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N°4 FOCUS Les tests d’hypoallergénicité : “ mythe ou réalité ? La tolérance d'un produit cosmétique s'apprécie sur la fréquence et la sévérité de ses effets secondaires dans des conditions normales d'utilisation. Des tests in vivo permettent de prédire la tolérance d'une molécule et/ou d'un produit fini avant sa mise sur le marché. Quelles que soient les précautions et les modalités observées dans la fabrication d'un produit cosmétique, la mention d'hypoallergénicité ne permet pas d'éviter une éventuelle réaction allergique. Si l’utilisateur se sait allergique ou mieux encore s’il connaît le ou les allergènes auxquels il est sensibilisé, il est indispensable de lui apprendre à lire attentivement la liste des ingrédients composant le produit et à vérifier l'absence d'allergène auquel il est sensibilisé (allergène précisé en terme INCI : Nomenclature Internationale des Ingrédients Cosmétiques). Le nombre croissant, depuis quelques années, de peaux "sensibles" hyperéactives, de peaux irritées ou de réactions allergiques de contact, a incité les laboratoires pharmaceutiques et les sociétés commercialisant des produits cosmétiques à créer des lignes pour peaux sensibles et des produits "hypoallergéniques". Mais que signifie en fait HYPOALLERGENICITE ? ” Les explorations allergologiques Les tests épicutanés, pratiqués par un dermato-allergologue, avec le produit « hypoallergénique » posé sur le dos de 50 à 100 volontaires, permettent de mettre en évidence un ingrédient à pouvoir allergénique connu ou un dérivé de molécules allergisantes, notamment s’il s’agit de patients particulièrement sensibles dont l’épiderme est altéré. • pour l’utilisateur ou le patient = c'est une sécurité • pour le médecin = c'est une précaution • pour le laboratoire ou l’industriel = c'est un argument de différentiation et de préférence On fait également des tests ouverts à applications répétées (applications matin et soir pendant 15 jours à la face antérieure de l’avant bras) et des tests d’usage (dans les conditions normales d’utilisation) qui ne sont que des compléments confirmant ou infirmant l’hypoallergénicité, mais ne pouvant suffire à revendiquer ce label. Malgré son imprécision et le risque de confusion qu'il génère, le terme d'hypoallergénicité recouvre un concept intéressant. Ce "label" de tolérance est à la fois nécessaire pour les praticiens prescripteurs et pour les patients sensibilisés à des allergènes de contact identifiés. Cependant, pour que cette dénomination soit fiable, il faut qu'elle s'appuie sur trois arguments incontournables : - la qualité de la conception-formulation du produit, - les explorations allergologiques, - une tolérance excellente après mise sur le marché. Tolérance après mise sur le marché L'hypoallergénicité revendiquée ne sera réellement confirmée qu'après une large diffusion du produit pendant un temps suffisamment long (3 à 6 mois). L'absence ou au contraire le nombre plus ou moins important de "remontées" d'effets secondaires auprès des médecins, pharmaciens, laboratoires ou industriels infirmera ou confirmera ce label de bonne tolérance. La qualité de la conception-formulation Le produit doit d'emblée être conçu comme un produit hypoallergénique par le laboratoire qui doit : Le terme « hypoallergénique » correspond à une minimisation des risques allergiques de par la formule du produit et les tests pratiqués avant la mise sur le marché. La mention « testé dermatologiquement » précise que ces tests ont été pratiqués par des dermatologues qui ont contrôlé l’innocuité du produit et sa bonne tolérance. • limiter au maximum le nombre d'ingrédients incorporé dans le produit, • choisir ces ingrédients, de façon impérative parmi les molécules exemptes de toute trace de contaminant allergène (nickel, chrome, cobalt etc…), • s’appuyer sur la compétence et l'expérience du toxicologue qui devra : - faire un choix très sélectif des fournisseurs de matières premières capables de garantir et prouver la qualité, la stabilité et la reproductibilité de leurs produits, - s’abstenir d’utiliser toute molécule connue pour son pouvoir allergisant. ‘‘ La peau : une interface par “excellence” S O M M A I R E Allergie et irritation, lessive et adoucissant : quatuor gagnant des idées préconçues. • Allergie ou irritation, là est la question • Lessives et assouplissants face à la peau FOCUS Les tests d’hypoallergénicité : mythe ou réalité ? Éditorial La prévalence des allergies de contact en réaction aux substances parfumantes s’est considérablement accrue ces dernières années. Nombre de patients consultent pour ce qu’ils croient être une allergie aux parfums des lessives et adoucissants textiles. Pourtant, l’allergie aux détergents textiles n’est pas une réalité. Il s’agit plutôt d’une confusion largement répandue entre allergie et irritation. Les détergents textiles sont des produits rincés, qui n’entrent généralement pas en contact direct avec la peau. Les quantités d’allergènes déposées sur les vêtements puis transférées à la peau sont en réalité bien trop faibles pour pouvoir induire une réaction allergique. Ce numéro 4 de Dermoscopie est l’occasion de revenir ensemble sur ces différentes notions... Dr. A. PONS-GUIRAUD Dermatologue Allergologue - Paris Dr. A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris 4 N°4 1 N°4 N°4 Allergie et irritation, lessive et adoucissant : “ Certaines fragrances utilisées dans les détergents textiles sont connues pour être potentiellement sensibilisantes. Cependant, la sensibilisation dépend du niveau d’exposition à l’allergène. Quel est donc le niveau réel d’exposition du patient ? quatuor gagnant des idées préconçues ” 6 Nombre de patients viennent consulter pour ce qu’ils croient être une allergie aux parfums de lessives ou assouplissants. La réalité est toute autre. Les dermatites allergiques induites par les résidus de fragrances déposées sur les vêtements lors du lavage en machine sont en réalité exceptionnelles. Mais alors comment ce fait-il que le mythe de l’allergie aux détergents textiles ait la peau si dure ? L'exposition aux allergènes restant sur les vêtements à la fin du processus est minime et il est fort improbable que cela puisse induire une sensibilisation** La confusion entre allergie et irritation flotte allègrement dans l’esprit de bon nombre de patients. Face à une dermatite de contact, la différence entre allergie et irritation n’est également pas si simple à établir pour le médecin. L’examen clinique des signes et symptômes de la dermatite, l’interrogatoire minutieux du patient ainsi que l’utilisation de tests appropriés, permettent d’identifier clairement la nature allergique ou irritative de la réaction cutanée. Ce diagnostic différentiel est d’autant plus important qu’il va déterminer quel traitement adopter et quelle prévention exercer afin d’éviter toute récidive. Définition La dermatite irritante de contact (DIC) se différencie principalement par une sensation de tiraillements, de picotements, de brûlure mais sans démangeaison. Deux types de DIC ont pu être identifiés : • la DIC aiguë, survenant dès le premier contact, s’accompagne d’une inflammation, • eczéma sec survenant d’emblée ou après un épisode aigu. Il est érythémateux, squameux et extrêmement prurigineux.(2) Hypersensibilité à médiation cellulaire retardée (type IV de la classification de Gells et Coombs) Contact unique ou répété avec une substance irritante Contact d’un haptène avec la peau d’un individu déjà sensibilisé Effets Perturbation du fonctionnement des cellules cutanées : altération des membranes cellulaires, modification du pH cellulaire… - Génération de lymphocytes T spécifiques de l’haptène au niveau des organes lymphoîdes (phase de sensibilisation) - Recrutement et activation au site de contact de lymphocytes T spécifiques (phase de révélation) - Médiateurs de l’inflammation : IL-1α, acide arachidonique, TNF-α… - Cellules sentinelles du système immunitaire cutané inné (cellules de Langerhans, cellules dendritiques dermiques, macrophages, mastocytes) Cellules du système immunitaire spécifique (cellules présentatrices de l’haptène, lymphocytes T CD4+ et CD8+) Acteurs moléculaires et cellulaires caractéristiques • eczéma aigu associant prurit, érythème, papules et vésicules, Réaction inflammatoire locale non immunologique Inducteur • la DIC chronique, consécutive à une irritation répétée ou prolongée, est associée à la prolifération des kératinocytes et une hyperkératose transitoire.