UN SEUL ÉTÉ - Théâtre du Grand Rond

Transcription

UN SEUL ÉTÉ - Théâtre du Grand Rond
UN
SEUL
ÉTÉ
Compagnie La Controverse
PROJETPLURIDISCIPLINAIRE
D'APRÈS
L’ÉTÉ80
DEMARGUERITEDURAS
La plage est vide comme la chambre. La jeune fille et l'enfant sont seuls.
Je les regarde en votre présence.
Vous qui connaissez l'histoire, vous sans qui je n'en dirais rien.
L’Été 80
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UNSEULÉTÉ
COMPAGNIE LACONTROVERSE
Mise en scène Jérémie Scheidler
Avec Marie Charlotte Biais & Jeanne Videau
Musique & dispositif sonore Jean-Kristoff Camps
Lumière Nicolas Villenave
Dramaturgie Arnaud Maïsetti
Images & dispositif vidéo Jérémie Scheidler
Conseil arts plastiques Léa Bismuth
CONTACT :
[email protected]
http://compagnielacontroverse.fr
[email protected]
http://jeremiescheidler.com
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Le projet est soutenu en co-production par
le CCAM—Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy
Le chantier du travail en cours est à retrouver sur le site de Jérémie Scheidler :
http://jeremiescheidler.com/article/category/labo/seulete
PRÉSENTATIONDUPROJET
L’Été 80 est un texte à part dans l’œuvre de Duras. Contrairement à la quasi-totalité
de ses écrits, le texte est né sans projet d’un livre, d’un film, ou d’une pièce de
théâtre. C’est ici à une chronique que nous avons à faire. Au projet, un peu fou,
d’écrire le monde, la vie, au jour le jour, pendant une période donnée, celle des
vacances d’été. La narratrice est dans une chambre, à Trouville, elle regarde par la
fenêtre. De là, elle voit les vacanciers, les familles, et particulièrement les colonies de
vacances. Son regard et son attention se fixent rapidement sur un point, unique,
central : un enfant. C’est un enfant qui ne parle pas, ne joue pas avec les autres, ne
participe pas aux chansons, aux baignades, à tous les rituels qui sont ceux de
l’enfance collective. C’est précisément cette étrangeté, cet écart de l’enfant qui séduit
sa jeune monitrice, et qui séduit Duras, dans sa chambre…
La mise en scène cherchera à retrouver la folie inhérente au projet d’écriture de
Duras, cette folie de l’invention d’un monde par l’écriture. Cette histoire d’amour
entre une jeune fille et un petit garçon nous sera racontée, par une seule
comédienne. Un musicien et une chanteuse créeront l’univers sonore qui nous
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plongera dans la matrice même de cette histoire, tandis que des images projetées
nous emmèneront dans la folie de la mer, propre au texte.
Comment, par une réduction du monde, en concentrant son attention sur les plus
infimes détails autour de soi, parvient-on à atteindre l’univers tout entier, comme s’il
se trouvait replié sur lui-même…
1/ LETEXTE
L’Été 80 est un recueil de dix chroniques, écrites par Duras pour le journal Libération,
et publiées à raison d’un texte par semaine. Le texte recouvre donc la période des
vacances d’été dans son entier — dix semaines écrites au jour le jour.
Donc, voici, j’écris pour Libération. Je suis sans sujet d’article. Mais peut-être n’estce pas nécessaire. Je crois que je vais écrire à propos de la pluie. Il pleut. Depuis le
quinze juin il pleut. Il faudrait écrire pour un journal comme on marche dans la rue.
On marche, on écrit, on traverse la ville, elle est traversée, elle cesse, la marche
continue, de même on traverse le temps, une date, une journée et puis elle est
traversée, cesse.
Marguerite Duras, L’Été 80, éditions de Minuit, p. 9
La situation est simple.
Duras est seule, dans une chambre de l’hôtel des Roches Noires de Trouville.
C’est là qu’elle a décidé de passer l’été.
Dans la chambre, une télévision retransmet les informations. Tous les jours Duras
achète le journal.
Depuis la chambre, elle regarde au dehors.
Par la fenêtre.
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Elle voit le monde se dérouler devant elle. La vie des vacances au bord de la mer.
Elle voit en particulier un enfant, un petit garçon.
« Six ans sans doute ».
Cet enfant n’est pas comme les autres. Il ne participe pas aux jeux des autres, son
regard est bien trop sérieux pour son âge. Il se tait. Et paraît triste. Déjà plein d’une
tristesse infinie, une tristesse de vieillard.
