A.C. 06330106 EN CAUSE DE : établi à 75008 Paris (France), Rue
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A.C. 06330106 EN CAUSE DE : établi à 75008 Paris (France), Rue
A.C. 06330106 EN CAUSE DE : La S.A.R.L. CELLCAST MEDIA, société de droit français, dont le siège social est établi à 75008 Paris (France), Rue des Mathurins 38. Demanderesse. Comparaissant par Mes 1. FERRANT et V. CASSIERS, avocats à 1180 Bruxelles, avenue Hamoir 11. CONTRE : La S.P.R.L. FUNMOBILE, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, Place étage), BCE no0875.570.104. Eugène Flagey 7 (6ème Défenderesse. Comparaissant par Me A. STROWEL, avocat à 1040 Bruxelles, avenue des Arts 44. Vu les pièces de la procédure et, en particulier : -l'exploit de citation introductive d'instance enregistré du14 juillet 2006 ; -les conclusions et les dossiers déposés par les parties. Entendu les avocats de celles-ci en leurs dires et moyens à l'audience publique du 20 novembre 2006 à laquelle la cause a été prise en délibéré ; 1 OBJET La demande tend à entendre dire pour droit que l'usage par la SPRL Funmobile du terme (( FUNMOBILE D, similaire au terme (( MOBIFUN », en portant atteinte aux droits exclusifs de marque et de nom commercial de la S.A.R.L. Cell Cast Media, est un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale. Elle tend à entendre ordonner à la SPRL Funmobile la cessation de tout usage du terme (( FUNMOBILE )) sous quelque support que ce soit et ce, dans un délai de huit jours à compter de la signification du jugement, sous peine d'une astreinte de 2.000 EUR par infraction constatée. 2 FAITS La S.A.R.L. Cell Cast Media est une société de droit français dont l'activité consiste à distribuer et à promouvoir des services de personnalisation de téléphonie mobile. Ces services personnalisés comprennent le téléchargement de sonneries, images, fonds d'écran, vidéos et jeux pour téléphones portables. Ces services sont accessibles et téléchargeables à partir de divers canaux, tels SMS (Short Messaging Service) et Internet. La marque communautaire n0004009791(( MOBIFUN » a été déposée le 31 août 2004 auprès de I'OHMI (Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur), enregistrée le 11 janvier 2006 et publiée dans le bulletin des marques communautaires du 6 février 2006. Elle a été enregistrée pour trois classes de produits et de services : - la classe 35 couvrant notamment la publicité, la gestion des affaires commerciales, la diffusion de matériel publicitaire etc. - la classe 38 couvrant notamment les télécommunications, les informations en matière de télécommunications, les communications téléphoniques etc. - la classe 41 couvrant l'éducation, le divertissement, l'information en matière de divertissement ou d'éducation, les services de loisirs etc. La S.A.R.L. Cell Cast Media exploite la marque MOBIFUN )) en Belgique au travers de publicités paraissant régulièrement dans des périodiques belges (Ciné Télérevue, Télémoustique, Télépocket, TV Gids) Elle est titulaire des noms de domaine (( mobifun.net )) et (( mobifun.ch ». II existe également un site web mobifun.be ». La SPRL Funmobile est une société de droit belge, dont l'acte constitutif a été publié au Moniteur Belge du 11 août 2005. Elle offre des services de téléchargement de sonneries, logos et jeux qui peuvent être téléchargés sur des téléphones mobiles. Elle a fait paraître des publicités pour ses services dans les mêmes magazines que la S.A.R.L. Cell Cast Media. Figurent dans ces publicités la mention (( Service fourni par Funmobile Support à la clientèle : 021626.00.25 (9h-17h) ou [email protected] ». Le conseil de la S.A.R.L. Cell Cast Media a mis la SPRL Funmobile en demeure de cesser l'utilisation du signe « FUNMOBILE », ce que la SPRL Funmobile a refusé de faire. La S.A.R.L. Cell Cast Media a cité la SPRL Funmobile devant le Président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en cessation en date du 14 juillet 2006. 