Sous ma latitude - Musée des Arts et Métiers

Transcription

Sous ma latitude - Musée des Arts et Métiers
musée des arts et métiers
L
E
S
C
A
R
N
E
T
S
S O U S M A L AT I T U D E
« Lorsqu’on veut prendre la hauteur du
Soleil, car pour les étoiles on ne peut s’en
servir […] à cause du peu de lumière que
donne une étoile la nuit, on se transporte
près du grand mât où le vaisseau est le
plus stable, mettant le doigt dans l’anneau, on laisse aller l’instrument à sa
liberté et le tournant vers le Soleil, on
hausse ou baisse l’alidade jusqu’à ce que
le rayon du Soleil passe par les deux trous
et qu’une pinnule recouvre l’autre de son
ombre. »
Georges Fournier, Hydrographie contenant la pratique et
la théorie de toutes les parties de la navigation, Paris,
Michel Soly, 1643
Sextant de Ramsden, fin XVIIIe siècle. Inv. 1841/1 et 2
C O N S E R VAT O I R E N AT I O N A L D E S A R T S E T M É T I E R S
L
E
S
T
H
È
M
E
S
Histoire
2
Sous ma latitude
Les premiers marins pratiquaient la navigation côtière,
toujours en vue du littoral. Ils se repéraient grâce à la boussole et à la longue-vue : la première leur donnait la direction
et avec la seconde ils apercevaient les amers (clocher, phare,
etc.). Au fil des ans, ils se rendirent compte qu’en coupant à
travers les eaux, ils raccourcissaient le temps du voyage.
Cependant, lorsque la côte était hors de vue, il leur fallait un
autre repère pour « faire le point » : ils utilisèrent alors les
étoiles. C’est ainsi qu’apparurent la navigation astronomique
et la détermination de la latitude.
Avec le soleil, se repérer le jour
Des astres pour se situer sur le globe
L’étoile polaire : un repère en pleine nuit
L’équateur partage la Terre en deux et définit l’hémisphère
Nord et l’hémisphère Sud. Toute ligne parallèle à l’équateur,
appelée plus simplement « parallèle », va définir une latitude. Ainsi, la latitude correspond à la position du bateau par
rapport à l’équateur. Pour savoir sur quel parallèle se trouve
leur bateau, les marins ont découvert très tôt qu’ils pouvaient
s’aider du soleil pendant la journée et de l’étoile polaire la
nuit. La hauteur, ou élévation en degré par rapport à l’horizon, de ces astres à leur zénith permet de calculer la latitude.
Musée des arts et métiers
Au XIVe siècle, les marins obtiennent leur latitude en estimant
la hauteur de l’étoile polaire. Cependant, cette mesure n’est
possible que de nuit et seulement dans l’hémisphère Nord, étant
donné que lorsqu’on s’approche de l’équateur, l’étoile polaire
cesse d’être visible.
Vers 1485, Martin de Behaim, astronome du roi Jean II de
Portugal, contribue à répandre l’usage des tables de déclinaison
du soleil (hauteur du soleil au-dessus du plan équatorial).
Désormais, grâce à ces données, les marins peuvent déterminer
à deux reprises leur latitude en 24 h : une fois avec le soleil pendant la journée, une seconde fois la nuit grâce à l’étoile polaire.
Le principe de la mesure de la latitude acquis, il ne restait plus
qu’à perfectionner les instruments pour gagner en précision. En
effet, toute erreur d’un degré sur la mesure de la hauteur
correspond à un écart de 60 milles (ou 111 km).
Une course à la précision
La famille de l’arbalestrille
Au XIVe siècle, les premières mesures de hauteur d’astre sont
effectuées avec l’arbalestrille ou « bâton de Jacob ». Cet instrument, inventé par Levy ben Gerson, astronome de
Catalogne, sert uniquement à mesurer la hauteur des étoiles
sur la terre ferme. Mais devant sa simplicité et sa robustesse,
les marins l’embarquent pour leurs propres mesures. Composé
d’une flèche en ébène, ou en bois dur, longue d’un mètre,
l’arbalestrille porte un curseur transversal, ou marteau coulissant. L’utilisateur place son œil au bout de la flèche et éloigne
ou rapproche le marteau jusqu’à lui faire occuper l’espace
entre l’astre et l’horizon. Plus l’astre est haut et plus l’utilisateur
doit rapprocher le marteau. Chaque position correspond à une
graduation de hauteur, indiquée sur la flèche. Grâce à son
coût peu élevé, le bâton de Jacob reste populaire pendant près
de quatre siècles.
