Chromatographie d`adsorption
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Chromatographie d`adsorption
Chromatographie d’adsorption 1. Facteurs intervenant dans la chromatographie d’adsorption 1.1. Adsorbants. Les adsorbants sont des solides très divisés (l'adsorption étant un phénomène de surface, il faut que l'adsorbant présente la plus grande surface utile possible) :1 g d'alumine pour chromatographie représente une surface de l'ordre de 100 m2. La qualité d'un adsorbant dépend de sa pureté, de sa surface, de son homogénéité, de sa teneur en eau. Il est caractérisé par les critères suivants : la capacité d'adsorption ; on distingue les adsorbants faibles (à faible capacité d'adsorption), comme le talc ou le carbonate de sodium et les adsorbants forts (à forte capacité d'adsorption) comme le gel de silice ou l'alumine. la polarité ; certains adsorbants présentent une forte polarité, comme le gel de silice ou l'alumine, tandis que d'autres, au contraire, ont une faible polarité comme le charbon actif. la granulométrie ; un adsorbant présentant une granulométrie faible assure une meilleure séparation mais par contre, celle-ci se fait beaucoup plus lentement. Principaux adsorbants employés en chromatographie Papier, cellulose Kieselguhr,terre de diatomées Amidon Sucres Talc Carbonate de sodium Oxyde de magnésium Gel de silice Alumine Charbon activé forces d'interactions croissantes avec les composés polaires Le gel de silice est l’adsorbant le plus utilisé et le plus rentable à essayer en premier lieu pour séparer des composés neutres contenant un ou deux groupes fonctionnels. Par contre, pour séparer des bases, il est préférable d’utiliser de l’alumine plus basique que la silice. Ces deux adsorbants se trouvent dans le commerce additionnés d’une substance qui permet une visualisation des dépôts sous U.V. 1.2. Solvants ou éluants. Le pouvoir éluant d'un solvant dépend de sa polarité. Plus un éluant est polaire, plus il entraînera facilement une substance polaire. En revanche, un solvant apolaire possèdera un mauvais pouvoir éluant vis à vis des substances polaires mais entraînera facilement un constituant apolaire. On utilise soit un solvant pur soit un mélange de plusieurs solvants de façon à « ajuster » son pouvoir éluant au système chromatographique étudié. Série éluotropique des solvants Ether de pétrole Cyclohexane Toluène Dichlorométhane Ethoxyéthane Ethanoate d'éthyle Propanone Propan-1-ol Ethanol Méthanol Eau Acide acétique « pouvoir éluant » croissant ; polarité croissante 1.3. Interactions substance-adsorbant et substance-éluant Les interactions substance-adsorbant correspondent essentiellement à l'établissement de liaisons du type dipôle-dipôle, dipôle-ion ou de liaisons de Van der Waals. En général, plus un adsorbant est polaire, plus il fixe les substances polaires. Les interactions substance-éluant sont de deux types : RV-ENCPB 1/7 dissolution de la substance par l'éluant : les substances ont tendance à se dissoudre dans l'éluant et à migrer avec lui. C'est ce phénomène qui est prépondérant dans le cas de solvants peu polaires (hydrocarbures, éther, composés carbonylés). déplacement des molécules adsorbées par l'éluant : les molécules d'éluant recherchent les mêmes sites d'adsorption que les molécules de la substance adsorbée et « déplacent » ces dernières. C'est ce phénomène qui est prépondérant dans le cas de solvants polaires et protogènes (alcools, eau, acides). 2. Etude de quelques techniques de chromatographie 2.1 Chromatographie sur couche mince (CCM) Cette méthode de chromatographie, très répandue au laboratoire et très facile à mettre en oeuvre, repose sur des phénomènes d'adsorption. a. Matériels - Phase mobile : on emploie un solvant ou un mélange de plusieurs solvants - Phase stationnaire : on emploie un adsorbant (gel de silice, d'alumine de cellulose...) mélangé à un liant et uniformément étalé sur une plaque de verre, d'aluminium ou un support plastique. b. Principe de la technique La cuve contenant l'éluant est saturée en vapeurs d'éluant. Cette saturation a pour but de limiter l'évaporation de la phase mobile depuis la plaque lors de la migration de l'éluant et des constituants du mélange. Les dépôts sont effectués sous forme de petites taches à l'aide d'un capillaire. Pour augmenter la quantité de mélange