tribunal de grande instance de nanterre - actuEL-CE
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tribunal de grande instance de nanterre - actuEL-CE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE RÉFÉRÉS ORDONNANCE rendue le 16 novembre 2016 N°R.G. : 16/02604 N° : DEMANDERESSE COMITÉ D’HYGIÈNE DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE L’UNITE ECONOMIQUE ET SOCIALE CANAL PLUS, c/ S.A. D’EDITION DE CANAL PLUS S.A. GROUPE CANAL PLUS SAS CANAL + RÉGIE SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION SNC D’EXPLOITATION D’UN SERVICE D’INFORMATION ( I-TELE) SAS STUDIOCANAL SAS MULTITHEMATIQUES SAS D8 SAS D17 COMITÉ D’HYGIÈNE DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE L’UNITE ECONOMIQUE ET SOCIALE CANAL PLUS pris en la personne de Madame Marie-Pierre DE BANTEL, secrétaire du CHSCT, domiciliée en cette qualité audit siége et habilitée aux fins des présentes en vertu d’une décision du CHSCT du 11 octobre 2016 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX représentée par Maître Mikaël KLEIN de la SCP LBBA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0469 DÉFENDERESSES S.A D’EDITION DE CANAL PLUS société anonyme au capital de 95.018.076 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 329 211 734, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92863 ISSY LES MOULINEAUX S.A. GROUPE CANAL + société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 100.000.000 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 420 624 777, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 Place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS D8 FILMS SAS D8 PRODUCTION SAS STUDIO BAGEL PRODUCTIONS SAS CANAL + RÉGIE société par actions simplifiée à associé unique au capital de 4.037.500 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 414 949 172, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SNC NULLE PART AILLEURS PRODUCTION société en nom collectif au capital de 52.200 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 402 950 943, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX 1 SNC D’EXPLOITATION D’UN SERVICE D’INFORMATION ( I-TELE) société en nom collectif au capital de 7.500 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 412 916 215, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS STUDIOCANAL société par actions simplifiée au capital de 120.000.000 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 056 801 293, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée1 Place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS MULTITHEMATIQUES société par actions simplifiée à associé unique au capital de 83.340.983 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 402 314 140, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS D8 société par actions simplifiée au capital de 10.000 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 444 564 793, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 Place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS D17 société par actions simplifiée au capital de 10.000 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 384 939 484, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS D8 FILMS société par actions simplifiée à associé unique au capital de 9.999.536 immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 438 114 746, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS D8 PRODUCTION société par actions simplifiée à associé unique au capital de 5.000 euros, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 532 643 673, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX SAS STUDIO BAGEL PRODUCTIONS société par actions simplifiée au capital de 1.300 euros immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 799 260 971, prise en la personne de son représentant légal, domiciliée 1 place du Spectacle 92130 ISSY LES MOULINEAUX 2 représentées par Maître Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 PARTIE INTERVENANTE C OMI TÉ D ’ E N T R E P R I S E D E L ’ U N I T É ECONOMIQUE ET SOCIALE CANAL+ pris en la personne de Madame Gabrielle ROTH, secrétaire du CE, habilitée aux fins des présentes en vertu d’une décision du CE du 27 octobre 2016, domicilié en cette qualité audit siège 1 place du spectacle92130 ISSY LES MOULINEAUX représentée par Maître Mikaël KLEIN de la SCP LBBA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0469 COMPOSITION DE LA JURIDICTION Président : Karima ZOUAOUI, 1ère Vice-Présidente adjointe, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal Greffier : Julie BOUCHARD Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats. Nous, Karima ZOUAOUI, 1ère Vice-Présidente adjointe , après avoir entendu les conseils des parties, à l’audience du 2 novembre 2016, avons mis l'affaire en délibéré à ce jour; L'Unité économique et sociale Canal Plus (UES Canal Plus) est composée des sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, de la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, des sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions pour un effectif total de 3.500 salariés et a pour objet la production audiovisuelle et la diffusion d'information. Par note confidentielle d’information en vue de la consultation du comité d’entreprise, en date du 22 septembre remise au comité d’entreprise en vue de sa réunion extraordinaire du 26 septembre 2016, l’UES Canal Plus a présenté le projet de “News Factory” soit usine à informations, destinée à rapprocher l’ensemble des activités liées aux “news” notamment, la production, le traitement, la diffusion et la valorisation de l’information. Par ordonnance en date du 20 octobre 2016, le Président du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé le CHSCT de l'UES Canal Plus à assigner pour l'audience du 02 novembre 2016 devant le juge des référés les sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, les sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions. 3 Par acte d'huissier en date du 21 octobre 2016, le CHSCT de l'UES Canal Plus a fait assigner devant le juge des référés les sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, les sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions aux fins de voir, au visa de l'article 809 du code de procédure civile et des articles L 4612-8, L 4612-8-1, R 4614-5-2, R 4614-5-3 et L 4742-1 du code du travail : -constater que le CHSCT de l'UES Canal Plus n'a pas bénéficié d'un délai maximal de trois mois moins sept jours à compter de la remise au comité d'entreprise des documents d'information sur le projet de création d’une “News Factory” et des déménagements consécutifs; -constater en conséquence l'irrégularité de la consultation du CHSCT sur ce projet de création d’une “News Factory” et des déménagements consécutifs; -constater qu'une entrave au fonctionnement du CHSCT de l'UES Canal Plus a été commise lors de la mise en œuvre anticipée du projet de création d’une “News Factory”. En conséquence, il sollicite du juge des référés qu'il enjoigne à l'UES Canal Plus de régulariser la procédure de consultation du CHSCT sur ce projet de création d’une “News Factory” et des déménagements consécutifs et qu'il suspende la mise en œuvre de ce projet tant que la procédure de consultation n'est pas menée à son terme sous astreinte de 10.000 € par jour et par infraction constatée à compter de la notification de la décision à venir, en se réservant la liquidation de l'astreinte. En outre, il sollicite la condamnation solidaire des sociétés de l'UES Canal Plus à lui payer la somme provisionnelle de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'entrave à son fonctionnement, outre leur condamnation solidaire à prendre en charge les honoraires de son conseil ainsi que les dépens d'instance. Par conclusions déposées à l'audience du 02 novembre 2016, le comité d'entreprise de l'UES Canal Plus est intervenu volontairement pour solliciter du juge des référés de voir, au visa de l'article 809 du code de procédure civile et des articles L 2323-3, L 2323-46, R 2323-1 et R 2323-1-1 du code du travail : - déclarer recevable son intervention volontaire, - constater que le CE du l'UES Canal Plus n'a pas bénéficié d'un délai maximal de trois mois à compter de la remise des documents d'information sur le projet de création d’une “News Factory” pour rendre un premier avis sur ce projet et que la seconde phase de consultation, à laquelle l'UES Canal Plus s'était engagée, n'a pas été mise en œuvre; - constater en conséquence l'irrégularité de la consultation du comité d’entreprise sur ce projet de création d’une “News Factory”; - constater qu'une entrave au fonctionnement du comité d’entreprise de l'UES Canal Plus a été commise lors de la mise en œuvre anticipée du projet de création d’une “News Factory”. En conséquence, il sollicite du juge des référés qu'il enjoigne à l'UES Canal Plus de régulariser la procédure de consultation du comité d’entreprise sur ce projet de création d’une “News Factory” en portant à son terme la première phase de consultation puis en mettant en œuvre la seconde phase de consultation et qu'il suspende la mise en œuvre de ce projet tant que la procédure de consultation n'est pas menée à son terme sous astreinte de 10.000 € par jour et par infraction constatée à compter de la notification de la décision à venir, en se réservant la liquidation de l'astreinte. En outre, il sollicite la condamnation solidaire des sociétés de l'UES Canal Plus à lui payer la somme provisionnelle de 1.000 € à titre de dommages-intérêts en raison de l'entrave à son fonctionnement, outre leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700du code de procédure civile ainsi que les dépens d'instance. A l'appui de leurs demandes, le CHSCT et le comité d’entreprise font