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N°4
FOCUS
Les tests d’hypoallergénicité :
“
mythe ou réalité ?
La tolérance d'un produit cosmétique s'apprécie
sur la fréquence et la sévérité de ses effets
secondaires dans des conditions normales
d'utilisation. Des tests in vivo permettent de
prédire la tolérance d'une molécule et/ou d'un
produit fini avant sa mise sur le marché.
Quelles que soient les précautions et les modalités observées
dans la fabrication d'un produit cosmétique, la mention
d'hypoallergénicité ne permet pas d'éviter une éventuelle réaction
allergique.
Si l’utilisateur se sait allergique ou mieux encore s’il connaît le
ou les allergènes auxquels il est sensibilisé, il est indispensable
de lui apprendre à lire attentivement la liste des ingrédients
composant le produit et à vérifier l'absence d'allergène auquel
il est sensibilisé (allergène précisé en terme INCI : Nomenclature
Internationale des Ingrédients Cosmétiques).
Le nombre croissant, depuis quelques années,
de peaux "sensibles" hyperéactives, de peaux
irritées ou de réactions allergiques de contact,
a incité les laboratoires pharmaceutiques et
les sociétés commercialisant des produits
cosmétiques à créer des lignes pour peaux
sensibles et des produits "hypoallergéniques".
Mais que signifie en fait HYPOALLERGENICITE ?
”
Les explorations allergologiques
Les tests épicutanés, pratiqués par un dermato-allergologue, avec le
produit « hypoallergénique » posé sur le dos de 50 à 100 volontaires,
permettent de mettre en évidence un ingrédient à pouvoir allergénique
connu ou un dérivé de molécules allergisantes, notamment s’il s’agit de
patients particulièrement sensibles dont l’épiderme est altéré.
• pour l’utilisateur ou le patient = c'est une sécurité
• pour le médecin = c'est une précaution
• pour le laboratoire ou l’industriel = c'est un argument de
différentiation et de préférence
On fait également des tests ouverts à applications répétées (applications
matin et soir pendant 15 jours à la face antérieure de l’avant bras) et
des tests d’usage (dans les conditions normales d’utilisation) qui ne sont
que des compléments confirmant ou infirmant l’hypoallergénicité, mais
ne pouvant suffire à revendiquer ce label.
Malgré son imprécision et le risque de confusion qu'il génère, le terme
d'hypoallergénicité recouvre un concept intéressant. Ce "label" de tolérance
est à la fois nécessaire pour les praticiens prescripteurs et pour les
patients sensibilisés à des allergènes de contact identifiés. Cependant,
pour que cette dénomination soit fiable, il faut qu'elle s'appuie sur trois
arguments incontournables :
- la qualité de la conception-formulation du produit,
- les explorations allergologiques,
- une tolérance excellente après mise sur le marché.
Tolérance après mise sur le marché
L'hypoallergénicité revendiquée ne sera réellement confirmée qu'après
une large diffusion du produit pendant un temps suffisamment long (3
à 6 mois). L'absence ou au contraire le nombre plus ou moins important
de "remontées" d'effets secondaires auprès des médecins, pharmaciens,
laboratoires ou industriels infirmera ou confirmera ce label de bonne
tolérance.
La qualité de la conception-formulation
Le produit doit d'emblée être conçu comme un produit
hypoallergénique par le laboratoire qui doit :
Le terme « hypoallergénique » correspond
à une minimisation des risques allergiques de
par la formule du produit et les tests
pratiqués avant la mise sur le marché.
La mention « testé dermatologiquement »
précise que ces tests ont été pratiqués par
des dermatologues qui ont contrôlé
l’innocuité du produit et sa bonne tolérance.
• limiter au maximum le nombre d'ingrédients incorporé dans le produit,
• choisir ces ingrédients, de façon impérative parmi les molécules
exemptes de toute trace de contaminant allergène (nickel, chrome,
cobalt etc…),
• s’appuyer sur la compétence et l'expérience du toxicologue qui devra :
- faire un choix très sélectif des fournisseurs de matières premières
capables de garantir et prouver la qualité, la stabilité et la
reproductibilité de leurs produits,
- s’abstenir d’utiliser toute molécule connue pour son pouvoir
allergisant.
‘‘
La peau : une interface par “excellence”
S O M M A I R E
Allergie et irritation,
lessive et adoucissant :
quatuor gagnant des idées
préconçues.
