Bulletin sur la Protection de l`information et de la
Transcription
Bulletin sur la Protection de l`information et de la
Bulletin sur la Protection de l’information et de la vie privée Avril 2008 Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. UNE CONDAMNATION EXEMPLAIRE POUR ATTEINTE À LA VIE PRIVÉE! Antoine Aylwin, Montréal Antoine Aylwin pratique en litige civil, commercial et administratif. Il œuvre principalement dans les domaines de la protection des renseignements personnels dans les secteurs publics et privés, de l’accès à l’information, des recours extraordinaires et du litige successoral. Il est membre du Groupe de pratique national de Fasken Martineau sur la protection de l'information et de la vie privée et pratique au sein du groupe de droit du travail, de l'emploi, de la personne et droit public.. Le 8 février 2008, la Cour d’appel du Québec a rendu une décision qui pourrait ouvrir la porte à des condamnations plus importantes à l’avenir pour des violations au droit à la vie privée. En effet, celle-ci est intervenue pour hausser à 125 000 $ la condamnation pour dommages-intérêts punitifs. Faits et jugements de la Cour supérieure Tout d’abord, il est bien important de comprendre le contexte de la décision rendue par la Cour supérieure. Vancouver Calgary Toronto Ottawa Montréal Québec Londres Johannesburg www.fasken.com En 2001, Monsieur André Veilleux avait entrepris une action contre la Compagnie d’assurance-vie Penncorp (« Penncorp ») pour lui réclamer le paiement de prestations d’invalidité que cette dernière avait cessé de lui verser, ce qui lui a été accordé. En mai et août 2002, pour les fins du procès à venir, Penncorp a fait appel à un enquêteur qui a filmé Monsieur Veilleux et son fils sur leur propriété privée, à partir d’un mirador public servant à l’observation des chevreuils et qui était situé à environ 600 mètres de la maison de Monsieur Veilleux. Lors du procès le 11 septembre 2006 et dans son jugement de février 2003, la Cour supérieure a refusé d’admettre la preuve de cette filature de M. Veilleux en mai et août 2002 que Penncorp voulait utiliser au procès. La Cour avait alors conclu que Penncorp n’avait aucun motif raisonnable pour soumettre M. Veilleux à cette surveillance. En effet, selon lui, le comportement de M. Veilleux n’a jamais été suspect et il n’y a pas eu contradiction entre les examens des médecins et le comportement de M. Veilleux. En dépit de ce jugement qui a rejeté la preuve de filature, Penncorp a requis à nouveau en juin 2003 les services d’un enquêteur pour effectuer une surveillance filmée de M. Veilleux à sa ferme, suite à certaines informations qu’elle obtient au sujet des activités de M. Veilleux, c’est-àdire l’acquisition d’équipement de ferme. M. Veilleux et son fils ont entrepris une action en août 2005 à l’encontre de Penncorp pour atteinte intentionnelle à leur vie privée et à leur dignité en raison de la filature effectuée à leur insu. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Ils demandaient donc par cette action des dommages moraux et exemplaires. Penncorp a allégué alors en défense qu’elle était justifiée de demander une telle filature alors que M. Veilleux était à sa ferme, et utilisait de l’équipement pour travailler. De plus, Penncorp prétend que M. Veilleux et son fils en fait n’ont pas réellement subi de préjudices. Dans une décision rendue en septembre 2006, la Cour supérieure donne partiellement raison à M. Veilleux et son fils, et accorde des dommages moraux pour atteinte au droit à la vie privée, en raison du fait qu’il n’y avait aucun motif sérieux ou raisonnable autorisant l’emploi de cette méthode de surveillance. Ainsi, des dommages moraux de 7 500 $ sont accordés, soit 5 000 $ à M. Veilleux et 2 500 $ à son fils, Martin. Quant aux dommages exemplaires, la Cour supérieure ne les a pas accordés pour les surveillances de mai et août 2002, en raison du fait qu’elles n’étaient pas intentionnelles, c’est-à-dire qu’il n’y avait aucune intention de nuire. Toutefois, des dommages exemplaires de 25 000 $ ont été accordés à M. Veilleux pour la surveillance de juin 2003, suite au premier jugement de la Cour supérieure déclarant une telle preuve irrecevable. M. Veilleux, son fils et Penncorp ont porté cette dernière décision en appel. Arrêt de la Cour d’appel Les principes de base retenus par la Cour d’appel sont les suivants : a) b) Il est établi que toute surveillance ne constitue pas nécessairement une atteinte illicite au droit à la vie privée protégé par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne; La preuve de surveillance peut être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables au sens de l’article 9.1 de la Charte; Bulletin sur la Protection de l’information et de la vie privée page 2 c) La mesure de surveillance doit apparaître comme nécessaire pour la vérification du comportement de la personne, et elle doit être menée de la façon la moins intrusive possible; d) Quant à la notion d’atteinte intentionnelle énoncée à l’article 49(2) de la Charte, elle sera présente si l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates ou naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Au sujet de la surveillance de mai 2002, la Cour d’appel a confirmé qu’il s’agissait d’une atteinte illicite à la vie privée de M. Veilleux et de son fils, donnant lieu à la réparation du préjudice moral en résultant. En effet, la filature n’était basée sur aucun motif sérieux ou raisonnable autorisant