valoir que ces consultations irrégulières et la mise en oeuvre du projet de création d’une “News Factory” constituent un trouble 4 manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser, l’UES Canal Plus ayant engagé les déménagements dés le 18 octobre, soit, avant que le CHSCT émette son avis. Les sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, les sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions, soit l'Unité économique et sociale Canal Plus, ont conclu à l'irrecevabilité des demandes du comité d’entreprise et à l'absence de trouble manifestement illicite. En défense, elles demandent au juge des référés : -de déclarer irrecevable l'intervention du comité d’entreprise pour nullité du mandat accordé à la secrétaire de ce comité pour défaut d’inscription à l’ordre du jour, pour défaut d’intérêt à agir, pour dépassement du mandat, pour défaut de mandat spécial et irrégularité de l’intervention volontaire revêtant un caractère principal et non accessoire; -de constater que les relocalisations réalisées au sein de l'immeuble Arcs de Seine ne constituent pas une décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail justifiant la consultation sur le fondement de l'article L 4612-8-1 du code du travail et constatant que la procédure d'information/consultation mise en œuvre par la direction l'a été, en dehors de toute contrainte légale, sur le fondement de l'article L 4612-13 du code du travail, -de constater que ces relocalisations étaient dissociées de la concrétisation d’une “News Factory”, qui, en lui-même, n'emportait aucune modification des conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et qu'aucun projet opérationnel concrétisant ledit concept n'étant conçu, la consultation du CHSCT sur les relocalisations, à supposer qu'elle fut requise, n'était nullement conditionnée à la présentation d'un projet “News Factory” inexistant; -de constater qu’à supposer que la consultation sur les relocalisations fut requise, le CHSCT, dont aucune question relative à l'objet de la consultation serait restée sans réponse, a disposé, pour émettre son avis, du délai prévu par l'article R 4614-4-3 du code du travail et que son refus d'émettre les avis matérialise un avis négatif. En conséquence, elles sollicitent du juge des référés qu'il dise que le CHSCT ne démontre aucunement qu'il existerait un trouble manifestement illicite et de le débouter de toutes ses demandes. A titre subsidiaire, si l'intervention du comité d’entreprise et ses demandes sont jugées recevables, elles demandent au juge de référés de constater qu'elle ne sont pas fondées et de condamner le comité d’entreprise à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Pour un exposé plus détaillé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la recevabilité de l'intervention volontaire du comité d'entreprise En application de l’article L 2323-46 du code du travail, le comité d’entreprise est informé et consulté, en cas de problème ponctuel intéressant les conditions de travail, résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. A cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l’employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce comité lui sont transmis. Il résulte de ce texte que, lorsqu’il est consulté sur des problèmes ponctuels d’organisation du travail, 5 le comité d’entreprise doit disposer de l’avis du CHSCT et qu’il est donc recevable à invoquer, dans le cadre de sa propre consultation, l’irrégularité de la procédure de consultation préalable du CHSCT. L'UES Canal Plus conclut à l’irrecevabilité de l'intervention volontaire du comité d’entreprise à la présente instance pour nullité du mandat accordé à sa secrétaire de comité due au défaut d’inscription à l’ordre du jour, pour défaut d’intérêt à agir, pour dépassement du mandat, pour défaut de mandat spécial et irrégularité de l’intervention volontaire revêtant un caractère principal et non accessoire. L'article L 2325-15 du Code du travail dispose que l'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise (ou du comité d'établissement) est arrêté par l'employeur et le secrétaire et que lorsque sont en cause des consultations rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire ou par un accord collectif du travail, elles y sont inscrites de plein droit par l'employeur ou le secrétaire. Il résulte des pièces versées aux débats que : -lors de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise du 29 septembre 2016 avec, comme unique point à l’ordre du jour, l’information en vue de la consultation sur le projet “News Factory”, l’arrivée des salariés de Direct Matin dans les locaux Arcs de Seine a été évoquée ainsi que le déménagement des équipes I-Télé dans le cadre du projet de création de la “News Factory” et que les élus ont suspendu à l’unanimité la réunion au vu du manque d’informations et de réponses