(1) La peau devient extrêmement sèche, rugueuse et présente une fine desquamation.(2) La dermatite allergique est également retrouvée sous différentes formes : prurit ; érythème ; eczématides ou dartres ; urticaire ; eczéma… L’eczéma de contact allergique peut être présent sous forme d’un : DERMATITE ALLERGIQUE Lessives et assouplissants face à la peau Le risque de présenter une allergie aux parfums contenus dans les adoucissants textiles est en réalité tout à fait négligeable. Lessives et adoucissants, en conditions normales d’utilisation, ne sont pas en contact direct avec la peau. Les allergènes qu’ils contiennent sont fortement dilués puis rincés au cours du cycle de lavage (figure 1). Une grande partie des résidus pouvant encore être présents sur le tissu s’évapore ensuite lors du processus de séchage du linge. Au-delà de ces considérations physiques, des détergents textiles revendiquent être plus spécifiquement hypoallergéniques, c’est-à-dire, “conçus pour minimiser le risque d’allergie”. Pour ce qui est plus particulièrement de l’utilisation d’un assouplissant, des travaux expérimentaux ont indiqué que la déposition de parfum est bien supérieure à partir d’un assouplissant que d’une lessive. (4) L’assouplissant est en effet libéré lors du rinçage final, les parfums n’ayant pas la possibilité d’être éliminée dans d’éventuels autres cycles de rinçage. Néanmoins, le risque de développer une allergie aux résidus de fragrances contenues dans les assouplissants est extrêmement peu probable. Ceci est soutenu par une récente étude moléculaire d’évaluation quantitative du risque d’allergie par contact avec ces résidus.(4) 2 Evaluation du risque d'exposition 2 aux allergènes des parfums contenus 4 (1-3) DERMATITE IRRITATIVE Figure Figure I. I. 3 5 Tableau I. Dermatite de contact : irritation ou allergie. Les lessives et adoucissants peuvent chacun contenir jusqu’à 0,3 % de parfum, soit jusqu’à 0,03 % de chaque allergène pris individuellement (ex. HCA : hexyl cinnamal). dans les détergents textiles La dermatite irritative résulte d’une altération de l’intégrité de la barrière cutanée et d’une inflammation non spécifique du derme sous jacent (tableau 1). (1) L a réaction allergique découle plus particulièrement d’une réaction immune spécifique d’un allergène. La réponse irritative semble être une étape nécessaire au développement de cette réaction immunitaire lymphocytaire.(3) Allergie ou irritation, là est la question 1 La partie résiduelle des allergènes restants sur les vêtements s’évapore lors du séchage. La plupart des allergènes sont éliminés pendant l’essorage et le rinçage. En Europe, 100 grammes de lessive et d’adoucissant sont en moyenne ajoutés à 3 kg de textile coton.* Les allergènes sont considérablement dilués au cours du cycle de lavage. * Basé sur les habitudes moyennes d’utilisation des machines à laver en 2004 en Europe. Unilever, données non publiées. ** Les études portant sur les dépôts théoriques d'allergènes sur les tissus lavés avec une lessive et un adoucissant indiquent que l'exposition au HCA serait de 0.063 µg/cm2. Cette exposition est environ 3700 fois plus faible que le niveau d'exposition acceptable après évaluation quantitative du risque (quantitative risk assessment : QRA).(5,6) Le principe de cette étude repose sur une comparaison, pour chaque allergène, entre : • la quantité de résidus déposée sur le vêtement puis transférée sur la peau de l’individu qui le porte, • le seuil d’induction d’une réaction allergique, soit la quantité d’allergène nécessaire pour induire une telle réaction. La différence entre ces deux paramètres correspond à la marge de sécurité sur laquelle le consommateur peut compter. La quantité de résidus de fragrances déposés sur le vêtement après un cycle unique de lavage avec un adoucissant a été déterminée pour 24 des 26 allergènes de parfums dont l’étiquetage est réglementé par l’Union Européenne. Le seuil d’induction d’une allergie a été déterminé pour ces 24 allergènes à partir de données expérimentales obtenues chez l’Homme et adaptées à l’utilisation réelle