• Allergie ou irritation, là est la question
• Lessives et assouplissants face à la peau
FOCUS
Les tests
d’hypoallergénicité :
mythe ou réalité ?
Éditorial
La prévalence des allergies de contact en réaction aux substances
parfumantes s’est considérablement accrue ces dernières années.
Nombre de patients consultent pour ce qu’ils croient être une
allergie aux parfums des lessives et adoucissants textiles.
Pourtant, l’allergie aux détergents textiles n’est pas une réalité.
Il s’agit plutôt d’une confusion largement répandue entre allergie
et irritation.
Les détergents textiles sont des produits rincés, qui n’entrent
généralement pas en contact direct avec la peau. Les quantités
d’allergènes déposées sur les vêtements puis transférées à la peau
sont en réalité bien trop faibles pour pouvoir induire une réaction
allergique.
Ce numéro 4 de Dermoscopie est l’occasion de revenir ensemble
sur ces différentes notions...
Dr. A. PONS-GUIRAUD
Dermatologue Allergologue - Paris
Dr. A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris
4
N°4
1
N°4
N°4
Allergie et irritation, lessive et
adoucissant :
“
Certaines fragrances utilisées dans les détergents
textiles sont connues pour être potentiellement
sensibilisantes. Cependant, la sensibilisation dépend
du niveau d’exposition à l’allergène.
Quel est donc le niveau réel d’exposition du patient ?
quatuor gagnant des idées préconçues
”
6
Nombre de patients viennent consulter pour ce qu’ils croient être une allergie aux parfums de
lessives ou assouplissants. La réalité est toute autre. Les dermatites allergiques induites par
les résidus de fragrances déposées sur les vêtements lors du lavage en machine sont en réalité
exceptionnelles. Mais alors comment ce fait-il que le mythe de l’allergie aux détergents textiles
ait la peau si dure ?
L'exposition aux
allergènes restant sur
les vêtements à la fin
du processus est minime
et il est fort improbable
que cela puisse induire
une sensibilisation**
La confusion entre allergie et irritation flotte allègrement dans l’esprit
de bon nombre de patients. Face à une dermatite de contact, la différence
entre allergie et irritation n’est également pas si simple à établir pour
le médecin. L’examen clinique des signes et symptômes de la dermatite,
l’interrogatoire minutieux du patient ainsi que l’utilisation de tests
appropriés, permettent d’identifier clairement la nature allergique ou
irritative de la réaction cutanée. Ce diagnostic différentiel est d’autant
plus important qu’il va déterminer quel traitement adopter et quelle
prévention exercer afin d’éviter toute récidive.
Définition
La dermatite irritante de contact (DIC) se différencie principalement
par une sensation de tiraillements, de picotements, de brûlure mais sans
démangeaison. Deux types de DIC ont pu être identifiés :
• la DIC aiguë, survenant dès le premier contact, s’accompagne
d’une inflammation,
• eczéma sec survenant d’emblée ou après un épisode aigu. Il est
érythémateux, squameux et extrêmement prurigineux.(2)
Hypersensibilité à médiation
cellulaire retardée
(type IV de la classification
de Gells et Coombs)
Contact unique ou
répété avec une substance
irritante
Contact d’un haptène
avec la peau d’un individu
déjà sensibilisé
Effets
Perturbation du fonctionnement des cellules cutanées :
altération des membranes
cellulaires, modification du
pH cellulaire…
- Génération de lymphocytes
T spécifiques de l’haptène
au niveau des organes
lymphoîdes (phase de
sensibilisation)
- Recrutement et activation
au site de contact de
lymphocytes T spécifiques
(phase de révélation)
- Médiateurs de l’inflammation :
IL-1α, acide arachidonique,
TNF-α…
- Cellules sentinelles du système
immunitaire cutané inné
(cellules de Langerhans, cellules
dendritiques dermiques,
macrophages, mastocytes)
Cellules du système
immunitaire spécifique
(cellules présentatrices de
l’haptène, lymphocytes
T CD4+ et CD8+)
Acteurs moléculaires
et cellulaires
caractéristiques
• eczéma aigu associant prurit, érythème, papules et vésicules,
Réaction inflammatoire
locale non immunologique
Inducteur
• la DIC chronique, consécutive à une irritation répétée ou prolongée,
est associée à la prolifération des kératinocytes et une hyperkératose
transitoire.(1) La peau devient extrêmement sèche, rugueuse et
présente une fine desquamation.(2)
La dermatite allergique est également retrouvée sous différentes formes :
prurit ; érythème ; eczématides ou dartres ; urticaire ; eczéma… L’eczéma
de contact allergique peut être présent sous forme d’un :
DERMATITE
ALLERGIQUE
Lessives et assouplissants face à la peau
Le risque de présenter une allergie aux parfums contenus dans les
adoucissants textiles est en réalité tout à fait négligeable. Lessives et
adoucissants, en conditions normales d’utilisation, ne sont pas en contact
direct avec la peau. Les allergènes qu’ils contiennent sont fortement
dilués puis rincés au cours du cycle de lavage (figure 1). Une grande partie
des résidus pouvant encore être présents sur le tissu s’évapore ensuite
lors du processus de séchage du linge. Au-delà de ces considérations
physiques, des détergents textiles revendiquent être plus spécifiquement
hypoallergéniques, c’est-à-dire, “conçus pour minimiser le risque d’allergie”.
