Philippe LAVIGNE DELVILLE - Reconnaître les droits coutumiers
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Philippe LAVIGNE DELVILLE - Reconnaître les droits coutumiers
Reconnaître les droits coutumiers : propriété coutumière ou faisceaux de droits ? Cadres cognitifs, conception des droits et faisabilité politique de l’enregistrement des droits fonciers locaux en Afrique de l’ouest Ph.Lavigne Delville 1 **** Version provisoire, ne pas citer ***** Résumé La thématique de la reconnaissance des droits locaux « coutumiers » ou de la délivrance de certificats fonciers aux producteurs est au cœur des débats actuels sur les réformes de la politique foncière, dans de nombreux pays d’Afrique de l’ouest. Elle se cristallise souvent sur les démarches d’enregistrement des droits, de type Plan Foncier Rural (PFR). Cette communication s’intéresse aux cadres cognitifs qui structurent le débat sur la reconnaissance des droits locaux : quelles sont les représentations de ces droits et de leur gestion, parmi les décideurs, experts, opérateurs ? comment les PFR sont-ils perçus, en fonction de ces cadres conceptuels ? Pour une part, les PFR ressortent largement du raisonnement économique standard sur les droits de propriété. Il s’agit d’incorporer les droits existants dans un régime public, fondé sur le certificat foncier, pour accroître la sécurité foncière et l’investissement. Mais ils peuvent aussi être vus comme une façon d’articuler régulations locales et régulations publiques. Cette communication tentera de préciser cette ambivalence des PFR, à partir de la distinction entre une conception des droits locaux en termes de « propriété coutumière » et en termes de « faisceaux de droits ». Je montrerai en quoi, au delà des questions d’identification des droits, cette distinction entraîne – ou devrait entraîner - des dispositifs de gestion foncière différents, et finalement des rapports différents entre Etat et populations. De fait, là où ils ont été expérimentés, les PFR relèvent davantage d’une logique topographique, faisant l’impasse sur la question des droits et de la régulation foncière. La volonté affichée d’identifier 1 Anthropologue, Gret, 211-213 rue La Fayette, 75010 Paris. E-mail : [email protected] Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 1 tous les droits se heurte aux conceptions de la propriété dans les traditions juridiques de droit romain. Si les méthodes d’identification peuvent être améliorées, les implications sur la gestion foncière semblent plus difficilement acceptables pour les décideurs. Dès lors, même si leur pertinence théorique est avérée, et si l’on voit se dessiner leurs modalités de mise en œuvre concrète, on peut s’interroger sur la faisabilité politique et pratique de stratégies PFR fondées sur une approche des droits locaux en termes de faisceaux de droits. Et sur les compromis pratiques permettant, dans les procédures d’enquête et le dispositif de gestion foncière, de limiter les risques de décalages massifs. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 2 Introduction La thématique de la reconnaissance des droits locaux « coutumiers » 2 est au cœur des débats actuels sur les réformes de la politique foncière, dans de nombreux pays d’Afrique de l’ouest. Pour autant, les contextes politiques et institutionnels, la façon dont la question est – ou n’est pas – posée, et la forme des processus de débat, dessinent des trajectoires différentes d’un pays à l’autre. Le débat sur les politiques foncières est enraciné dans l’histoire sociale et politique des pays (Lavigne Delville, sous presse), à travers un processus de désajustement/réajustement entre la société globale et le secteur du foncier rural (ce que l’analyse des politiques publiques appelle « le rapport global/sectoriel », Muller, 1990 : 24-25). Dans plusieurs de ces pays, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Burkina Faso, le débat sur la reconnaissance des droits locaux se cristallise autour des « Plans Fonciers Ruraux » (PFR), démarche d’identification et de cartographie des droits, censée « clarifier » la situation foncière par une « photographie » des droits existants et faisant consensus à l’échelle locale. Là où la loi le permet, ce recensement aboutit à la délivrance de certificats fonciers, attestant de la validité des droits recensés (Gastaldi, 1998 ; Hounkpodote, 2000), leur offrant ainsi un statut juridique 3 . Cette démarche « instrumentale » (Le Roy, 1998) se veut ainsi une réponse pragmatique et opératoire à la question de la reconnaissance des droits locaux/ « coutumiers ». Les nombreuses études et recherches menées sur les PFR (Chauveau et al, 1998 ; Chauveau, 2003 ; Le Meur, 2006 ; Jacob à paraître) montrent à la fois l’intérêt et les problèmes théoriques et pratiques de cette démarche : ses prémisses répondent bien à une partie au moins des enjeux de sécurisation foncière 4 , mais quoiqu’en disent ses promoteurs, la démarche n’arrive pas à prendre en compte l’ensemble des droits. Reposant sur une vision topographique du foncier (une parcelle définie par ses limites, un détenteur des droits), faisant l’impasse sur la question de la nature des droits, sur la nature sociopolitique de la gestion foncière locale, et sur les enjeux propres de l’intervention, les PFR ont des effets à la fois incertains et très contrastés selon les contextes socio-politiques et socio-fonciers dans lesquels ils sont mis en œuvre. Ils peuvent sécuriser ou insécuriser. 2 L’ambivalence du terme « coutumier » amène un certain nombre d’auteurs à préférer le terme « locaux » pour éviter une connotation essentialiste de droits ancrés dans une tradition immémoriale. Le terme « droits locaux » a aussi ses ambiguïtés. J’utilise le terme de « coutumier » pour qualifier les situations où les régulations sont de nature coutumière, c’est-à-dire fondées sur les normes sociales locales, ancrées dans les réseaux sociaux, et mises en œuvre par les pouvoirs locaux. Ceci ne présage en rien de la nature des droits, individualisés ou non, faisant l’objet de transferts marchands ou non. 3 C’est le cas dans la législation ivoirienne et dans le projet de loi portant régime foncier rural au Bénin. Au Burkina Faso, la réflexion porte sur la façon de délivrer un tel document officiel au sein de la RAF. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 3 Mon propos ici n’est pas de revenir sur la question de la pertinence ni de l’impact des PFR sur le terrain. Je partirai de cette ambiguïté sur la question des droits dans les approches opérationnelles PFR, de cette vision « topographique et positiviste » des droits, pour tenter d’en analyser l’origine et les conséquences. Il s’agira, à partir de nombreuses observations et entretiens avec des acteurs des politiques foncières impliqués dans les PFR, de tenter de caractériser les différentes conceptions implicites ou explicites des droits locaux et de montrer en quoi elles influent sur les stratégies opérationnelles et les méthodologies, tout en dessinant implicitement chacune une vision de la régulation foncière, et, finalement, des rapports entre Etat, citoyens et pouvoirs locaux, et entre loi et normes locales. Au delà, il s’agira de discuter si et à quelles conditions une approche plus réaliste des droits locaux, en termes de faisceaux de droits, serait à la fois pensable par les responsables des politiques foncières, et possible à « intrumenter », à mettre en œuvre. Je m’appuierai ici sur une analyse inspirée des approches cognitives des politiques publiques. I. LA RECONNAISSANCE DES DROITS LOCAUX : RECITS ET CADRES COGNITIFS 1. Les deux grands « récits » de la sécurisation foncière Différentes analyses se confrontent sur la question de la reconnaissance et de la sécurisation des droits. J’utiliserai ici le concept de « récit », emprunté à l’analyse des politiques publiques. Les « récits de politique publique » (policy narratives) prennent la forme d’histoires causales. Ils expliquent comment telle action est susceptible de produire tel effet. « Moins incantatoires et normatifs que l’idéologie, les récits de politique publique reposent sur des scénarios qui ont moins pour objet de dire que ce devrait arriver que ce qui va arriver – selon leurs narrateurs – si les événements surviennent ou les situations évoluent comme prévu » (Roe, 1994 : 51, cité par Radaëlli, 2004 :365, traduit par moi). Leur fonction est de « certifier et de stabiliser les hypothèses nécessaires à la prise de décision par rapport à ce qui est, en réalité, incertain et complexe. En tant que tels, les récits de politiques publiques peuvent bien être de fausses représentations de la réalité – et reconnues comme telles – mais elles survivent tout de même et parviennent à s’imposer » (idem) 5 . Les débats sur l’enregistrement des droits peuvent aussi se lire sous cet angle, en distinguant deux grands « récits ». Le récit « standard » est celui de la théorie des droits de propriété, selon lequel la délivrance de titres de propriété sécurise et permet l’accès au crédit, induisant ainsi des investisse4 Cf. Lavigne Delville 2003 pour une mise en perspective plus systématique des questions de sécurisation foncière, et de la gamme des réponses actuellement expérimentées. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 4 ments et des gains de productivité. Il est largement discuté, tant dans son volet rétrospectif (les conflits sur les droits coutumiers comme symptômes de la faillite des régulations coutumières et de la demande de titre) que dans son volet prospectif (les effets attendus de la titrisation) 6 . Il n’en demeure pas explicite ou latent dans les positions de nombreux acteurs. Il reprend vigueur à travers le succès des thèses de De Soto (2005), qui affirme que l’enregistrement des droits fonciers locaux permettra de faire rentrer les pauvres dans le capitalisme et de réduire la pauvreté. A ce récit, s’oppose le récit « néo-coutumier » selon lequel c’est l’autonomie reconnue ou redonnée aux communautés locales qui assure une gestion foncière paisible et équitable : dès lors tout enregistrement des droits (surtout individuels) ne peut que déstructurer les sociétés locales. Ce dernier récit est prégnant chez un certain nombre d’auteurs et d’experts prônant la décentralisation et la reconnaissance des modes locaux de gestion foncière. Il est fortement contesté par ceux qui discutent l’équité ou l’efficacité des régulations locales, ou le réalisme de régulations néo-coutumières dans des contextes marqués par l’hétérogénéité de la population et des normes portées par les acteurs locaux, et le fait que la régulation foncière n’est plus le seul fait des autorités coutumières. Ces deux récits se fondent sur des prémisses différents et proposent des réponses radicalement différentes : pour le premier, le titre de propriété et la sécurisation par le titre, pour le second, l’insertion dans les normes locales et les réseaux socio-politiques locaux 7 . L’intérêt des approches en termes de « récits » est qu’elles suspendent – temporairement au moins – la question de la « véracité » : la question n’est pas de savoir si tel ou tel récit est vrai ou non - ils sont toujours une lecture simplifiée, orientée et sélective de réalités nécessairement plus diverses et complexes ; ils mobilisent certains cas plutôt que d’autres - mais d’identifier le raisonnement qui structure les positions en présence, et qui déborde des lectures disciplinaires ou des intérêts catégoriels. 2. Plans fonciers ruraux et récits sur l’enregistrement : une logique hybride Les Plans Fonciers Ruraux ne sont qu’une des approches de reconnaissance des droits et de sécurisation foncière, avec, pour l’Afrique francophone, les Codes Ruraux (Niger) et la gestion patrimoniale (Le Roy, 1998) 8 . Plus récemment, la thématique des conventions locales (Djiré, 2003) a émergé sur le 5 Divers travaux ont discuté les politiques environnementales ouest-africaines en ces termes, montrant que le discours sur la dégradation généralisée de l’environnement n’était parfois que faiblement démontré (Marcussen, 2000 pour le Mali). 6 Il y a en fait plusieurs variantes, la plus récente étant celle qualifiée de « théorie de l’innovation institutionnelle induite », qui reconnaît l’efficacité des droits locaux lorsque les enjeux économiques sont faibles. Cf. Platteau, 1996 pour une lecture critique détaillée. Et Platteau, 1998 a et b pour une synthèse en français. 7 Cf. Lavigne Delville, 1998, pour une présentation synthétique. 8 En Afrique anglophone et lusophone, les approches sont sensiblement différentes, mettant l’accent sur les Land Boards (Botsawana), sur les instances décentralisées et la délimitation des territoires villageois (Mozambique), plus que sur l’enregistrement des droits. De nombreuses réformes juridique sont eu lieu depuis une dizaine d’année, avec encore peu de mise en œuvre concrète. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 5 thème des ressources renouvelables. C’est cependant celle qui a été expérimentée sur de larges échelles, en Côte d’Ivoire et au Bénin, et une de celles qui fait le plus débat. Une des raisons de l’intérêt que suscitent les Plans Fonciers Ruraux tient à ce qu’ils semblent pouvoir s’intégrer dans ces deux récits. D’un côté, la démarche renvoie très clairement à une logique d’enregistrement : il s’agit d’une démarche systématique d’identification et de cartographie des droits, aboutissant à un registre des ayants droits et à une carte parcellaire. Le PFR permet de sortir de l’oralité et d’entrer dans la sphère du Droit écrit : « au Bénin, les caractéristiques du régime foncier coutumier (oralité des transferts, absence de preuves valables, de publicité des droits sur la terre) posent problème » (Hounkpodote, 2000 : 229). Le PFR est censé clarifier la situation foncière, matérialiser clairement les limites, et ainsi réduire les conflits et constituer une incitation à l’investissement. Les certificats fonciers issus de la procédure doivent pouvoir servir de garantie pour le crédit. Ils sont gérés par un dispositif public, au niveau sous-préfectoral en Côte d’Ivoire (Bini, 1999), au niveau communal au Bénin, l’échelon villageois n’ayant qu’un rôle technique d’enregistrement des mutations. Une fois le consensus obtenu par les enquêtes et la phase de publicité, les droits identifiés sortent ainsi des régulations locales/coutumières pour entrer dans une procédure technique d’enregistrement des mutations (héritages, cessions, etc.). Les PFR sont ainsi bien des démarches d’enregistrement, visant à absorber la gestion foncière locale dans un dispositif public : « la spécificité de l’outil PFR est de vouloir saisir et « externaliser » les procédures de validation des droits constatés, c’est-à-dire, une fois la constatation et l’enregistrement des droits effectués, de les extraire des procédures locales de validation pour leur substituer une procédure légale, qui n’est pas du ressort du PFR » (Chauveau, 2003 : 39). On retrouve ici, assez clairement, un raisonnement proche de l’analyse de la théorie des droits de propriété, dans sa version dite « de l’innovation institutionnelle induite » (Platteau, 1996) : les régulations coutumières fonctionnent à peu près tant que les densités de population sont faibles et que l’insertion dans les marchés est réduite. Dès que les enjeux s’accroissent, l’oralité ne suffit plus, le flou sur les droits suscite des conflits, il y a une demande pour une intervention publique, visant à définir les droits de propriété et à mettre en place un enregistrement des droits ; clarifiant et sécurisant les droits, donnant accès au crédit, cet enregistrement stimule la productivité. Pour autant, les PFR sont présentés comme une démarche alternative à l’immatriculation et au titre foncier, qui est dans la plupart des pays le seul statut de la propriété foncière : « tout en admettant que le PFR pourrait permettre une ouverture vers l’immatriculation foncière, nous pensons que la portée juridique des droits coutumiers confirmés et consolidés par le PFR devrait assurer aux paysans une sécurité foncière suffisante dans leurs rapports à la terre pour leur éviter de devoir recourir à un titre foncier » (Hounkpodote, 2000 : 232). Il s’agit d’une démarche de création de la propriété « par le Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 6 bas », à partir de la reconnaissance des droits existants, tels qu’ils se sont forgés au fil de l’histoire, et non pas « par le haut », à partir d’affectation de droits par l’Etat 9 . Contrairement à l’immatriculation, les droits recensés et validés par le certificat foncier ne sont pas garantis par l’Etat : dans le cas du Bénin, le projet de loi portant régime foncier rural (art.120) précise que le certificat foncier « est un acte de constatation et de confirmation de droits fonciers établis ou acquis selon la coutume ou les pratiques et normes locales. (…) Il lui est attaché une présomption de droits acquis, faisant foi jusqu’à preuve du contraire établie devant le juge ». L’ambition est d’identifier et d’enregistrer les droits qui font consensus à l’échelle locale, d’« identifier tous les droits », y compris – en théorie - ceux portant sur les ressources naturelles ou les droits délégués à des tiers ; les droits recensés peuvent être individuels ou collectifs, et dans ce dernier cas, c’est le « gestionnaire », assurant la gestion de la parcelle au nom du groupe familial propriétaire qui est identifié et recensé. Lors des enquêtes, le choix du niveau de droits à enregistrer est laissé aux acteurs locaux, au cas par cas. De fait, dans les sites pilote, la taille moyenne des parcelles varie de quelques hectares à plusieurs dizaines d’hectares, selon que les droits sont individualisés ou que ce sont les patrimoines des familles élargies ou des segments de lignage qui sont enregistrés, la répartition interne des droits entre les ayants droits restant gérée au sein du collectif. Par ailleurs, toujours au Bénin, le projet de loi prévoit que les PFR soient réalisés à la demande des villages (laissant leur extension se faire en fonction de la demande), met en place une procédure de formalisation des transactions et de règlement des conflits indépendants des PFR (et donc fonctionnant même là où il n’y a pas de PFR). Villages et communes se voient reconnaître le droit de définir des règles sur la gestion des ressources naturelles, sous forme d’arrêtés communaux (et donc de règles opposables aux tiers). De tels dispositions laissent donc une assez large autonomie dans la définition des droits recensés et dans les modes de régulation. Rien n’oblige à mettre en œuvre un PFR et à basculer dans cette gestion technique des droits recensés : on peut se contenter de formaliser et faire valider quelques règles locales, d’enregistrer les transactions marchandes (pour lesquelles l’absence de procédure fiable est une des causes de contestations et de conflits). Là où il y a demande pour un PFR 10 , les acteurs locaux peuvent enregistrer leurs patrimoines, à l’échelle correspondant aux unités foncières locales ou du moins à l’échelle à laquelle ils souhaitent marquer la différence entre ce qui relève des affaires internes d’un collectif familial et ce qui relève d’une dimension « externe » (rapports à l’Etat, aux tiers, etc.). Rien ne les oblige à individualiser ces droits, ni à favoriser les transactions marchandes. Le choix des 9 Cf. Comby, 1998, pour une mise en perspective de ces deux modes de création de la propriété. Bien sûr la question se pose de ce que signifie une « demande du village », des conditions d’une décision informée sur les enjeux, et des rapports de force entre intérêts divergents qui aboutissent à cette demande. 