exemple de l`achillée millefeuille
Transcription
exemple de l`achillée millefeuille
L’approche goethéenne des plantes L’Achillée Millefeuille Pour mieux comprendre les pratiques spécifiques à la biodynamie telles l’emploi des préparations biodynamiques, il faut compléter l’approche quantitative – analytique par une approche phénoménologique-qualitative initiée entre autres par Goethe, poursuivie par Rudolf Steiner et employée de nos jours par un certain nombre de chercheurs. Cette approche de la nature qui reste peu connue en France peut intéresser tout un chacun car elle incite à observer la nature en nous donnant la confiance que l’on peut « lire le livre de la nature » sans avoir besoin d’un arsenal d’instruments techniques spécialisés mais simplement en utilisant nos sens. Prenons en exemple une plante très fréquente qui passe cependant fréquemment inaperçue et dont les multiples propriétés sont assez méconnues : l’achillée millefeuille. L’idéal serait d’aller observer la plante en lisant l’article. C’est le plus souvent au cœur de l’été, après la St Jean, alors qu’il fait encore très chaud, qu’en se promenant à la campagne le long des chemins, des talus, on apercevra des touffes de fleurs d’un beau blanc. Celui qui ne connaît pas l’achillée millefeuille pourrait la confondre au premier abord avec la carotte sauvage qui pousse dans des stations proches, caillouteuses, maigres et ensoleillées. Cependant en s’approchant, on remarquera les inflorescences beaucoup plus serrés, denses que les ombelles de la carotte plus fines et d’une couleur plus crème. Poursuivons donc avec l’achillée Après la première impression, on observera la plante de manière la plus détaillée possible (avec tous nos sens) dans son milieu. Où pousse-t-elle et quelle forme prend-elle ? En cherchant bien, on trouvera beaucoup plus d’achillée que l’on pourrait le penser au premier abord. En effet, elle reste souvent à l’état de « gazon » sans fleurir durant des années, dans les prés, les pelouses plutôt sèches. A part le vrai gazon anglais, rares sont les pelouses dans lesquelles on ne pourra pas trouver un peu d’achillée à l’état de rosette parmi les graminées dans les zones les plus sèches. On la trouvera toujours en pleine lumière dans des stations calcaires ou siliceuses. Pour bien comprendre une plante, il est intéressant de se remémorer la première impression que l’on a eue car celle-ci contient en germe toute l’ « essence » de la plante. Le problème est que très rapidement, au lieu de poursuivre l’observation sans préjugé, en nommant la plante, en projetant littéralement sur elle tout ce que l’on sait - ou croit savoir on arrête le cheminement de découverte. On agit comme si, face à une personne qui veut s’exprimer, nous parler, on lui coupait la parole pour la juger immédiatement sans l’écouter. Ainsi, l’étude goethéenne d’une plante commence en mettant de côté tout ce qu’on sait pour avoir un « regard neuf » et rester ouvert aux phénomènes. C’est une véritable plante des prairies et pâturages plutôt tassés, comme l’indique d’ailleurs son nom allemand Schafgarbe (des moutons). Au cours du siècle passé, l’intensification de la culture des prairies l’a fait reculer, elle s’est ainsi « réfugiée » dans les lieux où on la connaît, les talus, bords de chemins et zones de friches. C’est donc une plante dont l’habitat est lié à l’agriculture et l’activité humaine. 1 L’approche goethéenne des plantes Dans les prés, les années de sécheresse comme l’année passée, elle est l’une des plantes les plus résistantes et peut ainsi prendre le dessus sur les autres plantes. Sa forme varie beaucoup selon la station où elle pousse, montrant sa grande sensibilité aux conditions environnantes que ce soit la nature du sol ou l’intensité de la lumière et de la chaleur. Les folioles (éléments des feuilles) se relèvent en trois dimensions en créant une sorte d’espace. A la fin de la métamorphose, dans la contraction, les feuilles diminuent toujours de taille avant la floraison. La floraison tarde à venir mais dure ensuite tout l’été. Les inflorescences sont intéressantes par le fait que chaque fois que l’on regarde plus près on trouve de nouvelles unités plus petites : en fait l’achillée est un bouquet de bouquets de bouquets de fleurs ; on pourrait aussi dire une fleur à la puissance 3. L’unité botanique, la véritable fleur étant toutes petites : il faut la loupe pour observer les petites fleurs en étoiles ou en languettes (il en existe de 2 types). Approchons-nous d’une touffe d’achillée pour l’observer plus en détail. Ce qui marque au premier abord est le contraste entre le vert sombre dense de la tige et des feuilles, marquées parfois de grenat- violacé avec le large plateau de fleurs blanches. Poursuivons l’observation de bas en haut, de la racine à la fleur. La racine est assez peu profonde, ce qui est étonnant pour une plante résistant à la sécheresse. Par contre, de nombreuses tiges souterraines de couleur violacée colonisent le terrain dans toutes les directions. Et les pointes de ces rhizomes ressortent à la surface en donnant naissance à de nouvelles rosettes de feuilles. Ce mode de croissance lui permet de former d’épais tapis dans les pacages ou sur les talus résistant tant au pas des moutons qu’au passage des engins. Ainsi l’achillée est ancrée en terre moins par des racines que par un système de tiges qui est comme étalé, écrasé sous la terre et permet ainsi cette grande résistance. Chaque plante fleurit à un moment précis de l’année et on peut s’exercer à trouver le lien entre la morphologie et toutes les caractéristiques d’une plante (odeurs, couleurs, toucher, etc.) et le moment de sa floraison. L’achillée fleurit en été au moment où le soleil, après être passé au solstice à la St-Jean, stagne un peu et commence à redescendre dans le ciel. Plus exactement les arcs de cercle qu’il parcourt dans le ciel deviennent chaque jour plus court et plus bas, lentement. Celui qui suit le rythme de la vie de l’année ressent une sorte de midi de l’année en juillet-août, c’est dans cette ambiance que fleurit l’achillée. De ces rosettes s’élèvent des tiges rigides, linéaires, plutôt sèches portant les feuilles vert sombre finement découpées qui donnent son nom à la plante. On observe la succession des feuilles qui se sont formées les unes après les autres sur la tige et sont donc des traces de l’histoire de la plante (chaque feuille a un âge différent). On constate que chaque feuille a une forme différente de la précédente. Cette métamorphose des feuilles (selon Goethe) nous montre le résultat de l’action des forces de vie, des forces créatrices de forme spécifiques à la plante. Il est intéressant de constater que de nombreuses fleurs fleurissant dans cette période forment des ombelles ou fausses ombelles, des fleurs en plateau comme si elles exprimaient par cette forme aplatie le fait que le soleil redescende après l’aspiration printanière vers le haut exprimée par les fleurs du printemps en épi sur des tiges toujours plus élevées. On peut se demander dans quelle mesure toutes ces observations peuvent nous aider à mieux comprendre la plante et ses propriétés. Ne vaudrait-il pas mieux faire une bonne analyse chimique ? Et pourtant en ce qui concerne un être humain, on sait bien qu’il ne suffit pas de faire son analyse chimique pour connaître son caractère son tempérament, ses aspirations profondes. Essayons d’observer ce qu’exprime la plante, de lire ce qu’elle nous dit. Pour cela essayons de rassembler toutes Les feuilles cotylédonaires sont fines, tendres mais ensuite les premières feuilles sont tout de suite fortement découpées tout en restant insérées dans un pourtour précis ; comparé à une série de feuilles « type » on pourrait dire que l’achillée commence tout de suite avec un type de feuilles révélant l’influence des forces florales. 2 L’approche goethéenne des plantes On pourra ainsi peut-être beaucoup mieux comprendre ce que Rudolf Steiner évoque dans son Cours aux agriculteurs quand il présente cette plante en disant : ces observations pour approcher le « geste » de la plante. Synthèse « Elle est déjà extraordinairement bienfaisante L’ambiance de l’achillée est plutôt retenue et sèche. Une chaleur sèche et un air aromatique nous entourent avec une grande masse de fleurs denses et de nombreux insectes. Ceci évoque l’ambiance des processus de maturation et de durcissement accompagnant la formation des fruits et des graines au cœur de l’été. De ce point de vue on a presque l’impression que l’inflorescence d’achillée est un processus fruit dans le sens ou elle exhale peu de parfum mais plutôt se concentre, referme, dessèche, densifie. lorsqu’elle pousse au bord des champs … Il ne faudrait absolument pas la détruire… elle agit déjà, comme agissent beaucoup d’hommes sympathiques dans la société par leur seule présence, et non par ce qu’ils disent, elle exerce dans une région où elle est abondante, par le seul fait de sa présence, une action extraordinairement favorable. » Ainsi les indications de Steiner, qui peuvent surprendre au premier abord, ne sont pas à prendre comme des dogmes mais plutôt à utiliser comme des incitations à observation de manière nouvelle, plus large avec des points de vue différents. Jusqu’en hiver et même au printemps suivant les pousses et graines de l’année écoulée restent en place, sèches et persistantes. Si l’on reprend le geste global : fort ancrage au sol qu’elle couvre d’un tapis vert dense finement différencié et, vers le haut, un geste que l’on retrouve dans les feuilles et fleurs une très grande finesse de division des organes (feuilles et fleurs) qui sont cependant réunis pour former un tout et ensuite centrés par une tige rigide droite. Ce geste évoque donc la capacité à rassembler des éléments dispersés, tout en organisant, structurant l’ensemble. Cette approche a l’immense avantage de nous aider à créer un lien précis avec la plante qui n’est plus un objet – avec un objet on a toujours une relation uniquement utilitaire, on s’en sert et on le jette quand on n’en a plus besoin - mais bien un être avec lequel on peut se sentir relié et c’est justement de ce lien dont on a besoin aujourd’hui pour respecter la nature. De nombreuses études ont montré qu’il ne suffit pas d’expliquer la complexité de la nature par des cours d’écologie pour que les gens protègent la nature il faut qu’ils se sentent liés, et donc responsable et cela s’apprend ; la méthode goethéenne est l’une des pistes dans ce sens On peut retrouver ces qualités dans certaines propriétés de l’achillée. C’est par exemple une bonne tisane du matin qui aide à se saisir, à « rassembler ses esprits » au réveil. Elle peut aussi arrêter les petits écoulements sanguins, raison pour laquelle on l’appelait herbe aux charpentiers… D’autre part cette approche globale qui permet d’approcher le « geste » d’une plante permet aussi de mieux comprendre ses propriétés globales et donc de mieux l’employer. Un aspect complémentaire de son geste est le fait que tout en étant bien présente dans le paysage elle ne s’impose pas ; elle évoque par sa présence une sorte de force tranquille, une présence amicale. Jean-Michel Florin, botaniste et coordinateur du MABD 3