Duras observe longuement cet enfant.
Elle écrit.
Elle rend compte, jour après jour, de ce petit garçon à la marge, isolé,
incompréhensible. On dirait qu’il est habité d’un savoir qu’il ne peut pas dire, et qui le
rend triste — il est une manière de « poète de sept ans ».
L’autre personnage, c’est la jeune fille.
C’est une monitrice de la colonie de vacances où vit l’enfant.
Elle doit avoir dix-huit ans, peut-être vingt.
Elle remarque l’enfant, elle aussi, comme Duras, le regarde.
Elle semble fascinée par l’enfant.
À vrai dire, on dirait qu’elle est la seule, avec Duras, à regarder cet enfant. À le
regarder, non pas comme un monstre, mais peut-être comme un souvenir — l’enfant
qu’elles ont été.
Cette jeune fille tombe amoureuse de l’enfant.
Amoureuse folle.
Elle passe toutes ses journées avec lui, et lui seul. Elle lui fait des promesses, a des
rêves d’un avenir commun possible, tous les deux. Elle lui donne rendez-vous
plusieurs années plus tard, quand il aura l’âge de l’aimer, elle.
En 1980, Duras a 66 ans.
Elle a été mariée deux fois.
A un fils de 33 ans.
Mais cet été là, elle fait la rencontre de Yann Andréa, jeune homme de 28 ans qui lui
écrit son admiration depuis plusieurs années déjà.
Tout à coup, dans le texte de L’Été 80, un nouveau personnage apparaît. C’est
l’arrivée du jeune Yann qui bouleverse tout.
Soudain, la jeune monitrice, c’est elle, et Yann devient l’enfant.
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Tout à coup, la réalité se voile, on ne sait plus très bien ce qui est vrai, de l’histoire
de la jeune fille et de l’enfant. Et si Duras était en train d’écrire sa propre histoire, en
train de se faire ?
Tout à coup, le texte entier, depuis le début, était pour lui, pour ce « vous » qui surgit
dans le texte.
Je suis dans la chambre noire. Vous êtes là. Nous regardons dehors. La mer et ce
passage des deux formes lointaines de la jeune fille et de l'enfant, elles marchent le
long de la blancheur, sur la nudité, sur la plage. […] La plage est vide comme la
chambre. La jeune fille et l'enfant sont seuls. Je les regarde en votre présence. Vous
qui connaissez l'histoire, vous sans qui je n'en dirais rien.
p. 92
Bill Viola, Memoria
Ce texte, c’est une parole, vivante, singulière, criée depuis la nuit de la
solitude. C’est une solitude face à la mer, à la folie de la mer.
La mer, c’est sans doute le personnage central, centrifuge, de tout le texte.
Écrire comme on marche dans la rue.
Nous, lecteurs, spectateurs, assistons à la profération, à la naissance de cette
parole, qui nous est adressée.
Ce texte parle au théâtre, du théâtre.
La parole, comme prononcée en direct, non apprise, non répétée, trace petit à
petit un espace commun, dans lequel il s’agit de prendre sa place.
De la trouver, et de pouvoir l’occuper — ensemble.
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Seuls, mais en commun.
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2/ SENTIMENTOCÉANIQUE
/// Intentions de mise en scène
Le texte est découpé en dix parties de taille à peu près égale. Chacune est comme
un plateau, un seuil, avec sa vitesse propre.
Le spectacle, plus encore qu’il ne nous raconte une histoire, nous donne à voir un
être au monde. Duras, dans L’Été 80, construit ce que j’appelle un être de l’urgence.
Quelque chose qui entre en résonnance avec la notion de « sentiment océanique »
de Romain Rolland.
Ce sentiment d’être tout à la fois à la pointe de l’univers, à l’endroit précis de son
aboutissement, mais perdu, noyé dans l’infini, particule parmi les particules, atome
parmi les atomes qui tissent la chair du monde.