déposée, on effectue plusieurs dépôts au même point, en séchant (de façon à évaporer le solvant) entre deux dépôts successifs. Lorsque la plaque est placée dans la cuve, l'éluant monte le long de la plaque essentiellement par capillarité. Chaque constituant du mélange migre à sa propre vitesse (un constituant de faible polarité migre en général plus rapidement qu'un constituant de forte polarité). Cette phase de la CCM se nomme développement du chromatogramme. En fin de développement, les spots (traces des constituants du mélange) sont révélés. c. Applications de la CCM. Cette technique ne requiert que quelques microgrammes d'échantillon et est utilisée principalement dans les cas suivants : - contrôle de la pureté d'un composé organique - suivi de la progression d'une réaction chimique - recherche du meilleur éluant avant de faire une séparation par chromatographie sur colonne - identification des constituants d'un mélange. d. Choix de l'éluant Le choix d'un éluant est fait selon les critères suivants : - un éluant qui entraîne tous les constituants du mélange est trop polaire - un éluant qui empêche leur migration n'est pas assez polaire Le meilleur éluant, pour un constituant donné, est celui qui, lorsqu'il a terminé sa migration, a entraîné ce constituant à une distance d'environ la moitié de celle qu'il a parcourue. e. Technique de la CCM Voir TP précédents. RV-ENCPB 2/7 f. Influence de divers facteurs sur la qualité de la séparation Polarité de l’éluant. Pour chacune des plaques représentées ci-dessous, A est l’acide benzoïque PhCOOH, composé polaire et B est le biphényle PhPh qui est un composé apolaire. L’acide benzoïque polaire aura des interactions fortes avec le gel de silice qui est un adsorbant polaire alors que le biphényle sera peu retenu par le gel de silice. (1) (2) (3) (4) (5) (6) plaque (1) : l’éluant est un mélange acétone / cyclohexane 1/1 en volumes plaque (2) : l’éluant est un mélange acétone / cyclohexane 1/1 + 2 gouttes d’acide acétique ; l’éluant est plus polaire que le précédent et entraîne plus l’acide benzoïque plaque (3) : l’éluant est un mélange acétone / cyclohexane 1/1 + 10 gouttes d’acide acétique ; la polarité de l’éluant a augmenté, l’acide benzoïque migre plus mais la séparation devient moins bonne plaque (4) : l’éluant est un mélange acétate d’éthyle / cyclohexane 1/1 en volumes ; ce mélange est moins polaire que celui utilisé pour la plaque (1), le biphényle est mieux entraîné plaque (5) : l’éluant est un mélange propan-2-ol / cyclohexane 1/1 en volumes ; l’éluant utilisé est trop polaire et les deux composés ne sont pas suffisamment séparés plaque (6) : l’éluant est un mélange dichlorométhane / cyclohexane 1/1 en volumes ; l’éluant, trop peu polaire n’entraîne quasiment pas l’acide benzoïque Polarité du soluté. Pour la plaque représentée dichlorométhane / cyclohexane 1/1 en volumes ci-dessous, l’éluant est un mélange A : alcool benzylique PhCH2OH B : benzaldéhyde PhCOH C : benzophénone PhCOPh D : acétophénone PhCOCH3 E : benzoate d’éthyle PhCOOC2H5 F : acide benzoïque PhCOOH Plus un composé est polaire, plus il est retenu par le gel de silice polaire lui aussi. Polarité du solvant. Pour la plaque représentée ci-dessous, l’éluant est un mélange toluène / méthanol 1/1 en volumes +6 gouttes d’acide acétique A et B : le solvant est l’acide acétique A : benzaldéhyde PhCOH B : acide cinnamique PhCHCHCOOH C et D : le solvant est le toluène C : benzaldéhyde PhCOH D : acide cinnamique PhCHCHCOOH RV-ENCPB 3/7 2.2. Chromatographie sur colonne. Contrairement à la CCM, la chromatographie sur colonne est une méthode préparative qui permet de séparer et d'isoler les constituants d'un mélange. Cette méthode présente plusieurs inconvénients : elle nécessite une grande quantité d'éluant la durée de l'élution est en général très grande (au minimum, plusieurs heures) il est indispensable de coupler cette chromatographie avec d'autres méthodes de façon à pouvoir détecter les constituants du mélange. a. Description succincte La chromatographie sur colonne est une technique fondée principalement sur des phénomènes d'adsorption : phase stationnaire : alumine ou silice remplissant une colonne de longueur et de section variables le mélange, en solution très concentrée, est déposé au sommet de la colonne la séparation des constituants