3 COMPETENCE 3.1 ARGUMENTS D'INCOMPETENCE DE FUNMOBILE La SPRL Funmobile soutient que le Président du tribunal de commerce siégeant en cessation n'est pas compétent en matière de contrefaçon de marque communautaire. Elle allègue en effet que I'arrêt Opel du 9 janvier 2002 de la Cour d'arbitrage est limité à la constitutionnalité du traitement différencié des atteintes à la marque Benelux selon la jurisprudence ancienne. Pour la partie défenderesse, le juge de la cessation n'intervenant pas en tant que tribunal de la marque communautaire n'est pas compétent pour la présente action en cessation, qui est en réalité une action en contrefaçon de marque. Pour la partie défenderesse, le juge de la cessation n'étant pas le tribunal de la marque communautaire, devrait tenir la marque pour valide sur base de I'article 103 du règlement 40194. Or, dans le cadre d'une action fondée sur une atteinte à la marque communautaire, cela priverait la partie défenderesse de faire valoir l'absence de validité de la marque et créerait une inégalité entre ceux qui sont attraits pour contrefaçon à la marque communautaire devant le tribunal de la marque communautaire (où il serait possible d'invoquer la nullité) et ceux qui sont attraits devant le juge de la cessation pour atteinte à la marque communautaire (où il serait impossible de faire valoir la nullité de la marque communautaire). 3.2 EXAMEN L'article 96 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques de commerce et sur l'information et la protection du consommateur (ci-après LPCC) prévoit que I'article 95 LPCC (qui confère au Président du tribunal de commerce le pouvoir de constater l'existence et d'ordonner la cessation d'un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale) « ne s'applique pas aux actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par les lois sur (.. .)les marques de produits ou de services,. .. )) Les termes de I'article 96 de la LPCC sont généraux. Ils visent tous les actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par les lois sur les marques de produits et de services. Cet article vise dès lors tant les marques Benelux que les marques communautaires. La Cour d'arbitrage, dans son arrêt du 9 janvier 2002, a dit pour droit que : (( L 'arficle96 de la loi du 14juillet 799 1.. .viole les articles 10 et 1 1 de la Constitution en ce qu'il dispose que I'article 95 de cette même loi ne s'applique pas aux actes de contrefaçon qui sont sanctionnés par les lois(. . .)les marques de produits ou de services »' Le dispositif de l'arrêt de la Cour d'arbitrage, qui déclare inconstitutionnel I'article 96 de la LPCC, est tout aussi général que le libellé de cet article. La Cour d'arbitrage, dans son arrêt du 9 janvier 2002, a considéré que les actes de contrefaçon au sens de I'article 13 A, 1, a et b constituent par définition un emploi illicite de la marque et partant un acte de concurrence déloyale. Dans sa motivation, la Cour estime qu'il est excessif de priver d'une voie de droit efficace (c'est à dire l'action en cessation) le titulaire d'une marque pour les atteintes à la marque qui attentent à l'essence même de la marque et d'obliger celui-ci à scinder son action en fonction du type d'atteinte à la marque. Le Règlement communautaire CE140194 du 20 décembre 1993 (ci-après le Règlement) comprend à I'article 9 1 a, b, c des interdictions équivalentes à celles formulées par I'article 13 A, 1 a, b et c de la Loi Benelux sur les marques (devenue, depuis le le' septembre 2006, I'article 2.20, 1 a b et c de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle ou CBPI). Le titulaire de la marque est en effet habilité à interdire à tout tiers de faire usage dans la vie des affaires: - d'un signe identique pour des produits ou des services identiques (cf. I'article 9 1 a et article 2.20 1 a.) - d'un signe similaire pour des produits identiques ou similaires, pour autant qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public (article 9 1 b et article 2.20 1 b ) - d'un signe identique ou similaire pour des produits et services qui ne sont pas similaires, lorsque la marque est renommée et que I'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice (I'article 9 1 c et 2.20 1 c ) Le Règlement ne prévoit pas l'interdiction de I'usage de la marque sans juste motif dans la vie des affaires d'un signe ressemblant autrement que pour distinguer les produits, lorsque I'usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porterait préjudice (article 2.20 1 d). La Cour d'arbitrage a sanctionné le