Cependant, même si le principe d’utilisation est simple, obtenir
une bonne mesure n’est pas évident ! L’observateur doit viser
simultanément l’horizon et l’astre. Aussi, les navigateurs
apprennent à faire une visée indirecte, en observant l’ombre
du marteau projetée sur l’extrémité de la flèche. Cette méthode a pour avantage de ne viser qu’un seul point à la fois et elle
conduit à la mise au point d’un autre instrument…
Les premières mesures sont réalisées au XIVe siècle avec une
arbalestrille. Aujourd’hui on utilise un sextant, ce curieux
appareil que manipule bien souvent le capitaine Haddock
dans les aventures de Tintin.
Schématisation de la hauteur et de la latitude
L
E
S
T
H
È
M
E
S
Histoire
3
Sous ma latitude
Schéma d’utilisation du quartier de Davis
Musée des arts et métiers
En 1594, le navigateur anglais John Davis invente le quartier qui
porte son nom. Il est très utilisé jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.
En raison de sa robustesse, de son coût modique et de sa relative
précision, il fait de l’ombre aux instruments qui lui succèdent, tel
l’octant. Le quartier permet surtout de mesurer la hauteur du
soleil sans que l'utilisateur n'ait besoin de le viser directement,
comme c’est le cas pour le bâton de Jacob puisqu’il lui tourne le
dos et tient l'instrument de telle sorte que l'ombre projetée par
la pinnule d'en haut tombe directement sur la pinnule fixe du
grand triangle. Ensuite, l’utilisateur place la pinnule mobile d'en
bas, de manière à voir l'horizon à la fois à travers elle et la pinnule fixe. En ajoutant les angles des deux pinnules, on en déduit la
hauteur du soleil.
X en sommant
ces deux valeurs,
on obtient la
hauteur : a + b
La famille de l’astrolabe
Parallèlement, une autre famille d’instruments nautiques se développe. Inventé par les Grecs et connu des géographes arabes dès
le VIIIe siècle, l’astrolabe n’est utilisé sur mer qu’à partir des
années 1480. L’instrument se tient par un anneau. L’observateur
vise une étoile à travers deux pinnules, fixées sur une alidade,
règle amovible. Il lit la hauteur directement sur les rebords de
l’instrument. Evidé pour ne pas être sensible au vent, l’astrolabe
nautique autorise des mesures d’angle avec une précision de
15 minutes. Mais les marins se rendent compte qu’il n’est pas
foncièrement vertical, il prend plutôt une position intermédiaire
entre la direction de la pesanteur et celle de la force centrifuge
du roulis. Résultat : les mesures d’angle sont faussées.
De plus, c’est un instrument cher et on lui préfère l’anneau
astronomique, plus économique et plus facile à
construire. En bois ou en
métal, l’anneau astronomique simplifie encore plus
les mesures. L’observateur
présente de profil l’anneau
au soleil du côté du trou.
Un rayon du soleil vient
frapper le bord interne gradué de l’anneau. Il ne reste
plus qu’à lire la hauteur du
soleil !
Le bâton de Jacob,
Van Keulen, Johannes, 1776
Le quartier de Davis, XVIIIe siècle, inv.13054
Astre
Flèche
Marteau
coulissant
X lecture de la
hauteur de l’astre
Horizon
L’astrolabe nautique, 1563, inv. 3864
Observateur
Schéma d’utilisation de l’arbalestrille
L
E
S
T
H
È
M
E
S
Histoire
4
Sous ma latitude
Schéma d’utilisation du quart de cercle
Astre
X : lecture de
la hauteur
limbe
fil à plomb
h : hauteur de
l’étoile
Musée des arts et métiers
Schéma d’utilisation de l’astrolabe
Vue agrandie de l’alidade
Le quart de cercle à deux lunettes
achromatiques et micromètre,
vers 1785, inv. 1495
pinnule
alidade
Jeu de miroirs
Au XVIIIe siècle, les instruments d’astronomie nautique connaissent une évolution vers une technique nouvelle : la réflexion
d’images. Plutôt que de viser un astre (et l’horizon, selon l’instrument utilisé), on propose d’utiliser deux miroirs pour faire coïncider les images de l’astre et de l’horizon.