Il s'arrêta près de la fenêtre et posa son front contre le carreau. Par-dessus la tourelle,
on voyait une tache bleue. D'un bleu pâle qui lui rappelait un certain bleu qu'il avait vu
au-dessus de sa tête, une fois que, tout enfant, il était étendu sur l'herbe dans le parc
de son père, à regarder les branches de peuplier qui se balançaient lentement contre le
ciel. Apparemment, même un coin de ciel bleu suffisait à provoquer « le sentiment
océanique » [...]. Les plus grands et les plus posés des psychologues modernes avaient
reconnu comme un fait l'existence de cet état et l'avaient appelé « sentiment
océanique ». Et en vérité, la personnalité s'y dissolvait comme un grain de sel dans la
mer ; mais au même moment, l'infini de la mer semblait être contenu dans le grain de
sable. Le grain ne se localisait plus ni dans le temps ni dans l'espace. C'était un état
dans lequel la pensée perdait toute direction et se mettait à tourner en rond, comme
l'aiguille de la boussole au pôle magnétique ; et en fin de compte, elle se détachait de
son axe et voyageait librement à travers l'espace, comme un faisceau de lumière dans
la nuit ; et il semblait alors que toutes les pensées et toutes les sensations, et jusqu'à la
douleur et jusqu'à la joie, n'étaient plus que des raies spectrales du même rayon de
lumière, décomposé au prisme de la conscience.
Arthur Koestler, Le Zéro et l’infini, Calmann-Lévy, p. 270
Le sentiment océanique, c’est ici, la mer, à Trouville, dans son mouvement éternel,
son mouvement de folie, qui nous donne cette sensation étrange. Cette sensation de
se trouver en même temps que l’on se perd. Cette sensation de l’être. De l’être au
monde.
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Le spectacle devra, par son dispositif, mettre les spectateurs dans cet état, faire
ressentir ce sentiment océanique, qui est à la fois présence de soi soi-même, et
dissolution dans le tout du monde. On se reconnaît, on reconnaît que l’on existe, et
dans le même temps, on possède la certitude, le savoir de notre propre mort.
C’est un sentiment de joie intense, bien que consciente de sa finitude, le sentiment
océanique, c’est une manière extrême de se sentir vivant !
Ailleurs, dans La Vie matérielle, Duras écrit : « Je n’ai jamais été là où j’aurais été à
l’aise, j’ai toujours été à la traîne, à la recherche d’un lieu, d’un emploi du temps, je
ne me suis jamais trouvée là où je voulais être ».
Et en effet, s’il y a une urgence, c’est celle-là : de trouver un espace et un temps, où
l’on pourrait être, en adéquation avec soi. Le sentiment océanique est précisément
cette conscience qu’il y a quelque part un lieu et un temps où je sois en quelque
sorte légitime.
L’enjeu dramaturgique est exactement celui-là.
Celle qui parle, qui parle comme on marche dans la rue, se cherche un lieu où se
tenir.
Thierry de Cordier, Nordsee
C’est de là que vient l’urgence. Il faut chercher une place, un endroit où l’on pourrait
« posséder une parole dans une âme et un corps ».
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C’est là qu’est tout l’enjeu du travail : celle qui parle, qui nous parle, est celle qui se
cherche une place dans le monde. Trouver l’endroit juste, l’endroit où l’on sent que
l’on est « là où l’on doit être », c’est dans le même temps se perdre, se dissoudre
dans l’immensité d’un espace infini.
L’être de l’urgence, c’est la conscience qu’il y a toujours plus urgent, qu’on a beau
être pris dans une urgence terrible, il y a toujours autre chose, on ne saurait dire
quoi, mais autre chose qui oblige, qui dicte d’être à son rang. Par la description
attentive du réel, il s’agit de mettre à jour ce qui, sous le réel, le travaille, ce qui le
hante — et qu’il faudrait essayer de dire.
L’être de l’urgence, c’est celui qui ne renonce jamais, qui ne renonce pas à se
chercher, et à se fabriquer, une existence.
Par là même, c’est l’être tragique, par excellence.
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3/ LETHÉÂTRE
/// Actrices & dispositif multimédia
Le plateau est vide.
Nu.
Le dispositif doit atteindre une simplicité, un dénuement — minimaliste.
Le plateau, c’est la chambre des Roches Noires, mais plus généralement, c’est le
lieu de l’écriture, et de la parole.
L’espace est rempli presque exclusivement de cette parole.
C’est elle, la parole, qui fait exister l’espace, qui en délimite les contours.
Quelque part, la mer.
Le bruit de la mer.
Sans arrêt.
Des variations, des intensités différentes, mais pas d’arrêt.
La jeune femme est debout. Elle raconte. Elle prononce le texte, cette parole, seule.
Elle s’adresse à nous, toujours en lutte avec le bruit des vagues.
Elle ne s’assoit jamais.
