malformations arterio-veineuses superficielles
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malformations arterio-veineuses superficielles
MALFORMATIONS ARTERIO-VEINEUSES SUPERFICIELLES RECOMMANDATIONS R BEAUJEUX, D HERBRETEAU Les malformations artério-veineuses superficielles (MAVs) sont des malformations rares à haut débit. Elles se caractérisent par la présence d’une communication anormale (shunt) entre les artères et les veines avec un hémodétournement (absence de vascularisation du réseau capillaire) et un retour veineux précoce artérialisé (Merland 1980). Le terme de malformation est réservé à la présence de shunts multiples formant un peloton vasculaire intermédiaire (nidus) se drainant par une ou plusieurs veines dilatées. L’aspect angiographique de la zone nidale est variable. Un aspect diffus, mal systématisé du nidus est un facteur aggravant. Cette malformation vasculaire est différente d’une fistule artério-veineuse (FAV), congénitale ou non, où la zone de shunt est directe et qui bien traitée permet d’obtenir une guérison de façon complète et définitive. De toutes les malformations vasculaires, les MAVs sont les plus imprévisibles et les plus dangereuses. Elles sont présentes à la naissance. Elles peuvent être quiescentes de nombreuses années et devenir actives avec une forte augmentation du débit (Mulliken 1982) Compte tenu de ce potentiel évolutif, elles nécessitent une rigueur dans la démarche diagnostique et un choix prudent de la prise en charge thérapeutique. Dans ce domaine il n’y a, à notre connaissance, pas encore de recommandations internationales spécifiques, ni d’essais cliniques randomisés ou non. Les niveaux de preuves sont de niveau III se basant sur l’expérience acquise, les communications et publications des différentes équipes internationales. L’ISSVA (International Society for the Study of Vascular Anomalies) née en 1992, a publié la classification des malformations en vigueur (Enjolras 2008), mais pas de recommandations dédiées aux différentes malformations. Les recommandations importantes concernant les MAV concernent les points suivants : 1) Consultation multidisciplinaire. Une consultation spécialisée réunissant les spécialités concernées et en particulier un radiologue, un dermatologue et un chirurgien spécialiste de pathologie vasculaire et de reconstruction plastique est nécessaire afin d’appréhender les subtilités diagnostiques et d’envisager objectivement les différentes options thérapeutiques. La rareté de cette pathologie, ainsi que son potentiel évolutif suppose une expérience concentrée dans un nombre d’équipe limité ayant une expérience suffisante. Une information claire doit être prodiguée au patient en précisant le rapport risque sur bénéfice aidé de tout support (document écrit) visant à améliorer la compréhension du patient. 2) Plateau technique de l’unité de radiologie Cette activité nécessite l’utilisation d’équipements radiologiques de qualité comportant un échographe doppler, un scanner et une IRM ainsi q’une salle d’angiographie numérisée de qualité organisée en bloc de radiologie interventionnelle avec fluides médicaux et équipement d’anesthésie et de réanimation. Le plateau technique nécessite également l’accès à une unité de soins intensifs. 3) Diagnostic clinique et forme de début La précocité du diagnostic est un facteur de maîtrise accrue de l’évolutivité. Les formes de début sont variables, parfois trompeuses et complexes. A ce stade le débit est faible voire normal, source de fréquentes erreurs de diagnostic. Au début une MAVS peut se présenter comme un problème cosmétique anodin sous forme d’une petite macule ou d’une papule colorée, d’un pseudo angiome plan, de télangiectasies. L’évolution vers la phase active est secondaire à des facteurs déclenchants connus comme ; - des facteurs iatrogènes (chirurgie ou embolisation incomplète, laser) - des traumatismes répétés (sportifs ou professionnels) ou une infection - des facteurs hormonaux (puberté, grossesse, oestro-progestatifs) Mais ces facteurs déclenchants ne sont retrouvés que dans 20% des MAVs compliquées (Enjolras 1990). L’évolution est en fait imprévisible, des poussées évolutives peuvent survenir. Une surveillance régulière est nécessaire. Secondairement en phase active se développe une masse pulsatile chaude avec un souffle et un thrill. La peau est parfois normale, elle peut être rosée, rouge ou présenter des télangiectasies. Un réseau d’artères battantes et de veines tortueuses et tendues est visible. Une hypertrophie locale, de la peau, des muscles et des os, est souvent présente, secondaire à l’hypervascularisation régionale. Au stade suivant un aspect inflammatoire