Géomorphologie des cours d`eau - Grr
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Géomorphologie des cours d`eau - Grr
CHAPITRE 4 Géomorphologie des cours d’eau 4.1 INTRODUCTION La géomorphologie est une discipline de la géographie physique et des géosciences qui décrit les formes de la surface de la terre (relief) et explique leur formation et leur évolution sous l’effet de la tectonique et de l’érosion. La géomorphologie des cours d’eau étudie la formation et l’évolution des cours d’eau dans un contexte naturel ou modifié par l’homme et la nature (climat, crues, etc.). Les cours d’eau coulent au travers du paysage, grandissent en taille, se joignent à d’autres cours d’eau. Le réseau de cours d’eau forme ce qui est appelé le réseau de drainage et il adopte différentes formes qui sont influencées par le relief et la géologie du sous--sol. Les cours d’eau transportent l’eau et les sédiments dans un processus dynamique qui façonne leur lit. Les ingénieurs se sont surtout intéressés à intervenir dans les cours d’eau pour répondre à des impératifs de développement (irrigation, drainage), de protection (protection contre les inondations, protection des propriétés) ou d’intervention contre la dégradation des berges avec des approches principalement hydrauliques. La géomorphologie peut aider l’ingénieur à analyser les cours d’eau et identifier des solutions. GÉOMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU 44 4.2 CARACTÉRISTIQUES MORPHOLOGIQUES Cette section présente les principales caractéristiques morphologiques des cours d’eau. Cette section détaille principalement les caractéristiques qui n’ont pas été présentées au chapitre 1. 4.2.1 Densité de drainage La densité de drainage a été définie par R.E. Horton en 1932 afin de décrire le degré de développement d’un réseau hydrographique : Dd = Li A [4.1] Dd = densité de drainage Li = longueur de chacun des tronçons (m) A = superficie du bassin versant (m2) La longueur totale de cours d’eau représente la somme des longueurs des cours d’eau de tous les ordres du réseau hydrographique. La densité de drainage est un indice de l’intensité du réseau de drainage. Les bassins versants agricoles ont en général des densités de drainage plus élevées que les bassins versants naturels. 4.2.2 Largeur et profondeur La largeur et la profondeur du cours d’eau sont des caractéristiques très étudiées en géomorphologie des cours d’eau. Des relations empiriques ont souvent été développées sur une base régionale en fonction du débit plein bord. Elles sont représentées par les formes suivantes : w = a Q cb [4.2] d = e Q fb [4.3] w = k Dm x [4.4] Qb = débit plein bord w = largeur au mirroir du cours d’eau en débit plein bord d = profondeur du cours d’eau Dx = Diamètre caractéristique du matériel du lit du cours d’eau a, c, e, f, k, m = constantes 4.2.3 Caractéristiques du lit Une des principales caractéristiques du lit d’un cours est la grosseur du matériel constituant le lit ou les talus du cours d’eau. Le matériel est souvent décrit par la composition des constituants suivants (Fangmeier et al., 2006) : CARACTÉRISTIQUES MORPHOLOGIQUES 45 argile/limon (clay/silt) (0 -- 0,062 mm) sables (sand) (0,062 -- 0,13 mm), (0,13 -- 0,25 mm), (0,25-- 0,5 mm), (0,5 -- 1,0 mm), (1 -- 2 mm) graviers (gravel) (2 -- 4 mm), (4 -- 6 mm), (6 -- 8 mm), (8 -- 11 mm), (11 -- 16 mm), (16 -- 22 mm), (22 -- 32 mm), (32 -- 45 mm), (45 -- 64 mm) Cailloux (cobble) (64 -- 90 mm), (90 -- 128 mm), (128 -- 180 mm), (180 -- 254 mm) Gros cailloux et blocs (boulder) (254 -- 362 mm), (362 -- 512 mm), (512-- 1024 mm), (1024 -- 2048 mm) roc (bedrock) 4.2.4 Méandres et sinuosité Les méandres (figure 4.1) peuvent être décrits par les caractéristiques suivantes : λ = longueur d’onde du méandre a = l’amplitude r = rayon de courbure w = largeur du lit Figure 4.1 Éléments morphologique d’un méandre (Bravard et Petit, 2000). Le rapport de méandre est : a Rm = w [4.5] La sinuosité ou l’indice de sinuosité (Is) est le rapport de la longueur du talweg sur la longueur d’onde : Is = L λ [4.6] GÉOMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU 46 Il permet de caractériser la sinuosité des cours d’eau : Is < 1,05 1,05 < Is < 1,5 Is > 1,05 : cours d’eau rectiligne : cours d’eau sinueux : cours d’eau à méandres 4.3 DÉBIT PLEIN BORD En géomorphologie, le débit plein bord (bankfull discharge) est le débit caractéristique le plus utilisé car il peut expliquer en grande partie la morphologie d’un cours d’eau. Il correspond au débit que peut supporter le lit mineur d’un cours d’eau juste avant que celui--ci déborde dans la plaine d’inondation. Le débit plein bord est considéré comme le débit pouvant transporter le plus de matériaux solides compte tenu de son énergie potentielle et de sa fréquence (Rosgen, 1996). Si les débits plus importants transportent plus de matériaux par évènement et les débits plus faibles ont une fréquence plus élevée, le débit plein bord est suffisamment puissant et fréquent pour développer la forme générale du lit du cours d’eau. Le débit plein bord est associé au débit dominant (dominant discharge) ou débit effectif (effective discharge) responsable du développement et du maintien des dimensions de la section du cours d’eau. Le débit plein bord varie d’un cours d’eau à l’autre en fonction des caractéristiques du cours d’eau, de la composition du lit, des caractéristiques du bassin versant et caractéristiques hydroclimatiques. 4.3.1 Indicateurs du débit plein bord Comme le débit plein bord contribue grandement au développement du cours d’eau, le niveau de l’eau lui correspondant est normalement visible sur le terrain mais parfois difficile à déterminer dans les vallées encastrées où la plaine d’inondation est peu existante et dans les cours d’eau recreusés. Le meilleur indicateur du débit plein bord est le niveau du début de la plaine d’innodation. Il correspond au lit mineur d’un cours d’eau juste avant que celui--ci déborde dans la plaine d’inondation. Il est facile à observer le long des cours d’eau naturels (non perturbés) à faible pente et dans les cours d’eau sinueux possédant une plaine d’inodation. Les meilleurs indicateurs sont : S le haut des bancs de sable sur la rive interne des méandres. Il correspond à la localisation du début du développement de la plaine active d’inodation; S la limite inférieure de la végétation ligneuse. Comme le débit plein bord est relativement fréquent, la plupart des espèces (sauf les saules et aulnes) ne peuvent résister aux inondations fréquentes sous cette limite. PUISSANCE 47 S les changements brusques de pente dans les talus (de pentus à vertical ou vertical à pentus). Les talus verticaux correspondent à des zones d’érosion avec débits fréquents. S changement dans la granulométrie du matériel constitutif des berges. Les changements de granulométrie sont associés à des processus différents se manifestant. Le changement de granulométrie est souvent associé à un changement de pente des talus. S talus minés. Les talus minés sont souvent associés à la zone active d’érosion du cours d’eau. Le haut du talus miné est souvent associé à la fin de la végétation pérenne. La végétation ne peut survivre que si elle est peu perturbée par l’érosion causée par les débit fréquents. S les lignes de changement de couleur sur les roches associés à la présence de lichen ou de mousse. Il est bon de regarder plusieurs indices pour corroborer le niveau du débit plein bord. Par la suite, il est possible calculer, la section, le rayon hydraulique, la vitesse de Manning (avec l’estimation du coefficient de rugosité) pour calculer finalement le débit plein bord. 4.3.2 Récurrence du débit plein bord Le débit plein bord correspond à des débits ayant une récurrence de 1 à 5 ans et avec des moyennes de 1,5 à 2 ans selon les études. C’est pourquoi les débits de récurrence de deux ans sont souvent utilisés comme les débits plein bord. 4.4 PUISSANCE La puissance d’un cours d’eau (stream power) est une caractéristique géomorphologique des cours d’eau qui a été beaucoup étudiée. La puissance d’un cours d’eau est la quantité