10 Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 7 règles à formaliser, l’individualisation ou non des patrimoines lors de l’enregistrement, la façon de matérialiser les accords entre cédeur et donneur de droits délégués : tout cela peut susciter débat voire conflit entre acteurs locaux, mais ce sont les rapports de force et les compromis, fussent-ils temporaires, qui sont enregistrés et formalisés. Par ailleurs, la composition du Comité villageois laisse naturellement une place importante aux pouvoirs locaux ; le fait que toute transaction doive passer par le Comité villageois laisse penser que des transactions perçues comme illégitimes auront du mal à être reconnues et formalisées. Sur ces deux plans, on ne fait pas si facilement fi des normes locales. Enfin, le fait que le contenu des droits reconnus par les certificats fonciers ne soit explicité nulle part autorise à enregistrer des droits de nature diverse, sans s’enfermer dans une définition étroite de la propriété. Dès lors que la démarche est effectivement mise en œuvre dans cette optique et que les procédures et méthodes sont cohérents avec ces ambitions, les PFR peuvent fournir, à travers les certificats fonciers, l’enveloppe juridique permettant aux unités foncières de continuer à gérer leurs rapports internes tout en formalisant leurs rapports externes (cessions, contrats agraires, etc.), en étant davantage protégés des risques de dépossession par des tiers. Dans des zones à régulation coutumière, avec peu de transactions, on aboutirait à des parcelles de grande taille, avec très peu de mutations. Là où les droits sont plus individualisés, où le marché est actif et devient le principal mode d’accès à la terre, la logique de la formalisation de transactions portant sur des parcelles clairement identifiées prend tout son sens. Les argumentaires en faveur des PFR s’appuient ainsi clairement sur les récits de l’enregistrement, tout en en proposant une version plus « soft », mettant en avant les droits locaux, éventuellement collectifs. L’individualisation n’est pas vue comme une condition de productivité. L’argument sur les gains de productivité et l’investissement ne découle pas d’une vision magique de l’accès au crédit, mais de l’analyse empirique des restrictions à l’investissement qui pèsent sur ceux qui ne détiennent que des droits de culture, en particulier du fait des contrats agraires : puisque le travail construit le droit, l’interdiction de planter faite aux « étrangers » (et parfois aux ayants droits familiaux) est une stratégie de préservation du patrimoine contre les risques de revendication de propriété sur les terres cédées à des tiers ; sécurisés par le certificat foncier contre toute tentative d’accaparement, les « propriétaires » pourraient accepter de lever cet interdit dans un contrat précisant le partage des coûts et des bénéfices de la plantation. Bref, au delà de la diversité des représentations portées par les différents acteurs (opérateurs PFR, juristes impliqués ou non dans la promotion de la démarche, administration territoriale, agents de développement, etc.) et des argumentaires stratégiques, ajustés en fonction des contextes et des interlocuteurs, l’objectif de formaliser la gestion foncière, d’une part, de sécuriser les droits, réduire les conflits, et fluidifier les contrats agraires d’autre part, l’emportent sur le schéma mécanique « titre individuel = sécurité + accès au crédit = investissement ». Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 8 3. Des conceptions différentes des droits et de la régulation foncière Est-ce à dire que les PFR sont « la » solution, capable de répondre à tous ces enjeux et de réconcilier les différents points de vue ? En fait, les recherches de terrain montrent que non, comme on l’a vu. Plus fondamentalement, le consensus sur l’outil n’est que partiel, il voile par ailleurs des perceptions différentes de ses finalités et du type de régulation foncière à promouvoir. La question centrale des politiques de reconnaissances des droits locaux : quels droits ? quelle régulation ? est passée sous silence, pour partie de façon stratégique (euphémiser cet enjeu facilite le consensus apparent et reporte le débat à une étape ultérieure, lorsque le principe sera acquis), pour partie parce qu’il est peu apparent ou insuffisamment conceptualisé par ses promoteurs. En outre, se posent des questions d’instrumentation, de mise en œuvre, qui peuvent faire dévier, de façon plus ou moins importante, les conceptions initiales. 3.1 Un consensus partiel : le certificat comme fin ou comme moyen ? L’option de base des PFR, offrir une alternative à l’immatriculation, ne fait que partiellement consensus, au delà de la « communauté épistémique » qui le soutient. Clairs produits de la colonisation, l’immatriculation et le titre foncier garanti par l’Etat sont perçus par de nombreux acteurs comme la seule référence de droit « réel ». Malgré toutes les démonstrations théoriques et pratiques des limites de l’immatriculation 11 , la culture juridique en Afrique francophone demeure imprégnée de cette logique, en vertu de laquelle les biens fonciers, vu leur nature et leur enjeu, doivent faire l’objet d’une procédure rigoureuse et inattaquable 12 . Toute autre procédure, en particulier celles qui reposent sur des droits de propriété non garantis par l’Etat, est perçue comme une procédure de second niveau. Pour de nombreux acteurs, la légitimité même de la reconnaissance des droits locaux est ainsi discutable : l’immatriculation est le seul statut juridique pour la propriété foncière ; une législation séparée pour le monde rural pose des problèmes théoriques et pratiques 13 . Au Bénin, Ministère de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme a contesté, lors de son examen en Conseil des Ministres, l’avant-projet de loi portant régime foncier rural sur ces points, avant qu’un compromis soit trouvé, qui prévoit qu’une loi cadre portant Code Foncier vienne ultérieurement mettre en cohérence les différentes lois sectorielles portant sur les droits de propriété. Pour ces acteurs, si les PFR sont accep- 11 Pour le cas des Comores et de Madagascar, Garron (1994) cite un administrateur colonial, faisant le constat de l’impasse… en 1925. 12 Lors d’un séminaire sur le foncier, après une longue discussion sur ce point, un juriste responsable de la politique foncière rurale d’un pays de la sous-région prenait conscience que l’achat d’une Mercédès faisait l’objet d’un simple contrat de droit privé, alors même qu’elle vaut bien plus qu’une parcelle de terre en milieu rural et que l’argumentaire sur l’enjeu de la sécurisation juridique parfaite de la transaction foncière était peut-être discutable. 13 Problèmes tout à fait réels : où sont les frontières du « domaine rural » ? comment gérer le péri-urbain qui est la zone où les enjeux sont les plus forts ?, etc. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 9 tables, c’est en tant qu’outils de transition vers une généralisation de la propriété et du titre foncier : le passage du certificat au titre est alors vivement encouragé, voire rendu obligatoire comme dans la loi foncière ivoirienne de 1998 (ce qui vide l’approche de son sens). Loin d’être un régime juridique à part entière, offrant des réponses aux besoins de l’essentiel des acteurs ruraux, et permettant pour ceux qui le souhaitent de passer à l’immatriculation (cf. la citation de M.Hounkpodote ci-dessus), les PFR et les certificats fonciers sont perçus comme une étape transitoire, permettant de résoudre le blocage pratique de l’immatriculation à travers des levés systématiques réduisant les coûts unitaires de la création initiale de la propriété. Cette vision est particulièrement claire lorsque l’équipe béninoise du Millenium Challenge Account (MCA) prévoit dans son programme sur 5 ans (2006-2010) de financer la réalisation de 300 PFR, avec 40 % à 60 % de certificats transformés en titre fonciers au bout des 5 ans, et qu’elle veut modifier les procédures de levé de parcelles dans la méthodologie PFR pour qu’elles correspondent aux exigence du pré-bornage (une des étapes de l’immatriculation). 3.2 Les cadres cognitifs sur les droits locaux et la régulation foncière : un essai d’idéaux-type Ces visions différentes des Plans fonciers ruraux, de leur légitimité et de leur finalité renvoient en fait à des conceptions différentes des droits de propriété. Je voudrais ici essayer de caractériser, sous forme d’idéaux-types, les principales conceptions que j’ai rencontrées chez les nombreux interlocuteurs, de statut et de position très différentes, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger et de débattre de ces questions, de façon formelle ou informelle, dans un cadre opérationnel ou non. Il s’agit bien sûr de conceptions simplifiées, dont l’intérêt est avant tout heuristique. Elles ne sont pas forcément explicitées sous cette forme, ou aussi clairement par les acteurs. Elles ne correspondent pas non plus à des types d’acteurs bien identifiés : les juristes, les agronomes, etc. : on rencontre des juristes dans toute la gamme. Il me semble que ces catégories aident à identifier les conceptions latentes des acteurs et donc à comprendre la logique de leur argumentation et les différentes façons dont sont perçus les PFR. En simplifiant, la conception juridique et publique correspond à la colonne « immatriculation », alors que la vision socio-anthropologique des régulations foncières locales correspond à celle de droite. En pratique, les conceptions des promoteurs des PFR varient entre la « propriété coutumière » et les faisceaux de droits, avec une vision des droits locaux pas bien définie, mais correspondant en pratique plutôt à une « propriété coutumière ». J’appelle « propriété coutumière » la conception selon laquelle les droits locaux correspondent, de facto sinon de jure, à une propriété au sens du droit romain : l’ensemble des prérogatives sont concentrées entre les mains d’une personne physique (individu) ou morale (un collectif familial). Je reviendrai plus bas sur ces distinctions entre propriété coutumière et faisceaux de droits, qui sont peu évidentes à première vue pour un certain nombre d’acteurs, mais ont des incidences très fortes sur la façon de concevoir et mettre en œuvre les PFR. On notera que la Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 10 conception en termes de propriété privée non