avec une zone rouge, oedématiée et douloureuse est présente. Dans les formes compliquées apparaissent des saignements, des troubles trophiques avec des nécroses résistantes à toute thérapeutique et très douloureuses, des hémorragies parfois cataclysmiques, voire létales. Une insuffisance cardiaque dans les formes volumineuses est possible. Une forme clinique particulière est représentée par le pseudo-sarcome de Kaposi caractérisé par des plaques violacées, infiltrées, luisantes, des extrémités évoquant cliniquement et histologiquement une maladie de Kaposi. Souvent localisé au niveau de l’avant-pied, l’évolution est souvent peu favorable avec ulcérations, nécrose voire amputation (Marshall 1985). Dans certains cas particuliers la MAVs est une composante d’une malformation complexe, dite mixte ou combinée, avec une disposition régionale métamérique et/ou au niveau d’un membre : - au niveau thoracique ou du membre supérieur, comme dans le syndrome de Cobb (angiomatose cutanéo-médullaire). - au niveau du membre inférieur comme dans le syndrome de Parkes-Weber (lésions capillaire, artério-veineuse et veineuse associée à une macromélie). - au niveau de la région fronto-ethmoïdonasale comme dans le syndrome de Blanc Bonnet Dechaume (syndrome de Wyburn Mason pour les anglosaxons). - la maladie de Rendu-Osler-Weber associant télangiectasies cutanéomuqueuses, FAV pulmonaire, MAV pulmonaire, hépatique ou rétinienne, malformations vasculaires cérébrales et méningées ne comporte pas classiquement de MAV superficielle. Une classification clinique de cette évolution a été proposée en 4 stades (Schöbinger 1995); - stade I, phase quiescente : tache rose ou bleutée, chaude, avec un shunt AV confirmé à l’écho-doppler - stade II, phase d’expansion : majoration de la lésion qui devient pulsatile, avec un thrill et un réseau veineux tendu et tortueux - stade III, phase de destruction : stade II compliqué de lésions cutanées avec nécrose, infection, hémorragies et douleurs - stade IV, phase de décompensation : stade III avec insuffisance cardiaque. 3) Bilan diagnostique Le bilan invasif angiographique ne doit pas être réalisé de première intention. L’échographie doppler et l’IRM sont les 2 modalités de choix du bilan non invasif des MAVs. L’échographie doppler confirme la nature vasculaire (versus tissulaire) de la tuméfaction, la présence de shunts, localise et mesure des débits comparatifs (Doppler pulsé). Il permet la surveillance pré- ou post-thérapeutique (Franceschi 1986). L’examen IRM et l’angio-IRM confirme également la nature vasculaire de la lésion et renseigne de plus sur la taille de la zone nidale, sur son extension régionale en profondeur, sur les rapports avec les tissus adjacents, sur une atteinte inflammatoire associée. Un bilan cardiologique est conseillé dans les formes volumineuses proximales afin d’apprécier le retentissement sur la fonction ventriculaire. Le bilan invasif angiographique diagnostique est indispensable pour décider du traitement d’une MAVs et préférentiellement réalisé par l’équipe qui va traiter le patient. L’objectif est de préciser l’architecture vasculaire de la lésion ; les afférences, la zone nidale, le retour veineux, la présence de facteurs de risque (anévrysmes artériels, ectasies veineuses), la vitesse circulatoire, les fistules artério-veineuses associées à la zone nidale. Ces dernières sont des sources d’hyperpression qui engorgent la lésion et doivent être rapidement repérées afin d’être embolisées en première intention. 4) Diagnostic différentiel Chez l’enfant le diagnostic différentiel principal se pose avec l’hémangiome du nourrisson dont l’aspect clinique initial peut être comparable. L’échographie doppler, voire l’IRM en confirmant la nature essentiellement tissulaire de la lésion fera aisément la différence. La mise en évidence d’une artère dilatée circulant à haut débit au sein de cette lésion, correspond à l’artère nourricière. Chez l’adulte le doute peut exister cliniquement avec une tumeur hypervasculaire. De la même façon l’imagerie non invasive en précisant la nature essentiellement tissulaire, même avec des zones à haut débit, voire des fistules artério-veineuses intra-tissulaires est suffisante pour redresser le diagnostic. La difficulté principale est le diagnostic différentiel entre un angiome plan et une MAVs à un stade initial, chez l’enfant comme chez l’adulte. La certitude diagnostique sera apportée par l’évolution clinique. La prise en charge nécessite des consultations répétées, la mesure des dimensions de la lésion et de clichés photographiques afin d’apprécier objectivement son évolution. 