Opmaak 1

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Opmaak 1
L’ECHO MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2013
13
Agora
Trois ans après, que reste-t-il
de la révolution tunisienne?
SERGE VANDAELE
L
a Tunisie commémorait
hier le début du soulèvement ayant abouti à la
chute du président Ben Ali
et sa fuite en Arabie Saoudite le 14
janvier 2011. La révolution avait été
déclenchée par l’immolation à Sidi
Bouzid d’un vendeur ambulant,
Mohamed Bouazizi, excédé par la
misère et les brimades policières.
Trois ans après ces événements, la
Tunisie reste minée par la pauvreté
et le chômage. Le pays est aussi déstabilisé par une profonde crise
politique déclenchée par l’assassinat d’un opposant en juillet.
Après deux mois de tractations, la
classe politique a désigné samedi
le ministre de l’Industrie Mehdi Jomaâ, un indépendant, à la tête du
gouvernement. De nouveaux pourparlers doivent désormais déterminer le calendrier de la passation
qui actera le départ du pouvoir des
islamistes d’Ennahda désormais
qualifié d’«organisation terroriste».
Bichara Khader est directeur du
Centre d’Études et de Recherches
sur le Monde Arabe Contemporain
(Cermac) à l’UCL. Pour lui, il n’y a
pas lieu de s’inquiéter de la transition démocratique lente et difficile
qui s’opère en Tunisie.
Quel bilan tirez-vous de la révolution tunisienne qui a débuté
voici trois ans?
Une chose est sûre: si le processus
démocratique échoue en Tunisie,
alors il échouera partout ailleurs
dans le monde arabe car la révolution tunisienne avait tous les ingrédients d’une révolution pacifique
réussie. Elle a valeur de symbole de
révolution heureuse pour plusieurs raisons. C’est d’abord une révolution spontanée qui a été menée par des jeunes éduqués et urbanisés et dans laquelle la
participation féminine a été importante; une révolution où l’armée a fraternisé avec la société,
dans un pays homogène sur le
plan social, géographiquement petit et dans lequel il n’y a pas d’enjeux géopolitiques avec des acteurs
qui pourraient venir polluer le processus, comme c’est le cas par
exemple en Syrie avec l’Iran. C’est
aussi en Tunisie que tout a commencé… Et pourtant, il faut bien
constater que depuis trois ans, les
Tunisiens ne parviennent pas à stabiliser leur scène politique, ne parviennent pas à adresser un message rassurant aux investisseurs et
ne parviennent pas à relancer une
économie dont les jeunes attendent pourtant beaucoup.
Vous ne semblez pas être très optimiste…
On ne peut pas se permettre le luxe
d’être pessimiste. Les choses mettent évidemment du temps à se
mettre en place. Et quelque part
c’est logique. Si on observe la scène
politique tunisienne c’est avant
tout la fragmentation du camp
laïque qui fait sa faiblesse par rapport aux islamistes.
D’un point de vue économique,
la transition se révèle très coûteuse.
Ce n’est évidemment pas facile
d’expliquer que le temps politique
ne correspond pas au temps social.
Instaurer une démocratie, une culture politique c’est quelque chose
qui met énormément de temps.
Mais les gens, eux, ce qu’ils veulent
ce sont des solutions immédiates à
chacun de leurs problèmes, à commencer par celui du chômage.
Enfin, il y a en Tunisie un problème de sécurité avec des débordements inquiétants et des assassinats politiques. C’est tout cela qui
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explique la difficulté de transition
dans ce pays.
Une transition difficile qui pourrait en fin de compte échouer?
Comme dans tous les pays qui ont
connu des révolutions, que ce soit
en Europe, en Amérique latine ou
ailleurs, toutes les périodes de
transitions sont caractérisées par
l’incertitude, l’instabilité et la simultanéité des enjeux. La plupart
du temps on voit arriver des élus
qui n’ont pas forcément l’expérience politique nécessaire.