Pour ce qui est plus particulièrement de l’utilisation d’un assouplissant,
des travaux expérimentaux ont indiqué que la déposition de parfum est
bien supérieure à partir d’un assouplissant que d’une lessive. (4)
L’assouplissant est en effet libéré lors du rinçage final, les parfums
n’ayant pas la possibilité d’être éliminée dans d’éventuels autres cycles
de rinçage. Néanmoins, le risque de développer une allergie aux résidus
de fragrances contenues dans les assouplissants est extrêmement peu
probable. Ceci est soutenu par une récente étude moléculaire d’évaluation
quantitative du risque d’allergie par contact avec ces résidus.(4)
2
Evaluation
du risque d'exposition
2
aux allergènes
des parfums contenus
4
(1-3)
DERMATITE
IRRITATIVE
Figure
Figure I.
I.
3
5
Tableau I. Dermatite de contact : irritation ou allergie.
Les lessives et adoucissants peuvent chacun contenir
jusqu’à 0,3 % de parfum, soit jusqu’à 0,03 %
de chaque allergène pris
individuellement
(ex. HCA : hexyl cinnamal).
dans les détergents
textiles
La dermatite irritative résulte d’une altération de l’intégrité de la
barrière cutanée et d’une inflammation non spécifique du derme sous
jacent (tableau 1). (1) L a réaction allergique découle plus
particulièrement d’une réaction immune spécifique d’un allergène.
La réponse irritative semble être une étape nécessaire au
développement de cette réaction immunitaire lymphocytaire.(3)
Allergie ou irritation, là est la question
1
La partie résiduelle des allergènes
restants sur les vêtements s’évapore
lors du séchage.
La plupart
des allergènes
sont éliminés
pendant
l’essorage
et le rinçage.
En Europe,
100 grammes
de lessive et
d’adoucissant sont
en moyenne ajoutés
à 3 kg de textile
coton.*
Les allergènes
sont considérablement
dilués au cours
du cycle de lavage.
* Basé sur les habitudes moyennes d’utilisation des machines à laver en 2004 en Europe. Unilever, données non publiées.
** Les études portant sur les dépôts théoriques d'allergènes sur les tissus lavés avec une lessive et un adoucissant indiquent que l'exposition au HCA serait de 0.063 µg/cm2. Cette exposition est environ
3700 fois plus faible que le niveau d'exposition acceptable après évaluation quantitative du risque (quantitative risk assessment : QRA).(5,6)
Le principe de cette étude repose sur une comparaison, pour chaque
allergène, entre :
• la quantité de résidus déposée sur le vêtement puis transférée sur
la peau de l’individu qui le porte,
• le seuil d’induction d’une réaction allergique, soit la quantité
d’allergène nécessaire pour induire une telle réaction.
La différence entre ces deux paramètres correspond à la marge de
sécurité sur laquelle le consommateur peut compter.
La quantité de résidus de fragrances déposés sur le vêtement après un
cycle unique de lavage avec un adoucissant a été déterminée pour 24 des
26 allergènes de parfums dont l’étiquetage est réglementé par l’Union
Européenne. Le seuil d’induction d’une allergie a été déterminé pour ces
24 allergènes à partir de données expérimentales obtenues chez l’Homme
et adaptées à l’utilisation réelle des assouplissants par le consommateur.
