Hong Kong : Victime du ralentissement chinois
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Hong Kong : Victime du ralentissement chinois
Hong Kong Victime du ralentissement chinois La croissance s’essouffle progressivement depuis cinq ans. Au S1 2015, la bonne performance de la demande interne, soutenue par la hausse des prix boursiers et immobiliers, a compensé en partie les effets de la contraction des exportations, mais la croissance devrait de nouveau ralentir au S2. Hong Kong est très vulnérable au ralentissement chinois, via le canal commercial, le tourisme et le canal financier. En outre, doté d’un Currency Board, Hong Kong subira bientôt un resserrement de ses conditions monétaires. Le ralentissement de l’activité, la hausse des taux d’intérêt et son effet sur le marché immobilier, ainsi que la montée des risques de crédit associés aux contreparties chinoises sont autant de défis que le secteur bancaire devra gérer à court terme. ■ Baisse de régime La croissance hongkongaise s’essouffle. Suite au rebond d’aprèscrise de 2010-2011, le PIB réel n’a progressé que de 2,4% par an en moyenne sur la période 2012-2014 et devrait passer sous la barre des 2% en 2015-2016. Cette performance paraît bien médiocre au vu du taux de croissance moyen annuel de 6,5% enregistré au cours de la période d’avant-crise de 2003-2007. Hong Kong a souffert depuis quatre ans du ralentissement de la croissance économique chinoise et de l’affaiblissement durable de la demande mondiale et des échanges commerciaux, en Asie en particulier. Le ralentissement ne s’est pas aggravé au S1 2015, mais ce répit ne devrait pas durer. La croissance du PIB s’est établie à 2,4% en g.a. au T1 2015 et 2,8% au T2, la bonne performance de la demande interne permettant de compenser en partie les effets de la contraction des exportations de biens et services (cf. graphique 1). La consommation privée (66% du PIB) a augmenté de 5,6% en g.a. au S1 2015 (vs. 4,4% au S2 2014), soutenue par des conditions relativement stables sur le marché du travail et par la montée des prix des actifs boursiers et immobiliers. Celle-ci a induit des effets de richesse positifs et une hausse des dépenses des ménages (dans les services en particulier), ainsi que des dépenses d’investissement (notamment dans la construction). L’investissement (24% du PIB) a même accéléré, progressant de 7,0% en g.a. au S1, contre 0,9% au S2 2014. Par contre, la croissance du PIB a été pénalisée par un important mouvement de déstockage. Il s’est opéré dans un contexte de recul des exportations de biens et de services, conséquence de la faiblesse des activités de commerce international et de tourisme. La contribution nette du commerce extérieur à la croissance est donc restée négative au S1 2015. Les vents contraires auxquels fait face l’économie hongkongaise devraient se renforcer et se multiplier dans les prochains mois. La tendance au ralentissement de la croissance devrait donc reprendre. ■ Entre ralentissement chinois … De par son rôle de centre financier international, d’entrepôt régional, de base de services pour la Chine continentale et, plus généralement, de par son degré d’ouverture commerciale et financière très élevé, Hong Kong est particulièrement vulnérable au ralentissement de la croissance chinoise et à l’ajustement à la baisse des échanges commerciaux de la Chine avec le reste du monde. Les principaux moteurs de la croissance de Hong Kong sont touchés : services financiers, commerce et logistique, tourisme et services aux entreprises – qui représentent environ 60% de son PIB. economic-research.bnpparibas.com 1- Synthèse des prévisions 2013 2014 2015f 2016f PIB réel, v ariation annuelle, % 3,1 2,5 1,9 Inflation, IPC, v ar. annuelle, % 4,3 4,4 2,8 1,8 1,9 Solde budgétaire, % du PIB* 2,6 1,1 0,7 -0,1 Dette du gouv ernement, % du PIB* 6,7 6,6 6,6 6,6 Balance courante, % du PIB 1,5 1,9 3,2 3,7 Actifs ex térieurs nets, % du PIB 276 285 288 285 Réserv es de change, mds USD 311 328 350 380 Réserv es de change, en mois d'imports 26,4 26,5 27,0 27,0 Taux de change CNY/USD (fin d'année) 7,8 7,8 7,8 7,8 f : prévisions : BNP Paribas * : Année budgétaire (du 1er avril de l’année t-1 au 31 mars de l’année t) 2- Composantes de la croissance du PIB Contributions en points de pourcentage, et PIB en glissement annuel, % ▬ PIB réel, g.a. ▌Consommation privée, pp ▌Consommation publique, pp ▌FBCF, pp ▌Variation des stocks, pp ▌Exportations nettes, pp 15 10 5 0 -5 -10 2008 2009 2010 Sources : CSD, BNP Paribas 2011 2012 2013 2014 2015 Le canal commercial joue pleinement, via le ralentissement à la fois des exportations à destination de la Chine (42% des exportations de biens produits à Hong Kong et, surtout, 54% de ses réexportations, qui font la quasi-totalité des exportations du territoire) et des importations en provenance de la Chine. Celle-ci fournit 60% des marchandises (en valeur) qui sont réexportées par Hong Kong. Ainsi, les exportations et importations de marchandises n’ont progressé que de 3%-4% en moyenne en g.a. en 2012-2014 (en volume comme en valeur), une croissance au moins deux fois plus faible que sur la période 2002-2011. Le ralentissement s’est aggravé en 2015, Hong Kong Octobre 2015 11 les exportations comme les importations s’étant contractées en g.a. chaque mois depuis mai. Le deuxième canal de transmission du ralentissement chinois est celui du tourisme. Les entrées de visiteurs en provenance de la Chine continentale, qui représentent