traitement différencié des deux premiers types de contrefaçon (a et b identiques dans le Règlement et la CBPI) et du troisième type (c identique dans le Règlement et la CBPI. II ne ressort dès lors pas de l'existence d'un quatrième type d'atteinte et donc du traitement différencié des atteintes à la marque c et d par rapport aux atteintes a et b condamné par la Cour d'arbitrage que I'article 96 de la LPCC serait applicable aux seules marques communautaires. D'autant plus que, dans son deuxième paragraphe, I'article 14 du Règlement dispose que le Règlement « n'exclut pas que des actions portant sur la marque communautaire soient intentées sur la base du droit des Etats membres concernant les atteintes à une marque nationale » (et donc sur base de l'article 2.20 1 d de la CBPI) L'article 14 (1) du Règlement CE 40194 prévoit que « les atteintes à une marque communautaire sont régies par le droit national concernant les atteintes à une marque nationale conformément aux dispositions du titre X ». Parmi ces dispositions, l'article 92 précise que : (( les tribunaux des marques communautaires ont compétence exclusive : a) pour toutes les actions en contrefaçon et -si la loi nationale les admet- en menace de contrefaçon d'une marque communautaiure b) .. c) ... d) pour les demandes reconventionnelles en déchéance ou en nullité de la marque communautaire » En Belgique, le tribunal de commerce de Bruxelles (le" instance) et la Cour d'appel de Bruxelles (2ème instance) ont été désignés comme étant les tribunaux des marques communautaires. La défenderesse souhaite qu'une question préjudicielle soit posée sur la compatibilité d'une législation nationale qui prévoirait deux types de procédures pour atteinte à la marque communautaire selon l'article 9 du Règlement 40194- l'une devant le tribunal de la marque communautaire, I'autre devant un autre juge nationalavec la conséquence que l'exception d'invalidité de la marque communautaire pourrait être invoquée dons un type de procédure, mais pas dans I'autre. Cette question découle cependant de deux hypothèses en droit national, c'est-à-dire que le Président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en cessation ne serait pas le tribunal de la marque communautaire et qu'il ne serait pas compétent pour examiner une demande reconventionnelle tendant à la nullité et à la radiation d'une marque. Or le Président du tribunal de commerce de Bruxelles n'est pas << un autre juge national ». Le Président du tribunal de commerce de Bruxelles fait partie de ce tribunal, qui a été désigné comme tribunal des marques communautaires. L'action en cessation est une procédure nationale qui, suite à l'arrêt Opel, permet au Président du tribunal de commerce de Bruxelles de faire cesser les atteintes à la marque communautaire visées à l'article 9 1 a, b et c du Règlement Lorsqu'il siège en cessation d'atteintes à la marque communautaire qui sont considérées suite à l'arrêt Opel comme des actes de concurrence déloyale, il exerce donc la compétence du tribunal de la marque communautaire. L'existence en droit belge de deux types de procédure pour obtenir au fond des mesures de protection de la marque communautaire (I'action en cessation 'devant le Président du tribunal de commerce de Bruxelles et l'action ordinaire devant une chambre du tribunal de commerce de Bruxelles) est sans incidence sur l'interprétation du Règlement sur la marque communautaire. La CJCE, dans son arrêt du 27 avril 2006, a par ailleurs constaté que << l'ordre de cesser l'utilisation dudit signe (c'est-à-dire le signe contrefaisant) s'avère être une mesure qui garantit, de manière effective et efficace ces droits » L'exception d'invalidité de la marque communautaire peut être invoquée dans l'une et l'autre procédure. Le défendeur attrait devant le Président du tribunal de commerce de Bruxelles peut invoquer la nullité de la marque ou sa déchéance et en demander la radiation à titre reconventionnel II n'existe par conséquent aucune inégalité pour la partie défenderesse selon que celle-ci soit attraite devant le juge de la cessation ou devant le tribunal de commerce. 