La notion d’allergie aux parfums contenus
dans les lessives ou assouplissants,
ne correspond à aucune réalité clinique et
semble extrêmement peu probable au regard
d’une étude moléculaire de quantification
du risque. Reste aujourd’hui à démontrer
que les quantités de résidus déposés sur
les vêtements après lavage sont largement
insuffisantes pour induire une réaction
allergique chez les patients allergiques.
Les marges de sécurité obtenues pour chacun des allergènes
s’échelonnent entre 55 et 17066, 18 des 24 allergènes ayant des
valeurs supérieures à 1000. Ces valeurs sont toutes positives
indiquant que l’exposition du consommateur est en dessous du
seuil d’induction pour les 24 allergènes de parfums.
Dr C. LAVERDET - Dermatologue - Paris
Dr A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris.
Pr. J.-P. MARTY - Biochimiste - Chatenay-Malabry
Minimisant le risque allergique, les assouplissants permettent également
de prévenir l’irritation mécanique de la peau par les fibres textiles. Les
lavages répétés ont pour conséquence d’effiler et d’user les fibres des tissus.
Les vêtements procurent alors une sensation de rugosité au contact de
la peau. Pour lutter contre cet effet friction, les assouplissants permettent
de gainer les fibres textiles, de les lisser et d’éviter ainsi leur
enchevêtrement.
1. Bonneville M et al. Physiopathologie de la dermatite irritante de contact. Progrès en DermoAllergologie. GERDA, Lille 2004.
2. Tennstedt D et Lachapelle J-M. Dermatose professionnelles : irritation ou allergie ? Rev Prat. 2002;
52 (13) : 1409-14.
3. Akiba H et al. Physiopathologie de l’eczéma de contact, nouveautés. Progrès en Dermo-Allergologie.
GERDA, Bruxelles 2001.
4. Corea NV et al. Fragrance allergy: assessing the risk from washed fabrics. In press.
5. Felter SP et al. Application of the risk assessment paradigm to the induction of allergic contact
dermatitis. Regulatory Toxicol Pharmacol. 2003; 37 : 1-10.
6. Gerberick GF et al. Understanding fragrance allergy using an exposure-based risk assessment
approach. Contact Dermatitis. 2001; 45 : 333-40.
3
N°4
N°4
Allergie et irritation, lessive et
adoucissant :
“
Certaines fragrances utilisées dans les détergents
textiles sont connues pour être potentiellement
sensibilisantes. Cependant, la sensibilisation dépend
du niveau d’exposition à l’allergène.
Quel est donc le niveau réel d’exposition du patient ?
quatuor gagnant des idées préconçues
”
6
Nombre de patients viennent consulter pour ce qu’ils croient être une allergie aux parfums de
lessives ou assouplissants. La réalité est toute autre. Les dermatites allergiques induites par
les résidus de fragrances déposées sur les vêtements lors du lavage en machine sont en réalité
exceptionnelles. Mais alors comment ce fait-il que le mythe de l’allergie aux détergents textiles
ait la peau si dure ?
L'exposition aux
allergènes restant sur
les vêtements à la fin
du processus est minime
et il est fort improbable
que cela puisse induire
une sensibilisation**
La confusion entre allergie et irritation flotte allègrement dans l’esprit
de bon nombre de patients. Face à une dermatite de contact, la différence
entre allergie et irritation n’est également pas si simple à établir pour
le médecin. L’examen clinique des signes et symptômes de la dermatite,
l’interrogatoire minutieux du patient ainsi que l’utilisation de tests
appropriés, permettent d’identifier clairement la nature allergique ou
irritative de la réaction cutanée. Ce diagnostic différentiel est d’autant
plus important qu’il va déterminer quel traitement adopter et quelle
prévention exercer afin d’éviter toute récidive.