Elle n’est pas tranquille. Littéralement, dans un état d’in-quiétude.
Son travail aura une dimension chorégraphique : elle cherche une place sur le
plateau. Là où elle doit être. C’est sa recherche. L’endroit juste, où se tenir —
debout.
Le texte, lui, s’invente devant nous : c’est une parole qui est produite, pas apprise,
pas jouée, mais produite, là, tous les soirs. Dans le mouvement de cette quête de la
place juste.
La comédienne est dans un état proche d’une urgence. Son intranquillité, face à la
mer, c’est aussi de produire une parole, avant qu’il ne soit trop tard, avant que le lieu
pour le faire n’existe plus.
Ailleurs, un musicien, en live.
Il joue avec la comédienne, et avec le texte.
Le dispositif sonore mêlera des objets, relevant de la « musique concrète », et une
partie amplifiée : instruments, haut-parleurs, machines, sons enregistrés…
Il est le monde autour de celle qui parle.
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Les souvenirs de ce qui a existé, la présence lointaine de ce qui est, derrière la
fenêtre, et qu’elle convoque à l’envi.
Mais il joue aussi un tout autre rôle.
Par ses interventions musicales, non seulement il spatialise le son, tout le son, y
compris la comédienne, mais il interagit avec ce qui est dit.
Parfois il porte la voix, à d’autres moments il l’écrase, elle doit lutter contre lui.
Parfois il souligne une zone d’intensité, une tension contenue dans le texte, à
d’autres moments il offre un contrepoint.
Le son et la musique peuplent l’espace physique et l’espace mental du spectacle.
Aussi, sur le mur du fond, des images sont projetées.
Ces images, filmées à l’avance, sont montées en live.
On y verra la mer, obsédante, omniprésente, dans ce mouvement de va-et-vient
perpétuel, cette mer « folle de folie, de chaos » (p. 91).
Mais on y verra également la jeune fille, la monitrice de colonie de vacances.
Ou plutôt, le souvenir de la jeune fille.
Son corps, lointain, comme déjà disparu, perdu.
La vidéo devra, non pas créer une illusion documentaire, ou vériste, non pas
proposer un décor de bord de mer, mais, comme un refrain entêtant, créer du
rythme.
Les images sont comme un prélude de Bach, répétitives, elles tournent autour de
quelques éléments visuels, toujours les mêmes. Elles sont le rythme même, le
battement de cette urgence qu’exprime le texte, de cette exigence absolue de
trouver un lieu.
Enfin, une autre comédienne jouera le « rôle » de la jeune fille qui est dans le texte,
la monitrice de colonie de vacances.
On la verra dans les images filmées et projetées, mais aussi sur le plateau, elle
viendra interagir avec la comédienne qui est là depuis le début.
Et avec le musicien : elle chante, joue de la musique, danse.
Elle est la présence de la fiction dans la chambre.
Elle est précisément ce qui, dans le texte, « tourne mal ».
Cette part absolue de fiction, que Duras insuffle dans le réel, au creux du réel, elle
l’incarne par sa présence énigmatique, comme rêvée.
Incarner la jeune fille, c’est aussi souligner l’absence de l’enfant.
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Parce que cet enfant est tout entier un enfant d’écriture, et parce qu’il est la mer,
l’espace, l’envers de toute parole dite, ici.
C’est le jeu entre la musique, la vidéo, le texte et le corps de la comédienne qui
construit la dramaturgie.
Une dramaturgie de la répétition, de la ritournelle. Comme les vagues, qui ne
cessent d’aller, de venir, de repartir, et de revenir.
Comme peut souvent le faire Maguy Marin, il s’agira de construire un répertoire de
postures, de gestes, de déplacements et d’attitudes de corps.
Ce répertoire, comme un langage, jouera des combinatoires, dans la répétition, pour
marquer le caractère absurde et infini de la quête d’une place où se tenir.
