IRPI - Bilan sur la marque communautaire au 1er janvier 1999
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IRPI - Bilan sur la marque communautaire au 1er janvier 1999
INSTITUT DE RECHERCHE EN PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE HENRI-DESBOIS BILAN SUR LA MARQUE COMMUNAUTAIRE au 1er janvier 1999 Laetitia BRULAT-AULAN, économiste Catherine DRUEZ-MARIE, juriste L’Union européenne est consciente du fait qu’un véritable marché intérieur suppose, tout en supprimant - ou du moins en réduisant - les restrictions à la libre circulation et les distorsions de concurrence, la création d’un environnement favorable à l’innovation et à l’investissement. Aussi en matière de marques, l’action communautaire s’est-elle traduite tant par l’harmonisation des législations nationales des Etats membres en la matière1 que par la création d’un nouveau droit de propriété industrielle : la marque communautaire2. Jusqu’à la création de la marque communautaire, les entreprises disposaient de deux voies pour protéger leurs marques sur tout le territoire de l’Union européenne : la voie nationale et la voie internationale. Celles qui empruntent la voie nationale doivent effectuer des dépôts distincts, pays par pays, en respectant les formalités imposées par chaque loi nationale. Celles qui utilisent la voie internationale bénéficient de l'avantage de pouvoir demander la protection d’une marque3 dans un certain nombre d’Etats membres de l’Arrangement de Madrid 4, en accomplissant une formalité unique auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)5. Néanmoins la marque internationale peut être fragmentée, dans la mesure où il revient à chaque autorité nationale d’accorder ou non une protection sur le territoire considéré6. Depuis l’ouverture de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI)7, le 1er avril 1996, les entreprises dont l’activité dépasse - ou a vocation à dépasser - le territoire d’un seul Etat membre de l’Union européenne disposent d’un nouvel instrument juridique pour identifier leurs produits ou services. La marque communautaire leur permet désormais, par une formalité unique, d’obtenir une protection uniforme sur tout le territoire de l’Union européenne. 1 Directive 89/104 du Conseil, du 21 décembre 1988. Règlement 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, modifié à plusieurs reprises. 3 Le dépôt international doit porter sur une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement préalable dans le pays d’origine du demandeur. 4 L’Arrangement de Madrid concernait, au 15 janvier 1999, 51 Etats dont 10 Etats de l’Union européenne. 5 Ce dépôt est réalisé par l’intermédiaire de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), 26bis rue de SaintPétersbourg 75800 Paris Cedex 08 (Tél. 01.53.04.53.04) 6 Des procédures d’examen se déroulent dans chaque Etat désigné par le déposant. 7 OHMI, Avenida de Aguilera, 20, E, 03080 Alicante, ESPAGNE (Tél : 34.96.513.91.00, Fax : 34.96.513.91.73); Site Web: www.oami.eu.int 2 Le recul est suffisant après 3 années d’exercice de la marque communautaire pour dresser un bilan chiffré des dépôts réalisés et des enregistrements obtenus. LE DEPOT D’UNE MARQUE COMMUNAUTAIRE Depuis son ouverture, l’OHMI a reçu 101 820 demandes de marques communautaires : 43 010 en 1996, 27 238 en 1997 et 31 572 en 1998. Le nombre de marques demandées fut nettement supérieur à celui qui était prévu à l’origine. Ceci a entraîné un certain nombre de retards tant dans l’examen des marques que dans leur délai de publication, mais l’OHMI a déployé les moyens nécessaires à sa remise à flot et rattrape chaque année les retards accumulés8. En 1997, la baisse des demandes de marques communautaires s’explique par la stabilisation des dépôts: l’OHMI, après une année d’existence, atteignait son rythme de croisière. L’augmentation de presque 16 % des demandes de marques en 1998 donne un tout autre point de vue: un intérêt croissant pour la marque communautaire, une affirmation renforcée de sa place sur le marché européen qui va de pair avec l’affirmation de l’Europe. Tableau 1 - L’évolution des dépôts de marques communautaires. Année 1996 1997 1998 Total Dépôts 43 010 27 238 31 572 101 820 Source : OHMI, calculs IRPI Evolution -36.7 % +15.9 % - Les