Darwin et la téléologie
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Darwin et la téléologie
18/01/2014 Thème 2 : L’impact de Darwin sur l’enjeu de la téléologie Plan de la séance La théorie de l’évolution par sélection naturelle (en bref) 2. Darwin et la téléologie platonicienne et aristotélicienne 1. 1º Générateur aléatoire de nouveauté (les mutations) → variation plus ou moins avantageuse 1. La théorie de l’évolution par sélection naturelle (en bref) 1º Générateur aléatoire de nouveauté (les mutations) → variation plus ou moins avantageuse 2º Lutte pour la survie → survie et reproduction différenciée 3º Sélection naturelle → transmission génétique statistiquement plus grande des traits avantageux. D’où viennent les nouvelles variations ? Génotype Phénotype 2º Lutte pour la survie → survie et reproduction différenciée 3º Sélection naturelle → transmission statistiquement plus grande des traits avantageux. - Manque de ressources Pourquoi les organismes ont-ils des traits utiles à leur survie ? R. : Parce que ceux qui n’en avaient pas sont morts avant de pouvoir transmettre leurs traits à la génération suivante. - Attaques de prédateurs C’est ce que Darwin appelle sélection naturelle. naturelle - Environnement peu clément Explication naturaliste de l’adaptation des organismes à leur environnement. (froid, perturbations récurentes) 1 18/01/2014 2. Darwin et la téléologie platonicienne et aristotélicienne 2.1 Darwin réfute la téléologie platonicienne (créationniste), ou du moins l’argument de l’organisation habituellement plaidé en sa faveur 1º La sélection naturelle explique l’adaptation sans faire appel à une intervention divine. divine → Perfectionnement de l’adaptation des espèces avec le passage des générations. 2º La sélection naturelle explique aussi certains cas qui semblaient incompatibles avec le créationnisme A. Ariew (2002, inspiré de Gould 1980) sur les arrangements bizarres et les solutions non optimales. Ex. : Les cétacés à fanons (mysticètes) : développent des dents avant de développer leurs fanons. Ex. : Le « pouce des pandas » 2º La sélection naturelle explique aussi certains cas qui semblent incompatibles avec le créationnisme 2º La sélection naturelle explique aussi certains cas qui semblaient incompatibles avec le créationnisme 2º La sélection naturelle explique aussi certains cas qui semblaient incompatibles avec le créationnisme Les cas de ce type (les vestiges) prouvent que le design des nouveaux organes n’est pas créé à partir de zéro, mais découle plutôt de la modification d’organes antérieurs. B. Darwin sur les orchidées (Beatty 2006) Cela valide la thèse de « l’arbre de la vie ». - Propulse le pollen sur l’insecte visiteur - Propulse P l l’i l’insecte t visiteur i it sur lle pollen ll - Incite l’insecte à se promener jusqu’à ce qu’il touche au pollen Comme les mots de langues apparentées Français Espagnol Italien Créole 1 un uno uno youn 2 deux due dos de 3 trois tre tres twa 4 quatre quatro quattro kat 2º La sélection naturelle explique aussi certains cas qui semblaient incompatibles avec le créationnisme Darwin explique cette variété non pas par la sélection naturelle, mais par le caractère aléatoire de la variation. Or, selon les créationnistes de l’époque : Dieu est rationnel, donc toute différence de forme indique une différence de fonction. Les orchidées contredisent cette idée, et seul un Dieu désinvolte pourrait avoir créé cette vaine variété. Donc, la théorie darwinienne explique mieux cette diversité que le créationnisme. 1º Variation aléatoire 2º Lutte pour la survie Il est adaptatif pour les orchidées d’éviter l’auto-fertilisation et favoriser les croisements. Elles développent toute une variété de stratégies pour attirer les insectes pollinisateurs. Pourtant, elles se sont toutes développées dans un environnement similaire. Mais la théorie de la sélection naturelle n’exclut pas toute forme de déisme « Certains auteurs éminents semblent pleinement satisfaits de l’hypothèse que chaque espèce a été créée d’une manière indépendante. À mon avis, il me semble que ce que nous savons des lois imposées à la matière par le Créateur s’accorde mieux avec l’hypothèse que la production et l’extinction des habitants passés et présents du globe sont le résultat de causes secondaires, telles que celles qui déterminent la naissance et la mort de l’individu. Lorsque je considère tous les êtres, non plus comme des créations spéciales, mais comme les descendants en ligne directe de quelques êtres qui ont vécu longtemps avant que les premières couches du système cumbrien aient été déposées, ils me paraissent anoblis. […] 3º Sélection naturelle. 