La question prioritaire des Tunisiens aujourd’hui ce n’est pas celle
posée par les islamistes à savoir:
«suis-je ou non un bon musulman»
mais savoir comment on va remettre l’économie du pays sur les rails,
comment on va créer des emplois
et attirer les investisseurs étrangers. Dans de nombreux pays
arabes où a soufflé le vent de la révolte, les islamistes, comme en
Egypte par exemple, sont parvenus
à se tailler des constitutions sur
mesure. Dans ce contexte, il est
normal que l’élaboration de la
constitution tunisienne mette du
temps à aboutir… C’est essentiellement la question du rapport entre
le religieux et le politique qui est
posée aujourd’hui en Tunisie. Mais
je suis sûr qu’une majorité de Tunisiens veulent un État laïque et séculier où la religion est remise à la
place qu’elle doit occuper c’est-àdire à côté d’un État neutre. La citoyenneté doit passer avant les
questions d’identité.
Cloud public,
cloud privé:
lequel est
le plus sûr ?
avance plus vite mais il faut se rendre compte du chemin parcouru.
Aujourd’hui la parole est libérée en
Tunisie. C’est un changement extraordinaire. Alors, oui, c’est lent,
oui, il y a de la cacophonie, mais
autant trois ans à l’échelle humaine cela parait long, autant à
l’échelle d’une société c’est très
court. Arrêtons donc cette rhétorique pessimiste…
«On lit et on entend
que le monde arabe
ne serait pas prêt
pour la démocratie.
C’est un discours
complètement
aberrant.»
BICHARA KHADER
DIRECTEUR DU CERMAC (UCL)
Trois ans pour en arriver là où se
trouve la Tunisie aujourd’hui,
est-ce que ce n’est pas quand
même décevant?
J’aurais évidemment souhaité que
compte tenu des enjeux et des défis, le processus démocratique
Vous visez les médias?
Oui. En 2011, les médias, mais aussi
la plupart des commentateurs
dont je faisais partie à l’époque,
versaient dans l’euphorie et l’empathie. Tout le monde admirait le
courage de ces jeunes qui allaient
se confronter à l’armée et aux
forces de police. Aujourd’hui, c’est
le pessimisme le plus noir qui est
de rigueur… voire même du racisme. On lit et on entend que le
monde arabe ne serait pas prêt
pour la démocratie. C’est un discours complètement aberrant. La
démocratie met toujours du temps
avant d’arriver à maturation. Il faut
du temps pour l’enraciner. Mais il
n’y a aucune raison pour que le
monde arabe n’y parvienne pas.
En somme, vous dites que ces
pays ont simplement encore besoin de temps…
Toute transition recèle des risques.
Le risque d’une perversion par un
pouvoir contre-révolutionnaire;
celui d’une récupération par des
forces non-démocratiques. Il y a
aussi le risque d’une confiscation
par les forces militaires. Tous ces
risques sont réels. Mais tous les
processus de transitions connaissent une évolution en dents de scie.
Ce qui compte, c’est que la démocratie est sur une tendance ascendante dans le monde arabe. Et ce
mouvement est irréversible.
PAUL VAN DEN BULCK
Avocat associé McGuireWoods et
chargé d’enseignement à l’Université
de Strasbourg
L’affaire Snowden a notamment révélé que des données traitées localement ne sont pas à l’abri d’intrusions. A fortiori, cette affaire a
confirmé que lorsque les données
sont stockées et dupliquées sur des
serveurs accessibles à distance de
n’importe quel endroit du globe, la
vulnérabilité de ces données par
rapport aux intrusions de tout type
est encore plus problématique.
Ceci dit, la confiance des utilisateurs et la qualité des services informatiques dépend en grande
partie de la sécurité des systèmes et
services informatiques. La sécurité
de ceux-ci est centrale pour la
croissance économique. Ceci explique toute l’attention portée par
l’Europe à la cybersécurité en général et la stratégie d’avenir du cloud
computing en particulier.
Cette attention doit certainement être accrue lorsque les données traitées sont des données personnelles. Comment, par exemple,
déployer des services de domotique à distance ou des compteurs
d’énergie intelligents permettant
de réduire la consommation
d’énergie, si l’infrastructure informatique desdits services compromet la sécurité des biens et des personnes en rendant accessibles,
même involontairement, les habitudes de vies des personnes
concernées? Voilà un exemple,
parmi une infinité d’autres, d’un
défi concret que pose la sécurité en
matière de cloud computing.