dépôts de marques communautaires 45000 40000 35000 30000 25000 20000 15000 10000 5000 0 1996 1997 1998 - Le déposant L’accès à la marque communautaire est largement ouvert, à toute personne physique ou morale. Il n’est pas exigé que le déposant soit ressortissant d’un Etat membre de l’Union ou qu’il ait, sur le territoire de l’Union, un domicile, un siège ou un établissement sérieux ou effectif9. Si les déposants européens sont majoritaires - les 15 pays membres de l’Union Européenne effectuant à eux seuls presque 61 % des dépôts avec 61 656 demandes - le reste du monde n’en est pas moins présent puisque 105 pays n’appartenant pas à l’Union ont déposé au moins une marque communautaire depuis 1996. 8 Voir infra: L’examen de la marque communautaire. Toutes les personnes, physiques ou morales, qui ont leur domicile, leur siège ou un établissement sérieux et effectif dans un Etat soit partie à la Convention de Paris - la Convention de Paris groupait, au 15 janvier 1999, 151 Etats (dont la France et les principaux pays industrialisés) -, soit membre de l’Organisation mondiale du commerce, peuvent obtenir l’enregistrement d’une marque communautaire. Toutes les personnes qui ont la nationalité de ces pays bénéficient de la même possibilité. Enfin, l’accès à la marque communautaire est encore possible sous condition de réciprocité avec le pays du demandeur. 9 Tableau 2 - La répartition des dépôts Union Européenne/Hors Union Européenne. [1996-1998] Union Européenne Hors Union Européenne Total Demandes % de marques 61 656 60.6 % 39 204 39.4 % 101 820 100.0 % La répartition des dépôts UE/hors Hors U-E 39% U-E 61% Source : OHMI L’Europe L’Allemagne est le premier pays déposant membre de l’Union Européenne avec 16 436 demandes de marques (26.7 %) suivi du Royaume-Uni (13 598 dépôts soit 22.1 %), de l’Italie (6 659), de l’Espagne (6 227) et de la France (5 632 demandes soit 9.1 % des dépôts européens). Tableau 3 - La répartition des dépôts dans l’Union Européenne. % La répartition des dépôts au sein de l'Union Européenne 30% 25% 20% 15% 10% Grèce Portugal Luxembourg Irlande Finlande Autriche Belgique Suède Danemark Pays-Bas France 0% Espagne 5% Italie 26.7% 22.1% 10.8% 10.1% 9.1% 4.6% 3.8% 2.8% 2.6% 2.6% 1.6% 1.3% 0.9% 0.6% 0.4% 100.0% Allemagne Allemagne Royaume-Uni Italie Espagne France Pays-Bas Suède Danemark Belgique Autriche Finlande Irlande Portugal Luxembourg Grèce Total Dépôts totaux 16 436 13 598 6 659 6 227 5 632 2 854 2 355 1 705 1 623 1 608 970 788 576 397 228 61 656 Royaume-Uni Pays Source : OHMI Le cas de la France La France a effectué un nombre de dépôts nettement inférieur à ce que l’on aurait pu attendre d’un pays dont le poids économique d’une part et le stock de marques d’autre part en font théoriquement l’un des premiers déposants potentiels. Considérant le poids économique d’un pays, mesuré par son PIB, comme un bon indicateur du volume de marques susceptibles d'être protégées, la France est fortement sous représentée avec moins de 10 % des dépôts européens alors que son économie pèse près du double en Europe. De la même façon, la France étant le plus grand déposant européen de marques en terme de stock, il eût été logique qu’elle déposât un certain nombre de marques à l'OHMI ne serait-ce que pour étendre la protection d'une partie d'entre elles à l'ensemble du territoire européen. Or, la France a déposé 10 fois moins de marques que l’Allemagne proportionnellement à son stock de marques existantes10. Pourtant, à la fin de l’année 1997, les Français semblaient vouloir sortir de leur attentisme puisque, alors que tous les pays avaient connu une diminution importante de leurs dépôts par rapport à la première année (-49.3 % pour l’Allemagne par exemple), la France était le seul pays européen avec le Portugal à avoir effectué davantage de dépôts la seconde année. Convaincus de l’utilité de la marque communautaire les Français allaient rattraper leur retard. Mais les dépôts de l’année 1998 sont, de ce point de vue, décevants. Alors que les dépôts européens ont connu une augmentation globale de près de 19 % (+34 % pour l’Espagne et la Belgique et jusqu’à 37 % pour l’Autriche), la France a vu ses dépôts n’augmenter que de 13 % ce qui, compte tenu de son retard, la relègue au 5ème rang des