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4/ LECHANTIER
/// Équipe et pistes de recherches
L’équipe se compose à ce jour de :
Jérémie Scheidler : Mise en scène, vidéo & films
Marie Charlotte Biais : Interprétation
Jeanne Videau : Interprétation, chant, collaboration à la direction d’acteurs
Jean-Kristoff Camps : Musique & dispositif sonore
Nicolas Villenave : Création lumière
Arnaud Maïsetti : Collaboration à la lecture et à la dramaturgie
À quoi s’ajouterait :
Un(e) chorégraphe
Un(e) scénographe / costumier(-ière)
Quelques pistes majeures de travail de dessinent :
— Une session de tournage : images de mer, longs plans-séquences de la mer en
Normandie, travail autour des images de la jeune monitrice, enregistrement de sons
de mer, de vacanciers…
— Un chantier son / musique : quelle spatialisation pour un espace vide, quel est le
son du silence, différence et répétition : la ritournelle (avec la comédienne
chanteuse, autour de la musique d’India Song), fabrication de sons de mer
« concrets » avec des objets…
— Un chantier chorégraphique : en collaboration avec le scénographe et le créateur
lumière, chercher un répertoire de postures, de gestes, d’attitudes qui peuple
l’espace par cette quête d’une place, d’un lieu où se tenir debout.
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— Un chantier texte : avec le dramaturge et les deux comédiennes, chercher un état
d’incarnation qui rende les différentes vitesses de l’écriture, chercher à construire ces
différentes intensités dans la répétitivité même du texte, établir le texte du spectacle
par des choix, des coupes…
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5/ UNIVERSESTHÉTIQUE
/// Quelques références
Il s’agira, avec l’équipe, de construire un univers esthétique cohérent en commun.
Quelques références ou pistes de travail se présentent d’ors et déjà :
— Les films de Chantal Akerman (particulièrement La Captive et La Folie Almayer).
— Les films de Bruno Dumont (notamment Twenty Nine Palms, Flandres et Hors
Satan).
— Les vidéos de Michael Snow (Wavelenght) et de Bill Viola (Memoria, Incarnation).
— Les œuvres peintes de Zoran Music, de Gerhard Richter et de Thierry de Cordier.
— En musique : LaMonte Young, John Cage, Arvo Pärt, Morton Feldman.
— Les spectacles de Maguy Marin (notamment Salves) et de Thierry Bédard (formes
courtes comme Épilogue d’une trottoire…)
— La Correspondance entre Romain Rolland et Freud, autour du « sentiment
océanique ».
— Les textes de Rimbaud (surtout Illuminations)
— Les travaux d’Arnaud Maïsetti sur le récit (notamment sur Koltès), le théâtre, et
ses textes de fiction (Où que je sois encore…)
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6/ EXTRAITSDETEXTE
Les marées de septembre sont là. La mer est blanche, folle, folle de folie, de chaos,
elle se débat dans une nuit continue. Elle monte à l'assaut des môles, des falaises
d'argile, elle arrache, éventre les blockhaus, les sables, folle, vous voyez, folle. On
ferme les issues des maisons, on rentre les voiliers, on ferme, elle emporte, ramène,
amasse, on dort sur sa litière, le tonnerre de ses fonds, ses cris, la longue plainte de
sa démence. Au matin toujours elle se calme. Et puis toujours, oui, aussitôt le vent
de la nuit, voici, elle recommence, oui, aussitôt la nuit, se déchaîne encore et encore.
Je suis dans la chambre noire. Vous êtes là. Nous regardons dehors. La mer et ce
passage des deux formes lointaines de la jeune fille et de l'enfant, elles marchent le
long de la blancheur, sur la nudité, sur la plage. Elles ne se rapprochent pas, elles ne
se parlent pas. Il n'y a pas de vent, il ne vient que la nuit avec le changement de la
marée. Nous sommes enfermés dans l'espace de la mer, avec sa folie. Elle ne veut
pas franchir cette ligne des équinoxes, cette égalité entre jour et nuit. Cet angle
astral, elle ne veut pas, cette règle du ciel, cette loi, elle ne veut pas, ce soleil
équateur, chaque fois elle se déchaîne, emportée par le happement de sa propre
puissance, le soulèvement de ses eaux vers les origines du monde, elle crie. La
plage est vide comme la chambre. La jeune fille et l'enfant sont seuls. Je les regarde
en votre présence. Vous qui connaissez l'histoire, vous sans qui je n'en dirais rien.