Les utilisateurs d’astrolabes se rendent compte rapidement que
toute la circonférence de l’instrument n’est pas nécessaire pour
faire les mesures. Une demi-circonférence, voire un secteur de
90°, suffit. C’est ainsi qu’au milieu du XVIe siècle apparaissent les
demi-cercles et les quarts de cercle. Bion décrit un demi-cercle
pour navigateurs : une pinnule est fixée à chaque extrémité du
diamètre, une troisième est mobile et se déplace sur la demi-circonférence. En visant un astre, on lit directement sa hauteur sur
le limbe.
Les quarts de cercle astronomiques se répandent au cours des
XVIe et XVIIe siècles. On y ajoute parfois un fil à plomb pour
pouvoir vérifier la verticale d’un des côtés de l’instrument.
L
Ainsi, en 1731, John Hadley invente l’octant, bien qu’il paraîtrait
que Robert Hooke en ait eu l’idée en 1699. L’octant (ou un
huitième de cercle) est capable de mesurer des angles avec une
précision d’une minute. Il donne naissance au sextant, inventé
indépendamment par le mathématicien anglais John Hadley et
l’inventeur américain Thomas Godfrey. Le sextant fonctionne sur
le même principe que l’octant, sauf que son limbe est gradué
d’un arc de cercle de 60°, soit un sixième de cercle. D’où son
nom ! Le sextant supplante rapidement l’octant car il peut mesurer des hauteurs plus larges : 120° au lieu des 90° de l’octant.
E
S
T
H
È
M
E
S
5
Histoire
Musée des arts et métiers
Sous ma latitude
Son fonctionnement ? On vise
l’horizon à l’aide d’une lunette.
Un petit miroir fixe est étamé sur
sa moitié de façon à ne cacher
que la moitié du champ de vision.
Au centre, se trouve un miroir
mobile, solidaire de l’alidade.
Pendant la visée, on cherche la
position de l’alidade et de son
miroir pour laquelle l’image de
l’astre se superpose à celle de
l’horizon, par double réflexion.
La position de l’alidade sur le
limbe gradué donne directement
la hauteur cherchée.
Au début de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la précision de
mesure tombe à 30 secondes d’angle, ce qui correspond à moins
d’1 km. Par ailleurs, on observe une généralisation de l’usage du
vernier de mesure, l’invention des machines à tourner, à diviser, à
polir les miroirs et les lames de verre. Ainsi, les ateliers produisent
des instruments moins encombrants, plus précis et plus fiables.
Pourtant, quelles que soient les améliorations apportées aux instruments de marine, on observe toujours un attachement des gens
de la mer aux traditions et aux matériels ayant fait leurs preuves, si
bien que, généralement, on constate un refus élégant et prudent
des innovations.
L'octant de Hadley,
1731
Et aujourd’hui ?
Pour connaître sa latitude, le navigateur utilise le GPS (Global
Positioning System) : ce repérage, basé sur des signaux reçus à
partir de quatre satellites, applique le système de triangulation.
Et en cas de panne de l’appareil récepteur, il ne reste plus qu’à
ressortir le sextant !
Le GPS, MAP 215, Garmin, 1999, inv. 43944
L’octant d’Hadley, vers 1730, inv. 3908
L
E
S
T
H
È
M
E
S
6
Comment ça marche ?
Sous ma latitude
Qu’est-ce que la latitude ?
Comment déterminer sa latitude ?
L’équateur divise la Terre en deux : l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud. Soit O, le centre de la Terre et un point N, l’endroit
où se trouve le navigateur. La latitude est l’angle compris entre le
plan de l’équateur et le segment [ON].
Musée des arts et métiers
Dans le cas d’une mesure de hauteur du soleil, il faut consulter
les éphémérides de déclinaison, c’est-à-dire l’angle d’élévation du
soleil par rapport à l’équateur. En utilisant un des instruments
décrits dans le chapitre précédent, l’observateur mesure la hauteur, soit l’angle d’élévation du soleil par rapport à l’horizon.
