le précompte mobilier belge sur les dividendes sous

Transcription

le précompte mobilier belge sur les dividendes sous
TAX
2012 LETTRE D’INFORMATION n°.4
Le précompte mobilier belge sur
les dividendes sous pression
L
e législateur belge va devoir progressivement adapter
ses règles en matière de précompte mobilier. L'arrêt de
la Cour de justice de l'Union européenne dans le dossier
Tate & Lyle Investments Ltd (C-384/11) constitue le prolongement de plusieurs décisions prises précédemment par la Cour
européenne et la Commission européenne au sujet des régimes
nationaux de retenue à la source qui traitent les résidents et les
non-résidents de manière différente.
Cet arrêt n'est par ailleurs pas une surprise : une condamnation de l'État belge était prévisible depuis un certain temps.
Néanmoins, le gouvernement belge n'était pas encore prêt à
amender ses règles en la matière.
Tate & Lyle Investments Ltd.
L'affaire concerne une société anglaise (Tate & Lyle Investments Ltd.), qui a pris une participation de 5 % dans une
entreprise belge (Tate & Lyle Europe NV) pour une valeur
d'acquisition nominale de plus de 1,2 milliard d'euros.
À la suite d’une restructuration (soumise à impôt) de la
société belge, dans le cadre de laquelle des éléments de
patrimoine ont été transférés vers une nouvelle entité belge,
l’administration fiscale a considéré que la société anglaise
avait perçu un dividende (boni de liquidation), sur lequel est
prélevé un impôt à la source de 10 %.
Ce type de dividende (fictif) est soumis au précompte mobilier, tant pour les sociétés bénéficiaires belges qu'étrangères,
lorsque celles-ci ne bénéficient pas de l'exonération prévue
par la Directive mère-filiale, qui exige une participation
minimale de 10 %.
Cependant, pour les sociétés étrangères, le précompte
mobilier belge retenu représente souvent un impôt définitif,
tandis que dans le cas des sociétés belges, ce précompte
peut être imputé sur l'impôt des sociétés et éventuellement
être remboursé.
On peut parler de double imposition, étant donné que les
dividendes (déjà taxés dans le chef de la filiale débitrice) sont
à nouveau imposés dans le chef de l'actionnaire minoritaire. Lorsqu'un actionnaire minoritaire belge perçoit de tels
dividendes, il peut atténuer les effets de la double imposition
par le biais de la déduction des revenus définitivement taxés
à condition de détenir une participation à hauteur de 10 %,
ou d'une valeur de 1,2 million d'euros (seuil porté à 2,5 millions d'euros le 1er janvier 2010). La déduction des revenus
définitivement taxés a pour conséquence que seulement
5 % des dividendes est soumis à l'impôt des sociétés (pression fiscale effective de maximum 1,7 %). Ce genre de mécanisme ne s'applique pas aux actionnaires minoritaires nonrésidents. En l'espèce, la convention préventive de double
imposition signée entre la Belgique et le Royaume-Uni ne
prévoit pas de dispositif permettant de déclarer ou de se faire
rembourser le précompte mobilier payé en Belgique dans le
cadre de l'impôt britannique des sociétés. La pression fiscale
sur les dividendes perçus par la société anglaise était donc
plus élevée qu'elle ne l'aurait été pour une société belge.
La Cour européenne estime qu'une telle différence de traitement entre sociétés belges et étrangères peut décourager
les entreprises étrangères à investir en Belgique et donc
entraver illicitement la libre circulation des capitaux (article
63 du TFUE).
Importance de l'arrêt
En premier lieu, cet arrêt est important pour les investisseurs
étrangers (sociétés) qui détiennent une participation inférieure à 10 % dans une société belge, mais qui satisfont au
seuil de participation précité dans le cadre de la déduction des
revenus définitivement taxés et pour lesquels la convention
de double imposition ne prévoit pas de mécanisme d'imputation du précompte mobilier prélevé en Belgique sur l'impôt
des sociétés étranger ou éventuellement de remboursement.
De même, cet arrêt vise les institutions de crédit, entreprises d'assurances et sociétés de bourse étrangères qui,
avant l'exercice d'imposition 2010, ont payé un précompte
mobilier sur les dividendes perçus par leurs filiales belges.
Avant l'exercice d'imposition 2010, il n'existait effectivement
pas de seuil de participation pour les institutions de crédit,
entreprises d'assurances et sociétés de bourse belges, dans le
cadre de la déduction des revenus définitivement taxés. Par
conséquent, sur la base de cet arrêt, les institutions de crédit,
entreprises d'assurances et sociétés de bourse peuvent récupérer le précompte mobilier belge retenu sur les dividendes
perçus avant l'exercice d'imposition 2010.
De plus, selon nous, vu l'application aux « pays tiers » de la
libre circulation des capitaux, les sociétés établies en dehors
de l'Espace économique européen peuvent s'appuyer sur cet
arrêt pour éviter le précompte mobilier belge sur les dividendes perçus ou récupérer le précompte mobilier indûment
payé dans le passé.
Possibilités de récupération
Les sociétés étrangères qui détiennent une participation
de moins de 10% dans une société belge mais d’une valeur
d’acquisition d’un montant supérieur à 1,2 million d’euros
(désormais 2,5 millions d'euros), et pour lesquelles, en vertu
de la convention de double imposition, le précompte mobilier belge retenu sur les dividendes perçus n'a pu être déclaré
dans le cadre de l'impôt des sociétés étranger (local) ou n'a
pu être récupéré, ont la possibilité, au vu de cette disposi-
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tion, de récupérer le précompte mobilier indûment payé par
le passé par le biais d'une procédure de réclamation ou de
dégrèvement d'office.
Ces deux procédures peuvent permettre le remboursement
du précompte mobilier indûment payé dans un délai de
5 ans à dater du 1er janvier de l'année au cours de laquelle
le précompte mobilier a été payé. Dans ce contexte, nous
estimons également que, dans le cas du précompte mobilier
indûment payé avant le 1er janvier 2011, il existe des arguments pertinents, en application du délai de prescription de
2012 LETTRE D’INFORMATION n°.4
droit commun, permettant le remboursement du précompte
mobilier retenu indûment jusqu'à dix ans en arrière.
Sarne Willo
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Liesbeth Broeckx
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BDO Conseils Fiscaux