3.3 PUBLICITES ET NOM COMMERCIAL La défenderesse ne conteste pas notre compétence pour la demande en tant qu'elle est fondée sur une violation par les publicités de la défenderesse de l'article 23 LPCC. Elle ne conteste pas non plus notre compétence pour la demande en tant qu'elle tend à la protection du nom commercial. ' L'action en cessation est introduite dans les formes du référé. La mesure accordée sur base de la LPCC a un caractère exécutoire de plein droit. La compétence restrictive du Juge de la cessation ne permet par contre pas d'obtenir la réparation du préjudice ou la sanction de manquements purement contractuels, d'obtenir la production de la comptabilité ou les sommes d'argent recueillies à la suite des actes de contrefaçon. * Cour d'appel de Liège du 8 septembre 2005 RDC p 662 et SV,Cour d'appel d'Anvers du 9 février 2004 RDC p 1035 et SV,Puttemans « Les droits intellectuels en actions(s) »in P. Jadoul & A. Strowel (dir.), Les droits intellectuels :développements récents, Larcier, 2004, p 28). 4.1 IRRECEVABILITE DE LA DEMANDE FONDEE SUR LA MARQUE COMMUNAUTAIRE ? La marque communautaire a été enregistrée au nom de la demanderesse. La demanderesse établit par conséquent qu'elle est titulaire de la marque communautaire MOBIFUN Le fait que le changement de siège social de la S.A.R.L. Cell Cast Media suite à une décision du 3 février 2006 n'ait pas été transcrit dans les actes de I'OHMI est sans incidence sur la recevabilité de la demande. 2 IRRECEVABILITE DE LA DEMANDE FONDEE SUR LE NOM DE DOMAINE ? La sprl Funmobile soulève l'irrecevabilité parce que le nom de domaine « mobifun.be >>a été enregistré le 7 août 2003 par M. Vincent Labey, qui n'est pas à la présente cause, et non par la S.A.R.L. Cell Cast Media. La demanderesse ne fonde cependant pas son action sur la protection du nom de domaine mobifun.be mais sur son droit à la marque et au nom commercial. Le fait que M. Labey soit détenteur de la licence est donc sans incidence sur la recevabilité de la demande. 5 FONDEMENT 5.1 ARGUMENTS DE LA DEMANDERESSE La S.A.R.L. Cell Cast Media soutient que la SPRL Funmobile utilise << FUNMOBILE >> à titre de nom commercial et pour offrir en vente ses produits et services. Elle soutient que le signe << FUNMOBILE ,, est un signe similaire à la marque MOBIFUN et au nom commercial MOBIFUN et qu'il existe un risque de confusion. Elle allègue également que l'emploi du signe « FUNMOBILE » par la défenderesse dans ses publicités contrevient aux articles 23 1O , 2"'3",8"et 11O de la LPCC. Elle soutient dès lors que l'usage de signe (( FUNMOBILE D par la défenderesse porte atteinte à ses droits exclusifs à la marque MOBIFUN tels que visés à l'article 9 1 b) et 2 b) et d) au Règlement sur la marque communautaire, à la loi du 26 septembre 1974 approuvant le Traité d'Union de Paris et à l'article 93 de la LPCC, la violation de ces normes légales étant un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale qui porte atteinte à ses intérêts . 5.2 NOM COMMERCIAL La défenderesse soutient qu'il n'est pas établi que la demanderesse utilise « MOBIFUN )) a titre de nom commercial. L'utilisation par la demanderesse du signe MOBIFUN à titre de marque pour différencier ses produits et services de ceux de ses concurrents et à titre de nom de domaine (c'est-à-dire une adresse internet) n'établit en effet pas en soi que la défenderesse utilise également ce signe comme nom commercial3. La demanderesse n'établit pas qu'elle utilise pour s'identifier un autre terme que sa dénomination sociale CELL CAST MEDIA ». La demanderesse reste par conséquent en défaut d'établir qu'elle utilise le terme MOBIFUN comme dénomination commerciale, c'est-à-dire le nom sous lequel l'entreprise exerce son commerce et participe à la vie des affaires. 5.3 PUBLICITES La publicité de la défenderesse serait contraire à l'article 23 1",2",3",8" et 1Io de la LPCC dans la mesure où elle utilise un signe similaire au signe MOBIFUN. L'article 23 interdit la publicité susceptible de tromper le public sur les qualités d'un produit ou d'un service ( I o et 2")' sur l'identité d'un vendeur (3")' de provoquer la confusion avec un autre vendeur, un produit, un service (8") ou qui favorise un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par lequel un vendeur porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d'un ou de plusieurs vendeurs (11 O). La demanderesse ne reproche pas à la défenderesse des actes distincts et indépendants de l'usage du signe FUNMOBILE dans les publicités. Par conséquent, seule l'existence d'une contrefaçon de la marque communautaire peut enfreindre ces règles en matière de publicité et constituer une pratique contraire aux usages honnêtes en matière commerciale. 