Pour trouver sa latitude, il ne reste plus qu’à appliquer la formule
suivante : l = 90 - |D – h|
où :
- l est la latitude cherchée
- D, la déclinaison lue dans les éphémérides
- h, la hauteur du soleil mesurée.
Sachant que la latitude ne peut varier qu’entre 0° et 90°, il faut
veiller à ce que la soustraction soit toujours traitée en valeur
absolue, c’est-à-dire avec un résultat positif.
Dans le cas de la mesure de la hauteur de l’étoile polaire, la
déclinaison vaut 90°. Ainsi, la latitude est directement donnée
par la mesure de la hauteur.
Comment déterminer la latitude ?
L
E
S
T
H
È
M
E
S
7
Collections
Sous ma latitude
Musée des arts et métiers
Quelques objets choisis relatifs au thème de la navigation, présentés dans les
domaines des Transports et de l’Instrument Scientifique.
Astrolabe nautique, 1563, inv. 3864
Quartier de Davis, XVIIIe siècle, inv. 13054
Octant d’Hadley, vers 1730, inv. 3908
Sextant de Ramsden, fin XVIIIe, inv. 1841-1
Sphère armillaire, XVIIIe siècle, inv. 3854
Paquebot France, 1935, inv. 16864
Le roi de Rome, 1812, inv. 4024
Horloge de marine de Ferdinand Berthoud, 1775, inv. 166
Horloge de marine de Ferdinand Berthoud, 1767, inv. 1389-2
Règle Cras Evolution, 1999, inv. 43941
Radar M1621 MKII Furuno et son antenne, 1999, inv. 43943-1 et 2
Antenne et traceur de carte « GPSMAP 215 », inv. 43944-1 et 2
POUR EN SAVOIR PLUS.
Maurice Daumas, Les instruments scientifiques aux XVIIe et
XVIIIe siècles, Presses universitaires de France, 1953
André Gillet, Une histoire du point en mer, Editions Belin /
Pour la science, 2000
« La boussole et l’orchidée », La Revue du Musée des arts
et métiers, sept/déc 2003
Les collections du Musée des arts et métiers
sont aussi consultables sur Internet.
Adresse électronique :
http://www.arts-et-metiers.net
L
E
S
T
H
È
M
E
S
8
En classe
Sous ma latitude
L’anneau astronomique
Construction
B
A
Musée des arts et métiers
Récupérer l’anneau en bois d’un couvercle ou d’un fond
de boîte de camembert.
Mesurer à l’aide d’une règle son diamètre et dessiner sur
une feuille le cercle correspondant. Réaliser ensuite sur
celui-ci les constructions de la figure ci-contre. Utiliser un
compas pour reporter les rayons sur la circonférence du
cercle et un rapporteur pour tracer les droites espacées
de 10°.
Une fois la construction terminée, positionner l’anneau
sur la figure et reporter avec un crayon les repères
d’angles. Marquer la valeur des angles entre 10° et 90°.
Au niveau des repères A et B, réaliser au milieu de la
largeur de l’anneau un trou d’1 mm de diamètre
environ. Utiliser pour cela un poinçon.
Avec un bout de ficelle, réaliser un petit nœud et
l’enfiler dans le trou B. Faire un deuxième nœud de
l’autre coté du trou pour l’empêcher de sortir.
Utilisation
Enfiler un doigt dans la ficelle et suspendre l’anneau
astronomique avec le trou A, face au soleil. La trace du
faisceau lumineux à l’intérieur de l’anneau donne la
position angulaire du soleil.
• Rédaction : Jamila Al-Khatib
• Schémas et pédagogie : Jamila Al-Khatib,
Karim Yahiaoui, Jean Randier
• Coordination : Valérie Perez
• Impression : Alphagraph
• Photos : Musée des arts et métiers / Cnam
S. Pelly, Musée national de la Marine/ P. Dantec
• Musée des arts et métiers
Service éducatif
292, rue Saint-Martin — 75003 Paris
Tél. : 01 53 01 82 75 ou 01 53 01 82 32
ISBN : 2-908207-94-X
Remarque : Pour plus de précision dans la lecture des
angles, on peut tracer les repères angulaires tous les 5
degrés.
L
E
S
T
H
È
M
E
S