déposants européens. Contrairement aux Français, les Espagnols comme les Britanniques semblent s’être précipités sur la marque communautaire. Pour les premiers, l’installation de l’OHMI en Espagne pourrait être un facteur explicatif. S’agissant du Royaume-Uni, l’importance de ses dépôts est due à sa situation particulière dans les accords de Madrid. Le Royaume-Uni n’a pris part au Protocole de Madrid 11 qu'en décembre 1995, et, cette date coïncidant avec la mise en place de la marque communautaire dont les frais sont moins élevés et les procédures simplifiées, il semble que les ressortissants anglais aient privilégié la voie communautaire. Tableau 4 - L’évolution des dépôts européens entre 1997 et 1998 Allemagne Royaume-Uni Italie France Espagne Pays Bas Suède Belgique Autriche Danemark Finlande Irlande Portugal Luxembourg Grèce Total 10 1997 1998 3 911 3 659 2 070 1 891 1 468 908 713 418 393 473 282 217 183 112 65 16 763 4 811 4 234 2 378 2 131 1 965 877 787 562 537 526 330 289 232 148 78 19 885 Evolution 98/97 23,0% 15,7% 14,9% 12,7% 33,9% -3,4% 10,4% 34,4% 36,6% 11,2% 17,0% 33,2% 26,8% 32,1% 20,0% 18,6% Pour une étude approfondie, voir le n° spécial IRPI Actualités N° 4 : « La Marque Communautaire en 1997 » p 10 à 12. Adoptée le 27 juin 1989, le Protocole de Madrid crée un système d'enregistrement international plus souple que l'Arrangement et ouvert à des pays non membres de celui-ci, tels que le Royaume-Uni et l'Irlande. 11 Source : OHMI Le reste du monde Si 11 687 marques ont été déposées par 105 pays non membres de l’Union Européenne, les EtatsUnis font néanmoins figure de leader en la matière puisqu’ils ont déposé 28 540 demandes de marques soit 72.8 % des dépôts non européens et même 28 % des dépôts mondiaux, ce qui dépasse largement les dépôts allemands (16.1 % des dépôts mondiaux). Le Japon est le deuxième plus grand déposant non européen, mais très loin derrière les Etats-Unis avec 2 901 dépôts effectués depuis l’ouverture de l’OHMI, ce qui représente 2.3 % des dépôts mondiaux. Les déposants n’ont pas le même rythme de dépôt : sur les 120 pays ayant déposé depuis 1996, les trente premiers d’entre eux ont effectué 98 % des dépôts totaux. - Le lieu du dépôt Le dépôt d’une marque communautaire se fait soit directement auprès de l’OHMI, soit par l’intermédiaire d’un office national tel l’Institut national de la propriété industrielle pour la France. - Le contenu de la demande • Le signe déposé à titre de marque Tout signe susceptible d’une représentation graphique peut constituer une marque communautaire, à condition qu’il soit propre à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux des autres entreprises. On distingue de fait 3 principaux types de marques : les marques verbales (mot, lettre ou chiffre), les marques figuratives (dessin, forme du produit ou de son conditionnement) et les marques tridimensionnelles. Les « autres » marques sont par exemple les marques sonores. La grande majorité des marques déposées sont verbales (63.9 %), les marques figuratives représentant 35.2 % des dépôts et les marques tridimensionnelles 1.3 %. Des différences de comportement existent en fonction du pays déposant, par exemple les pays n’utilisant pas l’alphabet occidental dont les dépôts de marques verbales sont moindres12. Tableau 5 - Les différents types de marques déposées Type de marque Verbale Figurative Tridimensionnelle Autre Total Dépôts totaux 65 099 34 857 1 013 851 101 820 % 63.9% 34.2% 1.0% 0.8% 100.0% Les différents types de marques Autre 0,8% Figurative 34,2% Verbale 63,9% Source : OHMI Tridimensionnelle 1,0% 12 Pour une étude approfondie, voir le n° spécial IRPI Actualités N° 4 : « La Marque Communautaire en 1997 » p 47 à 49. La marque doit, pour faire l’objet d’une protection, être distinctive c’est-à-dire arbitraire, licite et non trompeuse13. Elle doit être disponible, c’est-à-dire ne pas porter atteinte à des droits antérieurs14. • Les produits et services pour lesquels une protection est demandée La demande doit contenir la liste des produits ou services pour lesquels une protection est demandée, liste résultant de la classification internationale prévue dans l’Arrangement de Nice. Le nombre de classes demandées Une marque peut être déposée dans une ou plusieurs classes sans