Tout d’abord, le service offert
peut être l’accès à une infrastructure informatique, l’accès à des applications ou l’accès à des logiciels
ou une combinaison totale ou partielle de ces trois types services.
Le déploiement géographique
peut se faire de manière internationale, régionale, ou nationale.
Les modèles de déploiement du
cloud peuvent être très variés: du
cloud public (accessibles à tous),
au cloud privé (accessible à un seul
bénéficiaire) en passant par le
cloud communautaire (accessible
à un groupe partageant les mêmes
intérêts) ou le cloud hybride (combinaison de deux types de clouds).
Les configurations d’intervenants peuvent également être infinies et vont du cloud privé le plus
radical, c’est-à-dire le cloud élaboré, géré et hébergé par le responsable du traitement, jusqu’à
des clouds, privés, publics ou communautaires qui font intervenir
des sous-traitants.
Enfin, sans que ce soit pour autant la dernière variable, le cloud
peut avoir des couches de logiciels
de différentes natures, à savoir des
logiciels propriétaires ou des logiciels libres. Autant dire qu’en présence de toutes ces variables, il
n’existe pas de recette unique
concernant la sécurité en matière
de cloud computing.
«Contrôler» ne signifie
pas «sécuriser»
Il est cependant clair que dans le
cloud privé le plus radical, le responsable du traitement a un
contrôle total de son cloud et donc
potentiellement de sa sécurité.
Malheureusement, «contrôle» ne
rime pas avec «sécurité». Tout dépend en effet des moyens techniques et humains mis en œuvre.
Ainsi, certains responsables du
traitement se garantissent un sommeil paisible grâce aux clauses
contractuelles qu’ils imposent à
leurs sous-traitants. Inversement,
certains responsables du traitement, bien qu’ils aient le contrôle
total de leur cloud, n’ont pas les
ressources humaines et techniques
nécessaires à une bonne sécurité.
La nature des services
est la variable
principale à prendre
en considération
lorsqu’il faut aborder
la question de la
sécurité du cloud
computing.
L’obligation de sécurité
La directive 95/46 relative à la protection des données à caractère
personnel dispose que l’obligation
de sécurité doit être garantie par le
responsable du traitement des
données, c’est-à-dire la personne
physique ou morale ou l’autorité
publique qui détermine les finalités et les moyens du traitement de
données à caractère personnel.
C’est donc le responsable du
traitement qui doit s’assurer que
toutes les mesures adéquates techniques et d’organisation ont été
mises en œuvre pour protéger les
données personnelles. En cas de
faille de sécurité, il devra en répondre tant vis-à-vis des autorités de
contrôle que vis-à-vis des personnes concernées. Le responsable
du traitement, lorsqu’il fait appel à
des sous-traitants, doit par ailleurs
imposer cette obligation de sécurité à ces derniers.
Cloud protéiforme
La Tunisie a marqué hier sans entrain le troisième anniversaire de l’immolation du marchant ambulant
Mohamed Bouazizi à l’origine de la révolution et du Printemps arabe. © IMAGEGLOBE
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La maîtrise de la sécurité est une
question complexe. En effet, le
cloud computing a la particularité
d’être protéiforme.
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Manager des rédactions
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Editorialiste en chef
Martine Maelschalck
Rédacteurs en chef adjoints
Marc Lambrechts, Nicolas Ghislain
La nature des services
Finalement, la nature des services
est la variable principale à prendre
en considération lorsqu’il faut
aborder la question de la sécurité.
Sur le terrain, cela n’a en effet
aucun sens de plaider pour un
cloud européen quand les services
offerts demandent une redondance importante de serveurs dispersés sur divers continents.
Inversement, un cloud suisse est
tout à fait justifié pour des
banques suisses et ce notamment
pour des raisons réglementaires.
Un cloud privé peut certainement
être recommandé dans le secteur
de la santé et il peut être judicieux
d’avoir accès à un cloud hybride
lorsqu’il y a, par exemple, une ségrégation des données entre la
partie cloud privé (données sensibles) et la partie cloud public
(données non sensibles). Finalement, et ce n’est pas une surprise,
c’est le cloud techniquement et juridiquement bien pensé dès le départ qui s’avérera le plus sûr.
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