Définition
La dermatite irritante de contact (DIC) se différencie principalement
par une sensation de tiraillements, de picotements, de brûlure mais sans
démangeaison. Deux types de DIC ont pu être identifiés :
• la DIC aiguë, survenant dès le premier contact, s’accompagne
d’une inflammation,
• eczéma sec survenant d’emblée ou après un épisode aigu. Il est
érythémateux, squameux et extrêmement prurigineux.(2)
Hypersensibilité à médiation
cellulaire retardée
(type IV de la classification
de Gells et Coombs)
Contact unique ou
répété avec une substance
irritante
Contact d’un haptène
avec la peau d’un individu
déjà sensibilisé
Effets
Perturbation du fonctionnement des cellules cutanées :
altération des membranes
cellulaires, modification du
pH cellulaire…
- Génération de lymphocytes
T spécifiques de l’haptène
au niveau des organes
lymphoîdes (phase de
sensibilisation)
- Recrutement et activation
au site de contact de
lymphocytes T spécifiques
(phase de révélation)
- Médiateurs de l’inflammation :
IL-1α, acide arachidonique,
TNF-α…
- Cellules sentinelles du système
immunitaire cutané inné
(cellules de Langerhans, cellules
dendritiques dermiques,
macrophages, mastocytes)
Cellules du système
immunitaire spécifique
(cellules présentatrices de
l’haptène, lymphocytes
T CD4+ et CD8+)
Acteurs moléculaires
et cellulaires
caractéristiques
• eczéma aigu associant prurit, érythème, papules et vésicules,
Réaction inflammatoire
locale non immunologique
Inducteur
• la DIC chronique, consécutive à une irritation répétée ou prolongée,
est associée à la prolifération des kératinocytes et une hyperkératose
transitoire.(1) La peau devient extrêmement sèche, rugueuse et
présente une fine desquamation.(2)
La dermatite allergique est également retrouvée sous différentes formes :
prurit ; érythème ; eczématides ou dartres ; urticaire ; eczéma… L’eczéma
de contact allergique peut être présent sous forme d’un :
DERMATITE
ALLERGIQUE
Lessives et assouplissants face à la peau
Le risque de présenter une allergie aux parfums contenus dans les
adoucissants textiles est en réalité tout à fait négligeable. Lessives et
adoucissants, en conditions normales d’utilisation, ne sont pas en contact
direct avec la peau. Les allergènes qu’ils contiennent sont fortement
dilués puis rincés au cours du cycle de lavage (figure 1). Une grande partie
des résidus pouvant encore être présents sur le tissu s’évapore ensuite
lors du processus de séchage du linge. Au-delà de ces considérations
physiques, des détergents textiles revendiquent être plus spécifiquement
hypoallergéniques, c’est-à-dire, “conçus pour minimiser le risque d’allergie”.
Pour ce qui est plus particulièrement de l’utilisation d’un assouplissant,
des travaux expérimentaux ont indiqué que la déposition de parfum est
bien supérieure à partir d’un assouplissant que d’une lessive. (4)
L’assouplissant est en effet libéré lors du rinçage final, les parfums
n’ayant pas la possibilité d’être éliminée dans d’éventuels autres cycles
de rinçage. Néanmoins, le risque de développer une allergie aux résidus
de fragrances contenues dans les assouplissants est extrêmement peu
probable. Ceci est soutenu par une récente étude moléculaire d’évaluation
quantitative du risque d’allergie par contact avec ces résidus.(4)
2
Evaluation
du risque d'exposition
2
aux allergènes
des parfums contenus
4
(1-3)
DERMATITE
IRRITATIVE
Figure
Figure I.
I.
3
5
Tableau I. Dermatite de contact : irritation ou allergie.
Les lessives et adoucissants peuvent chacun contenir
jusqu’à 0,3 % de parfum, soit jusqu’à 0,03 %
de chaque allergène pris
individuellement
(ex. HCA : hexyl cinnamal).
dans les détergents
textiles
La dermatite irritative résulte d’une altération de l’intégrité de la
barrière cutanée et d’une inflammation non spécifique du derme sous
jacent (tableau 1). (1) L a réaction allergique découle plus
particulièrement d’une réaction immune spécifique d’un allergène.
La réponse irritative semble être une étape nécessaire au
développement de cette réaction immunitaire lymphocytaire.(3)
Allergie ou irritation, là est la question
1
La partie résiduelle des allergènes
restants sur les vêtements s’évapore
lors du séchage.
La plupart
des allergènes
sont éliminés
pendant
l’essorage
et le rinçage.
En Europe,
100 grammes
de lessive et
d’adoucissant sont
en moyenne ajoutés
à 3 kg de textile
coton.*
Les allergènes
sont considérablement
dilués au cours
du cycle de lavage.
* Basé sur les habitudes moyennes d’utilisation des machines à laver en 2004 en Europe. Unilever, données non publiées.