apportées aux questions posées sur le projet de création de “News Factory”; -lors d’une réunion extraordinaire en date du 27 octobre 2016, l’ordre du jour comportait deux points : la poursuite de l’information en vue de la consultation sur le projet “News Factory” et l’information sur le projet éditorial d’I-Télé, notamment avec l’arrivée de Jean-Marc Morandini et ses impacts économiques et sociaux; -que lors de cette réunion, le comité d’entreprise a voté à l’unanimité, avec la précision suivante “délibération lue en entrée du point “poursuite de l’information en vue de la consultation sur le projet News Factory”, le mandatement de sa secrétaire afin qu’elle intervienne volontairement, au nom et pour le compte du comité d’entreprise dans le cadre de la procédure engagée par le CHSCT, en formulant des demandes identiques à celles de ce dernier et l’a également mandaté pour faire constater et sanctionner au fond, au civil comme au pénal, par les juridictions compétentes l’entrave portée au fonctionnement régulier du comité d’entreprise. Il ressort de cette délibération du 27 octobre 2016 que: -le comité d’entreprise indique avoir été informé par la direction de l’UES, en vue de sa consultation ultérieure au sujet du projet de création de la “News Factory,” qui implique, notamment, l’installation des équipes de Direct Matin et de certaines équipes de Dailymotion dans les locaux de Canal Plus à Arcs de Seine dans la perspective d’un futur partenariat ; -le comité d’entreprise a relevé que ce même projet et en particulier les déménagements de personnel de Canal Plus et notamment d’I-télé, font l’objet d’une information CHSCT en vue de sa consultation ultérieure depuis le 29 septembre dernier, -qu’il a constaté que le CHSCT n’avait pas encore rendu d’avis au sujet de ce même projet et a relevé que des travaux nécessaires à la mise en oeuvre des déménagements entraînés par la création de la “News Factory” ont débuté dès le 18 octobre et que les premiers déménagements des salariés d’I-Télé ont été mis en oeuvre sans même que les salariés en soient informés, dés le 22 octobre, -qu’il a indiqué que l’entrave au comité d’entreprise et au CHSCT est manifeste et que le CHSCT a d’ores et déjà saisi en référé le tribunal de grande instance de Nanterre pour solliciter la suspension de toute mise en oeuvre du projet “News Factory” et la constatation et la sanction provisionnelle de l’entrave portée à son fonctionnement régulier. 6 Cette délibération portant mandat d’intervenir à une procédure judiciaire ayant été votée sans qu’elle ait été préalablement inscrite à l’ordre du jour de cette réunion extraordinaire du 27 octobre 2016 et ne pouvant s’analyser comme un point de l’ordre du jour faisant partie intégrante du point “poursuite de l’information en vue de la consultation sur le projet “News Factory”, il convient de constater son irrégularité. En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par les parties, l’intervention volontaire du comité d’entreprise de l’UES Canal Plus doit être déclarée irrecevable. Sur le trouble manifestement illicite Selon l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. Les articles L 4612-8 et suivants du code du travail énumèrent les cas de consultation obligatoire du CHSCT. En application de l'article L 4612-8-1 du code du travail, le CHSCT est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, notamment avant toute modification des cadences ou les normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. L’article L 4612-13 du même code précise qu’indépendamment des consultations obligatoires, le CHSCT se prononce sur toute question de sa compétence dont il est saisi par l’employeur. L'article L 4614-9 du code du travail dispose que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions, ainsi que les moyens nécessaires à la préparation et à l'organisation des réunions et aux déplacements imposés par les enquêtes ou inspections. En application de l’article 1354 du code civil, la preuve de l’existence d’un projet important incombe à celui qui l’allègue et il appartient à l'employeur qui en conteste le caractère important de démontrer que le projet litigieux n'est pas un projet important. En l’espèce, le CHSCT fait grief à l’UES Canal Plus d’avoir engagé les travaux d’aménagement avant qu’il puisse émettre un avis sur le projet de création d’une “News Factory” qu’il qualifie d’important, objet de son information/consultation, dans les délais légaux. L’UES Canal Plus fait valoir que les relocalisations réalisées au sein de l'immeuble Arcs de Seine ne constituent pas une décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail justifiant la consultation sur le fondement de l'article L 4612-8-1 du code du travail et que la procédure d'information/consultation mise en œuvre par la direction l'a été, en dehors de toute contrainte légale, sur le fondement de l'article L 4612-13 du code du travail et sans lien avec la concrétisation du projet de création “News Factory”, qui, en lui-même, n'emportait aucune modification des conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. 