du mélange résulte de l'écoulement continu d'un éluant à travers la colonne par gravité. Dans la technique classique, l'éluant est un solvant unique mais on peut accroître progressivement la polarité de l'éluant de façon à accélérer le déplacement des constituants du mélange. b. Principe de la technique Le principe de la chromatographie sur colonne est le même que celui de CCM D'une part, les substances les plus polaires sont fortement retenues par l'adsorbant, d'autre part, les solvants polaires entraînent facilement les constituants les plus polaires. Pour tout constituant du mélange, il s'établit un équilibre de distribution entre l'adsorbant et l'éluant, la proportion des molécules adsorbées dépendant de leur nature et du pouvoir de dissolution de l'éluant. Lorsque le mélange (souvent nommé échantillon) est déposé au sommet de la colonne, il est aussitôt adsorbé en une zone cylindrique de faible épaisseur. L'écoulement continu de l'éluant dans la colonne provoque alternativement la désorption et l'adsorption des molécules des différents constituants du mélange. Les différents constituants du mélange sont entraînés vers le bas à des vitesses variables selon leurs interactions attractives pour l'adsorbant et leur solubilité dans l'éluant. Le chromatogramme se développe en formant une succession de zones cylindriques qui se séparent en migrant vers le bas. Au fur et à mesure que chaque zone s'écoule de la colonne, on la recueille. RV-ENCPB 4/7 c. Facteurs dont dépend la séparation Une bonne séparation est souvent plus difficile à obtenir qu'avec une CCM Outre du choix de l'adsorbant et de l'adsorbant, la séparation dépend de la dimension de la colonne et de la vitesse de l'élution. Adsorbants : le plus usuel est l'alumine (Al2O3) sous forme acide, basique ou neutre. Cet adsorbant ne peut être employé qu'avec des composés organiques stables (l'alumine acide entraîne la déshydratation des alcools tertiaires, l'alumine basique entraîne l'hydrolyse des esters ou la condensation aldolique des aldéhydes). L'alumine est un adsorbant polaire ; le constituant le plus polaire sera le plus fortement fixé et c'est le constituant le moins polaire qui sera élué le premier. On peut aussi utiliser un gel de silice (SiO 2), en particulier pour séparer des composés organiques qui n'ont pas une stabilité suffisante pour être séparés sur alumine. La granulométrie d'un adsorbant employé en chromatographie sur colonne est plus importante que celle d'un adsorbant employé en CCM (80 à 200 m au lieu de 70 m). La quantité d'adsorbant dépend de la difficulté de la séparation et de la masse de l'échantillon. Approximativement, il faut 30 à 50 g d'adsorbant par gramme d'échantillon. La quantité d'adsorbant nécessaire est nettement plus faible si les constituants du mélange ont des polarités très différentes. Eluants : on emploie généralement un mélange de deux solvants. Le plus souvent, au début de l'élution, on commence par le solvant le moins polaire qui entraîne les constituants les moins polaires (les moins retenus par l'adsorbant) ; on augmente ensuite la polarité de l'éluant par addition graduelle du solvant le plus polaire ; on élue ainsi les constituants les plus polaires. En général, si le volume de l'adsorbant est V, on change la composition de l'éluant après écoulement d'un volume 3V d'éluant. Dimension de la colonne : de façon générale, la hauteur h de la colonne est égale à sept à dix fois le diamètre intérieur de la colonne. Il faut laisser un espace libre d'environ 10 cm au-dessus de l'adsorbant. Vitesse d'élution : elle doit être la plus constante possible. Elle doit être suffisamment faible pour qu'il y ait équilibre de chaque constituant entre l'adsorbant et l'éluant. Si la vitesse d'élution est trop faible, les constituants diffusent dans l'éluant. Le chromatogramme présente alors des bandes larges et la séparation est médiocre. Si la vitesse d'élution est trop grande, la séparation des différents constituants de polarités voisines ne se fait pas. d. Remplissage de la colonne C'est l'opération la plus délicate. Le remplissage de la colonne doit être le plus homogène possible et totalement exempt de toute bulle d'air. Les surfaces inférieure et supérieure de l'adsorbant doivent être parfaitement horizontales. Si ces conditions ne sont pas remplies, les zones