** Les études portant sur les dépôts théoriques d'allergènes sur les tissus lavés avec une lessive et un adoucissant indiquent que l'exposition au HCA serait de 0.063 µg/cm2. Cette exposition est environ
3700 fois plus faible que le niveau d'exposition acceptable après évaluation quantitative du risque (quantitative risk assessment : QRA).(5,6)
Le principe de cette étude repose sur une comparaison, pour chaque
allergène, entre :
• la quantité de résidus déposée sur le vêtement puis transférée sur
la peau de l’individu qui le porte,
• le seuil d’induction d’une réaction allergique, soit la quantité
d’allergène nécessaire pour induire une telle réaction.
La différence entre ces deux paramètres correspond à la marge de
sécurité sur laquelle le consommateur peut compter.
La quantité de résidus de fragrances déposés sur le vêtement après un
cycle unique de lavage avec un adoucissant a été déterminée pour 24 des
26 allergènes de parfums dont l’étiquetage est réglementé par l’Union
Européenne. Le seuil d’induction d’une allergie a été déterminé pour ces
24 allergènes à partir de données expérimentales obtenues chez l’Homme
et adaptées à l’utilisation réelle des assouplissants par le consommateur.
La notion d’allergie aux parfums contenus
dans les lessives ou assouplissants,
ne correspond à aucune réalité clinique et
semble extrêmement peu probable au regard
d’une étude moléculaire de quantification
du risque. Reste aujourd’hui à démontrer
que les quantités de résidus déposés sur
les vêtements après lavage sont largement
insuffisantes pour induire une réaction
allergique chez les patients allergiques.
Les marges de sécurité obtenues pour chacun des allergènes
s’échelonnent entre 55 et 17066, 18 des 24 allergènes ayant des
valeurs supérieures à 1000. Ces valeurs sont toutes positives
indiquant que l’exposition du consommateur est en dessous du
seuil d’induction pour les 24 allergènes de parfums.
Dr C. LAVERDET - Dermatologue - Paris
Dr A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris.
Pr. J.-P. MARTY - Biochimiste - Chatenay-Malabry
Minimisant le risque allergique, les assouplissants permettent également
de prévenir l’irritation mécanique de la peau par les fibres textiles. Les
lavages répétés ont pour conséquence d’effiler et d’user les fibres des tissus.
Les vêtements procurent alors une sensation de rugosité au contact de
la peau. Pour lutter contre cet effet friction, les assouplissants permettent
de gainer les fibres textiles, de les lisser et d’éviter ainsi leur
enchevêtrement.
1. Bonneville M et al. Physiopathologie de la dermatite irritante de contact. Progrès en DermoAllergologie. GERDA, Lille 2004.
2. Tennstedt D et Lachapelle J-M. Dermatose professionnelles : irritation ou allergie ? Rev Prat. 2002;
52 (13) : 1409-14.
3. Akiba H et al. Physiopathologie de l’eczéma de contact, nouveautés. Progrès en Dermo-Allergologie.
GERDA, Bruxelles 2001.
4. Corea NV et al. Fragrance allergy: assessing the risk from washed fabrics. In press.
5. Felter SP et al. Application of the risk assessment paradigm to the induction of allergic contact
dermatitis. Regulatory Toxicol Pharmacol. 2003; 37 : 1-10.
6. Gerberick GF et al. Understanding fragrance allergy using an exposure-based risk assessment
approach. Contact Dermatitis. 2001; 45 : 333-40.
3
N°4
FOCUS
Les tests d’hypoallergénicité :
“
mythe ou réalité ?
La tolérance d'un produit cosmétique s'apprécie
sur la fréquence et la sévérité de ses effets
secondaires dans des conditions normales
d'utilisation. Des tests in vivo permettent de
prédire la tolérance d'une molécule et/ou d'un
produit fini avant sa mise sur le marché.
Quelles que soient les précautions et les modalités observées
dans la fabrication d'un produit cosmétique, la mention
d'hypoallergénicité ne permet pas d'éviter une éventuelle réaction
allergique.
Si l’utilisateur se sait allergique ou mieux encore s’il connaît le
ou les allergènes auxquels il est sensibilisé, il est indispensable
de lui apprendre à lire attentivement la liste des ingrédients
composant le produit et à vérifier l'absence d'allergène auquel
il est sensibilisé (allergène précisé en terme INCI : Nomenclature
Internationale des Ingrédients Cosmétiques).