7 L’UES Canal Plus conteste que les points inscrits à l’ordre du jour de la réunion du CHSCT du 29 septembre 2016 à titre d’information en vue de sa consultation puis inscrits à l’ordre du jour de la réunion du CHSCT du 11 octobre pour consultation, constituent un projet important au sens de l’article L 4612-8-1 du code du travail. L’UES Canal Plus précise qu'aucun projet opérationnel concrétisant ledit concept n'étant conçu, la consultation du CHSCT sur les relocalisations, à supposer qu'elle fut requise, n'était nullement conditionnée à la présentation d'un projet “News Factory” inexistant. Le 11 octobre 2016, les membres du CHSCT ont voté la délibération suivante: « A l’occasion de la réunion du 29 septembre dernier, le CHSCT a été informé du projet de création de la “News Factory”, qui implique l’installation des équipes de Direct Matin et de certaines équipes de Dailymotion à Arcs de Seine. Ce même projet fait l’objet d’une information du comité d’entreprise en vue de sa consultation ultérieure depuis le 26 septembre dernier. Dans ces conditions, conformément aux dispositions des articles R 2323-1-1 et R 4614-5-3 du code du travail, le Comité d’entreprise dispose d’un délai de 3 mois pour rendre son avis sur ce projet et le CHSCT doit transmettre son avis au plus tard 7 jours avant l’expiration de ce même délai de 3 mois. Le CHSCT entend pleinement mettre à profit ce délai dès lors qu’à ce stade la plupart de ses questions sur les conséquences du projet “News Factory” sur l’organisation du travail des salariés d’Arcs de Seine restent sans réponse. Le CHSCT considère par ailleurs qu’il est en présence d’un projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité et de travail des salariés qu’il représente et décide donc d’avoir recours à l’assistance d’un expert sur le fondement de l’article L 4614-12 du code du travail. A cette fin, le CHSCT désignera plus tard, d’ici une semaine, un cabinet d’expertise agréé. Le CHSCT mandate par ailleurs sa secrétaire aux fins d’assurer la bonne mise en oeuvre de cette expertise et de saisir la juridiction compétente si cette mise en oeuvre était entravée par la direction. De même, pour le cas où la direction déciderait de commencer à mettre en oeuvre son projet de “News Factory” et notamment les travaux et déménagements envisagés, le CHSCT mandate d’ores et déjà sa secrétaire afin qu’elle puisse saisir les juridictions compétentes de demandes visant à ce qu’il soit ordonné à Canal Plus de suspendre cette mise en oeuvre jusqu’à ce que la consultation du CHSCT soit régulièrement achevée et à faire constater et sanctionner l’entrave portée au fonctionnement régulier du CHSCT”. Des débats à l'audience et des pièces versées aux débats et plus particulièrement du projet de procèsverbal de réunion du CHSCT du 29 septembre 2016, il ressort que les projets d’emménagement des équipes de Direct Matin et de certains collaborateurs de Dailymotion au 3 ieme étage du site Arcs de Seine ainsi que les projets de déménagement des équipes I-Télé du 3 ieme au 2 ieme étage, de réaménagement des équipes RH et D8 au 4 ieme étage et des équipes de direction Achats au 8 ieme étage, ne sont pas simplement des opérations de rationalisation des locaux avec prise à bail en sous location pour les entités juridiques distinctes mais s’inscrivent dans le cadre d’un projet global de création d’une “News Factory”, tel que cela ressort des déclarations de la présidente du CHSCT qui indique même que “l’aspect le plus important de ce projet de “News Factory” tient dans le déménagement de l’ensemble des équipes de Direct Matin au 3 ieme étage des locaux du site Arcs de Seine. En outre, il ressort des conclusions de l’UES Canal Plus qu’ils en constituent “une étape préalable, une éventuelle condition et non une conséquence ou une déclinaison” et qu’à supposer que ce projet de News Factory prenne un jour une forme concrète, les relocalisations sont une simple mesure préparatoire. L’UES Canal PLUS ne saurait en conséquence prétendre que le projet de création d’une “News Factory” est inexistant alors que la note relative à la création d’une “News Factory” soulignant “la création de pôles de production intégrés à partir des forces de ses actifs dans la démarche initiée par Vivendi dans un contexte ultra concurrentiel et afin d’assurer la survie d’une chaîne d’information” a été diffusée au comité d’entreprise le 22 septembre en vue de sa consultation et que la présidente du CHSCT indique même le 29 septembre que l’expression “News Factory” existe déjà. 8 En conséquence, et alors même qu’un nombre significatif de salariés est déclaré concerné par la présidente