d’énergie que possède l’écoulement pour transporter sa charge sédimentaire et qui doit être absorbée par friction. Si l’énergie est non suffisante pour transporter la charge sédimentaire, les sédiments se déposeront au fond du cours d’eau. Si l’énergie ne peut être absorbée par friction, le fond du cours d’eau et/ou le talus seront érodés par l’écoulement. La puissance peut être définie comme la puissance brute (Ω) : Ω = g Qb S Ω = puissance (kg m s--2) (W m--1) ρ = masse spécifique de l’eau (1000 kg m3) g = accélération gravitationnelle (9,8 m s-- 2) Qb = débit plein bord (m3 s-- 1) S = pente du cours d’eau (m m-- 1) [4.7] GÉOMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU 48 ou la puissance spécifique (unit stream power) : ω=Ω w= g Qb S w [4.8] ω = puissance spécifique (W m--2) w = largeur du cours d’eau (m) Brooke (1988) a étudié la puissance spécifique de plusieurs cours d’eau qui ont été redressés au Danemark dans des sols alluvionnaires et il a constaté que les cours d’eau tendent à se méandriser à nouveau lorsque la puissance spécifique dépasse 35 W/m--2. Brooke (1990) a résumé ses observations comme suit : ω > 100 W/m--2 35 W/m--2 < ω < 100 W/m--2 5 W/m--2 < ω < 35 W/m--2 ω < 8 W/m--2 cours d’eau se tressant activement cours d’eau se méandriasant activement cours d’eau stable cours d’eau avec sédimentation Guillou (2012) a analysé 9 tronçons d’un cours d’eau en zone agricole. Les tronçons avec une énergie spécifique de 2,5 à 6,2 W/m--2 avaient tendance à favoriser la sédimentation alors que les tronçons ayant une énergie spécifique supérieure à 25 W/m--2 (26 à 41) avaient tendance à provoquer une régression de fond ou une migration latérale du lit. Un tronçon avec une énergie spécifique de 15 W/m--2 montrait aucun signe d’érosion ou de déposition; le niveau d’énergie semblait suffisant pour transporter les sédiments sans provoquer d’érosion. Ferguson (1981) a établit une classification des méandres suivant leur activité et la puissance du cours d’eau. Les méandres libres se rencontrent en général dans les cours d’eau développant des puissances spécifiques de 10 à 100 W/m--2. Les méandres actifs non confinés requièrent des puissances spécifiques supérieures à 30 W/m--2 et les méandres libres inactifs se rencontrent lorsque les puissances spécifiques sont inférieures à 15 W/m--2. Un méandre confiné est un méandre qui ne peut se développer librement à cause de l’étroitesse de la vallée. CLASSIFICATION DES COURS D’EAU 51 4.7 CLASSIFICATION DES COURS D’EAU Il existe une grande variété de types de cours d’eau, des cours d’eau rapides des montagnes aux cours d’eau de faible pente dans les plaines. Différents systèmes de classification ont été développés pour permettre la classification cours d’eau et faciliter les comparaisons entre eux. Deux systèmes de classification sont présentés. 4.7.1 Classification en quatre types Leopold et Wolman (1957) ont proposé une classification des cours d’eau en trois types à laquelle un quatrième type (anastomosé) a été ajoutée par Schumm (1968) (figure 4.4) : S lits rectilignes dont l’indice de sinuosité est inférieur à 1,05; S lits à méandres; S lits à chenaux tressés qui sont caractérisé par des bancs d’alluvions non végétalisés, une charge de fond abondant ou une bonne disponibilité de sédiments, l’érodibilté des berges et une grande variabilité des débits; S lits anastomosés qui sont caractérisés par des cours d’eau à chenaux multiples mais stables, chenaux sinueux à faible pente (0,0001) dont le lits est composé de matériaux fins et cohésifs. Figure 4.4 Classification développée par Loepold et Wolman (1957) et Schumm (1968) (adapté de Bravard et Petit, 2000). GÉOMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU 52 4.7.2 Classification de Rosgen La figure 4.5 présente une modification de la classification de Rosgen (1996) qui classifie les cours d’eau en huit types. L’avantage de cette classification est de classifier les cours d’eau selon des paramètres quantifiables : W/D = rapport largeur sur la profondeur pour l’écoulement plein bord ER = rapport entre la largeur de la plaine d’inondation sur la largeur plein bord. La largeur de la plaine d’inondation est défini comme la largeur du cours d’eau lorsque sa profondeur d’écoulement est deux fois la profondeur d’écoulement pour le débit plein bord. Les huit types sont définis en trois classes. Étroits et profonds (W/D < 12) cours en ravin (entrenched) -- G : Cours d’eau dans des ravins qui ont des problèmes de stabilité de la pente, des problèmes d’érosion du lit et des talus. Ces cours d’eau n’ont aucune plaine d’inondation et ont généralement des pentes supérieure à 4 %. modérément encastré (moderately entrenched) -- A : se différentient des précédents des précédents avec une faible plaine d’inondation. Ils se rencontrent dans les régions montagneuses dans des vallées avec des pentes fortes. Le lit est souvent du roc ou composé de blocs ou gros cailloux car le matériel fin a été emporté. Figure 4.5 Classification dérivée de la classification de Rosgen (Fangmeier et al., 2006). non encastré (not entrenched) -- E : se retrouvent dans les vallées constituées d’alluvions, sont très sinueux et stables et ont des rapports de méandre aussi grand que 20 à 40. CLASSIFICATION DES COURS D’EAU 53 Larges et peu profonds (W/D > 12) encastré (entrenched) -- F : cours d’eau instable où le processus dominant est l’érosion des berges et se différentient des cours d’eau de type G où le lit s’érode et s’approfondit. modérément encastré (moderately entrenched) -- B : cours d’eau dans des vallées étroites avec des rapides et des fosses et la présence de blocs et gros cailloux non encastré (not entrenched) -- C cours d’eau dans des vallées de dépôts alluvionnaires, avec des pentes inférieures à 2 % et une plaine d’inondation bien développée. En tresse (braided) - D et DA Cours d’eau tressés qui montrent des canaux multiples et se rencontrent dans les deltas et les terres humides . 54 GÉOMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU 4.8 ÉVOLUTION L’un des intérêts de la géomorphologie et la classification des cours d’eau est de prédire leur stabilité et leur évolution comme le montre la figure 4.6. Figure 4.6 Classification des types de cours et de leur stabilité en fonction de différents paramètres (Bravard et Petit, 2000). BIBLIOGRAPHIE 55 BIBLIOGRAPHIE Bravard, J.P. et F. Petit, 2000. Les cours d’eau -- Dynamique du système fluvial. Armand Colin, Paris. Brookes, A., 1988. Channelized rivers. John Wiley & Sons, Chichester, 326 p. Brookes, A. 1990. Restauration and enhancement of engineered river channels: some Eropean experiences, Regulated Rivers: Research and Management, 5:45--56. Brookes, A. et F. Douglas Shields jr. (éd.), 1996. River channel restauration -- Guiding principles for sustainable projets. John Wiley & Sons, Chichester, 343 p. Fangmeier, D. D., W. J. Elliot, S. R. Workman, R. L. Huffman, G. O. Schwab. 2006. Soil and Water Conservation Engineering. 5th Edition.Thomson Delmar Learning. Ferguson, R. I., Channel forms and channel changes. Dans : Lewin J. (éd.) British Rivers, London, G. Allen & Unwin. pp. 90--125. Guillou, M. 2012. Analyse hydrologique et morphologique d’un cours d’eau agricole de la plaine du Saint--Laurent. Mémoire de maîtrise. Université Laval, Québec, 212 p. Leopold, L. B. et M. G. Wolman, 1957. River channel patterns--braided, meandering and straight. U. S. Geol. Surv. Prof. Paper, 282 D, p.111--134. Schumm, S. A., 1968. Vermont Agency of Natural Resources. 2004. Identification of bankfull stage. Appendix K, Vermont Stream Geomorphic Assesment. 10 p. GÉOMORPHOLOGIE DES COURS D’EAU 56 PROBLÈMES SÉRIE 4. 4.1. Estimez le débit plein bord du cours d’eau du problème 3.12. 4.2. Estimez la puissance du cours d’eau du problème précédent. 4.3. Estimez la puissance spécifique du cours d’eau du problème précédent. 4.4. Décrivez la section plein bord du tronçon du cours d’eau que vous avez relevé cet automne et estimez le débit plein bord. 4.5. Estimez la puissance et la puissance spécifique pour le débit plein bord du tronçon du cours d’eau que vous avez relevé cet automne. 