l’embauche les femmes
en âge de procréer d’avertir le plus précocement possible (lors de l’arrêt de la
contraception ?) le Médecin du Travail de leur état de grossesse. Mais quid des
hommes ?
Le formol n’est pas reconnu toxique pour la reproduction, mais s’il n’existe pas de
dispositif de ventilation efficace des locaux, notamment pour les activités de
macroscopie, le principe de précaution pour les femmes enceintes doit être respecté.
- Soit par la substitution d’un produit ou procédé CMR par un autre produit moins ou
non dangereux, qui est le premier des principes généraux de prévention (article
L4121 du Code du Travail), et qui est obligatoire pour les agents CMR de catégorie 1
et 2 (article R4412-66 du Code du Travail et décret n° 2001-97 du 1er février 2001).
Cette substitution n’est cependant pas facile à réaliser, peut-être moins encore dans
le domaine de la Santé que dans celui de l’industrie, car il faut aussi tenir compte
d’un grand nombre de facteurs d’efficacité (médicaments anti-cancéreux, produits de
laboratoire, radio-isotopes, radiations ionisantes…), de normes d’hygiène (antisepsie,
stérilisation…), etc…
Un exemple avec le formol utilisé comme fixateur de tissus, comme réactif dans les
laboratoires d’analyses biologiques médicales, et comme désinfectant soit par voie
aérienne (DVA) hors présence humaine, soit en mode manuel, par nettoyage de
contact.
Des essais de substitution du formol avec des fixateurs alcooliques peu
toxiques avec des VLEP élevées, mais ils sont inflammables et supposent
donc des équipements de laboratoires adaptés et une conformité des lieux de
travail utilisant des produits inflammables.
Pour certains prélèvements à visée d’études cytologiques, certains services
ont déjà substitué le formol par un fixateur alcoolique (par exemple la solution
cytoLyt® à base de méthanol).
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D’autres biocides, comme l’acide peracétique, l’hypochlorite de sodium (eau
de Javel), ou à un moindre degré, le peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée),
peuvent remplacer le formol, mais ils nécessitent l’obtention d’une
homologation avant leur application en secteur pharmaceutique et hospitalier
(Cf. la FAS n°10 de la CNAMTS).
Il est possible aussi de changer de méthode de désinfection. D’ailleurs, le
nettoyage de contact avec un produit contenant du formol n’est, à ma
connaissance, plus utilisé.
A ce propos, l’AFSSET a ouvert un site internet dédié à la substitution des
CMR : www.enjeux-cmr.fr .
- S’il n’est pas possible de supprimer l’agent CMR, il faut appliquer le principe de
diminuer l’exposition au niveau le plus bas possible (principe ALARA) :
Travail en vase clos (PSM, PSC, tunnel de production des cyto-toxiques,
automates de dernière génération, etc…).
Aspiration des vapeurs et des poussières à la source (hotte en ana-path.,
Sorbonne, extracteurs mobiles, aspirations sur les machines en
menuiserie…).
Réduction au minimum du nombre de travailleurs exposés avec
signalisation des zones dangereuses (radiologie, B.O. radiothérapie,
laboratoires).
Réduction de la durée et de l’intensité de l’exposition (en radiologie :
numérisation, écrans plombés, amplificateurs de brillance ; au B.O. :
utilisation de flacons pré-remplis de formol pré-dilués à 3,7 %…)
Interdiction de fumer, boire et manger sur le lieu de travail.
Réduire la quantité d’agents chimiques sur le lieu de travail (laboratoires,
ateliers).
Respect des précautions d’hygiène standard (contre les CMR d’origine
biologiques).
- Enfin, mise à disposition et port obligatoire des EPI :
gants adéquats,
blouse et/ou surblouse,
lunettes de protection,
masques, visières,
tabliers de plomb, etc…
- Sans oublier la vaccination quand elle existe pour les CMR biologiques (VHB).
- L’information et la formation des travailleurs sur les produits qu’ils utilisent, et la
sensibilisation à leur sécurité sont elles aussi primordiales, en particulier pour des
personnes habituées à la maladie et dont la vocation est de s’occuper de la santé et
du bien-être des autres… :
remise au salarié d’une fiche de poste et d’un livret d’accueil incluant la
sécurité ;
formation aux premiers secours ;
formation à l’utilisation des EPI.
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6- Le suivi post-professionnel ou post-exposition (annexe II de l’arrêté du
28.02.1995) est important pour le dépistage de ces cancers professionnels qui
apparaissent en général longtemps après l’exposition.
Pour ce faire, une attestation d’exposition, remplie par l’employeur et le médecin du
travail, doit être remise au salarié lors de son départ de l’entreprise, et le dossier
médical est conservé 50 ans après la cessation de l’exposition.
Ce suivi post-exposition sera assuré par le médecin traitant du salarié (suivant les
indications de l’attestation d’exposition) s’il est retraité (après demande auprès de la
CPAM), ou le médecin du Travail de la nouvelle entreprise, ce qui pose dans ce cas
des problèmes de coût…
Les modalités de ce suivi sont fixées par arrêté pour certains agents et procédés
CMR : l’amiante, les amines aromatiques, le BCME, le benzène, les poussières de
bois, les radiations ionisantes, les nitroso-guanidines entre autres…
Le problème dans ce beau montage, c’est que l’attestation d’exposition n’est
pratiquement jamais remise car on ne sait pratiquement jamais quand un salarié
quitte l’entreprise… !!
Il faudrait une traçabilité nationale de l’histoire des risques professionnels de
chaque travailleur, c’est-à-dire leur curriculum laboris.
Quelques documents :
Ceux de l’INRS et des CRAM.
Le B.I. thématique n° 76 de l’ANMTEPH.
ANMTEPH 10 juin 2009 RABAT
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