aucune limitation de ce nombre (il existe 42 classes). Une majorité de marques a été déposée dans une à trois classes (85.7 %), chaque dépôt de marque communautaire donnant lieu au paiement d’une taxe supplémentaire par classe de produits ou de services citée au-delà de trois 15. Cependant, les marques ont le plus souvent été déposées dans une seule classe (42.3 % des marques), la majorité des déposants préférant bien cibler leur marque plutôt que de profiter de l’avantage financier qui leur était accordé. En revanche, le fait qu’une marque soit plus fréquemment déposée dans 3 classes que dans 2 ou 4 classes montre bien l’effet du forfait communautaire: certains déposants ont préféré se limiter dans leur choix de classe pour ne pas dépasser le forfait « à une classe près » et d’autres, voulant en profiter ont choisi éventuellement une classe supplémentaire pour décrire leur marque. Cette tactique n’est cependant pas généralisable puisque le déposant doit en principe utiliser sa marque dans les classes qu’il a choisies. Tableau 6 - La répartition des dépôts par nombre de classes demandées. Nombre de classes 1 2 3 4 5 à 10 11 à 42 Total Source : OHMI Dépôts totaux 43 091 16 703 27 474 5 721 7 300 1 531 101 820 % 42.3% 16.4% 27.0% 5.6% 7.2% 1.5% 100.0% Le nombre de classes demandées [4] 6% [5 à 10] 7% [11 à 42] 2% [1] 42% [3] 27% [2] 16% Les classes demandées Les classes les plus demandées touchent généralement soit des domaines très vastes soit des domaines où l’innovation est importante et la création constante. 13 En raison de la directive d’harmonisation de 1988, les conditions de validité sont les mêmes en droit français et en droit communautaire. Pour plus de détails sur la réglementation française, voir la Documentation pratique n° 62 « Les marques de fabrique, de commerce et de service », publiée par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris en juillet 1998. 14 Voir infra: La procédure d’opposition. 15 Voir infra: Les taxes. Par exemple la classe 9, en tête des demandes, concerne tout ce qui a trait aux nouvelles technologies. La classe 42, très large, regroupe tous les services non répertoriés dans d’autres classes. La classe 25, enfin, touche un domaine à forte créativité (mode et accessoires). Les classes les moins demandées sont des classes limitées dans leur étendue et qui touchent à des domaines peu innovants et/ou très spécifiques comme la classe 13 (armes à feu) ou la classe 15 (instruments de musique). Tableau 7 - Les classes demandées. 9 42 N° de la classe Appareils électroniques; ordinateurs... Restauration (alimentation); Programmation d'ordinateurs; services divers.. Papeterie; Emballages plastiques... Vêtements; Chaussures; Chapellerie. Education; Edition; Production... 16 25 41 ..... ..... 15 Instruments de musique 23 Fils à usage externe 13 Armes à feu Nbre de dépôts 29 227 % 11.7% 19 560 7.8% 17 895 14 190 10 269 ....... ....... 553 540 334 7.2% 5.7% 4.1% ....... ....... 0.2% 0.2% 0.1% Source : OHMI • La revendication d’une priorité ou d’une ancienneté La marque communautaire coexiste avec les marques nationales et internationales. Ainsi, elle peut être obtenue non seulement pour un signe déposé directement auprès de l’OHMI, mais également pour un signe qui a déjà fait l’objet d’un dépôt antérieur, national ou international. Une priorité pourra, dans l’hypothèse d’un tel dépôt antérieur, être invoquée dans la demande de marque communautaire16. La grande majorité des demandes de marque communautaire n’invoque aucune priorité (79.1 %) et moins de 1 % des demandes en invoque plus de 2 (le nombre de priorités revendiquées est allé jusqu’à 43). Tableau 8 - La répartition des dépôts par nombre de priorités revendiquées. 