4.6. Classez le tronçon du cours d’eau que vous avez relevé cet automne selon chacun des deux systèmes de classification présentés. CHAPITRE 5 Vie et stabilité des cours d’eau 5.1 INTRODUCTION Avant d’entreprendre toute action dans un cours d’eau, il est nécessaire de connaître les principes qui régissent sa vie, soit sa stabilité ou son érosion. Ce chapitre traite de : 1. la stabilité des cours d’eau en fonction de l’écoulement; 2. la stabilité des talus; 3. la détérioration par les glaces; 4. l’ensablement, l’envasement et la croissance de la végétation; 5. l’érosion dans les courbes. 5.2 STABILITÉ DES COURS D’EAU ET ÉCOULEMENT 5.2.1 Principes de base La stabilité ou l’érosion d’un cours d’eau est un problème complexe qui dépend non seulement du type de matériel qui compose le lit du cours d’eau et de ses vitesses d’écoulement, mais aussi de la granulométrie des particules de sol dans le lit, la présence ou l’absence de cohésion dans le sol, la présence ou l’absence de végétation, l’âge du cours d’eau ou du canal, la profondeur d’écoulement, la présence ou l’absence de matériel charrié par l’eau. De façon schématique, un cours d’eau s’érode lorsque les forces d’arrachement provoquées par l’écoulement sont plus grandes que les forces de résistance des particules de sol ou des VIE ET STABILITÉ DES COURS D’EAU 58 agrégats qui forment le périmètre mouillé. Les forces d’arrachement sont le résultat des forces de cisaillement provoquées par le gradient de vitesse de l’écoulement au contact de la paroi : τ = − dV dy [5.1] τ = taux de cisaillement (M/L T2 ou F/L2) µ = viscosité dynamique du fluide (M/L T) Le gradient de vitesse dV/dy comme le montre la figure 5.1 est très élevée au contact de la paroi. Dépendamment de la forme du canal ou du cours d’eau (figure 5.2), la concentration des courbes d’égale vitesse montre des gradients plus élevés en certains points du canal. Plus le canal est étroit et plus les talus ou les parois font face à un gradient de vitesse élevé par rapport à celui du fond. Dans le cas du canal rectangulaire étroit (figure 5.2d), les talus auront tendance à s’éroder plus facilement que le fond et le matériel érodé aura tendance à se déposer au fond du canal car les vitesses et le gradient de vitesse sont plus faibles. Figure 5.1 Répartition des vitesses au--dessus d’une surface régulière. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer les limites où le processus d’arrachement est susceptible de s’amorcer : 1. Méthode des vitesses maximales 2. Méthode des forces d’arrachement En se basant sur les principes énoncés précédemment où la force d’arrachement est fonction du gradient de vitesse, il est facile de voir que, pour des conditions normales de section, cette force d’arrachement sera fonction de la vitesse moyenne dans le cours d’eau. En effet, plus la vitesse STABILITÉ DES COURS D’EAU ET ÉCOULEMENT 59 a) canal trapézoïdal b) canal triangulaire c) canal semi--circulaire e) cours d’eau naturel d) canal rectangulaire étroit Figure 5.2 Lignes d’égale vitesse dans différents types de sections d’écoulement (Chow, 1959). moyenne est grande, plus le gradient est normalement grand. Cette méthode considère qu’il y aura érosion du cours d’eau lorsque la vitesse d’écoulement dépasse la vitesse maximale tolérable. La méthode de la force d’arrachement considère qu’il y aura érosion du cours d’eau lorsque la force d’arrachement provoquée par l’écoulement dépasse la résistance du sol ou du matériel constituant l’interface avec l’écoulement. Lorsque la vitesse dépasse la vitesse maximale ou que les forces d’arrachement dépassent les forces de résistance, le fond du cours d’eau s’érode, le cours d’eau s’approfondie et nous parlos de régression de fond. 5.2.2 La pente de compensation La pente de compensation (Llamas, 1978) se définit comme la pente du cours d’eau où la quantité de matériel déposé correspond à celle érodée; c’est--à--dire que la section du cours d’eau a un gain nul de sédiments. Cette perte correspond à la stabilité et elle est fonction du débit moyen du cours d’eau et de la quantité de sédiments transportés. Cette méthode arrive simplement à nous dire que si nous avons peu d’influence sur la pente du cours d’eau (pente du terrain) et sur le débit moyen, le seul facteur que nous pouvons influencer est la charge de sédiments. Cette dernière provient de l’érosion des talus du cours d’eau ou de l’érosion des sols environnants, qui est influencée par la régie des sols et des cultures. 60 VIE ET STABILITÉ DES COURS D’EAU 5.3 STABILITÉ DES TALUS 5.3.1 Pente des talus La stabilité ou l’instabilité d’un talus est influencée par : 1. La résistance mécanique du sol 2. La résistance aux forces d’arrachement de l’écoulement 3. Le suintement des parois 4. Les glaces 5.3.2 Résistance mécanique des sols En terme de mécanique des sols, un talus est stable lorsque les forces de cisaillement ou de friction à l’intérieur du sol dans le plan de rupture sont plus grandes que la composante gravitationnelle de la masse de sol au--dessus de ce plan. Les différentes situations limites peuvent être schématisées en deux catégories. La première (figure 5.3a) représente les sols pulvérulents (sans cohésion) où les particules de sol roulent sur le talus lorsque la pente est plus grande que l’angle de repos du matériel (la force de friction est insuffisante). En général, cet angle se situe entre 30° et 37°. Pour les sols cohésifs, la cohésion offre une résistance additionnelle à la friction. Le sol est retenu en une masse et son effondrement survient suite à un mouvement de cette masse (figure 5.3b et 5.3c). Le premier cas (figure 5.3b) a son origine dans une pente trop forte, alors que le second (figure 5.3c) est causé beaucoup plus par la profondeur du cours d’eau que par la pente du talus. La rupture se produit selon le plan de la plus faible résistance. Dans les argiles à forte porosité comme celles de la Plaine du St--Laurent, la teneur en eau de saturation correspond à un état de plasticité élevée et à une faible résistance au cisaillement. En général, les argiles de la plaine de Montréal ont, selon des essais effectués par J.P. Morin de l’Université de Sherbrooke et par nous, des résistances au cisaillement très faibles à partir de profondeur de 2 à 3 m. Cette situation accentue les possibilités du cas de la figure 5.3c si nous excavons à des profondeurs supérieures à 2 ou 3 mètres. Le calcul de la stabilité des talus dans de telles argiles s’effectue par les méthodes classiques de rupture des talus par cisaillement. STABILITÉ DES TALUS 61 a) sol pulvérulent b) sols cohésifs -- glissement ou rupture en coin c) sols cohésifs -- rupture profonde selon le cercle de rupture Figure 5.3 Effondrement des talus lorsque la stabilité mécanique n’est plus respectée. 5.3.3 Dégradation des pieds de talus Dans les cours d’eau où la vitesse d’écoulement provoque des forces d’arrachement supérieures aux forces de cohésion et de friction du sol dans le pied du talus, ce dernier va s’éroder comme présenté à la figure 5.4. Comme le haut du talus offre en général une plus grande résistance à cause du type de sol ou de l’armature racinaire, le haut du talus peut se retrouver momentanément suspendu au--dessus du cours d’eau et il va se rupturer un jour ou l’autre. Le talus développe une verticalité qui n’est pas stable mécaniquement et il va se dégradé par la suite selon le mode présenté à la section précédente. Les racines des arbres aident généralement à la stabilisation des talus grâce au rôle d’armature qu’elles jouent. Si des arbres avec un faible enracinement se trouvent sur le haut du talus comme dans les situations de rupture de la figure 5.4, les arbres peuvent accentuer les 62 VIE ET STABILITÉ DES COURS D’EAU problèmes de rupture à cause de leur poids additionnel et le moment qu’ils peuvent créer par leur inclinaison. Figure 5.4 Processus d’érosion du pied de talus et de sa rupture (adapté de Escarameia, 1998). 