2 18/01/2014 Mais la théorie de la sélection naturelle n’exclut pas toute forme de déisme […] N’y a-t-il pas une véritable grandeur dans cette manière d’envisager la vie, avec ses puissances diverses attribuées primitivement par le Créateur à un petit nombre de formes, ou même à une seule ? Or, tandis que notre planète, obéissant à la loi fixe de la gravitation, continue à tourner dans son orbite, une quantité infinie de belles et admirables formes, sorties d’un commencement si simple, n’ont pas cessé de se développer et se développent encore ! » Ce que la biologie darwinienne exclut, c’est la création spéciale. Déjà Ralph Cudworth en 1678 : Si Dieu était forcé de tout faire personnellement, il serait encombré de tâches qui sont indignes de sa grandeur (cf. Glacken 1967, 394). D’autre part, Darwin exclut la possibilité d’une forme plus forte de téléologie évolutionnaire : Celle voulant que les traits apparaissent en fonction de leur utilité pour les organismes qui les possèdent. 1º Variation aléatoire 2º Lutte pour la survie 33º Sélection naturelle. naturelle Il résulte néanmoins que l’évolution est orientée vers l’adaptation, grâce au rôle de la sélection naturelle. 2.2 Darwin et la téléologie aristotélicienne (naturaliste) Darwin la réfute-t-il aussi ? C’est plus compliqué ! Il faut distinguer deux échelles temporelles : A. L’échelle évolutionnaire B. L’échelle des organismes A. L’échelle évolutionnaire D’une part, Darwin rend légitime une forme d’explication téléologique présente chez Aristote : L’explication des traits des organismes par leur utilité (Cf. Lennox 1993, 1994). En ce sens, la sélection naturelle est une force téléologique : Elle conserve les traits comparativement utiles. B. L’échelle des organismes Cf. : Mayr (1961, 1974, 1983, reproduits dans Mayr 1988) Il faut distinguer : a) Téléologie organismique : Les activités téléologiquement orientées des organismes (croissance, régulation, recherche de nourriture), qui découlent soit de l’apprentissage ou du programme génétique. b) Téléologie cosmique : L’orientation téléologique de l’évolution vers la création de formes toujours plus parfaites, comme s’il y avait une force spéciale dirigeant l’évolution vers la perfection (à la Theillard de Chardins) Génotype Phénotype B. L’échelle des organismes C. Et l’échelle écologique ? Cf. : Mayr (1961, 1974, 1983, reproduits dans Mayr 1988) Plusieurs écologues parlent de : Il faut distinguer : a) Téléologie organismique : Les activités téléologiquement orientées des organismes (croissance, régulation, recherche de nourriture), qui découlent soit de l’apprentissage ou du programme génétique. - Succession écologique orientée vers un climax - Régulation de l’abondance des populations et maintien de l’équilibre des écosystèmes Est-ce de la téléologie légitime ? b) Téléologie cosmique : L’orientation téléologique de l’évolution vers la création de formes toujours plus parfaites, comme s’il y avait une force spéciale dirigeant l’évolution vers la perfection (à la Theillard de Chardins) L’évolution n’est pas un progrès ! 3 18/01/2014 Prochaines séances Nous discuterons quelques tentatives de définir les notions de téléologie et de fonctions proposées en philosophie analytique depuis les années 1970, avec l’objectif d’accommoder l’idée selon laquelle le langage téléologique est légitime à l’échelle des organismes. Références Amundson, Ron. 1996. “Historical Development of the Concept of Adaptation.” In Adaptation, ed. Michael R Rose and George V. Lauder, 11–51. San Diego: Academic Press. Ariew, André. 2002. “Platonic and Aristotelian Roots of Teleological Arguments.” In Functions: new essays in the philosophy of psychology and biology, ed. André Ariew, Robert Cummins, and Mark Perlman, 7–32. Oxford; New York: Oxford University Press. Beatty, John. 2006. “Chance Variation: Darwin on Orchids.” Philosophy of Science 73 (5): 629–641. Egerton, Frank N. 1973. “Changing Concepts of the Balance of Nature.” The Quarterly Review of Biology 48 (2): 322–350. Glacken, Clarence J. 1967. Traces on the Rhodian shore; nature and culture in Western thought from ancient times to the end of the eighteenth century. Berkeley: University of California Press, chap. 8 et 11. Gotthelf, Allan. 2012. Teleology, first principles, and scientific method in Aristotle’s biology. 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