16 La Convention de Paris permet en effet à tout ressortissant de l’un de ces pays, qui a effectué un dépôt de marque dans l’un d’entre eux, de bénéficier d’un délai de 6 mois pour opérer le dépôt de la même marque dans un autre pays membre de cette Convention. Ce délai, dit « de priorité », constitue pour les déposants un avantage certain puisque ceux-ci sont protégés contre les dépôts effectués par des tiers durant la période de 6 mois. Priorités 0 1 2 et plus Total Total 80 558 20 384 947 101 889 % 79.1% 20.0% 0.9% 100.0% Nombre de priorités revendiquées 1 2 et plus Source : OHMI, calculs IRPI 0 Le demandeur peut également se prévaloir, dans sa demande de marque communautaire, de l’ancienneté d’un enregistrement national ou d’un ensemble d’enregistrements nationaux. Trois conditions sont requises : identité des signes concernés, identité des produits ou services - ou du moins, les produits ou services visés par le dépôt national antérieur doivent être inclus dans ceux qui font l’objet de la demande de marque communautaire - et enfin, identité des titulaires. Une telle revendication d’ancienneté permet au titulaire de la marque communautaire, même en cas d’extinction ou de renonciation ultérieure à la marque nationale, de continuer à bénéficier des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si la marque antérieure avait continué à être enregistrée. Depuis sa création, l’OHMI a reçu essentiellement des dépôts sans revendication d'ancienneté (81 % en moyenne) mais cette part n’a, en réalité, cessé d’augmenter : en 1996, les déposants se sont essentiellement attachés à mettre à jour leurs marques en déposant celles qui avaient déjà une existence dans au moins certains pays de l’Union Européenne, ce qui leur a permis également d’étendre à cette occasion le champ géographique de leur protection (le taux de marques déposées avec une ou plusieurs anciennetés atteignait presque les 30 %). Depuis 1997 la part des marques revendiquant une ancienneté a nettement diminué : à peine 10 % des marques en 1998. Certes, le volume de la régularisation des marques s’est stabilisé et de plus en plus de marques nouvelles sont déposées chaque année mais la difficulté à faire valoir une ancienneté a pu amener, en outre, des déposants à renoncer à leurs revendications. Tableau 9 - La répartition des dépôts par nombre d’anciennetés revendiquées. Anciennetés 0 1 2 3 4 et plus (jusqu’à 236) Total Source : OHMI, calculs IRPI Total 82 551 9 022 1 759 1 158 7 399 101 889 % 81.0% 8.9% 1.7% 1.1% 7.3% 100.0% Nombre d'anciennetés revendiquées 1 2 3 4 et plus 0 • La désignation d’un représentant Le demandeur peut agir en son nom propre s’il possède soit son domicile, soit son siège, soit enfin un établissement industriel ou commercial effectif ou sérieux dans l’Union européenne. Toutefois, le recours à un représentant spécialisé17 est recommandé, afin de surmonter les difficultés liées aux règles de procédure (chaque année, moins de 5 % des dépôts de marques se font sans intermédiaire). • Les langues La demande de marque communautaire peut être faite dans toutes les langues officielles de l’Union européenne (11 au total) 18. Mais, lors du dépôt, une seconde langue, choisie parmi les 5 langues officielles de l’OHMI - à savoir : l’espagnol, l’allemand, l’anglais, le français et l’italien - doit être indiquée par le demandeur. Cette seconde langue pourra être utilisée, le cas échéant, lors de procédures d’opposition ou d’annulation. En ce qui concerne la première langue, l’anglais est la langue la plus utilisée suivie de l’allemand et du néerlandais. L’importance des dépôts d’origine américaine, britannique ou allemande explique ces chiffres. Concernant le néerlandais, en revanche, le nombre des dépôts ne se comprend que par la grande activité des représentants déposant dans cette langue (notamment les Belges)19. Pour ce qui est de la seconde langue, l’anglais et le français sont les deux langues les plus utilisées. L’anglais est sollicité dans la majorité des cas (52.3 %) et le français pour 29.1 % des dépôts. Ces deux langues couvrent ainsi presque 82 % des demandes totales. Tableau 10 - La répartition des dépôts par langue utilisée. Langue de dépôt Anglais Allemand Néerlandais Espagnol Français Italien Suédois Danois Finnois Portugais Grec Non défini Total 1ère langue 43 699 19 810 10 802 6 996 7 339 6 675 2 631 2 029 935 692 210 2 101 820 % 42.9% 19.5% 10.6% 6.9% 7.2% 6.6% 2.6% 2.0% 0.9% 0.7% 0.2% 0.0% 100.0% 2ème langue 53 222 5 557 8 896 29 618 4 472 55 101 820 % 52.3% 5.5% 8.7% 29.1% 4.4% 0.0% 100.0% Source : OHMI, calculs IRPI - Les taxes La taxe de base pour le dépôt d’une marque s’élève à 975 euros pour les trois premières classes de produits ou services et 200 euros doivent être acquittés par classe supplémentaire au-delà de la troisième. 