5.3.4 Suintement des parois Lorsqu’une nappe suinte sur les parois d’un cours d’eau, les vitesses de filtration peuvent être suffisamment grandes pour provoquer le phénomène de boulance (figure 5.5). Alors le cours d’eau se dégrade selon le schéma de Hunter (1976) (figure 5.6). . Figure 5.5 Phénomène de boulance du au suintement. Ce phénomène se produit surtout dans les sables fins ou les limons. L’angle de stabilité du talus pour de telles conditions est la moitié de l’angle de repos du matériel. Le moyen de contrôler ce phénomène est de donner aux talus une pente suffisamment faible pour empêcher le phénomène de boulance ou d’installer un drain parallèle au cours d’eau qui intercepte cette nappe. La deuxième solution est plus sûre que la première car elle est souvent très difficile à définir. STABILITÉ DES TALUS 63 Figure 5.6 Schéma de l’ensablement d’un cours d’eau à l’effondrement d’un talus par suintement (Hunter, 1976). 5.3.5 Détérioration par les glaces En hiver, une partie du talus gèle avec la lame de glace de la surface du cours d’eau pour former un bloc monolithique. Lorsque le niveau d’eau baisse ou s’élève (figure 5.7) le morceau de glace se rompt et déplace une partie du talus avec lui. Moins le sol est cohésif, plus ce phénomène pourra être important. Un moyen de minimiser ce phénomène est de construire les cours d’eau les plus larges possibles avec une pente des talus la plus faible possible. 64 VIE ET STABILITÉ DES COURS D’EAU Figure 5.7 Détérioration d’un cours d’eau par les glaces. 5.4 L’ENVASEMENT ET L’ENSABLEMENT L’envasement, l’ensablement ou la croissance excessive de la végétation dans un cours d’eau surviennent lorsque les vitesses d’écoulement sont trop faibles pour provoquer le transport des sédiments et empêcher la végétation de croître ou encore lorsque la pente des cours d’eau est plus faible que la pente de compensation. En général, les sédiments déposés proviennent de trois sources : 1. de l’effondrement des talus; 2. de la charge de sédiments que l’écoulement en amont charrie; 3. de l’érosion des terrains riverains. Les deux premières causes peuvent être corrigées à l’origine du problème par la création du talus stables et l’aménagement d’un cours d’eau stable à l’amont. Quant à la dernière, elle est difficile à corriger. Nous pouvons minimiser le problème en créant des conditions favorables au transport des sédiments qui pourraient se déposer mais en sachant que nous ne faisons que de déplacer le problème vers l’aval. Autrement, il faut accepter l’envasement et considérer le curage régulier comme la solution. Pour qu’il n’y ait pas de dépôts dans les canaux, il faut, selon Poiré et Olier (1978) que la vitesse moyenne ne descende pas au dessous de 0,20 m/s lorsque le limon est très fin et 0,40 m/s lorsque le limon est très sableux. Avec des eaux claires, une vitesse de 0,5 m/s à 0,9 m/s est LES COURBES 65 suffisante pour éviter les dépôts et assez fortes pour empêcher la pousse des herbes qui peuvent encombrer le lit et gêner l’écoulement. Schwab et al. (1966) considèrent que les vitesses minimales sont plutôt imprécises et que les vitesses de 0,6 à 0,9 m/s sont généralement suffisantes pour prévenir la sédimentation. De même, une vitesse de 0,75 m/s serait suffisante pour prévenir la croissance de la végétation. Quant à la végétation, une croissance contrôlée est bienvenue sur les talus car elle les protège de l’érosion. Celle qui pousse dans le fond des cours d’eau est de type aquatique (joncs, quenouilles, etc.) et obstrue considérablement l’écoulement. 5.5 LES COURBES Dans une courbe, le courant d’eau vient frapper le talus et concentre les grandes vitesses d’écoulement près de la paroi. Ceci provoque une augmentation des forces d’arrachement sur la paroi. Dans les courbes, lorsque l’écoulement rencontre un talus, il est dévié vers le talus opposé (figure 5.8). Lorsque les vitesses sont suffisamment élevées pour provoquer l’érosion des points faibles, le phénomène de ”méandrisation” s’amorce. Le patron d’écoulement dans Figure 5.8 Écoulement dans une courbe et érosion du talus. une courbe est différent de celui dans un tronçon droit. La figure 5.9 présente quelques points importants qui peuvent être observés dans dans un cours avec méandres : S le talweg (ligne de profondeur maximale) se retrouve proche de la partie extérieure de la courbe saute d’un côté à l’autre du cours d’eau; VIE ET STABILITÉ DES COURS D’EAU 66 S des dépôts de sédiments se forme dans la partie intérieure de la courbe; S les plus grandes vitesses d’écoulement se situent généralement près de la ligne de talweg. S le point d’inflexion est localisé au point où la la ligne de talweg traverse la ligne du centre du cours d’eau. Figure 5.9 Exemple de canal avec méandres (Escarameia, 1998). La figure 5.10 présente la répartition des vitesses d’écoulement dans une section située au point d’inflexion et au sommet de la courbe. Dans le cas du sommet de la courbe, les vitesses sont très élevées au pied du talus et favorisent son érosion. a) point d’inflexion b) au sommet de la courbe Figure 5.10 Répartition des vitesses d’écoulement dans une section située au point d’inflexion et au sommet de la courbe. Les vitesses sont présentées sous forme du rapport de la vitesse par rapport à la vitesse maximale (adapté de Bathurst, 1979). CONCLUSION 67 5.6 CONCLUSION C chapitre démontre que la stabilité d’un cours d’eau (section et talus) n’est pas un phénomène simple à décrire. La stabilité générale d’un cours d’eau est fonction de la vitesse d’écoulement ou de la force d’arrachement, ou de la pente de compensation alors que celle des talus est fonction de la stabilité mécanique du sol, de la résistance aux forces d’arrachement, de la résistance au suintement et à la glace. De façon générale, nous pouvons dire que plus un cours d’eau est large par rapport à sa profondeur, et que plus la pente des talus est faible, plus il est stable. La connaissance et l’expérience des phénomènes reliés à la vie et à la dégradation des cours d’eau devraient nous aider à aménager des cours d’eau plus stables. VIE ET STABILITÉ DES COURS D’EAU 68 BIBLIOGRAPHIE Bird, R.B., W.E. Stewart et E.N. Lightfoot, 1966. Transport phenomena, John Wiley & Sons, New--York Chow, Ven te, 1959. Open--channel hydraulics. McGraw--Hill, Toronto. Escarameia, M. 1998. River and channel revetments -- A design manual. Thomas Telford Publications, London, Great Britain. Hunter, R.D., 1976. Stabilisation of drainage channels. De: Proceeding of the drainage engineers conference. Eng. Tech. Pub. 126--35, School of Engineering, University of Guelph. Llamas, J., 1978. L’aménagement rationel des cours d’eau en fonction de leur régime. De: Hudrologie des cours d’eau agricole, 6e Colloque de Génie rural : 117--139 Poiré, M. et C. Olier, 1978. Assainissement agricole. Eyrolles, Paris. SOIL CONSERVATION SERVICE, 1973. Drainage of agricultural land. Water information Center. Port Washington, New--York Schwab, G.O., R.K. Frevert, T.W. Edminster et K.K. Barnes, 1966. Soil and water conservation engineering. John Wiley and Sons, New--York USACE, 1991. Engineering and design -- tidal hydraulics proponent. U.S Army Corps of Engineers, EM 1110--2--1607, Washington, DC. CHAPITRE 6 Section stable 6.1 INTRODUCTION Le but d’un cours d’eau est d’évacuer les eaux de ruissellement provenant des fossés, voies d’eau et de celles provenant du drainage souterrain et des nappes souterraines (sources). Ce chapitre présente l’approche la plus ancienne et la plus utilisée de design lors d’intervention dans les canaux et les cours d’eau, la méthode de la section stable appelée en anglais “threshold channel”. 6.1.1 Principes de base Lors de tout projet d’amélioration (augmenter sa capacité ou corriger des problèmes de dégradation) de cours d’eau, l’étude et le design doivent être effectués en respectant les principes suivants : 1. La section du cours d’eau doit être suffisante pour évacuer l’eau sans provoquer d’inondation ou de dégâts importants. 