3 Dans ses conclusions de synthèse, la demanderesse au n039 p 24 indique d'ailleurs elle-même que le nom de domaine n'est qu'un signe distinguant un domaine d'un autre domaine et qu'il ne s'agit ni d'une marque ni d'un nom commercial.. . II convient dès lors d'examiner préalablement si les conditions de contrefaçon de la marque sont réunies. 5.4 MARQUE La SPRL Funmobile soulève la nullité de la marque MOBIFUN en raison d'antériorités et d'absence de distinctivité. La S.A.R.L. Cell Cast Media soutient que le Président du tribunal de commerce siégeant en cessation n'est pas compétent pour apprécier la validité de la marque MOBIFUN. 5.4.1 Compétence L'article 103 du Règlement n'est pas applicable au présent litige. Le Président du tribunal de commerce, qui est saisi d'une action en cessation d'une atteinte à la marque communautaire, n'est pas un tribunal national saisi d'une action autre que celles visées à l'article 92 (cf. supra 3.2). Il est dès lors compétent pour apprécier la validité de la marque communautaire. 5.4.2 Antériorités Les droits éventuels invoqués par la défenderesse sont des droits appartenant à des tiers à la présente procédure. La défenderesse n'établit pas qu'elle serait titulaire d'une marque antérieure lui permettant de demander l'annulation de la marque MOBIFUN. 5.4.3 Distinctivité La marque peut perdre son caractère distinctif par l'usage qui en est fait. L'enregistrement de la marque communautaire ne suffit dès lors à établir qu'elle est toujours distinctive lors de l'usage du signe litigieux. La marque MOBIFUN est composée des mots MOBl et FUN. L'article 7 51 c du Règlement définit la marque descriptive comme celle composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou I'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci. MOBl est un raccourci de mobile. Le terme mobi >> est le nouveau nom de domaine générique de premier niveau pour I'lnternet mobile. Le terme mobi permet dès lors au consommateur moyen, en l'espèce des adolescents et jeunes (c'est-à-dire des consommateurs branchés sur une culture anglophone de I'lnternet et du portable) de comprendre qu'il est en présence d'un produit ou d'un service destiné à des téléphones mobiles. Le terme MOBl indique la destination des produits et services de la demanderesse. II est des lors descriptif des produits et services offerts par la demanderesse c'est-àdire des jeux, des logos, des sonneries, des vidéos pour téléphone mobile. Le substantif anglais FUN signifie amusement et l'adjectif FUN rigolo, marrant, amusant. Les services et produits jeux, sonneries, logos, musiques, vidéos, images pour téléphones mobiles sont présentés comme amusants, rigolos, fun. C'est la qualité souhaitée par le public cible (des adolescents et des jeunes) de ces produits et services. Elle permet à ce public (c'est-à-dire des consommateurs branchés sur une culture anglophone de I'lnternet et du portable) d'établir directement et concrètement un lien avec les produits ou services visés ou leurs caractéristiques. Hostway.com qui s'occupe de l'enregistrement des noms de domaine .mobi pour I'internet mobile utilise ainsi << mobile fun >> pour les distinguer d'autres catégories de noms de domaine tels Mobile Business. Le moteur de recherche goedbegin.nl utilise << mobilefun ,, pour décrire des services similaires à ceux offerts par la demanderesse. Divers sites lnternet offrant dans l'Espace Economique Européen des produits et services similaires à ceux de la demanderesse utilisent le mot << fun >> pour décrire ces produits et services, par exemples : le site de funmobile.mobideal qui utilise les termes anglais funet mobile sur son site rédigé en français, le site funformobile qui emploie Fun For Mobile, le site de Samsung qui propose un Samsuna Fun Club offrant des sonneries, jeux, fonds d'écran, photos et vidéos à des clients néerlandophones, le site mobilefun.telstra.com