17 La représentation professionnelle est réservée soit aux avocats habilités à exercer sur le territoire de l’un des Etats membres de l’Union et y possédant un domicile professionnel, soit aux mandataires agréés inscrits sur une liste tenue à cet effet par l’OHMI. 18 Les langues officielles de l’U-E sont : l’anglais, l’allemand, le français, l’espagnol, l’italien, le néerlandais, le finnois, le suédois, le danois, le portugais et le grec. 19 Pour plus de détails, voir le numéro spécial IRPI Actualités n°4 : La Marque Communautaire en 1997, p 20 à 23. L’EXAMEN DE LA MARQUE COMMUNAUTAIRE La procédure d’examen de la marque communautaire est rigoureuse, mais le titre ainsi obtenu présente un double avantage pour les entreprises : simplification de la gestion des portefeuilles de marques et allégement des coûts de dépôt. - Attribution d’une date de dépôt La première étape après la réception d’une demande de marque communautaire est l’attribution d’une date de dépôt. L’OHMI, débordé par l’afflux des demandes en 1996, n’avait pu à la fin de l’année n’accorder qu’à un tiers des marques une date de dépôt. Mais dès 1997, les mesures d’urgence mises en place pour rattraper les retards accumulés portèrent leurs fruits puisqu’à la fin de l’année 1998, moins de 8 % des marques n’avaient pas franchi cette première étape. L’attribution d’une date de dépôt ne connaît désormais plus de retard. - Procédure d’examen Sous réserve de satisfaire à certaines conditions de recevabilité, la demande de marque communautaire est soumise à un examen par l’Office, afin de déterminer si le signe qui en est l’objet est valide20. Les motifs de refus peuvent exister uniquement dans une partie de l’Union européenne, ce qui multiplie les risques de rejet. - Les recherches de disponibilité Des rapports de recherche sur les marques antérieures existantes sont établis par l’OHMI d’une part, et par les offices de certains Etats de l’Union21 d’autre part. Ces rapports de recherche sont communiqués au demandeur par l’OHMI, pour information, mais l’Office n’est pas habilité à refuser, de son propre chef, l’enregistrement d’une marque antériorisée. - La publication Les demandes acceptées sont publiées dans le Bulletin des marques communautaires. Un dépôt de marque ne peut être publié que si trois conditions sont remplies. Il faut : • que les rapports de recherche aient été envoyés et que le déposant ne soit pas opposé à la publication • que la marque en question soit traduite dans les onze langues de la communauté • que la marque ait obtenu le feu vert de la division examen tant du point de vue procédural, pour la vérification des formalités, que du fond en matière de motifs absolus. Seules les marques qui répondent à la fois dans ces trois conditions préalables peuvent être publiées. Concernant le nombre des publications, ce chiffre est difficilement interprétable. On ne connaît pas le nombre de demandes écartées de la publication. Les délais de publication22 Les premières demandes ont été publiées un an après leur dépôt. Un volume de publication dépassant le volume des demandes de marques déposées à l’ouverture de l’OHMI n’a été atteint qu’au début du mois d’avril 1998: il aura donc fallu attendre deux ans pour que l’ensemble des marques déposées dès l’ouverture soit publié. 20 A savoir, si celui-ci présente un caractère distinctif, licite et non trompeur. Les offices français, allemand et italien ont fait savoir qu’ils n’effectueraient pas de telles recherches. 22 Source: « Indicateur du délai de publication d’une marque communautaire », mars 1999, IRPI. 21 Début janvier 1999, 59 226 demandes de marques avaient été publiées, ce qui correspond au volume cumulé des demandes déposées au mois d’août 1997. Ces demandes ont donc, en moyenne, été publiées avec un délai de 17 mois. Ce délai s’amenuise progressivement: pour les demandes traitées en 1998, il semble s’être stabilisé à environ 10 mois. Toutefois, il est à noter que ces délais restent longs. A titre d’exemple, tout dépôt reconnu valable par l’INPI est publié dans les 6 semaines qui suivent sa réception. Tableau 11 - Les demandes, dates de dépôt et publications de marques communautaires. Année 1996 1997 1998 Demandes Dates de dépôts Dates / cumulées attribuées cumulées Demandes 43 010 70 253 