2. Tout aménagement ne devra pas provoquer d’érosion dans le cours d’eau ou sur les berges car cette érosion signifie la modification de la section d’écoulement, la perte de terrain riverain, le transport de sédiments, l’ensablement et l’envasement de la partie en aval du cours d’eau. 3. Les talus du cours d’eau et la section d’écoulement devront être les plus stables possibles pour que le cours d’eau ait la durée de vie la plus longue. 4. Les coûts de construction et d’entretien devront être minimisés ou le rapport bénéfices-coûts devra être maximisé. Ce dernier est plutôt difficile à évaluer. 70 SECTION STABLE 6.1.2 Possibilités d’intervention Pour augmenter la capacité d’un cours d’eau, l’ingénieur peut envisager différentes possibilités : 1. Nettoyage des berges : Le nettoyage des broussailles diminue considérablement le coefficient de rugosité et augmente la vitesse dans la même proportion. Cette mesure est à envisager lorsque l’on permet au cours d’eau de déborder dans la plaine. Dans certains cas, cette mesure est suffisante sans avoir à modifier la section du cours d’eau. 2. Curage du fond du cours d’eau : L’enlèvement des sédiments accumulés restaure la section d’écoulement et l’enlèvement de la végétation diminue le coefficient de rugosité. 3. Calibrage du cours d’eau : Le calibrage d’un cours d’eau consiste à lui donner une nouvelle section pour répondre à de nouveaux besoins en débits d’eaux de ruissellement ou en évacuation des eaux de drainage souterrain. Les sections trapézoïdales sont en général les plus populaires lors de la réfection des cours d’eau. 4. Redressement du cours d’eau : Un cours d’eau sinueux ralentit l’écoulement. Le redressement consiste à couper les méandres, ce qui contribue à augmenter la vitesse d’écoulement (pente plus grande). Les deux dernières solutions ne sont pas considérées comme très environnementales et sont très questionnées. 6.2 SECTION DU COURS D’EAU Dans une plaine, le souhait des riverains est que tout le débit doit s’écouler dans la section principale d’écoulement. Lorsqu’un cours d’eau s’écoule dans une vallée, la superficie inondée est généralement faible et il n’est pas justifié économiquement d’obliger toute l’eau à s’écouler dans la section principale (lit mineur). Dans ce cas, il est raisonnable de considérer qu’une partie des berges soient inondées et que cette bande de terrain ne soit jamais labourée pour la rendre résistante à l’érosion. Alors, la section du cours d’eau doit être suffisante pour évacuer les débits moyens. 6.2.1 Profondeur minimale des cours d’eau La profondeur minimale dépend du rôle du cours d’eau. Lorsque ce dernier sert à évacuer uniquement les eaux de ruissellement, il doit être suffisamment profond pour évacuer les eaux des fossés. Une profondeur minimale de 1.0 m est en général suffisante pour répondre à ce rôle. Lorsqu’il évacue aussi les eaux de drainage souterrain, une profondeur de 1.3 m à 1.5 m est un minimum dans les régions de pente nulle. Dans les régions où la pente est régulière et que les sorties de drain ne sont pas un problème, une profondeur minimale de 1.20 m est acceptable. Une profondeur de 30 cm sous le niveau des sorties des drains est généralement considérée comme acceptable. 6.2.2 Revanche La revanche est la hauteur libre entre le niveau d’eau et le niveau du sol riverain. Cette revanche est un facteur de sécurité et elle veut compenser l’envasement pendant la vie du cours d’eau (entre chaque curage). SECTION STABLE 71 Une revue de littérature montre qu’il existe plusieurs méthodes de déterminer cette revanche. En général, elle varie de 5 à 30% de la valeur de la profondeur d’écoulement. Au Québec, une revanche de 20% de la profondeur avec un minimum de 20 cm est souvent considérée. 6.3 SECTION STABLE L’approche de design d’un canal ou un cours d’eau stable considère que sa section est statique dans le temps, qu’aucun matériel du lit ou des talus n’est érodé et que le cours d’eau ne transporte pas de quantité significative de sédiments pouvant se déposer dans le lit. Cette approche considère que les forces dues à l’écoulement sont inférieures (avec un facteur de sécurité) à la résistance des matériaux composant le fond et les talus. Cette stabilité est assurée pour tous les débits inférieurs aux débits de design. Pour les débits supérieurs au débit de design, ces canaux ou ces cours d’eau peuvent être déstabilisés et s’éroder sévèrement. Dans cette approche, deux méthodes de design sont considérée, celle des vitesses maximales acceptables et celle des forces d’arrachement. 6.3.1 Vitesses maximales acceptables La vitesse maximale acceptable est la plus grande vitesse moyenne qui n’amènera pas l’érosion du lit et des talus du canal ou du cours d’eau. Comme cette vitesse est un paramètre de design qui doit avoir un facteur de sécurité, elle est inférieure à la vitesse qui amorcera la mise en mouvement du matériel. Les vitesses maximales acceptables peuvent être déduites de tableaux qui mettent en relation les vitesses maximales acceptables avec différent matériaux composant le lit et les talus. Fortier et Scobey présentèrent en 1926 un tableau des vitesses maximales acceptables pour des canaux d’irrigation en terre sans végétation ni protection. Leurs résultats ont été compilés à partir de questionnaires remplis par des ingénieurs d’expérience en irrigation et l’utilisation de ces résultats a été recommandée en 1926 par le Special Committee on Irrigation Research of the American Society of Civil Engineers. Ce tableau 6.1 a été repris dans de nombreux manuels d’hydraulique (Chow, 1959; Schwab et al., 1966; Fangmeier et al., 2006) et est toujours recommandé par le NRCS (USDA--NRCS, 2007). Les vitesses permises sont définies pour des canaux longs, réguliers et possédant une profondeur d’écoulement inférieure à 0,9 m et une pente inférieure à 0,2%. Poiré et Olier (1978) présentent un tableau semblable (tableau 6.2) où les vitesses maximales sont comparables sauf qu’ils tolèrent des vitesses plus faibles pour les sols à granulométrie fine. Fortier et Scobey (tableau 6.1) considèrent différemment la situation où une eau claire sans érosion est considérée et celles où il est toléré que l’eau puisse transporter des sédiments cohésifs et non cohésifs. Les vitesses maximales pour une eau claire devraient être utilisées pour un design correspondant à un débit de faible récurrence (moins de 2 ans) sachant fort bien que ce cours d’eau devra accepter de plus grands débits où les vitesses seront plus grandes. Les vitesses maximales, pour une eau pouvant contenir des sédiments, sont justifiées que lorsque des débits de grande récurrence sont considérés. 72 SECTION STABLE Tableau 6.1 Vitesses maximales recommandées par Fortier et Scobey pour des canaux droits avec une faible pente, des profondeurs inférieures à 0,9 m et après vieillissement (USDA--NRCS, 2007) Nature du lit Sable fin non cohésif Loam sableux non cohésif Loam limoneux non cohésif Limon alluvionnaire non cohésif Loam ferme ordinaire Cendres volcaniques Argile dure, très cohésive Limon alluvionnaire cohésif Schistes argileux et sols compacts Gravier fin Loam pierreux non cohésif Limon pierreux cohésif Gravier grossier Cailloux et galets n Eau claire Eau transportant des colloïdes 0.020 0.020 0.020 0.020 0.020 0.020 0.025 0.025 0.025 0.020 0.030 0.030 0.025 0.035 m/s 0.46 0.53 0.61 0.61 0.76 0.76 1.14 1.14 1.83 0.76 1.14 1.2 1.2 1.5 m/s 0.76 0.76 0.91 1.07 1.07 1.07 1.5 1.5 1.8 1.5 1.5 1.7 1.8 1.7 Eau transportant des limons, sables, graviers ou des fragments rocheux m/s 0,46 0,61 0,61 0,61 0,69 0,61 0,91 0,91 1,5 1,14 1,5 1,5 2,0 2,0 Tableau 6.2 Vitesses maximales recommandées (Poire et Olier, 1978) Nature du lit Terres détrempées et terres glaises Argiles grasses Sables Graviers Pierres cassées Schistes tendres, poudingues Roches tendres Roches dures Vitesses maximales en m/s à la surface Vitesse moyenne au fond dans la section 0.15 0.11 0.08 0.30 0.23 0.16 0.60 0.46 0.31 1.22 0.96 0.70 1.52 1.23 0.94 2.22 1.86 1.49 2.75 2.27 1.82 4.27 3.69 3.14 Les tableaux 6.1 et 6.2 doivent être utilisés avec discernement où l’expérience appuie ces valeurs. En général, un canal ou un cours d’eau d’un certain âge est plus stable que lorsqu’il vient d’être creusé. À titre d’exemple, lorsqu’un