garantie par l’Etat (qui est celle du Code Civil et du droit français par exemple) n’est guère présente en tant que telle, mais que c’est ce type d’approche que sous-tend, en pratique, la conception juridique de la propriété coutumière, dès lors que les certificats fonciers ne peuvent être délivrés qu’à des personnes physiques ou morales, obligeant les collectifs familiaux à prendre forme légale pour pouvoir bénéficier d’un certificat foncier. On voit donc que ces conceptions reposent sur des conceptions différentes : > des droits, de leur contenu et des sources de légitimité ; > de la régulation foncière, définie comme l’ensemble des décisions et actions portant sur l’affectation de droits, les transferts, les arbitrages, la gestion de l’information foncière ; > et finalement de la place du droit et des dispositifs publics dans la régulation foncière. Sur ce dernier point (les rapports entre droit positif et régulations locales, dans le cadre de politiques foncières visant la reconnaissance des droits locaux), on peut reprendre et prolonger ici la réflexion de Bruce et Mighot-Adolla (1994) sur le passage d’un « paradigme de substitution à un paradigme d’adaptation ». Dans le cas de l’immatriculation, on est originellement dans une logique de « substitution » des régulations foncières locales par le système de l’immatriculation, une création de la propriété par le « haut » totalement déconnectée des systèmes de droits locaux. Cette logique originelle est clairement disqualifiée, mais le « paradigme d’adaptation » mis en avant par Bruce et Mighot-Adholla recouvre en fait des visions de nature différentes. Un régime de propriété privée construit à partir des droits locaux (colonne 2) serait une « absorption » des systèmes fonciers locaux dans un dispositif public de propriété privée (ce qui est aussi le cas de la généralisation de l’immatriculation à partir des droits locaux, sur la base d’un autre type de dispositif public). Tout en partant d’une conception plus large des droits, des PFR conçus comme matérialisant une « propriété coutumière » sont aussi comme on l’a vu des instruments pour faire basculer les droits fonciers dans une régulation publique. On est donc dans la logique de l’absorption, avec un moindre degré de transformation des droits, puisque des droits collectifs peuvent exister. Enfin, si l’on met l’accent sur les régulations de faisceaux de droits complexes, on est davantage dans une logique d’articulation entre régulations locales et régulations publiques, le dispositif légal et institutionnel public ne visant plus à absorber les premières et à se substituer à elles, mais à offrir un cadre qui les reconnaît et les encadre, tout en incitant à la formalisation progressive des arrangements fonciers. L’accent est mis sur la gouvernance locale plus que sur la formalisation. Il s’agit donc d’une articulation dynamique entre modes de régulation. La vision des PFR comme offrant un cadre stabilisant les régulations foncières locales (cf. ci-dessus) s’inscrit potentiellement dans cette perspective. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 11 On voit donc que les PFR, du fait de leur positionnement hybride, peuvent, en théorie, relever d’une logique d’absorption comme d’articulation. Ils peuvent être conçus dans ces deux logiques. Mais peuton les suivre les deux à la fois ? Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 12 Tableau 1. La conception des droits : des idéaux-type privée Conception des droits Propriété (individu ou personne morale) Titre foncier / Titre de propriété immatriculation privée non garanti par l’Etat Nature des droits reconnus La loi Source première de La loi légitimité Création de la pro- Reconnaissance priété « par la légale de droits de propriété existants haut » (création « par le bas ») privée Contenu des droits Propriété privée Propriété (perindividuelle (per- individuelle sonne physique ou sonne physique ou morale) morale) « usus, fructus et « usus, fructus et abusus » abusus » Administration et régulation Affectation de droits Droit de propriété Inexistant : on enreaffecté par l’Etat gistre des droits de lors de propriété existants. l’immatriculation. Inexistant ensuite. Propriété coutumière Faisceaux de (individuelle ou de collectifs fami- droits liaux/lignagers) Les normes locales Les normes locales Création des droits par le travail, Création des droits par le travail, transtransmission par héritage ou achat mission par héritage ou achat Affectation/ajustements de droits par les autorités Propriété « fonctionnelle » ou pro- Faisceaux de droits détenus par des priété de fait, individuelle ou collec- acteurs différents tive Distinction entre droits opérationnels et droits d’administration Affectation ou ajustements des droits opérationnels au sein des collectifs d’ayants droits, par le « propriétaire » Transferts de droits Transfert de la Transfert de la tota- Héritage de la totalité des droits par d’administration totalité des droits lité des droits par le nouveau « gestionnaire » (avec ou sans fragmentation du collectif) par vente, héritage vente, héritage Vente (accord des ayants droits non requis dès lors que le « gestionnaire » est censé agir au nom du Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 Parfois droits de défriche accordés par les autorités foncières Droits opérationnels répartis au sein des collectifs d’ayants droits, par le gestionnaire du patrimoine Réajustements négociés au sein des collectifs Héritage des droits d’administration par le nouveau gestionnaire du patrimoine (avec ou sans fragmentation du collectif) Selon les cas, ventes possibles ou non (de tout ou partie des droits), sur accord 13 collectif) Transferts de droits Démembrement du Démembrement du Héritage au sein des ayants droits Droits délégués à des tiers (location, opérationnels droit de propriété droit de propriété métayage) par le propriétaire/gestionnaire) Gestion des conflits Système d’information foncière public et systématique Rapports entre droit positif et systèmes fonciers locaux du collectif des ayants droits Héritage au sein des ayants droits Affectation par le gestionnaire du collectif Délégation de droits de culture, par le gestionnaire ou les ayants droits, selon règles internes Titre garanti par Justice Médiation locale puis justice Médiation locale (puis justice en dernier recours) l’Etat Oui Oui Soit enregistrement des transactions Non, histoire foncière incorporée par Service des domai- Service du cadastre, Soit Oui, par des PFR. les autorités nes + notaires Eventuellement, supports gérés par autorités locales Parfois enregistrement des transactions Soit oui, portant sur les droits d’administration Articulation (selon des modalités variables) entre régulaAbsorption dans une régulation publique Substitu(après transformation plus ou moins forte des tions locales et régulations publiques. Rôle « politique » et tion (dans ver- droits pour rentrer dans les statuts juridiques pas seulement « technique » des instances locales. sion origi- possibles) nelle) Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 14 II. LES PFR : FORMALISER UNE « PROPRIETE COUTUMIERE » OU DES FAISCEAUX DE DROITS ? 1. Une conception implicite en termes de propriété, malgré quelques nuances L’ambiguïté conceptuelle d’une intervention publique n’est pas forcément un obstacle à son effectivité. Qu’elle repose sur un substrat théorique et conceptuel solide ou non, son impact passe d’abord par la façon dont elle est perçue, comprise, interprétée, par les différents acteurs impliqués, en tant qu’agents chargés de sa mise en œuvre, d’acteurs publics chargés de l’appuyer, des bénéficiaires ou des autres acteurs locaux touchés par elle. L’intention initiale peut se diluer ou se dévier dans ce jeu complexe, mais c’est aussi à travers lui que se construit ou se co-construit le sens de l’action. Un élément important de cette réalité en acte d’une intervention tient à ses règles du jeu pratiques, à son dispositif opérationnel et à sa méthode. Dire cela n’est pas prétendre, dans une vision mécanique, que la méthode détermine les pratiques et s’impose aux logiques des acteurs. Mais c’est reconnaître trois choses : - les dispositifs institutionnels et les méthodes sont la façon (d’essayer) de traduire en actes les objectifs de l’action et ses postulats. Des décalages à ce niveau (des problèmes de cohérence interne, diraient les spécialistes de l’évaluation) ont toutes chances d’induire des distorsions dans les pratiques ; - les règles du jeu de l’intervention produisent une « structure d’incitations » et orientent les comportements des acteurs (agents chargés de la mise en œuvre comme bénéficiaires) dans la recherche de leur intérêt, favorisant ou rendant plus difficiles telle ou telle pratique ; - dès lors que les promoteurs de l’intervention ne veulent pas ou ne peuvent pas tenter de s’imposer dans l’arène locale, c’est dans l’évolution des règles du jeu ou des pratiques des agents du projet (les règles pragmatiques de l’action) que se négocie la capacité du projet à agir 14 . Dès lors, analyser les méthodes concrètes et les pratiques de terrain des agents chargés de la mise en œuvre est une dimension clé de l’analyse : « La forme des fiches d’enquête et les modalités de l’enquête topo-foncière jouent un rôle important dans les résultats, car la mise en forme de l’information renvoie à des catégories de pensée ou des choix sous-jacents » (Edja et Le Meur, 2003) et on peut étendre la réflexion à l’ensemble de la procédure. De fait, un certain nombre de distorsions apparaissent. D’une part, les méthodes d’enquête et de levé de parcelles mis en œuvre dans les PFR (Bosc et al, 1996 ; Edja et Le Meur 2003 ; observations personnelles) montrent que la volonté affichée d’enregistrer tous les droits se heurte à une méthodologie de fait centrée sur les patrimoines familiaux. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 15 Ainsi au Bénin, la fiche d’enquête foncière utilisée dans les opérations pilotes de la phase PGTRN 15 commence par identifier « le ou les détenteurs du pouvoir de décision (propriétaires coutumiers) » avec très peu de place pour plusieurs personnes, puis les « noms du ou des exploitants(s) actuel(s) » complété de « données sur le droit exercé ». 5 lignes sont disponibles, ce qui limite le nombre de personnes identifiées, et est incompatible avec les patrimoines lignagers de grande taille. La caractérisation du « droit exercé » par ces « exploitants » se limite au mode d’acquisition et à la durée. On suppose implicitement qu’il s’agit des personnes extérieures au groupe familial. Les « caractéristiques du droit détenu » par le « propriétaire coutumier » se limitent en fait au mode d’acquisition (libre installation, achat, héritage, don, legs, autre). Des limitations du droit sont identifiées : elles portent sur la capacité à transmettre à ses héritiers (critère effectivement très important), sur des interdictions opérationnelles (droit de planter, droit de construire, droit de cueillette des fruits des arbres), et sur des droits de prélèvements détenus par des tiers (pacage, cueillette , etc.). Identifier ces points est fondamental, mais fait l’impasse sur d’éventuelles autres limitations, en particulier celles liées au collectif d’ayants droits (interdiction ou restriction au droit de vente, par exemple). D’un enquêteur à l’autre (parfois au sein d’une même équipe), la façon dont les fiches sont remplie est très variable, certaines contenant des informations détaillées, donnant une image claire des droits au delà des limites du formulaire, et d’autres se contentant de formules standard et peu précises. Dans le manuel méthodologique, l’essentiel est consacré aux techniques de levé de parcelle, l’enquête sociofoncière faisant l’objet de peu de développements, de peu de recommandations pratiques. In fine, les enquêtes socio-foncières identifient le « détenteur du pouvoir de décision », listent tout ou partie des « exploitants » tiers, identifient certaines restrictions aux droits, sans jamais identifier ces droits en tant que tels (c’est-à-dire la caractérisation précise des prérogatives et obligations). Le « détenteur du pouvoir de décision », qualifié selon les documents de « propriétaire coutumier » ou de « gestionnaire » est censé détenir tous les droits, à l’exception de ceux mentionnés (qui renvoient aux tiers). La conception des fiches d’enquêtes, l’accent sur les problèmes de limite dans les conflits, l’approche parcellaire et la sophistication relative des démarches de levé par rapport aux démarches d’enquête socio-foncière, témoignent d’une vision positiviste du foncier : une parcelle, un détenteur de droits principal. Aux limitations citées ci-dessus près, la question même des droits en jeu ne se pose pas : il existe une propriété foncière coutumière, fût-elle collective ; on peut raisonner les droits de culture en termes de « démembrement » du droit de propriété (pour les autres « exploitants », et de « servitudes » 14 Sur ce point, cf. différents exemples dans Jacob, à paraître, sur le PFR au Ganzourgou (Burkina Faso), et Le Meur, 2006. 15 Cette fiche a depuis été revue, pour intégrer une meilleure prise en compte de la question des droits. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 16 (pour les droits de cueillette). Rien n’empêche d’y introduire des précisions supplémentaires, mais rien n’y incite. 2. « Propriété coutumière » versus « faisceaux de droits » Or, les résultats en ethnographie des droits et les enquêtes sur les sites d’intervention des PFR (Bosc et al, 1996 pour la Côte d’Ivoire ; Jacob, à paraître pour le Burkina Faso ; Edja et Le Meur, 2003 pour le Bénin) montrent que ceci relève d’une conception discutable des droits fonciers locaux et des régulations locales, faisant l’impasse sur ce qui en constitue les fondements. Les droits fonciers locaux sont enchâssés dans un système de normes, ils relèvent d’articulations entre prérogatives individuelles et régulations collectives. Ils sont fonction des appartenances sociales, résultent de négociations et d’arbitrages, bref, sont fondamentalement de nature socio-politique. Ils n’existent pas dans l’absolu, mais sont construits et défendus par un « travail » permanent, par l’usage effectif qui en est fait. Par ailleurs, des « faisceaux de droits » différents peuvent être détenus par différents individus ou collectifs sur un même espace. Le schéma ci-dessous illustre la différence fondamentale entre une conception en termes de propriété coutumière et en termes de faisceaux de droits, dans un cas où se superposent un patrimoine lignager et des unités de production disposant de droits d’exploitation transmissibles sur une part de ce patrimoine. « Propriétaire coutumier » Exploitants ayants droits familiaux femmes mariées migrants installés locataires, emprunteurs Usus/Fructus (parfois Abusus) Transfert de droits d’usage par « démembrement » du droit de propriété Droits d’exploitation temporaires Maîtrise de terre : pouvoirs rituels et d’arbitrage Segment de lignage/chef de segment de lignage Droit d’aliénation Droit de transmission Droits d’inclusion/exclusion Droits de gestion interne Chef d’exploitation ayant droit lignager Etranger installé Droits d’aménagement Droits de culture Droits de prélever Différents « faisceaux de droits » détenus par des acteurs individuels ou collectifs Affectation de droits opérationnels par ceux qui détiennent les droits d’inclusion/exclusion et de gestion interne) Jeune Délégataires de droits d’exploitation à durée déterminée (différents statuts) Femme mariée Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 17 Cette différence se reflète aussi dans la conception des prérogatives du « détenteur du pouvoir de décision ». Dans le premier cas, il détient l’ensemble des droits et en particulier des droits d’administration (c’est-à-dire les décisions concernant l’affectation interne des droits opérationnels aux membres du groupe et la cession, temporaire ou définitive, de tout ou partie de ces droits à des tiers). Dans le second, il est effectivement « gestionnaire » au nom du groupe, dans le respect des intérêts de celui-ci. Il gère au quotidien la répartition des droits au sein des ayants droits, il détient le droit de céder durablement à des tiers, mais le collectif des ayants droits conserve le monopole des décisions engageant le patrimoine, et le droit de vente en particulier. Le tableau ci-dessous illustre, à partir d’enquêtes empiriques, la répartition du « faisceau de droits » entre les différents membre Tableau 2. Répartition des droits au sein d’un groupe familial, dans un ancien no man’s land (Soro et Colin, 2004). Droits associés à la ressource foncière Droits d’exploiter une parcelle individuelle (hors cultures arborées) et de disposer des revenus Droit de planter des cultures arborées Droit de déléguer à travers un contrat de métayage Droit de déléguer à travers location Droit de prêter Droit d’aliéner Droit d’administration Détenteurs des droits intra-familiaux Conseil de famille Héritier Ayants droit + + + - + + + + + + - L’apparente simplicité de la démarche PFR recouvre en fait, par sa conception même, une série d’opérations de sélection, et de traduction des droits, qui les dénature de façon plus ou moins massive. Dès lors, la méthodologie PFR « peut se lire comme une « ethnographie appliquée des droits » qui veut prendre en compte de façon exhaustive la complexité des droits fonciers, mais qui génère des imperfections et des biais dans et à travers le mode de description des droits et la chaîne de traduction, aboutissant à effacer la diversité et homogénéiser les catégories » (Le Meur, 2006). Ces distorsions ne sont pas forcément radicales : tous les droits n’ont pas besoin d’être enregistrés ; par ailleurs, le fait de ne pas définir a priori les types de droits recensés permet, en tous cas en théorie, aux acteurs locaux de décider quel niveau de droits ils enregistrent (individuels, familiaux, au niveau d’un groupe d’héritiers) et ce qu’ils conservent en collectif familial, donnant ainsi une importante souplesse, vérifiée dans la pratique. 3. Des implications fortes pour la régulation foncière et les trajectoires On voit ici où se joue, d’un point de vue conceptuel, cette différence entre une conception des droits locaux en termes de propriété coutumière et en termes de faisceaux de droits. Et en quoi elle peut Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 18 amener à des distorsions, plus ou moins fortes, dans la transcription des droits et la volonté d’en produire une « photographie » pour les légaliser. Mais les implications vont au-delà, dans les prérogatives légalement reconnues au « propriétaire » et à la façon dont il peut les utiliser dans la durée. Dans une conception en termes de « propriété coutumière », le « détenteur du pouvoir de décision », le « propriétaire coutumier », le « gestionnaire » (quel que soit le nom qu’on lui donne) détient au regard des institutions externes l’ensemble des droits. Dès lors, il peut agir librement, céder, vendre, demander l'immatriculation en son nom de la parcelle. Le certificat lui en reconnaît la capacité. Dans une conception en termes de faisceaux de droits, les normes sociales locales, d’un côté, les règles internes au groupe familial (et en particulier l’étendue des prérogatives confiées au « gestionnaire ») limitent, plus ou moins, l’étendue de ces prérogatives. Il y a effectivement des restrictions, mais avant tout sur les droits d’administration 16 . Dès lors, si l’enjeu est bien de reconnaître les droits tels qu’ils sont, c’est bien cet ensemble de prérogatives et de restrictions qu’il faut que la procédure identifie et reconnaisse, lors de l’émission du certificat, mais surtout dans la durée : là où le droit de vente relève du conseil de famille, aucune vente ne peut être engagée sans un accord explicite du conseil, donnant mandat à son représentant pour agir en son nom. Le Comité Villageois doit le vérifier avant d’accepter d’enregistrer une vente. De même, pour une procédure d’immatriculation ou de mise en gage : seules les parcelles relevant effectivement d’une propriété privée (car défrichée, achetée, reçue en don personnel par le propriétaire) peuvent directement bénéficier de ces procédures. Pour les autres, une procédure préalable, actant la transformation des droits est un préalable et une condition : un accord des ayants droits, la constitution d’une association d’intérêt foncier constituant le collectif familial en personne morale, un morcellement isolant une partie du patrimoine comme propriété individuelle, etc. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 19 Tableau 3. « Propriété coutumière » versus « faisceaux de droits » dans les PFR Nature des droits « Propriété » coutumière familiale/lignagère Tous les droits (opérationnels et d’administration) sont détenus par le même individu ou collectif familial L’enregistrement se fait au nom du chef du collectif familial, même si la propriété est collective (ou sinon, il faut que le groupe se dote d’une personnalité morale, ce qui pose la question des frontières du collectif et des règles de décision) Conception de la Des parcelles aux limites identifiées « sécurité foncière» et reconnues, un « propriétaire » ou « gestionnaire » identifié. Consensus social, entériné dans le certificat foncier. Plan détaillé de la parcelle permettant de retrouver les limites en cas de conflit. 16 Faisceaux de droits Des droits superposés, avec - des droits opérationnels affectés aux individus au sein du groupe (et parfois délégués à des tiers) - et des droits d’administration exercés par le chef du collectif ou le collectif des ayants droits lui-même (conseil de famille pour certaines décisions) Régulations et ajustements possibles au sein du collectif (accord de l’ensemble des ayants droits sur certaines décisions) ou à un niveau supérieur (réajustements entre collectifs familiaux apparentés, accueil d’étrangers, affectation de terres à un usage collectif, etc.). Des droits reconnus comme légitimes et stabilisés par le consensus local et/ou l’arbitrage par les autorités, et ne pouvant être contestés sans raison en mobilisant d’autres registres de normes. Le consensus social sur les limites, matérialisées sur le terrain en cas de besoin. La formalisation des éléments cruciaux dans la relation aux tiers (certificats, transactions, etc.), dès lors que la régulation locale ne suffit plus. Les limitations aux droits opérationnels pouvant concerner les ayants droits familiaux , comme le montre le tableau n°2. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 20 Enjeux et problèmes Avant tout, enjeux de limites et de l’enregistrement d’identification du « propriétaire », considérés comme suffisants pour des droits « clarifier » les droits et les sécuriser Pas d’interrogation sur le contenu des droits détenus lors de l’enquête socio-foncière (propriété = usus, fructus, et abusus) Pas d’enregistrement des droits individuels des ayants droits en cas de propriété collective Droits de prélèvements des tiers et ressources naturelles peu/pas prises en compte Problèmes sur les espaces « communs » ou non appropriés par un lignage. Les droits renvoient aux normes sociales. Identification lors de l’enquête du faisceau de droits sur une parcelle ou une ressource donnée, et leur répartition entre les différents ayants droits Identification des limites (mais problèmes possibles pour les limites de territoire lignager ou villageois, pas toujours existantes) Formalisation des principaux droits d’administration et de leurs conditions d’exercice (accords des ayants droits, respect de normes suprafamiliales, etc.). Les droits d’accès et de contrôle des ressources naturelles, les espaces « communs » peuvent être pris en compte. des Une fois les certificats émis, la gestion foncière est indépendante des normes sociales et se fait par un dispositif technique public. - Les comités villageois de gestion foncière ont avant tout un rôle technique. - Les certificats n’ont pas besoin de prendre en compte la nature des droits. - Le chef de famille agit de facto comme le propriétaire - Les transferts de droits se font par ventes, location, métayages, en fonction du choix autonome du « propriétaire » - Chaque parcelle détentrice d’un certificat peut être librement vendue, immatriculée, etc. Même avec les certificats fonciers, la gestion foncière s’inscrit dans des normes locales, définissant ce qui est légitime ou non de faire (désenchâssement partiel des droits). - Les Comités villageois ont un rôle technique et juridique. - La nature des droits et leur distribution doit être explicite (soit dans le certificat, soit dans les PV d’enquête) et servir de référence. - Les décisions engageant le patrimoine (ventes, héritage, modification des droits, etc.) relèvent du collectif familial. - En particulier, les ventes ou immatriculations ne peuvent avoir lieu que si les normes locales l’autorisent, c’est compatible avec les droits recensés, et sur décision explicite du collectif des ayants droits, donnant mandat à son représentant pour engager la procédure. Administration droits Dès lors, et au delà des différences, somme toute pas forcément très graves, dans la caractérisation des droits, ces deux conceptions des droits locaux impliquent deux visions différentes de ce que sont les PFR et, plus largement, deux visions des modes de régulations foncières à promouvoir. Le caractère potentiellement hybride des PFR, empruntant aux deux récits de la sécurisation foncière, se retrouve, plus ou moins dans les démarches d’enquête et d’identification des droits, avec les ambiguïtés prati- Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 21 ques soulevées ci-dessous. Mais le clivage entre les deux se révèle lors qu’on se place au niveau de la régulation foncière et de la façon dont les droits recensés peuvent évoluer. Dans une conception en termes de « propriété coutumière », on est logiquement dans une régulation publique, absorbant les droits locaux. Il n’y a ni utilité ni place pour des régulations coutumières, sauf pour la résolution de certains conflits, ceux qui ne sont pas prévenus par la procédure PFR (conflits intra-familiaux, sur les contrats agraires, etc.). La vente de parcelles, l’immatriculation se fait sur simple demande. Le rôle des Comités villageois de gestion foncière est strictement technique : un premier niveau de formalisation et d’enregistrement des contrats et les mutations. Il n’y a pas de restrictions à ces évolutions. Dans une conception en termes de faisceaux de droits, au contraire, l’Etat offre une reconnaissance juridique aux patrimoines individuels ou familiaux, dans le respect des prérogatives existantes. Les normes locales, d’un côté, les règles internes aux collectifs familiaux perdurent. Le basculement vers l’individualisation, l’immatriculation, la vente sont également possibles, mais doivent être autorisées socialement et les instances locales de gestion foncière sont responsabilisées sur ce point. Dès lors, elles jouent un rôle sur l’explicitation et l’évolution des normes, et pas seulement de gestion de conflits résiduels 17 . Elles vérifient l’adéquation des mutations ou contrats qu’on leur demande de formaliser et d’enregistrer, à la fois aux normes locales et aux contenus des certificats. La logique est donc d’une articulation durable entre régulations locales et publiques, sachant que, à leur rythme, les évolutions peuvent tendre vers une formalisation plus grande, une individualisation partielle, etc. Dans les deux cas, l’intégration d’un statut juridique nouveau élargit la gamme des options juridiques (le certificat foncier) et offre une reconnaissance juridique aux patrimoines fonciers paysans. Mais dans le 1er, il s’agit de « normaliser » la diversité des droits pour en faire une propriété privée, individuelle ou collective, faisant l’objet d’une gestion publique. Dans le second, il s’agit de formaliser les unités foncières pour les protéger des tiers, tout en laissant la place pour des régulations foncières locales et évolutives. Au delà des questions de méthode d’enquête socio-foncière, c’est donc la logique d’ensemble de la régulation foncière qui est en jeu et, derrière elle, des visions politiques différentes, mais le plus souvent non explicitées, des rapports entre Etat, pouvoirs locaux et citoyens, entre droit positif et normes locales. 17 Notons de plus que le certificat peut porter aussi sans problèmes sur des espaces communs (mare, point d’eau, espace ligneux, etc.). Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 22 III. UNE STRATEGIE D’ENREGISTREMENT DES FAISCEAUX DE DROITS EST-ELLE POLITIQUEMENT ET PRATIQUEMENT FAISABLE ? En termes scientifiques, les travaux d’anthropologie du foncier et d’ethnographie des droits (Colin, 2004 a et b) montre que la pertinence de l’approches en termes de faisceaux de droits est incontestable. Ce cadre conceptuel permet de rendre compte des nombreuses situations où la gestion foncière repose sur des droits emboîtés, avec différents niveaux de régulation. Il met en évidence les modes de gestion des patrimoines fonciers, là où l’appropriation foncière paraît plus simple. Il peut rendre compte des situations de véritable propriété, là où un individu détient l’ensemble des droits sur une parcelle, pour l’avoir défrichée dans un no-man’s land, l’avoir achetée ou reçu en don personnel. Les conceptions en termes de propriété coutumière sont trop simplistes et passent à côté de pans entiers de la réalité. Une bonne partie des effets pervers identifiés lors des opérations PFR relèvent d’ailleurs de l’application d’une conception en termes de propriété coutumière là où la distribution des droits n’en relève pas. 1. Introduire du jeu dans les méthodes PFR pour intégrer les faisceaux de droits Dès lors, il semblerait logique de construire les démarches PFR à partir d’une conception en termes de faisceaux de droits. Il s’agit de prendre acte de la nature socio-politique des droits et régulations foncières : la démarche d’identification des droits ne peut pas s’affranchir si aisément de la question des normes et des autorités. On a vu ci-dessus les fondements d’une telle approche : il s’agit d’introduire dans le diagnostic initial la question de la gouvernance foncière locale et l’identification, dans les termes locaux, des principales normes et des principaux modes d’accès à la terre, avec leurs caractéristiques ; de revoir les grilles d’enquête pour intégrer un questionnement plus systématique sur l’origine et la nature des droits détenus ; de faire du PV d’enquête, document restituant les informations brutes données par les paysans et signé par eux, la seule référence ultérieure 18 ; travailler les questions de transcription des droits pour éviter des distorsions trop fortes entre les déclarations des enquêtés et les registres ; revoir les procédures de validation de l’information, lors de la phase de publicité pour assurer que le contenu des droits soit validé par la procédure et pas les seules limites de parcelle. Au delà de la question des méthodes d’enquête socio-foncière, il s’agit surtout de construire l’ensemble des procédures en cohérence avec cette logique, et en particulier toutes celles qui touchent au transferts de droits et aux arbitrages. Dès lors, sans que cela remette en cause les grands outils de 18 d’Aquino, 1998, avait à juste titre insisté sur ce point. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 23 l’approche PFR (diagnostic, enquêtes socio-foncières, publicité, cartographie et registres, comités villageois et dispositif d’information foncière, certificats, etc.), c’est l’ensemble de la stratégie de sécurisation foncière qui change en fait de nature, passant d’une démarche topocartographique intégrant des « propriétés » coutumières dans une gestion publique, à une démarche d’articulation des modes de régulation foncière, qui cherche à rendre compatibles les fondements locaux de la gestion foncière et le cadre juridique, qui sécurise les patrimoines familiaux vis-à-vis de l’extérieur tout en étant suffisamment souple pour englober la diversité des configurations socio-foncières et permettre aux évolutions foncières de se faire à leur rythme. C’est ce que nous avons essayé de promouvoir, dans notre travail d’appui à la préparation de la mise en œuvre de la nouvelle politique foncière rurale au Bénin (Edja et Le Meur, 2003 ; Lavigne Delville et al, 2003). Comme on l’a vu, le cadre défini par la loi le permettait. En particulier, le fait que le contenu des droits pouvant relever d’un certificat ne soit pas défini dans la loi le rend possible puisque ce contenu peut dès lors être très large. Rien de ce que nous avons avancé n’est contradictoire, ni avec le projet de loi, ni avec l’expérience opérationnelle. Mais cela induit des évolutions significatives dans la méthode d’enquête et plus encore dans la gestion foncière ultérieure. En ce qui concerne la méthode d’enquête socio-foncière, après une première réaction un peu réservée, du fait des critiques que nous apportions, les analyses et les conclusions ont été acceptées. Nous avions veillé, pour rendre les résultats appropriables par l’équipe du projet, à travailler la restitution des enquêtes de terrain, pour les intégrer dans un cadre conceptuel cohérent et accessible pour des non anthropologues, et pour proposer des axes assez précis d’amélioration de la démarche. Les problèmes soulevés à partir de l’enquête de terrain étaient perçus par les équipes de terrain les plus expérimentés, qui s’y étaient confrontés en pratique à défaut d’avoir su en formaliser les causes. La restitution des résultats a permis de légitimer notre analyse. Les équipes opérationnelles et la coordination du PGTRN ont ensuite retravaillé la méthodologie, sur la base de nos propositions. Elles ont su mobiliser leurs savoir-faire pour opérationnaliser nos recommandations. Cette nouvelle méthode d’enquête socio-foncière doit encore être testée et validée sur le terrain, avant de devenir la méthodologie officielle, mais elle répond aux principaux problèmes soulevés. Il semble donc possible de faire évoluer la démarche d’enquête socio-foncière pour améliorer sa pertinence, tout en restant maîtrisable par des enquêteurs PFR suffisamment expérimentés. Par contre, l’acceptation des implications de cette approche en termes juridiques et de gestion foncière semble plus difficile. Les autres volets du dispositif technique et institutionnel des PFR (non encore totalement stabilisés, il est vrai) restent conçus sur une logique de « propriété coutumière » et ne sont donc pas totalement cohérents avec cette évolution méthodologique. Par exemple, le projet de formulaire de certificat foncier met l’accent sur les limites et ne parle pas des droits identifiés. Un tel choix Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 24 pourrait être logique, du fait de la difficulté à transcrire ces droits dans le certificat, mais à condition qu’il soit mentionné explicitement que le certificat vaut pour les droits identifiés dans le procès-verbal d’enquête. Faute de quoi, pour l’ensemble des acteurs non villageois (et pour les acteurs villageois ayant un intérêt stratégique à défendre cette conception), le certificat sera perçu comme attestant d’une propriété coutumière, avec les effets décrits plus haut. Si les implications d’une approche en termes de faisceaux de droits semblent être acquises en ce qui concerne la démarche d’enquête, ce n’est semble-t-il pas le cas pour la gestion foncière. Et, bien évidemment, plus les acteurs rencontrés sont éloignés du dispositif PFR et des situations foncières de terrain, moins ils sont en mesure de simplement percevoir les questions sous-jacentes : à partir du moment où la question des droits n’est pas posée, les points discutés ci-dessus ne sont tout simplement pas pensables, parce qu’ils n’ont pas de sens dans les conceptions des droits en termes de propriété privée. 2. Les cadres conceptuels du droit romain et leurs conséquences pratiques Au delà de l’importance de la référence à l’immatriculation dans la culture juridique ouest-africaine, c’est semble-t-il dans les conceptions du droit romain qu’il faut chercher les fondements de ces cadres conceptuels. Dans un texte très éclairant, Galey (2006) propose une lecture comparée des logiques juridiques du droit romain et de la Common Law. Il montre de façon lumineuse à quel point ces deux traditions juridiques renvoient à des façons radicalement différentes de concevoir les droits de propriété. Reprenant les catégories de C.R.Noyes, économiste institutionnaliste des années 30, il qualifie le droit romain est « direct et collatéral », direct car le rapport de l’homme au bien est direct, et collatéral car le sol est détenu par des unités (individuelles ou familiales) indépendantes et co-égales. « Le propre d’un tel système est d’aménager des relations horizontales entre propriétaires, au sens où chacun est doté d'un statut équivalent de maître exclusif de sa parcelle de terre, et où aucun ne peut prétendre avoir juridiction sur les autres » (Galey, 2006 : 10). Dès lors, un espace donné est constitué d’un ensemble de parcelles privées, et d’un domaine public extra-familial. Les relations entre ces unités relèvent du droit des obligations, ou du démembrement de droits sur la propriété d’autrui. Toute autre est la conception de la Common Law, qualifiée par Noyes de « dérivé et linéaire » : « par système de propriété linéaire ou féodal, Noyes signifie un système disposant « la détention du sol selon un droit dépendant et dérivé par des unités [individuelles ou familiales] successives et hiérarchisées conformément à des degrés variables d’ascendance ; le caractère des intérêts fonciers étant mutuellement exclusif ». Les droits se définissent ainsi au sein d’une hiérarchie verticale d’unités interdépendantes. L’accent est mis sur une « jouissance légitime des utilités de la chose sans maîtrise absolue de celle-ci dans sa matérialité. Dans ce contexte l’enjeu [n’est] pas de coordonner par le droit des rapports paisibles entre des unités économiques indépendantes et co égales exerçant sur leurs biens une maîtrise Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 25 exclusive de tout partage, mais de développer une protection juridique de la jouissance des utilités des choses physiques contre les interférences des tiers. » (idem : 11). « Le Code civil de 1804 procure une définition substantielle du droit de propriété en terme de droit subjectif, de pouvoir perpétuel exercé directement sur la totalité des utilités de la chose et absorbant celle-ci dans l’intégralité de sa matérialité ». A l’inverse, « le droit anglais ne procure, quant à lui, aucune définition législative équivalente de la propriété privée […].en droit anglais, la propriété du sol est fondamentalement une situation juridique résultant du fait de la possession, accordant à son bénéficiaire une jouissance dont l’exclusivité s’est construite indirectement à l’intersection des règles destinées à en protéger le bénéfice contre l’interférence des tiers (trespassory rules), à en transmettre le bénéfice ou à le répartir dans le temps (doctrine of estates), et à en régler l’usage, qu’il s’agisse du droit des nuisances (law of nuisance) ou des clauses restrictives d’usage (restrictive covenants). C’est par le jeu croisé du formalisme de ces divers corps de règles que les juristes anglais ont retravaillé de l’intérieur le système de propriété linéaire hérité de la société féodale, pour y ménager l’émergence d’une appropriation exclusive du sol » (idem : 13) qui n’a guère à envier à la propriété privée du Code Civil, mais qui reste une modalité parmi d’autres et demeure définie indirectement. « La spécificité de la tradition anglaise consiste à concevoir la propriété du sol en termes de protection contre l’interférence des tiers ou, plus exactement, en termes de droit d’exclure, de pouvoir de contrôle exercé à l’égard des tiers sur l’accès à la jouissance d’une ressource, mais non de pouvoir exercé directement sur la chose abstraction faite de toute relation aux tiers » (idem : 24, souligné par lui). Ceci permet aussi de comprendre pourquoi une approche en termes de faisceaux de droits est difficilement compréhensible du point de vue du droit romain : « les économistes du droit entendent par « droits de propriété » un simple droit d’usage exclusif et transférable sur la ressource et non son appropriation comme telle. Mais surtout, il ne s’agit pas d’une notion juridique. Tout le malentendu tient à ce que cet usage non juridique de la notion de « droits de propriété », qui peut paraître paradoxal et déroutant pour un juriste de tradition romaniste, ne l’est pas dès lors qu’on le replace dans la perspective culturelle et conceptuelle du contexte de common law qui l’a vu naître » (idem : 19-20). Ce détour me semble assez éclairant pour notre réflexion. La logique coutumière est bien de nature « dérivée », définissant des prérogatives emboîtées, dans la définition négociée et parfois fluctuante de la capacité des tiers à interférer dessus. Une telle conception est à l’opposée des conceptions de droit romain, qui voit co-exister des « propriétaires » indépendants, disposant de l’ensemble des droits sur leur domaine, et un domaine public. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 26 Une telle conception n’est pas seulement de la culture des juristes, mais renvoie aux conceptions plus ou moins partagées de l’ensemble des acteurs de la question foncière. Dès lors, la nature même des droits coutumiers est difficilement pensable, aussi bien par les agronomes que les topographes ou les juristes. Lorsque ces acteurs sortent de la logique de l’immatriculation comme seul « droit réel », ils ne demeurent pas moins, le plus souvent, dans une conception « directe » de la propriété, plus ou moins nuancée par l’expérience pratique, pour ceux qui sont ou ont été suffisamment en contact avec le monde rural C’est là sans doute que se situe la principale contrainte à une adoption de PFR comme articulant les modes de régulation : d’une part, reconnaître la diversité des normes foncières et le rôle des autorités locales reste difficilement pensable et acceptable dans la logique uniformisatrice des conceptions jacobines de l’Etat, d’autre part, la question des droits et de la régulation foncière reste incomplètement posée dans ces termes par ceux-là même qui promeuvent l’approche et détiennent l’expérience pratique la plus importante. Dès lors, ils sont d’autant moins à même de la promouvoir et de la faire passer auprès des nombreux autres interlocuteurs impliqués dans les choix de politique foncière. IV. CONCLUSION En Afrique de l’Ouest, le constat des limites de la situation actuelle, qui interdit de fait à l’essentiel des acteurs ruraux de voir leurs droits reconnus légalement, est de plus en plus partagé. La somme des recherches, expérimentations de terrain, débats et séminaires, a progressivement fait évoluer les idées, parallèlement à l’évolution des politiques globales. Pour autant, il n’y a pas consensus sur la façon de traiter la question foncière. Au delà des enjeux politiques et économiques, et des intérêts que certains acteurs ont à la situation actuelle, ces divergences de positions renvoient à deux grands facteurs incomplètement articulés dans les discours : les conceptions de l’Etat et des rapports entre Etat et citoyens, entre normes étatiques et normes locales, d’une part ; les conceptions de la propriété foncière d’autre part. Le pari de cette communication est que l’explicitation de ces conceptions, même sous une forme d’idéaux-types simplificateurs, peut contribuer à préciser les positions et donc le positionnement du débat. L’expérience actuelle semble montrer qu’une approche de la sécurisation foncière par la reconnaissance des faisceaux de droits est « techniquement » possible. Autrement dit, que l’on est capable, en mobilisant les acquis récents de l’ethnographie des droits, de l’instrumenter, et d’en décliner les implications en termes de dispositif légal et institutionnel de gestion foncière. Cette question n’est pas si anodine. Une bonne politique n’est pas celle qui est la plus belle sur le papier, mais celle qu’il est possible de mettre en œuvre concrètement sans distorsions et effets pervers majeurs… Le constat que la Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 27 réalité d’une politique publique en acte résulte principalement des pratiques de ceux qui sont chargés de sa mise en œuvre incite à ne pas sous-estimer ces questions d’instrumentation et de mise en œuvre. Même cela a été au prix d’une sous-estimation des questions sur les droits, c’est un des avantages des approches PFR que d’être partis des problèmes pratiques de mise en œuvre pour remonter à la question des politiques avec des démarches et des outils existants. Pour autant, sa faisabilité pratique demande que l’ensemble du dispositif institutionnel et réglementaire soit cohérent avec cette approche, et que les points clés marquant la différence entre une approche par les faisceaux de droits et une approche par la propriété coutumière soient traités dans les procédures. Elle demande qu’un effort important de formation et de suivi soit mis en place, pour que l’ensemble des acteurs concernés par la mise en œuvre intègrent progressivement cette logique, non tant dans sa justification théorique et conceptuelle, mais dans les grandes idées et la maîtrise des procédures. Elle demande aussi qu’il y ait un consensus suffisant sur la signification politique d’une telle approche, qu’un « récit » la justifiant, suffisamment simple et recevable, soit produit et diffusé. Il n’est pas sûr qu’un tel consensus explicite soit aujourd’hui recevable, dans l’état des débats et des représentations des acteurs impliqués dans les politiques foncières. Par ailleurs, au delà de l’approche promue, ce sont bien aussi les pratiques des acteurs ruraux, la façon dont ils vont se saisir de cette politique, qui vont en déterminer les effets réels. Noyes distingue ainsi « la substance institutionnelle, entendue comme le système de relations développé, conçu et effectivement pratiqué dans la vie économique (institutionnal substance), et, de l’autre, la formalisation juridique elle-même, présentée comme une abstraction conventionnelle des faits relationnels et institutionnels (legal form) » (Galey, 2006 : 8). Il y a toujours un espace, des distorsions, entre cette substance institutionnelle et la formalisation juridique, qui dépend de choix politiques et institutionnels, et des cadres cognitifs qui structurent la pensée juridique. La formalisation juridique ne peut prétendre s’imposer totalement sur la substance institutionnelle : elle ne produit guère que « les habits juridiques dans lesquels une institution est enveloppée ainsi que les droits sur le fondements desquels ces relations sont analysées et classifiées lorsqu’elles ont besoin d’être validées et protégées » (idem : 9, souligné par moi). Fondamental d’un point de vue conceptuel, le clivage entre « propriété coutumière » et « faisceaux de droits » peut ainsi se révéler secondaire, voire peu opératoire en pratique. La conception des droits implicite dans une politique d’enregistrement des droits locaux fondés sur une logique de « propriété coutumière » n’a d’incidence réelle sur les droits pratiques que dans la mesure où les droits en question « ont besoin d’être validés et protégés », c’est-à-dire où les acteurs locaux ont besoin de faire appel au dispositif public, administratif ou judiciaire. Tant que les pratiques restent régies principale- Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 28 ment par les normes locales, les incidences d’une conception propriété coutumière restent potentiellement faibles. Comme le souligne J.P.Jacob (comm.pers.), « au PFR Ganzourgou, il y a eu établissement de limites et production de certificats pour des propriétés lignagères, avec des chefs de lignage désignés comme propriétaires de facto sans que cela compromette la soumission aux normes locales de la gestion foncière ». Autrement dit, la vision « propriété coutumière » des PFR et du certificat n’empêche pas les normes locales de perdurer « tant que le recours à des institutions externes en cas de conflit portant sur le respect des normes locales continuera d’être considéré comme immoral, comme une brèche dans le contrat familial » (idem). Il n’en demeure pas moins que la formalisation juridique « n’est pas neutre et transparente pour autant. Bien au contraire, elle interagit avec la substance institutionnelle, voire rétroagit sur elle. D’où la nécessité de prendre en compte ‘ la manière dont la substance institutionnelle est fonctionnellement contrainte et structurellement modifiée par la forme’ » (idem). Une vision en termes de propriété coutumière réintroduit ainsi un pluralisme des normes dans des démarches d’enregistrement censées résoudre le divorce entre légitimité, légalité et pratiques, et favorise les ruptures avec les normes locales, les éventuels comportements opportunistes et les conflits qui peuvent s’ensuivre. Dès lors, même s’il n’est pas politiquement faisable de mettre en œuvre une approche en termes de faisceaux de droits, travailler les procédures pour limiter les occasions de comportement opportuniste, favoriser le débat local sur les pratiques acceptables ou non, bref, reconnaître un espace minimal de légitimation des pratiques, semble utile pour des transitions ménagées. Colloque international “Les frontières de la question foncière – At the frontier of land issues”, Montpellier, 2006 29 Bibliographie Bini K.K., 1999, « Gestion publique du foncier rural », communication à l’atelier Reconnaissance et formalisation des droits fonciers en Afrique rurale, GRET/APREFA/MAE. Bosc, P.M., J.-P. Chauveau, Y. S. Affou, A. Fian et P. d' Aquino 1996. Évaluation de l'opération pilote de plan foncier rural, Abidjan- Montpellier, Ministère de l'Agriculture et des ressources animales - CIRAD/SAR, 401 p. plus annexes. 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