du CHSCT, soit 100 et non 29 comme indiqué dans les conclusions, force est de constater que les projets d’emménagement/réaménagement/déménagement des équipes de l’UES Canal plus et de Direct Matin et Dailymotion sur le site Arcs de Seine constituent partie intégrante du projet global et important de création d’une “News Factory” dont les conséquences sont susceptibles de modifier les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés de l'UES Canal Plus. En outre, l’UES Canal Plus ne conteste pas avoir débuté les opérations de déménagement ainsi que celles de pose d’une enseigne “News Factory” sur la façade de l’immeuble Arcs de Seine le samedi 22 octobre 2016, matérialisant ainsi la visibilité de son projet, enseigne qu’elle a ensuite fait retirer, sans répondre aux questions et demandes d’informations du CHSCT et sans attendre l’expiration du délai légal de consultation du CHSCT. En conséquence, il convient de constater que le CHSCT n’a pas disposé des informations suffisantes pour exprimer valablement un avis éclairé avant la mise en oeuvre du projet et que le délai légal pour rendre son avis n’a pu commencer à courir à compter du 11 octobre 2016 en raison du refus réitéré à plusieurs reprises, les 14 et 19 octobre de la direction d’organiser une nouvelle réunion pour fournir les informations suffisantes et les réponses aux questions posées tout en débutant le 18 octobre la mise en oeuvre de son projet de d’emménagement/réaménagement/déménagement des équipes de l’UES Canal plus sur le site Arcs de Seine. La procédure d’information/consultation n’ayant donc pas été régulièrement menée, il convient de constater que l’UES Canal Plus a violé les dispositions de l’article L 4612-8-1 du code du travail. Cette violation constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par l’UES Canal Plus, il convient d’ordonner la suspension du projet de création d’une “News Factory” et les déménagements consécutifs à ce projet de création d’une “News Factory” jusqu’à ce que le CHSCT dispose des éléments d’information nécessaires à l’expression de son avis ce, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la signification de la présente décision. Sur les autres demandes L’UES Canal Plus, ayant refusé de fournir au CHSCT les éléments d’information et moyens nécessaires à l’expression de son avis et débuté ses opérations de déménagements s’inscrivant dans le projet important de création d’une “News Factory”, a porté atteinte au fonctionnement du CHSCT. Elle sera en conséquence condamnée à payer au CHSCT la somme provisionnelle de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en violation de l’article L 4612-8-1 du code du travail, l’appréciation du délit d’entrave relevant de la juridiction pénale. Sur les frais inhérents à la procédure judiciaire L’UES Canal Plus succombant à l’action supportera la charge des dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile. Le CHSCT ne disposant pas de budget propre, l’UES Canal Plus sera condamnée à supporter les frais irrépétibles exposés par lui , à hauteur de 7.200 € TTC, suivant la note d’honoraires produite, correspondant aux frais que le CHSCT a exposé à la présente instance. 9 PAR CES MOTIFS Nous, statuant par ordonnance contradictoire, exécutoire de plein droit, rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2016, Déclarons l’intervention volontaire du comité d’entreprise de l’UES Canal Plus irrecevable; Constatons l'existence d'un trouble manifestement illicite; Suspendons le projet de création d’une “News Factory” jusqu’à l’achèvement de la procédure de consultation du CHSCT de l’UES Canal Plus et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance; Nous réservons la liquidation de l’astreinte; Condamnons à titre provisionnel l'UES Canal Plus composée des sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, de la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, des sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions à payer au CHSCT la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts; Condamnons à titre provisionnel l'UES Canal Plus composée des sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, de la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, des sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions à supporter les frais de procédure du CHSCT à hauteur de la somme de 7.200 € TTC; Déboutons les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires; Condamnons l'UES Canal Plus composée des sociétés Edition de Canal Plus, Groupe Canal Plus, Canal Plus Régie, Nulle Part Ailleurs, de la société d'Exploitation d'un service d'information I-Télé, des sociétés Studiocanal, Multithématiques, D8, D17, D8 Films, D8 Production et Studio Bagel Productions aux dépens. FAIT A NANTERRE, le 16 novembre 2016. LE GREFFIER LA 1ére VICE-PRÉSIDENTE ADJOINTE Julie BOUCHARD Karima ZOUAOUI 10 11