sol contient des graviers et des cailloux, les crues survenant après sa construction emporteront le matériel fin. Ceci provoquera une grande 73 SECTION STABLE érosion mais laissera sur le lit les cailloux et les graviers. Ce canal sera alors plus stable pour affronter les crues subséquentes. L’établissement d’une végétation naturelle sur les talus ou une partie de ceux--ci contribue à augmenter leur résistance. Le USACE (1991) présente aussi un tableau (tableau 6.3) des vitesses maximales recommandées en fonction du matériel du lit. Tableau 6.3 Vitesses maximales recommandées (USACE, 1991) Matériel du lit Sable fin Sable grossier Gravier fin Sol Limon sableux Argile limoneuse Argile Roc fragile (roche sédimentaire) grès fragiles schistes fragile Roc solide (généralement volcanique ou métamorphique) Vitesse maximale (m/s) 0,61 1,22 1,83 0,61 1,07 1,83 3,05 2,44 1,07 6,08 Fischenich (2001) a compilé les vitesses maximales acceptables et les forces de cisaillement recommandées pour différents matériaux pouvant composer ou recouvrir le lit et les talus (tableau 6.4). Les vitesses maximales recommandées pour les sols correspondent à celles pour une eau claire du tableau 6.1. L’utilisation des vitesses moyennes dans les canaux et les cours d’eau comme critère pour limiter l’érosion est questionnée car d’autres facteurs doivent être considérés comme la profondeur d’écoulement comme le montre la figure 6.1 adaptée de USACE (1991). Cette figure permet que le lit du cours d’eau puisse se déplacer légèrement. 10,00 6m 3m Profondeur d’écoulement Vitesse (m/s) 1,5 m 1,00 0,10 0,10 1,00 10,00 100,00 1000,00 D50 du matériel du lit (mm) Figure 6.1 Vitesse maximale recommandée en fonction de la profondeur d’écoulement pour les sols pulvérulents (USACE, 1991). 74 SECTION STABLE Tableau 6.4 Vitesses maximales et forces de cisaillement compilées par Fischenich (2001). Catégorie Sols Gravier / cailloux Végétation Géotextiles dégradable Enrochement Surface dure Matériel Vitesse maximale (m/s) Sable fin cohésif 0,45 Loam sableux non cohésif 0,53 Limon alluvionnaire non cohésif 0,61 Loam limoneux non cohésif 0,53 - 0,69 Loam ferme 0,76 Graviers fins 0,76 Argile dure 0,9 - 1,37 Limon alluvionnaire cohésif 1,14 Loam pierreux 1,14 Limon pierreux 1,2 Schiste argileux et sols compacts 1,8 25 mm 0,76 - 1,5 50 mm 0,91 - 1,8 150 mm 1,2 - 2,3 300 mm 1,7 - 3,6 Herbes Classe A 1,8 - 2,4 Herbes Classe B 1,2 - 2,1 Herbes Classe C 1,06 Herbe indigène longue 1,2 - 1,8 Herbe indigène courte et 0,9 - 1,2 Plantation d’héliophytes N/A Plantation bois dur N/A tissé de jute 0,3 - 0,75 paille avec filet 0,3 - 0,9 fibre de coco avec filet 0,9 - 1,2 Matelas de fibre de verre 0,75 - 2,1 d50 - 150 mm 1,5 - 3,0 d50 - 225 mm 2,1 - 3,3 d50 - 300 mm 3,0 - 4,0 d50 - 450 mm 3,7 - 4,9 d50 - 600 mm 4,3 - 5,5 Gabions 4,3 - 5,8 Béton > 5,5 Taux de cisaillement (N/m2) (Pa) 1,0 - 1,5 1,5 - 1,9 2,1 - 2,4 2,1 - 2,4 3,6 3,6 12 12 18 21 32 16 32 96 190 180 100 48 57 - 81 34 - 45 5 - 29 20 - 120 22 72 - 79 108 96 120 180 240 360 480 480 600 Sources 75 SECTION STABLE Vitesse (m/s) En 1977, le Soil Conservation Service (SCS, 1977) a proposé une méthode pour estimer la vitesse maximale acceptable et cette approche est celle toujours retenue par le USDA--NRCS (2007). Cette méthode a été développée en utilisant les données de Fortier et Scobey (1926), Lane (1955) et des études soviétiques (USSR, 1936). Pour les sols pulvérulents, la vitesse maximale nominale est déterminée (figure 6.2) selon le D75 du matériel du lit du cours d’eau et en fonction de la concentration en sédiment que transporte le cours d’eau. Pour les sols cohésifs, la vitesse maximale nominale est déterminée (figure 6.3) en fonction de l’indice de plasticité et selon le type de sol en utilisant le système de classification unifiée des sols. Quelque soit le cas, la vitesse maximale nominale est supérieure à 0,6 m/s. 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 0,10 Sédiments > 20 000 ppm Sédiments < 1000 ppm 1,00 10,00 100,00 1000,00 D75 du matériel du lit (mm) Figure 6.2 Vitesses maximales nominales pour les sols pulvérulents (SCS, 1977; USDA-NRCS, 2007). Pour les sols pulvérulents, la vitesse maximale nominale doit être corrigée pour tenir compte de la profondeur d’écoulement “FD” , la pente des talus “FB” et le rayon de courbure “FA” selon l’équation suivante : V m = V bp F D F B F A [6.1] Vm = vitesse maximale acceptable (m/s) Vbp = vitesse maximale nominale pour les sols pulvérulents (m/s) (figure 6.2) FD = facteur de correction pour la profondeur d’écoulement (figure 6.4) FB = facteur de correction pour la pente des talus (figure 6.4) FA = facteur de correction pour la rayon de courbure (figure 6.4) Le facteur de correction pour la rayon de courbure est fonction du rapport du rayon de courbure sur la largeur du cours d’eau. 76 SECTION STABLE Eau peu chargée en sédiment < 1000 ppm Eau chargée en sédiment > 20 000 ppm 1,4 2,0 GC 1,2 GM, CL, SC 1,0 0,8 GC CH Vitesse (m/s) Vitesse (m/s) 1,6 SC 1,6 GM, CL 1,4 MH, OH 1,2 ML, OL, SM 0,6 10 12 14 16 18 20 22 24 CH 1,8 MH, OH ML, OL, SM 1,0 10 12 14 16 18 20 22 24 Indice de plasticité Indice de plasticité Figure 6.3 Vitesses maximales nominales pour les sols cohérents (SCS, 1977; USDA-NRCS, 2007). Pour les sols cohésif, la vitesse maximale nominale doit être corrigée pour tenir compte de la profondeur d’écoulement “FD”, “FB” et le rayon de courbure “FA”, l’indice des vides “Fe” et de la récurrence “FD” selon l’équation suivante : V m = V bc F D F A F e F R [6.2] Vm = vitesse maximale acceptable (m/s) Vbc = vitesse maximale nominale pour les sols cohérents (m/s) (figure 6.3) FD = facteur de correction pour la profondeur d’écoulement (figure 6.4) FA = facteur de correction pour la rayon de courbure (figure 6.4) Fe = facteur de correction pour l’indice des vides (figure 6.4) FR = facteur de récurrence (figure 6.4) Les facteurs de corrections sont présentés à la figure 6.4. La méthode de la vitesse maximale est très populaire car très simple d’utilisation. 77 Facteur de profondeur d’écoulement FD FD Facteur de pente de talus FB 1,5 1,4 1,3 1,2 1,1 1,0 0,9 0,8 1,0 0,8 FB 0,6 0 1 2 3 4 5 0,4 1,0 6 2,0 Profondeur d’écoulement (m) 3,0 Pente de talus ”z” Facteur de rayon de courbure FA 1,0 0,9 FA 0,8 0,7 4 6 8 10 12 14 16 Rayon courbure Largeur Facteur d’indice des vides Fe Facteur de récurrence FR 1,2 1,8 1,1 Fe 1,6 1,0 FR CH, MH 0,9 0,8 0,2 1,4 SM, SC, GM, GC 1,2 CL, ML 0,4 0,6 0,8 1,0 Indice des vides “e” 1,2 1,4 1,0 10 30 50 70 90 Récurrence (an) Figure 6.4 Facteurs de correction (SCS, 1977; USDA--NRCS, 2007). 110 78 6.3.2 Méthode de la force d’arrachement (tractive force) La méthode de la force d’arrachement développée par le Soil Conservation Service évalue que cette force est approximativement : τ 0 = K Rh S [1.1] τ 0 = force unitaire d’arrachement (N/m2) ou (Pa) ρ = poids unitaire de l’eau (10 000 N/m3) Rh = rayon hydraulique (m) S = pente du canal (m/m) K = rapport entre la force d’arrachement capable d’arracher le sol au talus et celle nécessaire pour arracher le même sol au fond du cours d’eau. Cette méthode semble limitée car elle est surtout basée sur des études théoriques. Son utilisation pratique doit être faite avec circonspection. Elle est surtout utile à améliorer le design de base car les forces unitaires d’arrachement peuvent être converties en vitesse équivalente. Ainsi, elle peut nous permettre de connaître les points faibles de différents types de section ou, du moins, les sections les plus efficaces pour lutter contre l’érosion. Selon cette méthode, la base d’une section trapézoïdale doit être deux fois plus grande que la profondeur d’eau pour que les talus soient aussi stables que le fond du cours d’eau. Ceci est confirmé par l’observation des cours d’eau naturels où leur largeur est de trois à quatre fois leur profondeur d’écoulement. Cette méthode semble intéressante mais doit être développée. Son intérêt se manifeste davantage pour les cas de sols pulvérulents comme les sables, graviers et cailloux où la pente des talus et le type de section ont une grande