101 820 Source : OHMI, calculs IRPI 14 497 62 617 93 981 33.7% 89.1% 92.3% Demandes publiées cumulées 0 11 633 59 226 Publications / Demandes 0.0% 16.6% 58.2% Les réactions des tiers à la publication La publication est susceptible de déclencher deux types d’opérations : • Les observations des tiers Les tiers peuvent faire valoir un certain nombre d’arguments, afin que la marque communautaire ne soit pas enregistrée (défaut de caractère distinctif, signe illicite ou trompeur...). En fonction de la nature des observations et de leur pertinence, l’Office peut décider de rouvrir la procédure d’examen. • Les oppositions Dans la mesure où la marque communautaire présente un caractère unitaire, elle ne doit porter atteinte à aucun droit antérieur susceptible d’exister dans l’un des pays membres de l’Union européenne. Aussi, pendant les 3 mois qui suivent la publication de la demande d’enregistrement, les tiers peuvent former une opposition en invoquant des droits antérieurs sur le signe déposé à titre de marque communautaire. En France, seules des marques antérieures peuvent être invoqués dans le cadre d’une procédure d’opposition. En revanche, selon les dispositions communautaires, d’autres droits antérieurs peuvent être opposés au déposant, et notamment les signes utilisés dans la vie des affaires si leur portée n’est pas purement locale23. Si l’opposition est reconnue fondée par l’OHMI, l’enregistrement de la marque communautaire est refusé. A la fin de l’année 1998, 8 820 marques étaient contestées par 11622 oppositions soit une moyenne de 1.3 oppositions par marque contestée24. Les marques contestées ont généralement reçu une seule opposition (c’est le cas pour près de 78 % d’entre elles), mais certaines autres ont subi jusqu’à 10 oppositions différentes25. Compte tenu du délai de 3 mois accordé pour faire opposition, le pourcentage de contestation est difficilement mesurable. Le taux le plus probable serait de 24 %26. Les motifs d’opposition27 Dans chacune des oppositions, une ou plusieurs raisons sont invoquées à l’appui de cette demande; en moyenne 1,6 motif par demande . Le motif le plus invoqué pour l’opposition à une marque communautaire est : le risque de confusion dans 89,0 % des cas. Les autres motifs d’oppositions sont, dans l’ordre décroissant de leur occurrence : − identité des marques et des produits et services : 38,8% − l’avantage indu ou préjudice sur la distinctivité ou la réputation : 16,4 % − une marque antérieure non enregistrée : 8,2 % 23 Il peut s’agir d’un nom commercial, d’une dénomination sociale, d’un droit d’auteur, d’un dessin ou modèle... Une marque contestée peut recevoir des oppositions provenant de plusieurs origines. 25 Source: OHMI/EUROMARC, communiqué du 01/10/98. 26 Pour plus de détails, voir l’étude publiée par l’IRPI: « Les oppositions formulées à la délivrance d’une Marque Communautaire »,décembre 1998. 27 Source : « Les oppositions formulées à la délivrance d’une Marque Communautaire », IRPI. 24 − un signe antérieur et un droit d’interdire l’usage par loi nationale : 7,8 % − une marque déposée sans l’autorisation du titulaire : 0,4 % - L’enregistrement En l’absence d’opposition - ou d’opposition fondée - dans le délai de 3 mois suivant la publication, la marque est enregistrée. Sous réserve du paiement des taxes28, la marque est inscrite au Registre des marques communautaires. Elle est alors protégée sur tout le territoire de l’Union européenne pour une durée de 10 ans, à compter de la date de dépôt de la demande. L’enregistrement pourra être renouvelé pour des périodes successives de 10 années. A la fin de l’année 1998, 24 856 marques étaient enregistrées et 12 374 d’entre elles étaient publiées. La quasi-totalité de ces enregistrements n’ont été effectués qu’au cours de l’année 1998. Conclusion L’Union européenne est demeurée particulièrement active dans le domaine de la propriété industrielle. En effet, l’harmonisation des législations nationales, en matière de dessins et modèles a fait l’objet d’une directive, en date du 13 octobre 199829. En outre, deux propositions de directives doivent être signalées : l’une sur le modèle d’utilité30 et l’autre sur la brevetabilité des programmes d’ordinateurs31. Enfin, il semble que la marque communautaire ait ouvert la voie à la mise en place de nouveaux titres de protection supranationaux, puisque sont annoncés : d’une part, le dessin ou modèle communautaire, et, d’autre part, le brevet communautaire32. Pour plus d’informations, contacter l’IRPI au 01 55 65 33 01 et consulter son site internet: www.ccip.fr/irpi 28 La taxe de base pour l’enregistrement d’une marque individuelle s’élève à 1100 euros pour les trois premières classes de produits ou services et 500 euros doivent être acquittés par classe supplémentaire au-delà de la troisième. 