[page 91]
Le seul mouvement sur les hectares de sable, les colonies de vacances. […] De
temps en temps les moniteurs les lâchent sur la plage, cela afin de ne pas devenir
fous. Ils arrivent en criant, ils traversent la pluie, ils courent le long de la mer, ils
hurlent de joie, ils se battent avec le sable mouillé. Au bout d’une heure ils sont
inutilisables, alors on les rentre, on les fait chanter Les lauriers sont coupés. Sauf un,
un qui regarde. Tu ne cours pas ? Il dit non. Bon. Il regarde les autres chanter. On lui
demande : tu ne chantes pas ? Il dit non. Puis il se tait. Il pleure. On lui demande :
pourquoi tu pleures ? Il dit que s’il le disait on ne comprendrait pas ce qu’il dirait, que
ce n’est pas la peine qu’il le dise. […] Il pleut sur le granit noir et sur la mer et il n’y a
personne pour voir. Sauf l’enfant. Et moi qui le vois. […] Il pleut sur les arbres, sur les
troènes en fleurs partout, jusqu’à Southampton, Glasgow, Edimbourg, Dublin, ces
mots, pluie et vent froid. On voudrait que tout fût de cet infini de la mer et de l’enfant
qui pleure. Les mouettes sont tournées vers le large, plumage lissé par le vent fort.
Restent ainsi posées sur le sable, si elles volaient contre, le vent casserait leurs
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ailes. Fondues à la tempête, elles guettent la désorientation de la pluie. Toujours cet
enfant seul qui ne court ni ne chante, qui pleure. On lui dit : tu ne dors pas ? Il dit non
et que la mer est haute en ce moment et que le vent est plus fort et qu’il l’entend à
travers les toiles. Puis il se tait. Serait-il malheureux ici ? Il ne répond pas, il fait un
signe d’on ne sait quoi, comme celui d’une légère douleur, d’une ignorance dont il
s’excuserait, il sourit aussi peut-être. Et tout à coup on voit. On ne le questionne plus.
On recule. On le laisse. On voit. On voit que la splendeur de la mer est là, là aussi, là
dans les yeux, dans les yeux de l’enfant.
[pages 9-13]
7/ PRÉSENTATIONDELACOMPAGNIE
La compagnie La Controverse est un collectif qui a été créé en janvier 2009.
Elle a pour but de développer les échanges, de provoquer les rencontres, elle est
un lieu de métissage.
Les artistes invités à travailler en son sein s’emparent de sa structure, et travaillent
collectivement à la conception et à la construction de projets de nature
pluridisciplinaire et tournés vers les écritures contemporaines.
/// Spectacles crées par la Compagnie
— Extermination du peuple de Werner Schwab. Jeune Théâtre National. 1999.
— Carmelle etc… de Vincent Macaigne, Léo Pajon et Balthazar Voronkoff.
Coproduction : Compagnie des Zonzons - Théâtre le Guignol de Lyon ; association
Et Qui Libre – Marionnettissimo ; ODDC des Côtes d’Armor ; Théâtre du Chaudron ;
La Petite Roulotte – festival de la marionnette de Grenoble.
Avec le soutien de l’Espace Périphérique
et du Théâtre de la Marionnette de Paris.
Avec l’aide de la DRAC Île-de-France et de l’ARCADI. 2005-2009.
— Angles mortS de Barbara Robert. Co-producteurs : Scène Nationale de
Vandœuvre-lès-Nancy « CCAM », Centre Dramatique National de création « Théâtre
Ouvert », Théâtre des Bambous de Saint Benoît de la Réunion, Compagnie La
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Controverse.
Partenariats : l’association « La Petite Roulotte », l’Espace périphérique, le Théâtre
du Chaudron, le festival Marionnettissimo, la Scène conventionnée Marionnette
« TGP » de Frouard, le Centre Culturel Athéna d’Auray, le Centre Dramatique de
l’Océan Indien.
Avec le soutien : des Directions Régionales des Affaires Culturelles d’Ile-de-France
et de La Réunion, le Fonds d’Aide aux Echanges Artistiques et Culturels du Ministère
chargé de l’Outre Mer (FEAC), la SPEDIDAM, l’aide à la maquette Dicréam et l’aide
d’Arcadi dans le cadre des plateaux solidaires.
8/ BIOGRAPHIES
JÉRÉMIESCHEIDLER
Né en 1983, Jérémie Scheidler est titulaire d’un DEA de Philosophie, spécialité
Esthétique. Ses recherches ont porté sur les rapports entre fiction et documentaire
dans le cinéma français des années 60 et 70 (Jean-Luc Godard, Alain Resnais, Chris
Marker…).
Il a réalisé plusieurs courts-métrages, dont A propos de Léa, primé au festival
Certains l’Aiment Court de Lyon en 2010. Il développe en parallèle un projet sur
internet, Hypermnésie, un ciné-journal. (http://hypermnesie.net)
Membre de la direction artistique de La Controverse, collectif pluridisciplinaire,
il collabore à divers spectacle comme vidéaste, et mettra en scène le prochain
spectacle de la compagnie en 2013. En Novembre 2011, il a été accueilli en
résidence de création multimédia par la DRAC Réunion.