des assouplissants par le consommateur. La notion d’allergie aux parfums contenus dans les lessives ou assouplissants, ne correspond à aucune réalité clinique et semble extrêmement peu probable au regard d’une étude moléculaire de quantification du risque. Reste aujourd’hui à démontrer que les quantités de résidus déposés sur les vêtements après lavage sont largement insuffisantes pour induire une réaction allergique chez les patients allergiques. Les marges de sécurité obtenues pour chacun des allergènes s’échelonnent entre 55 et 17066, 18 des 24 allergènes ayant des valeurs supérieures à 1000. Ces valeurs sont toutes positives indiquant que l’exposition du consommateur est en dessous du seuil d’induction pour les 24 allergènes de parfums. Dr C. LAVERDET - Dermatologue - Paris Dr A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris. Pr. J.-P. MARTY - Biochimiste - Chatenay-Malabry Minimisant le risque allergique, les assouplissants permettent également de prévenir l’irritation mécanique de la peau par les fibres textiles. Les lavages répétés ont pour conséquence d’effiler et d’user les fibres des tissus. Les vêtements procurent alors une sensation de rugosité au contact de la peau. Pour lutter contre cet effet friction, les assouplissants permettent de gainer les fibres textiles, de les lisser et d’éviter ainsi leur enchevêtrement. 1. Bonneville M et al. Physiopathologie de la dermatite irritante de contact. Progrès en DermoAllergologie. GERDA, Lille 2004. 2. Tennstedt D et Lachapelle J-M. Dermatose professionnelles : irritation ou allergie ? Rev Prat. 2002; 52 (13) : 1409-14. 3. Akiba H et al. Physiopathologie de l’eczéma de contact, nouveautés. Progrès en Dermo-Allergologie. GERDA, Bruxelles 2001. 4. Corea NV et al. Fragrance allergy: assessing the risk from washed fabrics. In press. 5. Felter SP et al. Application of the risk assessment paradigm to the induction of allergic contact dermatitis. Regulatory Toxicol Pharmacol. 2003; 37 : 1-10. 6. Gerberick GF et al. Understanding fragrance allergy using an exposure-based risk assessment approach. Contact Dermatitis. 2001; 45 : 333-40. 3 N°4 N°4 Allergie et irritation, lessive et adoucissant : “ Certaines fragrances utilisées dans les détergents textiles sont connues pour être potentiellement sensibilisantes. Cependant, la sensibilisation dépend du niveau d’exposition à l’allergène. Quel est donc le niveau réel d’exposition du patient ? quatuor gagnant des idées préconçues ” 6 Nombre de patients viennent consulter pour ce qu’ils croient être une allergie aux parfums de lessives ou assouplissants. La réalité est toute autre. Les dermatites allergiques induites par les résidus de fragrances déposées sur les vêtements lors du lavage en machine sont en réalité exceptionnelles. Mais alors comment ce fait-il que le mythe de l’allergie aux détergents textiles ait la peau si dure ? L'exposition aux allergènes restant sur les vêtements à la fin du processus est minime et il est fort improbable que cela puisse induire une sensibilisation** La confusion entre allergie et irritation flotte allègrement dans l’esprit de bon nombre de patients. Face à une dermatite de contact, la différence entre allergie et irritation n’est également pas si simple à établir pour le médecin. L’examen clinique des signes et symptômes de la dermatite, l’interrogatoire minutieux du patient ainsi que l’utilisation de tests appropriés, permettent d’identifier clairement la nature allergique ou irritative de la réaction cutanée. Ce diagnostic différentiel est d’autant plus important qu’il va déterminer quel traitement adopter et quelle prévention exercer afin d’éviter toute récidive. Définition La dermatite irritante de contact (DIC) se différencie principalement par une sensation de tiraillements, de picotements, de brûlure mais sans démangeaison. Deux types de DIC ont pu être identifiés : • la DIC aiguë, survenant dès le premier contact, s’accompagne d’une inflammation, • eczéma sec survenant d’emblée ou après un épisode aigu. Il est érythémateux, squameux et extrêmement prurigineux.