influence sur la stabilité du cours d’eau. 79 PENTE DES TALUS 6.4 PENTE DES TALUS L’instabilité des talus d’un cours d’eau peut amener une contribution importante au processus d’érosion d’un cours d’eau. Le tableau 6.5 donne un ordre de la grandeur de la pente qui peuvent être donnée à un talus pour qu’il soit stable et en fonction des différents types de sol. Tableau 6.5 Pentes des talus des cours d’eau recommandées aux USA. Type de sol Roc Roches libres et gravier cimentés Tourbe et terre noire Argile dure / lourde Argile lourde de classification CH Sol protégé par de la pierre ou sol pour grands canaux Argile ferme ou sol pour petits canaux Loam Sable ou limon avec argile Sols sableux Loam sableux ou argile poreuse Limons et sables avec nappes Pente des talus (NRCS, 2001), (Chow, 1959, (Frangmeir et al., 2006) Schwab et al., 1966) 0,25 : 1 Presque verticale 0,75 : 1 1:1 1/4 : 1 1:1 1/2 à 1 : 1 4:1 1:1 1 1/2 : 1 2:1 1,5 : 1 2:1 3:1 3,5 : 1 6.5 LES COURBES Le USDA--NRCS (2007) recommande de respecter les valeurs du tableau 6.6 pour les courbes qui ne sont pas protégée. Schwab et al. (1966) recommandent de réduire les vitesses maximales permises de 5% lorsque les canaux sont légèrement sinueux, de 15% lorsqu’ils le sont modérément et de 25% lorsqu’ils le sont fortement. La méthode des vitesses maximales du USDA--NRCS (2007) inclue un facteur de correction pour le rayon de courbure dans la figure 6.4. 80 Tableau 6.6 Rayons minimaux de courbure suggérés dans les sols stables où les talus ne sont pas protégés (USDA--NRCS, 2007) Type de cours d’eau Pente Rayon de courbure minimum (m) Longueur approximative de la courbe (degrés) Petits cours d’eau avec une largeur d’ouverture inférieure à 5 m < 0,0006 0,0006 - 0,0011 90 125 19 14 Cours d’eau moyen avec une largeur d’ouverture de 5 m à 11 m < 0,0006 0,0006 - 0,0011 150 180 11 10 Grand cours d’eau avec une largeur supérieure à 11 m < 0.0006 0.0006 - 0,0011 180 240 10 7 6.6 DÉTERMINATION DE LA SECTION STABLE La détermination de la section stable d’un cours d’eau est une des étapes du design. En général, le design suit la procédure suivante : 1. Détermination des débits à évacuer (Q) 2. Détermination des caractéristiques du terrain (type de sol, pente du cours d’eau, etc.) 3. Détermination des contraintes à respecter (talus, érosion, environnement, etc.) 4. Détermination des possibilités de solutions 5. Étude des possibilités 6. Vérification du respect des contraintes 7. Évaluation des coûts 8. Décisions Dans le cas d’un cours d’eau droit et de débit régulier, l’écoulement est uniforme et une procédure simple peut être utilisée pour déterminer la section nécessaire. Les figures 6.5 et 6.6 présentent deux algorithmes simples. Ces algorithmes permettent aussi de déterminer les hauteurs d’écoulement dans un cours d’eau de forme déterminée pour différentes conditions de débit, d’estimer les vitesses d’écoulement et la stabilité actuelle du cours d’eau. Dans ce cas, l’étape 3) est remplacée par la caractérisation de la section actuelle et les deux dernières étapes sont omises. Lorsqu’un cours d’eau possède des structures qui sont un obstacle à l’écoulement (ponceaux, barrages, etc.), l’écoulement est graduellement varié et les niveaux d’eau de même que les sections nécessaires doivent être déterminés à l’aide des courbes de remous. Des combinaisons de structures et de sections sont étudiées en déterminant les courbes de remous propres à chaque 81 DÉTERMINATION DE LA SECTION STABLE situation et cela, jusqu’à ce que les contraintes soient respectées. La détermination des courbes de remous sera présentée au prochain chapitre. 1) Débit de design (Qo ), pente du cours d’eau (S) 2) Coefficient de rugosité “n” 3) Choix du type de section 4) Contraintes à respecter : dmin , dmax , ymax , bmin , Vmax , Vmin , Amin , Zmax Mesures de protection 5) Largeur du fond “b” 6) y (choix arbitraire à la première itération) Solution impossible 7) Calcul de la section A > Amin 8) Calcul du rayon hydraulique Rh 9) Calcul de la vitesse d’écoulement V < Vmax 10) Calcul Q = V A > [1.0--1.1] Qo 11) Revanche 12) Dimensions du canal Figure 6.5 Algorithme pour dimensionner les canaux droits avec écoulement uniforme, méthode générale. 1) Débit de design (Qo ), pente du cours d’eau (S) 2) Coefficient de rugosité “n” 3) Choix du type de section 4) Contraintes à respecter : dmin , dmax , ymax , bmin , Vmax , Vmin , Amin , Zmax Qn 5) Calcul S 1ፒ2 Mesures de protection Solution impossible 6) Largeur au fond “b” 7) Détermination de y selon la figure B.1 (Chapitre 3) 8) Calcul de la section A du rayon hydraulique Rh 9) Calcul de la vitesse d’écoulement V < Vmax 11) Revanche 12) Dimensions du canal Figure 6.6 Algorithme pour dimensionner les canaux droits avec écoulement uniforme en utilisant la figure B.1 du chapitre 3. 82 6.7 LES VOIES D’EAU ENHERBÉES Le rôle d’une voie d’eau engazonnée est de transporter les eaux de ruissellement lors des pluies importantes ou de la fonte des neiges sans provoquer d’érosion. En dehors des périodes de ruissellement, ces voies d’eau sont à sec. De plus, tout canal en terre qui ne transporte de l’eau que de façon intermittente est envahi par la végétation et il doit être considéré comme un canal enherbé lors de la détermination de sa capacité de transport. La présence d’herbe accroît la résistance du lit à l’écoulement, ce qui permet de tolérer de plus grandes vitesses d’écoulement. Le tableau 6.7 présente les vitesses maximales permises dans les canaux enherbés et les voies d’eau engazonnées. Au Québec, les principales espèces recommandées sont les graminées, car elles sont plus résistantes aux conditions humides et à l’hiver. Elles sont présentées au tableau 6.8 avec leur taux approximatif de semis. Les voies d’eau doivent être ensemencées de préférence lorsque le sol est humide, ce qui permet une meilleure germination. La meilleure période est le printemps, car elle permet un bon établissement de la plante pour affronter les pluies d’automne. Le début août est la période limite pour l’ensemencement. L’implantation des graminées fourragères est recommandée avec une plante abri. Pour une bonne germination et une protection temporaire, il est recommandé de couvrir le sol d’un paillis (paille), car il aide à retenir l’humidité. Pour une bonne longévité, les voies d’eau enherbées doivent être entretenues et fertilisées comme un champ. Dans les régions où les productions laitières et bovines prédominent, ces surfaces ne sont pas perdues, car la plante peut être récoltée comme foin. Toutes les plantes hautes nécessitent une fauche régulière, mais la fétuque rouge est moins exigeante. Dans les voies d’eau enherbées, le facteur de rugosité de Manning est variable et dépend des caractéristiques physiques de l’écoulement dont le produit de la vitesse et du rayon hydraulique (figure 3.3). L’expérimentation de Ree (1949) a permis de préparer des abaques (figures 3.5 à 3.8) pour calculer les vitesses en fonction des différents types de résistance à l’écoulement et la formule Manning. Les types de résistance à l’écoulement selon la végétation sont déterminés selon le tableau 6.9. Les pentes des talus des voies d’eau doivent être suffisamment faibles pour permettre la circulation des machines. Une pente de 4:1 est jugée maximale. Lors du design du voie d’eau, il est nécessaire de considérer les conditions critiques suivantes : 1. le canal a une section suffisante lorsque l’herbe est longue; 2. les vitesses ne sont pas critiques lorsque l’herbe est fauchée; 3. le canal est suffisamment protégé ou les vitesses ne sont pas critiques lors de l’implantation de la végétation. Le design des voies d’eau enherbées s’effectue selon l’algorithme de la figure 6.7. 