Le nombre croissant, depuis quelques années,
de peaux "sensibles" hyperéactives, de peaux
irritées ou de réactions allergiques de contact,
a incité les laboratoires pharmaceutiques et
les sociétés commercialisant des produits
cosmétiques à créer des lignes pour peaux
sensibles et des produits "hypoallergéniques".
Mais que signifie en fait HYPOALLERGENICITE ?
”
Les explorations allergologiques
Les tests épicutanés, pratiqués par un dermato-allergologue, avec le
produit « hypoallergénique » posé sur le dos de 50 à 100 volontaires,
permettent de mettre en évidence un ingrédient à pouvoir allergénique
connu ou un dérivé de molécules allergisantes, notamment s’il s’agit de
patients particulièrement sensibles dont l’épiderme est altéré.
• pour l’utilisateur ou le patient = c'est une sécurité
• pour le médecin = c'est une précaution
• pour le laboratoire ou l’industriel = c'est un argument de
différentiation et de préférence
On fait également des tests ouverts à applications répétées (applications
matin et soir pendant 15 jours à la face antérieure de l’avant bras) et
des tests d’usage (dans les conditions normales d’utilisation) qui ne sont
que des compléments confirmant ou infirmant l’hypoallergénicité, mais
ne pouvant suffire à revendiquer ce label.
Malgré son imprécision et le risque de confusion qu'il génère, le terme
d'hypoallergénicité recouvre un concept intéressant. Ce "label" de tolérance
est à la fois nécessaire pour les praticiens prescripteurs et pour les
patients sensibilisés à des allergènes de contact identifiés. Cependant,
pour que cette dénomination soit fiable, il faut qu'elle s'appuie sur trois
arguments incontournables :
- la qualité de la conception-formulation du produit,
- les explorations allergologiques,
- une tolérance excellente après mise sur le marché.
Tolérance après mise sur le marché
L'hypoallergénicité revendiquée ne sera réellement confirmée qu'après
une large diffusion du produit pendant un temps suffisamment long (3
à 6 mois). L'absence ou au contraire le nombre plus ou moins important
de "remontées" d'effets secondaires auprès des médecins, pharmaciens,
laboratoires ou industriels infirmera ou confirmera ce label de bonne
tolérance.
La qualité de la conception-formulation
Le produit doit d'emblée être conçu comme un produit
hypoallergénique par le laboratoire qui doit :
Le terme « hypoallergénique » correspond
à une minimisation des risques allergiques de
par la formule du produit et les tests
pratiqués avant la mise sur le marché.
La mention « testé dermatologiquement »
précise que ces tests ont été pratiqués par
des dermatologues qui ont contrôlé
l’innocuité du produit et sa bonne tolérance.
• limiter au maximum le nombre d'ingrédients incorporé dans le produit,
• choisir ces ingrédients, de façon impérative parmi les molécules
exemptes de toute trace de contaminant allergène (nickel, chrome,
cobalt etc…),
• s’appuyer sur la compétence et l'expérience du toxicologue qui devra :
- faire un choix très sélectif des fournisseurs de matières premières
capables de garantir et prouver la qualité, la stabilité et la
reproductibilité de leurs produits,
- s’abstenir d’utiliser toute molécule connue pour son pouvoir
allergisant.
‘‘
La peau : une interface par “excellence”
S O M M A I R E
Allergie et irritation,
lessive et adoucissant :
quatuor gagnant des idées
préconçues.
• Allergie ou irritation, là est la question
• Lessives et assouplissants face à la peau
FOCUS
Les tests
d’hypoallergénicité :
mythe ou réalité ?
Éditorial
La prévalence des allergies de contact en réaction aux substances
parfumantes s’est considérablement accrue ces dernières années.
Nombre de patients consultent pour ce qu’ils croient être une
allergie aux parfums des lessives et adoucissants textiles.
Pourtant, l’allergie aux détergents textiles n’est pas une réalité.
Il s’agit plutôt d’une confusion largement répandue entre allergie
et irritation.
Les détergents textiles sont des produits rincés, qui n’entrent
généralement pas en contact direct avec la peau. Les quantités
d’allergènes déposées sur les vêtements puis transférées à la peau
sont en réalité bien trop faibles pour pouvoir induire une réaction
allergique.
Ce numéro 4 de Dermoscopie est l’occasion de revenir ensemble
sur ces différentes notions...
Dr. A. PONS-GUIRAUD
Dermatologue Allergologue - Paris
Dr. A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris
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N°4
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