(2) Hypersensibilité à médiation cellulaire retardée (type IV de la classification de Gells et Coombs) Contact unique ou répété avec une substance irritante Contact d’un haptène avec la peau d’un individu déjà sensibilisé Effets Perturbation du fonctionnement des cellules cutanées : altération des membranes cellulaires, modification du pH cellulaire… - Génération de lymphocytes T spécifiques de l’haptène au niveau des organes lymphoîdes (phase de sensibilisation) - Recrutement et activation au site de contact de lymphocytes T spécifiques (phase de révélation) - Médiateurs de l’inflammation : IL-1α, acide arachidonique, TNF-α… - Cellules sentinelles du système immunitaire cutané inné (cellules de Langerhans, cellules dendritiques dermiques, macrophages, mastocytes) Cellules du système immunitaire spécifique (cellules présentatrices de l’haptène, lymphocytes T CD4+ et CD8+) Acteurs moléculaires et cellulaires caractéristiques • eczéma aigu associant prurit, érythème, papules et vésicules, Réaction inflammatoire locale non immunologique Inducteur • la DIC chronique, consécutive à une irritation répétée ou prolongée, est associée à la prolifération des kératinocytes et une hyperkératose transitoire.(1) La peau devient extrêmement sèche, rugueuse et présente une fine desquamation.(2) La dermatite allergique est également retrouvée sous différentes formes : prurit ; érythème ; eczématides ou dartres ; urticaire ; eczéma… L’eczéma de contact allergique peut être présent sous forme d’un : DERMATITE ALLERGIQUE Lessives et assouplissants face à la peau Le risque de présenter une allergie aux parfums contenus dans les adoucissants textiles est en réalité tout à fait négligeable. Lessives et adoucissants, en conditions normales d’utilisation, ne sont pas en contact direct avec la peau. Les allergènes qu’ils contiennent sont fortement dilués puis rincés au cours du cycle de lavage (figure 1). Une grande partie des résidus pouvant encore être présents sur le tissu s’évapore ensuite lors du processus de séchage du linge. Au-delà de ces considérations physiques, des détergents textiles revendiquent être plus spécifiquement hypoallergéniques, c’est-à-dire, “conçus pour minimiser le risque d’allergie”. Pour ce qui est plus particulièrement de l’utilisation d’un assouplissant, des travaux expérimentaux ont indiqué que la déposition de parfum est bien supérieure à partir d’un assouplissant que d’une lessive. (4) L’assouplissant est en effet libéré lors du rinçage final, les parfums n’ayant pas la possibilité d’être éliminée dans d’éventuels autres cycles de rinçage. Néanmoins, le risque de développer une allergie aux résidus de fragrances contenues dans les assouplissants est extrêmement peu probable. Ceci est soutenu par une récente étude moléculaire d’évaluation quantitative du risque d’allergie par contact avec ces résidus.(4) 2 Evaluation du risque d'exposition 2 aux allergènes des parfums contenus 4 (1-3) DERMATITE IRRITATIVE Figure Figure I. I. 3 5 Tableau I. Dermatite de contact : irritation ou allergie. Les lessives et adoucissants peuvent chacun contenir jusqu’à 0,3 % de parfum, soit jusqu’à 0,03 % de chaque allergène pris individuellement (ex. HCA : hexyl cinnamal). dans les détergents textiles La dermatite irritative résulte d’une altération de l’intégrité de la barrière cutanée et d’une inflammation non spécifique du derme sous jacent (tableau 1). (1) L a réaction allergique découle plus particulièrement d’une réaction immune spécifique d’un allergène. La réponse irritative semble être une étape nécessaire au développement de cette réaction immunitaire lymphocytaire.(3) Allergie ou irritation, là est la question 1 La partie résiduelle des allergènes restants sur les vêtements s’évapore lors du séchage. La plupart des allergènes sont éliminés pendant l’essorage et le rinçage. En Europe, 100 grammes de lessive et d’adoucissant sont en moyenne ajoutés à 3 kg de textile coton.* Les allergènes sont considérablement dilués au cours du cycle de lavage. * Basé sur les habitudes moyennes d’utilisation des machines à laver en 2004 en Europe. Unilever, données non publiées. ** Les études portant sur les dépôts théoriques d'allergènes sur les tissus lavés avec une lessive et un adoucissant indiquent que l'exposition au HCA serait de 0.063 µg/cm2. Cette exposition est environ 3700 fois plus faible que le niveau d'exposition acceptable après évaluation quantitative du risque (quantitative risk assessment : QRA).