83 LES VOIES D’EAU ENHERBÉES Tableau 6.7 Vitesses maximales recommandées dans les canaux enherbés adaptées de Ree (1949) pour les espèces recommandées au Québec et pour les conditions québécoises. Vitesses maximales (m/s) Sol résistant Espèces Sol sensible Pente (%) 0--5 5--10 > 10 0--5 5--10 > 10 Alpiste roseau 2.4 2.1 1.8 1.8 1.5 1.2 Fétuque élevée Pâturin des prés Agrostides 2.1 1.8 1.5 1.5 1.2 0.9 Mil Mélange de graminées Fétuque rouge 1.5 1.2 NR* 1.2 0.9 NR Plantes annuelles pour une protection temporaire 1.0 NR NR 0.8 NR NR *Non recommandé Tableau 6.8 Espèces recommandés au Québec et taux de semis pour la protection des voies d’eau. Espèces Taux de semis* Remarques kg/ha g/100 m Alpiste roseau 5--10 60--100 Très résistante Fétuque élevée 7--10 Fétuque rouge 11--13 110--130 Ne nécessite pas de fauche Pâturin des prés 7--9 70--90 Agrostides 7--10 70--90 Mil 10--12 100--200 Mélange de graminées 6--10 60--100 Plantes annuelles** Comme protection temporaire - avoine 95 950 - blé 135 1350 - seigle 125 1250 * Pour le semis à la volée, doubler le taux. ** Comme plante abri, utiliser 75 % du taux de semis 84 Tableau 6.9 Guide de sélection du type de résistance de la végétation (U.S. Soil Conservation Service 1954). Implantation Longueur moyenne (cm) > 90 30--60 15--25 5--15 <5 > 90 30--60 15--25 5--15 <5 Bonne Satisfaisante 1. Données : Type de résistance A B C D E B C D D E très élevée élevée moyenne faible très faible élevée moyenne faible faible très faible • Débit à évacuer (Q) • Pente (S) • Espèce (naturelles ou choix) Mesures de protection • Type de résistance (Tableau 3.1) 2. Détermination des vitesses maximales (V max )-- Tableau 6.7 3. Détermination du type de section Solution impossible 4. Profondeur ”y” d’écoulement (choix arbitraire à la première itération) 5. Calculs de la section et du rayon hydraulique Rh 6. Calcul de la vitesse V (Figures 3.5 à 3.8) V calculée 7. Q ≤ A * V < 1,1 Q < V max ? ? Non Non 8. Vérification des autres conditions critiques 9. Profondeur du fossé ou de la voie d’eau = 1,2 y Figure 6.7 Algorithme pour déterminer la capacité d’une voie d’eau enherbée. 85 BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE Bird, R.B., W.E. Stewart et E.N. Lightfoot, 1966. Transport phenomena, John Wiley & Sons, New--York Chow, Ven te, 1959. Open--channel hydraulics. McGraw--Hill, Toronto. Escarameia, M. 1998. River and channel revetments - A design manual. Thomas Telford Publications, London, Great Britain. Fangmeier, D. D., W. J. Elliot, S. R. Workman, R. L. Huffman, G. O. Schwab. 2006. Soil and Water Conservation Engineering. 5th Edition.Thomson Delmar Learning. Hunter, R.D., 1976. Stabilisation of drainage channels. De: Proceeding of the drainage engineers conference. Eng. Tech. Pub. 126--35, School of Engineering, University of Guelph. Llamas, J., 1978. L’aménagement rationel des cours d’eau en fonction de leur régime. De: Hudrologie des cours d’eau agricole, 6e Colloque de Génie rural : 117--139 Poiré, M. et C. Olier, 1978. Assainissement agricole. Eyrolles, Paris. Ree, W.O. 1949. Hydraulic characteristics of vegetation for vegetated waterways. Agr. Eng. Vol. 30: 184--187, 189. SCS, 1954. Handbook for channel design for soil and water conservation. USDA, Soil Conservation Service. SCS--TP--61. SCS, 1973. Drainage of agricultural land. Water information Center. Port Washington, New-York SCS, 1977. Design of open channels. Technical Release No. 25. Engineering Division. Washington DC. Schwab, G.O., R.K. Frevert, T.W. Edminster et K.K. Barnes, 1966. Soil and water conservation engineering. John Wiley and Sons, New--York USDA--NRCS, 2007. Stream Restauration Design. National Engineering Handbook Part 654. United State Department of Agriculture - Natural Resources Conservation Service. USACE, 1991. Engineering and design - tidal hydraulics proponent. U.S Army Corps of Engineers, EM 1110--2--1607, Washington, DC. 86 PROBLÈMES SÉRIE 6. 6.1. Pour un loam limoneux Kamouraska (description pédologique jointe), estimez les vitesses maximales nominales recommandées selon les recommandations de : a) b) c) d) Fortier et Scobey, Poiré et Oilier, USDA--NRCS USACE 6.2. Si le cours d’eau transporte une concentration en sédiments inférieure à 500 ppm, estimez les vitesses maximales nominales recommandées pour des lits de cours d’eau composés de sols granulaires ayant respectivement des D50 de 1 mm, 5 mm, 10 mm, 50 mm, 100 mm et 500 mm selon les recommandations de : a ) USDA--NRCS b ) USACE Le D75 est environ 1,5 D50. BIBLIOGRAPHIE 87 6.3. Quel est le facteur de correction à appliquer aux vitesses maximales nominales recommandées si la profondeur d’écoulement est respectivement de 60 cm, 90 cm, 120 cm, 150 cm et 200 cm? 6.4. Quel est le facteur de correction à appliquer aux vitesses maximales nominales recommandées si les pentes des talus sont respectivement de 1:1, 1,5:1, 2:1, et 3:1? 6.5. Quel est le facteur de correction à appliquer aux vitesses maximales nominales recommandées si le cours d’eau a une largeur d’ouverture de 3 m et un rayon de courbure de 10 m? 6.6. Pour un cours d’eau droit dont la largeur à la base est de 10 m, la pente des talus de 2:1, la profondeur d’écoulement de 2,6 m et le D75 du matériel du lit est d’environ 60 mm, quelle est la vitesse maximale recommandée? La concentration en sédiments est inférieure à 600 ppm. (source : SCS, 1977) 6.7. Pour le cours d’eau du problème précédent, quelle est la vitesse maximale recommandée si le sol est une argile limoneuse (classification CL) possédant un indice de plasticité de 18 et un indice des vides de 0,83? (source : SCS, 1977) 6.8. Vous avez la responsabilité de faire l’étude de l’aménagement des cours d’eau d’un bassin versant. À une étape de votre étude, vous avez à drainer une superficie de 280 hectares dont le débit à évacuer pour une récurrence de 10 ans est de 1,8 m3 par seconde. A ce point du bassin versant, le sol est un loam limoneux Kamouraska (description pédologique jointe). Le cours d’eau actuel est légèrement sinueux et a une pente de 0,15%, une profondeur de 25 cm et une largeur de 1,1 m. Sa section est quasi rectangulaire avec une végétation arbustive (aulnes) de 2 mètres de hauteur sur ses bords. Cette végétation se croise au--dessus du cours d’eau et occupe une bande de 1 mètre de chaque coté du cours d’eau. Les abords du cours d’eau ont une pente de 1% et sont cultivés en foin. a ) Quelle capacité la section actuelle du cours d’eau peut--elle évacuer sans provoquer de débordement? b ) Dans les conditions actuelles, quelle serait la largeur du terrain inondé lorsque le débit de design s’y écoule? c ) Quelle serait la capacité de ce même cours d’eau si les broussailles étaient enlevées et les talus refaits avec une pente acceptable pour ce type de sol? Quelle serait la pente acceptable des talus? d ) Quelle serait la vitesse maximale recommandée? e ) Si le cours d’eau doit être recreusé, quelle serait la section nécessaire (dimensions : largeur à la base, pente des talus, profondeur d’écoulement, profondeur du cours d’eau) pour évacuer adéquatement le débit de design? 88 6.9. Vous devez construire une voie d’eau enherbée pour intercepter les eaux de ruissellement de terrasses où se pratique une rotation de maïs, luzerne et céréales. La pente du terrain est de 3 % et le sol est de type sablo--limoneux. Le débit de design est de 0,5 m3/s. L’agriculteur souhaite l’enherber avec de l’alpiste roseau. a ) Quelle vitesse maximale recommanderiez--vous d’utiliser? b ) Quelle pente des talus de la voie d’eau recommanderiez--vous? c ) Quelles dimensions (largeur à la base, profondeur) recommanderez--vous pour la voie d’eau? d ) Quelles sont les vitesses et la profondeur d’écoulement lorsque l’alpiste roseau est fauchée? e ) La voie d’eau peut--elle être fauchée? 6.10. Vous devez construire une voie d’eau enherbée pour intercepter les eaux de ruissellement de terrasses où se pratique une rotation de maïs, céréales et luzerne. La pente du terrain est de 2 % et le sol est de type loam--argileux. Le débit de design est de 0,6 m3/s. L’agriculteur souhaite l’enherber avec de la mil (fléole). a ) Quelle vitesse maximale recommanderiez--vous d’utiliser? b ) Quelle pente des talus de la voie d’eau recommanderiez--vous? c ) Quelles dimensions (largeur à la base, profondeur) recommanderez--vous pour la voie d’eau? d ) Quelles sont les vitesses et la profondeur d’écoulement lorsque la fléole est fauchée? e ) La voie d’eau peut--elle être fauchée?