qui sous la dénomination Mobile Fun Home présente des fonds d'écran, des sonneries, des jeux. Fun est donc utilisé pour qualifier ou désigner des services de divertissement qui se développent pour les téléphones mobiles. Fun est donc également descriptif des produits et des services de la demanderesse. Les termes MOBl et FUN sont par conséquent tous deux descriptits. La marque est composée exclusivement de ces deux termes descriptifs accolés. Cette juxtaposition n'est pas inhabituelle. Elle constitue une expression connue dea langue anglaise pour désigner de tels produits ou présenter leurs caractéristiques. De nombreux opérateurs utilisent ainsi les mots Mobi, Mobil ou Mobile avec le mot fun en syntagme ou néologisme (cf. les sites Various Artists Mobi Fun pour des sonneries, saunalahti.fi qui offre des sonneries, logos, jeux et vidéos sous la dénomination MobileFUN, le site mobilfun.sk qui offre également de tels services et produits sous le nom mobil fun, cf. aussi le moteur de recherche goedbegin qui utilise mobilefun pour décrire des services similaires à ceux offerts par la demanderesse) Le néologisme (mot nouveau) MOBIFUN ne << transcende >, pas l'addition des deux mots qui le compose. II ne crée pas pour le public concerné des adolescents et jeunes (c'est-à-dire des consommateurs branchés sur une culture anglophone de I'lnternet et du portable) une impression suffisamment éloignée tant au niveau de la lecture que de l'audition par rapport aux termes initiaux qui le compose. L'intérêt général exige que les signes ou indications descriptifs des caractéristiques des produits ou services puissent être librement utilisés par tous de telles sorte que les dispositions légales empêchent que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (Cour de Justice 12 février 2004 Biomild) II en résulte que, dans le cadre de l'intérêt général, MOBl et FUN servant à désigner les caractéristiques des produits et services, sans plus, doivent être laissés à la libre disposition de tous les opérateurs économiques. -.- r--.-.-. - - - - ~ - - - Après avoir développé l'absence de distinctivité de la marque de la demanderesse (p 12 à 20 de ses conclusions additionnelles et de synthèse) et conclu que la marque est nulle en raison de cette absence de distinctivité, la défenderesse n'introduit cependant pas de demande reconventionnelle en annulation et radiation de marque. Elle soutient en effet qu'une telle demande reconventionnelle ne serait pas de Notre compétence, affirmation que nous en partageons pas (cf. supra 3.2). Une telle conclusion parait dès lors incomplète puisque la défenderesse invoque I'absence de distinctivité de la marque sans en tirer les conséquences, c'est-à-dire sa nullité et radiation, sauf à soutenir que de telles conséquences ne devraient pas nécessairement résulter du constat du caractère non distinctif de la marque communautaire. Les parties n'ayant pas conclu quant aux conséquences à tirer de I'absence de distinctivité d'une marque communautaire et à notre compétence sur une demande reconventionnelle en nullité et en radiation de la marque communautaire, il y a cependant lieu à réouverture des débats. PAR CES MOTIFS Nous, Renée Rubinstein, Vice-Président au Tribunal de Commerce de Bruxelles, siégeant à l'audience publique des actions en cessation-salle des Référés, rue de la Régence, 4 à 1000 Bruxelles, en remplacement du Président légalement empêché, assistée de Hilde Van Der Poorten, Greffier adjoint délégué Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire Statuant contradictoirement Nous déclarons compétent Disons la demande recevable Avant dire droit Ordonnons la réouverture des débats en ce qui concerne les conséquences à tirer de l'absence de distinctivité d'une marque communautaire et à notre compétence sur une demande reconventionnelle en nullité et en radiation de la marque communautaire et fixons à cet effet la cause à l'audience publique du 19 février 2006 devant la chambre des actions en cessation- salle des référés- du tribunal de commerce de Bruxelles, rue de la Régence, 4 à 1000 Bruxelles à 9 heures. Réservons les dépens Ainsi jugé et prononcé en audience publique des actions en cessation du H. VAN DER POORTEN 11 -12- 2006 R. RUBINSTEIN