(5,6) Le principe de cette étude repose sur une comparaison, pour chaque allergène, entre : • la quantité de résidus déposée sur le vêtement puis transférée sur la peau de l’individu qui le porte, • le seuil d’induction d’une réaction allergique, soit la quantité d’allergène nécessaire pour induire une telle réaction. La différence entre ces deux paramètres correspond à la marge de sécurité sur laquelle le consommateur peut compter. La quantité de résidus de fragrances déposés sur le vêtement après un cycle unique de lavage avec un adoucissant a été déterminée pour 24 des 26 allergènes de parfums dont l’étiquetage est réglementé par l’Union Européenne. Le seuil d’induction d’une allergie a été déterminé pour ces 24 allergènes à partir de données expérimentales obtenues chez l’Homme et adaptées à l’utilisation réelle des assouplissants par le consommateur. La notion d’allergie aux parfums contenus dans les lessives ou assouplissants, ne correspond à aucune réalité clinique et semble extrêmement peu probable au regard d’une étude moléculaire de quantification du risque. Reste aujourd’hui à démontrer que les quantités de résidus déposés sur les vêtements après lavage sont largement insuffisantes pour induire une réaction allergique chez les patients allergiques. Les marges de sécurité obtenues pour chacun des allergènes s’échelonnent entre 55 et 17066, 18 des 24 allergènes ayant des valeurs supérieures à 1000. Ces valeurs sont toutes positives indiquant que l’exposition du consommateur est en dessous du seuil d’induction pour les 24 allergènes de parfums. Dr C. LAVERDET - Dermatologue - Paris Dr A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris. Pr. J.-P. MARTY - Biochimiste - Chatenay-Malabry Minimisant le risque allergique, les assouplissants permettent également de prévenir l’irritation mécanique de la peau par les fibres textiles. Les lavages répétés ont pour conséquence d’effiler et d’user les fibres des tissus. Les vêtements procurent alors une sensation de rugosité au contact de la peau. Pour lutter contre cet effet friction, les assouplissants permettent de gainer les fibres textiles, de les lisser et d’éviter ainsi leur enchevêtrement. 1. Bonneville M et al. Physiopathologie de la dermatite irritante de contact. Progrès en DermoAllergologie. GERDA, Lille 2004. 2. Tennstedt D et Lachapelle J-M. Dermatose professionnelles : irritation ou allergie ? Rev Prat. 2002; 52 (13) : 1409-14. 3. Akiba H et al. Physiopathologie de l’eczéma de contact, nouveautés. Progrès en Dermo-Allergologie. GERDA, Bruxelles 2001. 4. Corea NV et al. Fragrance allergy: assessing the risk from washed fabrics. In press. 5. Felter SP et al. Application of the risk assessment paradigm to the induction of allergic contact dermatitis. Regulatory Toxicol Pharmacol. 2003; 37 : 1-10. 6. Gerberick GF et al. Understanding fragrance allergy using an exposure-based risk assessment approach. Contact Dermatitis. 2001; 45 : 333-40. 3 N°4 FOCUS Les tests d’hypoallergénicité : “ mythe ou réalité ? La tolérance d'un produit cosmétique s'apprécie sur la fréquence et la sévérité de ses effets secondaires dans des conditions normales d'utilisation. Des tests in vivo permettent de prédire la tolérance d'une molécule et/ou d'un produit fini avant sa mise sur le marché. Quelles que soient les précautions et les modalités observées dans la fabrication d'un produit cosmétique, la mention d'hypoallergénicité ne permet pas d'éviter une éventuelle réaction allergique. Si l’utilisateur se sait allergique ou mieux encore s’il connaît le ou les allergènes auxquels il est sensibilisé, il est indispensable de lui apprendre à lire attentivement la liste des ingrédients composant le produit et à vérifier l'absence d'allergène auquel il est sensibilisé (allergène précisé en terme INCI : Nomenclature Internationale des Ingrédients Cosmétiques). Le nombre croissant, depuis quelques années, de peaux "sensibles" hyperéactives, de peaux irritées ou de réactions allergiques de contact, a incité les laboratoires pharmaceutiques et les sociétés