5) Indications Il faut éviter toute décision thérapeutique susceptible d’être un facteur déclenchant d’une aggravation clinique. A ce titre, l’abstention fait partie des options thérapeutiques. La prise en charge de ces patients, à l’occasion de consultations régulières multidisciplinaires, doit être à la fois psychologique et thérapeutique. Il faut savoir assumer les choix, les faire comprendre et admettre par le patient, qu’il s’agisse de l’abstention, de la nécessité de plusieurs séances d’embolisation, d’une chirurgie délabrante ou des éventuelles complications. La ligature chirurgicale ou l’embolisation proximale des afférences doivent être définitivement proscrites. La contention élastique et les vêtements compressifs sont particulièrement utiles pour certaines MAVs en particulier au niveau des extrémités. Ils doivent être réalisés sur mesure par un orthésiste spécialisé afin d’être parfaitement adaptés à la localisation anatomique, avec des coutures externes et une pression adaptée à la lésion. Elle diminue le flux artériel et améliore le retour veineux. La prise en charge thérapeutique est différente en fonction du stade clinique. - au stade I, l’abstention est l’attitude à promouvoir, - au stade II, la difficulté est de faire la différence entre une simple poussée transitoire et une véritable évolution. Le temps et le contexte clinique peuvent nous aider. La suppression ou l’évitement des facteurs déclenchants, comme les traumatismes répétés ou l’absence de prescription de traitement hormonaux, est un préalable. La première phase du traitement est le plus souvent l’embolisation sélective de la zone nidale par abord artériel avec cathétérisme hypersélectif et matériel d’embolisation susceptible de diffuser dans toute la zone de shunt jusqu’au début du retour veineux (« le pied de veine »). Les FAV quand elles sont présentes au sein des MAV doivent être embolisées en première intention. L’embolisation seule est de plus en plus souvent efficace pour éradiquer les MAVs. Dans d’autres cas elle permet une approche palliative très utile. Dans les autres cas une exérèse chirurgicale complémentaire est réalisée. - au stade III et IV, la prise en charge thérapeutique est obligatoire. Elle débute le plus souvent par l’embolisation afin de réduire ou éradiquer la zone de shunt. Elle doit être réalisée dans un environnement multidisciplinaire où la chirurgie d’exérèse voire l’amputation associée à une hospitalisation en USI soit réalisable. Cette prise en charge permet de maîtriser les troubles fonctionnels associés, comme la décompensation cardiaque, qui engage le pronostic vital. 6) Cas particuliers des MAVs des extrémités Une localisation particulière est représentée par les MAVs des extrémités où le réseau artériel est complexe. Elles présentent de nombreuses et volumineuses ectasies anévrysmales compliquant le cathétérisme, et surtout une zone de shunt constituée de multiples communications diffuses, très mal ou pas du tout systématisée. L’embolisation n’est pas indiquée de première intention sous peine de finir fréquemment par une amputation. La technique de contention élastique peut être très utile. Une embolisation limitée dans les cas de troubles trophiques et d’hémorragie échappant à tout contrôle est par contre envisageable. 7) Techniques thérapeutiques Les ligatures chirurgicales ou les embolisations proximales ne devraient plus être rencontrées. L’embolisation Traitement de première intention, l’embolisation est souvent endo-vasculaire, réalisée à l’aide de microcathéters de dernière génération compatibles avec l’embole programmé. Dans certains cas le recours à des ponctions directes des afférences proches du nidus ou directement de la zone nidale est réalisée. L’objectif est de cibler le nidus. Les emboles liquides à utiliser sont; - la colle acrylique (Histoacryl ; Laboratoire Braun) - unesolution de copolymère d’alcool éthylène-vinyl (EVOH), de sulfoxide de diméthyl (DMSO) et de poudre de tantale en suspension (Onyx ; Laboratoire EV3). Ce dernier, plus récent, mais très performant permet sous réserve d’un cathétérisme hypersélectif et d’un temps d’injection cumulé suffisant, une diffusion optimale des différents compartiments du nidus. Le nombre d’injections ou de séances d’embolisations s’en trouve réduit. L’alcool absolu, souvent évoqué dans la littérature, ne doit pas être utilisé en première intention. La vitesse circulatoire, la difficulté voire l’impossibilité de maîtriser sa diffusion, ses conséquences sur les différentes structures tissulaires sont à l’origine d’un important pourcentage de complications (mineures de 36% ou sévères de 33%) (Burrows 2004). De fait l’utilisation de cet embole doit être réservé à des cas particuliers