se déforment pendant le développement du chromatogramme. RV-ENCPB 5/7 Les effets d’un mauvais remplissage de la colonne Il existe deux modes de remplissage de la colonne. Remplissage par voie humide : on prépare d'abord, dans un bécher, un mélange parfaitement homogène de l'adsorbant et du moins polaire des deux solvants de façon à obtenir une bouillie suffisamment fluide pour couler facilement (on verse l'adsorbant dans le solvant par petites quantités et en agitant). On verse suffisamment de bouillie dans la colonne pour que l'adsorbant qui se dépose progressivement forme une couche d'environ 2 cm. On frappe les parois de la colonne pour favoriser le tassement de l'adsorbant. On ouvre le robinet et on laisse couler le solvant puis on recommence (attention à ne jamais laisser la surface supérieure à sec) jusqu'à ce que tout l'adsorbant ait été introduit dans la colonne. Remplissage par voie sèche : on remplit la colonne au deux tiers avec le moins polaire des deux solvants puis on ajoute l'adsorbant en poudre par petites portions successives. Pendant l'addition, on frappe continuellement sur les parois de la colonne pour avoir un tassement régulier de l'adsorbant. e. Dépôt de l'échantillon Il s'agit d'une opération délicate car l'échantillon doit former une zone cylindrique de faible épaisseur en haut de la colonne. Si l'échantillon est liquide, il est déposé tel quel. Si l'échantillon est solide, on le dissout dans un minimum du moins polaire des deux solvants. Il faut que la solution obtenue soit la plus concentrée possible. On ajuste d'abord le niveau du solvant pour qu'il soit juste au-dessus de la surface supérieure de l'adsorbant. Ensuite, on coule l'échantillon (pur ou en solution très concentrée) au sommet de la colonne le long d'un agitateur en essayant de le distribuer de la façon la plus uniforme possible. On ouvre le robinet un court instant de façon que l'échantillon pénètre dans la colonne et soit adsorbé uniformément au sommet de la colonne. On insère une rondelle de papier filtre ou un peu de laine de verre de façon à bloquer l'adsorbant. f. Alimentation en solvant et développement du chromatogramme L'alimentation en solvant s'effectue à l'aide d'une ampoule de coulée. On doit s'assurer, durant l'élution, que la surface de l'adsorbant est toujours recouverte de solvant et n'est jamais au contact de l'air. Lorsque débute l'alimentation en solvant, on règle le débit de l'alimentation de façon qu'il soit le même que celui de l'écoulement au bas de la colonne (vitesse de 5 à 50 gouttes par minute). Le volume de chaque fraction recueillie varie de 1 à 50 mL selon les cas (il existe des collecteurs de fractions automatiques). On collecte les fractions et on les analyse. g. Analyse des fractions Lorsque les composés qui se séparent forment des zones colorées dans la colonne ou sont fortement fluorescents aux U.V., il est facile de les repérer soit directement sur la colonne soit dans les fractions recueillies. La récupération s'effectue alors simplement en réunissant les fractions appropriées et en évaporant le solvant. Si les produits sont incolores, l'analyse des fractions recueillies s'effectue le plus souvent selon l'une des deux méthodes suivantes : RV-ENCPB 6/7 on détermine la concentration des différents constituants dans chacune des fractions et on trace une courbe d'élution (ce type d'opération peut être effectué par des appareils automatisés). Dans la courbe ci-contre, les constituants C et D apparaissent sous forme d'un pic présentant un épaulement, ce qui témoigne d'une séparation incomplète. Par contre, les constituants A et B sont bien séparés. Chaque fraction est caractérisée par son volume de rétention, caractéristique d'un composé donné dans un système chromatographique donné (équivalent du Rf en CCM). chaque fraction peut être analysée qualitativement et quantitativement (sauf dans le cas d'une analyse par CCM), selon la nature des constituants de l'échantillon, par CPG, HPLC, par spectroscopie IR, UV ou RMN ou par CCM Dans les deux cas, lorsque l'analyse des fractions est terminée, on réunit celles qui correspondent à des constituants identiques, en prenant soin d'éliminer celles où apparaissent plusieurs constituants. On chasse le solvant et on obtient ainsi des substances organiques d'une grande pureté. RV-ENCPB 7/7