commercialisant des produits cosmétiques à créer des lignes pour peaux sensibles et des produits "hypoallergéniques". Mais que signifie en fait HYPOALLERGENICITE ? ” Les explorations allergologiques Les tests épicutanés, pratiqués par un dermato-allergologue, avec le produit « hypoallergénique » posé sur le dos de 50 à 100 volontaires, permettent de mettre en évidence un ingrédient à pouvoir allergénique connu ou un dérivé de molécules allergisantes, notamment s’il s’agit de patients particulièrement sensibles dont l’épiderme est altéré. • pour l’utilisateur ou le patient = c'est une sécurité • pour le médecin = c'est une précaution • pour le laboratoire ou l’industriel = c'est un argument de différentiation et de préférence On fait également des tests ouverts à applications répétées (applications matin et soir pendant 15 jours à la face antérieure de l’avant bras) et des tests d’usage (dans les conditions normales d’utilisation) qui ne sont que des compléments confirmant ou infirmant l’hypoallergénicité, mais ne pouvant suffire à revendiquer ce label. Malgré son imprécision et le risque de confusion qu'il génère, le terme d'hypoallergénicité recouvre un concept intéressant. Ce "label" de tolérance est à la fois nécessaire pour les praticiens prescripteurs et pour les patients sensibilisés à des allergènes de contact identifiés. Cependant, pour que cette dénomination soit fiable, il faut qu'elle s'appuie sur trois arguments incontournables : - la qualité de la conception-formulation du produit, - les explorations allergologiques, - une tolérance excellente après mise sur le marché. Tolérance après mise sur le marché L'hypoallergénicité revendiquée ne sera réellement confirmée qu'après une large diffusion du produit pendant un temps suffisamment long (3 à 6 mois). L'absence ou au contraire le nombre plus ou moins important de "remontées" d'effets secondaires auprès des médecins, pharmaciens, laboratoires ou industriels infirmera ou confirmera ce label de bonne tolérance. La qualité de la conception-formulation Le produit doit d'emblée être conçu comme un produit hypoallergénique par le laboratoire qui doit : Le terme « hypoallergénique » correspond à une minimisation des risques allergiques de par la formule du produit et les tests pratiqués avant la mise sur le marché. La mention « testé dermatologiquement » précise que ces tests ont été pratiqués par des dermatologues qui ont contrôlé l’innocuité du produit et sa bonne tolérance. • limiter au maximum le nombre d'ingrédients incorporé dans le produit, • choisir ces ingrédients, de façon impérative parmi les molécules exemptes de toute trace de contaminant allergène (nickel, chrome, cobalt etc…), • s’appuyer sur la compétence et l'expérience du toxicologue qui devra : - faire un choix très sélectif des fournisseurs de matières premières capables de garantir et prouver la qualité, la stabilité et la reproductibilité de leurs produits, - s’abstenir d’utiliser toute molécule connue pour son pouvoir allergisant. ‘‘ La peau : une interface par “excellence” S O M M A I R E Allergie et irritation, lessive et adoucissant : quatuor gagnant des idées préconçues. • Allergie ou irritation, là est la question • Lessives et assouplissants face à la peau FOCUS Les tests d’hypoallergénicité : mythe ou réalité ? Éditorial La prévalence des allergies de contact en réaction aux substances parfumantes s’est considérablement accrue ces dernières années. Nombre de patients consultent pour ce qu’ils croient être une allergie aux parfums des lessives et adoucissants textiles. Pourtant, l’allergie aux détergents textiles n’est pas une réalité. Il s’agit plutôt d’une confusion largement répandue entre allergie et irritation. Les détergents textiles sont des produits rincés, qui n’entrent généralement pas en contact direct avec la peau. Les quantités d’allergènes déposées sur les vêtements puis transférées à la peau sont en réalité bien trop faibles pour pouvoir induire une réaction allergique. Ce numéro 4 de Dermoscopie est l’occasion de revenir ensemble sur ces différentes notions... Dr. A. PONS-GUIRAUD Dermatologue Allergologue - Paris Dr. A. PONS-GUIRAUD - Dermatologue Allergologue - Paris 4 N°4 1