sans alternative. Dans d’autres cas plus exceptionnels, l’accès ou le type de shunt nécessite encore le recours aux particules d’embolisation et de préférence les microsphères dont la granulométrie est précise (Embosphere ; lab. Biosphere Medical). Le calibre étant adapté à la zone de shunt afin d’éviter un passage veineux. L’embolisation particulaire est souvent utilisée à titre pré-opératoire pour réduire les pertes hémorragiques lors de l’exérèse chirurgicale. La chirurgie Elle est préférentiellement ou nécessairement, selon le volume et la localisation de la MAVs, réalisée en post-embolisation. L’objectif est l’excision complète du nidus. Ceci peut être difficile voire impossible dans les cas de lésion cutanée associée à une composante osseuse de proximité. Chirurgie plastique et maxillo-faciale doivent idéalement être accessibles, compte tenu de la fréquence de localisation dans la région cervico-céphalique. La technique des lambeaux de rotation est très utile. Dans les cas de volumineuses lésions, la mise en place de ballon expandeur en zone saine permet d’obtenir une surface de tissu sain afin de réaliser les greffes et la reconstruction des zones d’exérèses malformatives. Dans d’autres cas, l’évolution clinique impose une chirurgie d’amputation, quand elle est possible, pour arrêter les pertes hémorragiques et l’extension des lésions. 7) Conseils au patient. L’aide psychologique, déjà évoquée, est importante dans le cadre du suivi régulier en consultation. La question de la grossesse est souvent posée. Elle n’apparaît pas comme une contre-indication quand une première grossesse s’est bien déroulée sans poussée évolutive de la MAV. En cas de poussée évolutive grave une nouvelle grossesse doit être contre-indiquée. Sans grossesse antérieure le risque est difficile à apprécier. 8) Conclusion Le diagnostic de MAVs est avant tout clinique. La réalisation de photographies lors des consultations régulières est un élément objectif pour suivre correctement l’évolution des lésions. Ces consultations doivent être réalisées par une équipe multidisciplinaire réunissant dermatologues, chirurgiens et radiologues spécialisés. Le bilan diagnostique non invasif est réalisé par l’échographie doppler, l’IRM et l’angio-IRM. Secondairement l’angiographie précise l’architecture vasculaire et planifie le traitement. L’indication correctement posée, l’embolisation est réalisée de première intention et doit être ciblée afin d’occlure toute la zone de shunt jusqu’au pied de veine. L’Histoacryl et l’Onyx sont les emboles de première intention à utiliser. La chirurgie d’exérèse complète le traitement. L’évolution post-traitement est assurée au mieux par le suivi clinique et l’échographie-doppler. L’abstention thérapeutique devant une MAVs quiescente est l’attitude à promouvoir le plus souvent. Eviter les traitements hormonaux et proscrire les ligatures chirurgicales sont des éléments majeurs. Dans la mesure du possible, avec toutes les nuances de la pratique médicale, les traitements invasifs ne seront pas initiés si l’éradication complète n’apparaît pas possible. Une MAVs même apparemment guérie doit toujours être surveillée. Sa guérison complète et définitive est toujours difficile à affirmer. Pr Rémy BEAUJEUX, MD, PhD Service de Radiologie A Nouvel Hôpital Civil Hôpitaux Universitaires de Strasbourg 1 Place de l’Hôpital BP 426 67091 STRASBOURG 00 33 369551273 [email protected] Pr Denis HERBRETEAU, MD, PhD Service de Neuroradiologie Hôpital Bretonneau 2 bis bd Tonnelé 37044 TOURS cedex 00 33 247473725 [email protected] Bibliographie Burrows PB, Bisdorsf A, Karian V, Mason K. Complications of ethanol embolisationof AVM. Communication T21, in 15th ISSVA workshop. Wellington, NZ. 22-25 february 2004. Enjolras O, Riche MC, Mulliken JB, Merland JJ Hémangiomes et malformations vasculaires superficielles In ; Medsi/McGraw-Hill ed, 1990 Enjolras O, Wassef M, Chapot R. Introduction : ISSVA Classification In : Color Atlas of Vascular Tumors and Vascular Malformations. Excerpt 978-0-521-84851-0 Cambridge University Press, 2008 Franceschi C, Franco F, Luizy F et al. Echo-doppler et fistules artério-veineuses. In : Précis d’Echotomographie Vasculaire, Paris, Vigot, 1986 Marshall ME, Hatfield ST, Hatfield DR. Arteriovenous malformation simulating Kaposi’s sarcoma (pseudo Kaposi’s sarcoma). Arch Dermatol, 1985 ; 121 : 99-101 Mulliken JB, Glowacki J. Classification of pediatric vascular lesions. Plast Reconstr Surg, 1982 ; 70 : 120. Merland JJ, Riché MC, Monteil JP, Hadjean E. Classification actuelle des malformations vasculaires. Ann Chir Plast, 1980 ; 25, 2 : 105-111. Schöbinger R. Proceedings of ISSVA Congress. Roma 1994