Ses recherches, comme sa pratique artistique, se situent dans la zone de
rencontre entre poétique et politique, entre art plastique et documentaire.
/// Projets en cours
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- Itinérances, magazine (10x12), La Petite Prod, en co-production avec Télénantes et
le GIE Grand Ouest, avec le soutien du CNC, saison 2011-2012.
- Hypermnesie.net, un ciné-journal, depuis mars 2011 : 5 extraits du journal sont
selectionnés en Avril 2012 dans le festival Cinéma & Autobiographie à Olonne-surmer.
- Au miroir, documentaire de création, production La Petite Prod
- Angles mortS, La Controverse, spectacle pluridisciplinaire (théâtre, vidéo,
marionnette) m.e.s. Marie Charlotte Biais, coproduction Théâtre Ouvert, Centre
National des Dramaturgies Contemporaines, CCAM-scène nationale de Vandœuvre,
Théâtre des Bambous (La Réunion) ; avec le soutien des DRAC Ile-de-France et
Réunion, du FEAC, de l’ARCADI, de la SPEDIDAM et du DiCRéAM.
- La Tentacion, m.e.s. Nicolas Fagart, d’après La Tentation de Saint Antoine de
Flaubert, co-production Les Compagnons de Pierre Ménard, Office Artistique de la
Région Aquitaine.
- D’un Pays lointain, performance vidéo et textes avec l’atelier d’écriture d’Arnaud
Maïsetti, à Béton Salon, centre d’art et de recherches.
/// Théâtre / Vidéo
2012-2013 : Belgrade, d’Angelica Liddell, m.e.s. Julien Fišera : création & dispositif
video.
La Tentacion, m.e.s. Nicolas Fagart, création et dispositif video.
2011-2012 : Angles mortS, m.e.s. Marie Charlotte Biais, création et dispositif video.
2008 : Lettre ouverte aux fanatiques, de Raphaël-Karim Djavani, m.e.s. Olivier
Coyette, Théâtre de Poche, Bruxelles
/// Films réalisés
2011 : Au Miroir # 1, documentaire, 10 min, production La Petite Prod, seléctionné au
Festival Signes de Nuit, Paris, Octobre 2011.
2010 : A propos de Léa, documentaire, 3 min, récompensé au Festival C.L.A.C. de
Lyon.
2009 : Portrait d’une courtisane, 11 min, documentaire de création, HDV
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L’Œil ligoté, 13 min, vidéo-performance, HDV, textes, présenté à la Biennale
Internationale des Poètes en Val-de-Marne, Collectif Persona
2007 : A quatre heures du matin, l’été…, 26 minutes, fiction, HDV, pré-sélectionné au
Festival International de Film Court de Clermont-Ferrand
2005 : En pure perte, 67 minutes, fiction, HDV
MARIECHARLOTTEBIAIS
Après une formation dans les Arts Appliqués puis aux Beaux-Arts, elle intègre en
1997 le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (élève de P. Adrien, S.
Seide, J. Lassale). De 2000 à aujourd’hui, elle travaille en tant que comédienne sous
la direction de T. Collet, J. Jouanneau, T. Bédard, A. Timar, E. Da Silva (...), ainsi
qu’avec ses camarades B. Blairet, O. Coyette, M. Lainé, L. Pajon, H. Tillette de
Clermont-Tonnerre, D. Lamand, essentiellement sur des écritures contemporaines et
de jeunes auteurs. En 2002, elle pilote une création collective sur Extermination du
peuple de W. Schwab (avec J. Videau, V. Macaigne...), en 2003 elle répond à une
commande de mise en scène de Bonheur d’Olivier Coyette. Elle s’initie parallèlement
à l’art de la marionnette. En 2005, elle crée Carmelle ou la déraison d’être, texte de
Vincent Macaigne, puis Fidel ou la nécéssité du divertissement, texte de Léo Pajon
en 2007, et Ixelle ou la répudiation des continences, texte de Balthazar Voronkoff en
2008, et forme ainsi le triptyque Carmelle etc... au sein de la compagnie La
Controverse. En 2011, elle met en scène Angles mortS, sur des textes de Barbara
Robert, spectacle pluridisciplinaire co-produit par le CCAM – Scène Nationale de
Vandœuvre-lès-Nancy, et Théâtre Ouvert, Centre Dramatique National de Création.