29 Directive 98/71 du Parlement européen et du Conseil. 30 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 1997. 31 La Commission a annoncé son intention de présenter une proposition de directive qui harmonisera les conditions de brevetabilité des inventions liées aux programmes d’ordinateurs. 32 Une procédure unique auprès de l’Office européen des brevets (OEB) permet actuellement d’obtenir une protection par brevet dans un ou plusieurs Etats européens. Toutefois, le brevet européen ainsi obtenu ne constitue pas un titre unitaire de protection : il confère à son titulaire, dans chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet Etat. BIBLIOGRAPHIE DOCUMENTS JURIDIQUES - GASTINEL Eric La marque communautaire Paris, LGDJ, 1998, 347 p. (Droit des affaires). - Institut de recherche en propriété intellectuelle Henri-Desbois (IRPI) La marque communautaire (Colloque IRPI, Paris, 8 janvier 1996) Paris, Litec, 1996, 279 p. (Le droit des affaires - Propriété intellectuelle, Tome 14) DOCUMENTS ECONOMIQUES PUBLIES PAR L’IRPI 99-3: Indicateur du délai de publication d’une marque communautaire ROEBBEN Jean-Dominique et SERBAT Henri 99-2: Oppositions formulées à la délivrance d’une marque communautaire SERBAT Henri 98-3: La marque communautaire en 1997 BRULAT-AULAN Laetitia Bilan sur la marque communautaire au 1er janvier 1999 : Résumé La marque communautaire, entrée en vigueur le 1er avril 1996, constitue le premier édifice d’un droit supranational en matière de propriété industrielle: elle s’inscrit dans la logique du marché unique. Une seule formalité auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) permet désormais aux entreprises de protéger leurs marques dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, considérés comme un tout indivisible. Depuis l’ouverture de l’OHMI, 101 820 marques ont été déposées par 120 pays différents, les 15 pays membres de l’Union ayant effectué à eux seuls 61 % des dépôts. Parmi les pays non européens, les Etats-Unis font figure de leader avec 28 540 dépôts. Comme la marque française, la marque communautaire est un signe susceptible de représentation graphique, permettant de distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux de ses concurrents. La marque type demandée à l’OHMI est une marque verbale (dans 63.9 % des cas), déposée dans une à trois classes de la classification internationale (dans 85.7 % des cas) et ne revendiquant ni ancienneté ni priorité (dans 80 % des cas). Dans la demande l’anglais est utilisé comme première langue de dépôt et le français comme seconde langue. La procédure communautaire peut sembler longue et complexe: examen par l’OHMI afin de déterminer si le signe déposé est valide, recherche de disponibilité, oppositions possibles par les tiers (dont le taux avoisinerait les 24 %). Toutefois, les qualités de la marque communautaire, en termes d’allégement des coûts de protection à l’étranger et de simplification de la gestion des portefeuilles de marques, doivent être soulignées. Devant le succès de la marque communautaire, l’OHMI a déployé les moyens nécessaires pour rattraper un certain nombre de retards accumulés jusqu’alors, tant dans l’examen des marques que dans leur délai de publication. Ainsi, au début de l’année 1999, seules 8 % des marques ne s’étaient pas vu attribuer de dates de dépôt. Le délai moyen de publication qui était de 17 mois s’amenuise progressivement: pour les demandes traitées en 1998, il semble s’être stabilisé à environ 10 mois. Si la marque passe avec succès la procédure d’examen, elle est enregistrée et protégée sur tout le territoire de l’Union européenne pour une durée de 10 ans renouvelable. Au début de l’année 1999, 24 856 marques ont été enregistrées.