l’emploi de cette méthode. Cette atteinte n’était pas intentionnelle car, même si non fondée, la surveillance n’a jamais été faite dans le but de causer quelque tort que ce soit. Quant à la surveillance d’août 2002, la situation est différente selon la Cour d’appel. Cette surveillance est intervenue après la décision de la Cour refusant à Penncorp le droit de procéder à un interrogatoire et un examen médical hors délai, la Cour estimant alors que tous les faits pertinents étaient déjà au dossier. Dès lors, Penncorp aurait dû savoir selon la Cour d’appel qu’elle ne pouvait continuer de surveiller M. Veilleux, à son insu au lieu de sa résidence. Par ces agissements, Penncorp a en fait tout simplement tenté de contourner les effets de ce jugement en entreprenant la surveillance non pas parce qu’elle avait des motifs raisonnables et que sa nécessité s’imposait, mais parce qu’elle a été empêchée de réexaminer et de réinterroger l’appelant. La preuve révèle que les lieux observés ne sont ni des lieux publics, ni des lieux qui s’offrent à la vue des passants ou des voisins. Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Penncorp n’était motivée ni par la haine, ni par la malice, mais plutôt par un « intérêt économique malsain » qui, dans le présent contexte, s’apparente à de la malveillance. Conséquemment, cette atteinte à la vie privée était intentionnelle et Penncorp devait être condamnée à des dommages exemplaires. Enfin, quant à la surveillance de juin 2003, l’octroi de dommages exemplaires quant à celle-ci était totalement justifié selon la Cour d’appel. En requérant cette surveillance, Penncorp passe outre à deux décisions de la Cour supérieure ayant condamné les surveillances antérieures. Penncorp a tenté de justifier cette décision en affirmant qu’elle croyait que les juges avaient mal compris la preuve. En tenant pour acquis que les juges avaient mal compris le droit, Penncorp a fait fi des jugements dans l’intention avouée de se faire justice, et ce comportement était déraisonnable. Elle a alors agi « en toute connaissance de conséquences », et donc, l’octroi de dommages exemplaires était justifié. Par ailleurs, la Cour d’appel conclut que la gravité de la faute (surveillance illicite et répétitive en faisant fi de jugements de la Cour supérieure) et les moyens financiers importants de l’intimée commandent l’octroi de dommages exemplaires beaucoup plus élevés que ceux accordés par la Cour supérieure. La Cour d’appel est donc intervenue pour augmenter les dommages exemplaires de 25 000 $ à 125 000 $ : a) 25 000 $ pour la surveillance d’août 2002; b) 100 000 $ pour celle de juin 2003. En conclusion, on doit retenir que la Cour d’appel est intervenue pour donner des lignes directrices aux tribunaux de première instance, afin d’assurer le respect des droits fondamentaux des personnes physiques par des personnes morales, notamment lorsque ces dernières ont des moyens financiers importants. Nous constatons d’ailleurs une tendance dans la jurisprudence de la Cour d’appel des dernières années, alors que celle-ci n’hésite pas à augmenter le Bulletin sur la Protection de l’information et de la vie privée page 3 quantum des dommages exemplaires accordés par les tribunaux inférieurs quant elle le juge approprié. Ces interventions de la Cour d’appel devrait avoir un impact à moyen terme afin d’augmenter le montant des dommages exemplaires accordés pour des violations aux droits fondamentaux, notamment le droit à la vie privée comme dans le présent cas. Antoine Aylwin 514 397 5123 [email protected] Avec la participation spéciale de : Claude Dallaire 514 397 5233 [email protected] Et de: Guillaume-Pierre Michaud, étudiant en droit Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Bulletin sur la Protection de l’information et de la vie privée Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’un des membres de notre groupe de pratique national sur la Protection de l’information et de la vie privée : Jeffrey Kaufman, Toronto 416 868 3417 [email protected] John Beardwood, Toronto Karl Delwaide, Montréal Responsable national de la protection de l’information et de la vie privée 514 397 7563 [email protected] Jasmin Marcotte, Québec 418 640 2030 [email protected] page 4 416 868 3490 [email protected] Lorene Novakowski, Vancouver Responsable régionale de la protection de l’information et de la vie privée 604 631 3216 [email protected] Norman K. Trerise, Vancouver 604 631 3122 [email protected] Les textes inclus dans ce recueil ont pour but de fournir des commentaires généraux sur le droit de la Protection de l’information et de la vie privée. Les textes reflètent le point de vue de chacun des auteurs et ne constituent pas des opinions exprimées au nom de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. ou toute société membre. Ces textes n’ont pas pour but de fournir des conseils juridiques. Les lecteurs ne devraient pas prendre des mesures sur la foi des renseignements sans prendre conseil à l’égard des questions spécifiques qui les concernent. Il nous fera plaisir de fournir, sur demande, des détails supplémentaires. © 2008 Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. Vancouver 604 631 3131 [email protected] Calgary 403 261 5350 [email protected] Toronto 416 366 8381 [email protected] Ottawa 613 236 3882 [email protected] Montréal 514 397 7400 [email protected] Québec 418 640 2000 [email protected] Londres 44 20 7929 2894 [email protected] Johannesburg 27 11 685 0800 [email protected]