JEANNEVIDEAU
En 1996,elle intègre le théâtre ECOLE du passage à Paris (dir. N. Arestrup et A. Del
Pérugia.). Puis elle réside deux ans au sein de l’association REGARD ET
MOUVEMENT (dir. A. Del Pérugia.) où elle travaille la marionnette et l’accordéon.
En 2001, elle co-fonde LA MERE GIGOGNE ET CIE (Spectacles tout public : “Ya Léo
et Ya les bas”, “le Mariage Forcé ” de Molière, “Va Savoir”). Parallèlement, elle
participe à diverses créations avec d’autres compagnies dont “Extermination du
peuple” de W. Schwab avec MC Biais et la cie co-incidence.
En 2005, Chloé Lacan lui présente le conteur Frédéric Naud. Dès lors une
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collaboration à trois naît : Elle accompagne le conteur à l’accordéon et au chant sur
sur le spectacle Le grand merdier, puis sur sa trilogie théopolitaine. ( puis l'idiot
sublime/Mourty).
La même année elle crée avec MC Biais “Carmelle ou la déraison d’être”, texte de V.
Macaigne, puis deux autres volets qui constitueront en 2008 le triptyque " Carmelle
etc…".
En 2009 elle co-fonde avec MC Biais la compagnie La Controverse. Le projet
ANGLES-MORTS voit le jours en 2011.
En 2011, elle crée Rouge avec les Chiennes Nationales.
Parallèlement, elle se forme au chant avec Michelle Zini et continue à se former à
l'accordéon sous forme de stages (Jean-Luc Amestoy, Marc Perrone, Richard
Posselt).
Elle poursuit l'équitation de façon soutenue.
JEAN-KRISTOFFCAMPS
Musicien (compositeur, improvisateur et performer/bonimenteur) du « labyrinthe
sonore à entrées multiples » qu’est le duo Kristoff K.Roll.
Acousmatique, improvisations électroacoustiques et théâtre sonore sont ses
préoccupations musicales, avec la parole, l’espace et l’objet comme axes d’écriture.
Il expérimente la diffusion sonore hors salle et hors concert, de l’écoute intime au
casque, au "mur parlant", en passant par les archipels de haut-parleurs, chaque
proposition explorant son mode de diffusion, dans son lieu de réception.
Avec Kristoff K.Roll, Il joue régulièrement en France et à l’étranger (Belgique,
Hollande, Danemark, Allemagne, Pologne, Autriche, Suisse, Québec, USA,…), en
duo ou avec des musiciens, des poètes, des danseurs de la scène improvisée. Ils
animent des workshops ou stages, et ont sorti plusieurs disques remarqués,
régulièrement diffusés sur les ondes nationales (radio France, radio Canada …).
Par ailleurs, il a compose pour le cinéma (Karim Dridi, Frédéric Choffat), la radio
(avec Corinne Frottier pour la NDR en Allemagne), le théâtre (théâtre de Paille, Làbas théâtre, l’Hyménée), la marionnette (théâtre de Mathieu), le cirque (Cie Les frères
Kazamaroffs).
Membre du comité de rédaction de « Revue & Corrigée »
Anime régulièrement des émissions de radio
Participe à l’organisation du festival international « Sonorités – du texte au son » à
Montpellier.
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ARNAUDMAÏSETTI
— Naissance en 1983, à Speyer (RFA). Enfance à Arras ; déménagée entre Verdun,
Compiègne, Senlis, Thionville ; adolescence sage et silencieuse, violence extrême
des autres, sans recours. J. Verne, Maupassant, Nerval, Radiguet, Breton.
— En 2004, fonde avec Jérémie Scheidler une revue, Ecuador.
— En 2008, parution de « Où que je sois encore…, dans la collection Déplacements
du Seuil, collection dirigée par François Bon.
— Eté 2008 : reçu à l’Agrégation de Lettres Modernes.
— Automne 2008 : écriture, sur proposition de Jérémy Liron, d’un texte, La Mancha,
à partir un travail photographique du plasticien.
— Mars 2009 : publication, aux éditions de La Nuit Myrtide de Dimitri Vazemsky (et
proposé conjointement aux éditions numériques publie.net).
— Septembre 2009 : allocataire-moniteur à Paris VII — thèse sur le récit dans
l’œuvre de B.-M. Koltès : écriture du récit, et récits de l’histoire.
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