près de 80% de l’ensemble des visiteurs à Hong Kong et près de la moitié de ses ventes de détail, ont marqué le pas depuis 2013, conséquence de la campagne anticorruption menée par Pékin. En outre, les conditions d’obtention de visas ont été durcies depuis le printemps 2015 (réduction du nombre de visas multi-entrées, dans le cadre de la lutte contre les transactions transfrontalières frauduleuses). La progression des entrées de touristes chinois sur le territoire a ainsi ralenti de 25% en moyenne en g.a. sur la période 2010-2012 à 17% en 2013-2014 et 5% au S1 2015, pour finalement devenir négative (-8% en g.a.) en juillet-août 2015. Cette détérioration pourrait se poursuivre dans les prochains mois, sous l’effet notamment de la dépréciation du CNY par rapport au HKD. Son effet négatif sur les exportations de services de Hong Kong ainsi que sur ses ventes de détail devrait donc persister. Celles-ci ont à peine augmenté sur l’ensemble de 2014. Alors que des signes de redressement étaient apparus à la fin de 2014 et au S1 2015 (cf. supra), la dynamique devrait s’inverser à court terme, puisqu’au recul des dépenses des touristes chinois devraient s’ajouter les effets de richesse négatifs liés à la baisse des cours boursiers. L’indice Hang Seng a en effet chuté de 25% entre son point haut de fin avril et fin septembre 2015 (cf. graphique 2). La correction sur les marchés d’actions de Hong Kong s’explique largement avec le krach boursier en Chine (cf. page 9) et la montée des inquiétudes sur l’ampleur de son ralentissement. Plus généralement, les effets de transmission des difficultés de l’économie chinoise via le canal financier sont beaucoup plus importants à Hong Kong que dans la plupart des autres marchés émergents. Sur les marchés d’actions, la contagion est d’autant plus élevée que les effets de richesse liés à la valeur du patrimoine financier sont non négligeables pour les ménages et que la corrélation entre les indices boursiers chinois et hongkongais est forte. Celle-ci s’explique par l’importance des entreprises chinoises cotées à Hong Kong (environ 40% de sa capitalisation boursière) et ainsi que par la récente augmentation des flux d’investissements de portefeuille entre les deux marchés (hausse progressive des quotas d’investissements accordés par les autorités chinoises, lancement du Shanghai-Hong Kong Stock Connect fin 2014). Plus généralement, le secteur financier hongkongais est devenu extrêmement dépendant des développements économique et monétaire en Chine, du processus d’ouverture de son compte de capital (qui conduit à l’augmentation des entrées et sorties d’investissements directs and financiers à partir de, et vers, Hong Kong) et d’internationalisation de sa monnaie (Hong Kong est de fait le premier centre financier pour le yuan offshore). Enfin, les banques hongkongaises sont directement exposées aux risques de crédit liés à des contreparties chinoises. Leurs prêts aux entreprises et banques chinoises représentaient 32% des actifs bancaires totaux fin 2014, contre 10% en 2009. economic-research.bnpparibas.com 3- Tendances de long terme des prix d’actifs Indices, janvier 2005 = 100 ▬ Prix immobiliers ▬ Cours boursiers (indice Hang Seng) 380 330 280 230 180 130 80 30 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Sources : CSD, Hong Kong Stock Exchange, BNP Paribas ■ … et hausse des taux américains Hong Kong est doté d’un système de Currency Board (le taux de change HKD contre USD est fixe) et sa politique monétaire est donc dépendante de celle des Etats-Unis. Une hausse des taux d’intérêt et un resserrement des conditions de crédit sont donc attendus dans les prochains mois. Les effets combinés du ralentissement de l’activité, de la correction sur le marché actions et du resserrement monétaire pourraient être particulièrement sévères dans le secteur immobilier. Celui-ci est en effet en situation de surchauffe : l’indice des prix immobiliers a quasiment triplé depuis fin 2008, la demande restant soutenue par des conditions de crédit extrêmement accommodantes et l’offre de nouveaux logements restant structurellement limitée. Le taux d’accessibilité au logement des ménages s’est fortement dégradé depuis cinq ans. Le risque d’une très forte correction des prix immobiliers est donc élevé à court terme. Les volumes de transactions ont d’ailleurs affiché une importante baisse (-15% en juin-juillet 2015 par rapport à la même période en 2014), largement par effet de contagion de la correction en bourse. Les prix restent pour l’instant clairement orientés à la hausse (+19% en g.a. sur la période juin-août 2015). L’exposition des banques hongkongaises au secteur immobilier est très élevée (environ 40% des prêts domestiques). Néanmoins, les risques associés à une correction des prix immobiliers devraient rester limités, d’une part, par des règles prudentielles très strictes imposées par les autorités (le ratio moyen de loan-to-value pour les nouveaux prêts au logement est par exemple passé de 62% fin 2009 à 50% en août 2015) et, d’autre part, grâce à la très longue expérience des banques en matière de gestion des risques dans le secteur immobilier. En outre, le secteur bancaire dans son ensemble affiche de bons indicateurs de qualité de ses actifs, y compris de ses prêts immobiliers, ainsi que de solides ratios de solvabilité, qui le protègent contre les chocs et atténuent les risques systèmiques. Christine Peltier [email protected] Hong Kong Octobre 2015 12