Cours 10 : Territoires en transition : une source d`invention pour le

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Cours 10 : Territoires en transition : une source d`invention pour le
Cours 10 - Théorie
Corinne Tiry-Ono
Cours 10 :
Territoires en transition :
une source d’invention pour le projet ?
➢ La ville mondiale
➢ Observer à l’échelle locale
➢ L’hypothèse de la décroissance
La ville globale, Saskia Sassen, 1996 – édition originale (Etats-Unis) : 1991
Saskia Sassen : socio-économiqte américaine, d’origine européenne
→Première fois qu’on utilise l’expression de “ville globale” en se basant sur les exemples de Londres,
Tokyo et NY
La ville mondiale, figure urbaine dominante ?
1991 : NY, Londres, Tokyo (Paris) →villes classées “ville mondiale/globale”. Paris n’a pas encore tous les
stigmates de la métropole mondiale, à cette époque
➔ Début XXIe siècle : +Hong-Kong, Singapour, Shanghai, Dubaï … →villes non occidentales
deviennent des métropoles mondiales
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Plusieurs millions d’habitants ⇒densité très élevée
Délocalisation des industries, économie de services, hyperspécialisation
Fonctions de commandement supranationales (dispersion géographique des activités
économiques / gestion centralisée)
Hyperconnexion à l’échelle planétaire (flux financier, aériens, d’information)
Forte activité (⇒ déplacement de populations) / Compétition (⇒course à l’image avec de grands
projets architecturaux pour se distinguer), Hyperconcentration / Forte densité bâtie (une seule
typologie à Hong Kong : la tour)
Etc...
➔ Polarisation du territoire
➔ Hiérarchie accrue des systèmes urbains, à toutes les échelles
➔ Inégalités socio-spatiales
Hiérarchie à l’échelle planétaire (2012)
Vue satellite nocturne : concentration lumineuse correspondant aux villes mondiales, avec des fortes
polarisations au niveau de l’Amérique du Nord, de l’Europe, du Japon et des Emirats (progressivement) ⇒
montre la pollution lumineuse
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Trafic aérien en temps réel
Les flux aériens montrent ces mêmes polarités à peu près →l’ensemble de ces villes mondiales forme un
système urbain planétaire
⇒Il y a bien une hiérarchie et une inégalité à l’échelle planétaire →arc net de connexion entre les pôles,
et beaucoup moins sur le reste de la planète
Hiérarchie métropolitaine (2012)
On zoome sur l’Europe : on retrouve les villes mondiales (Londres, Paris …)⇒système de polarités très
fortes
Il existe des formes de grande échelle de réseaux urbains qui peuvent couvrir un territoire entier
(Belgique) ⇒émergence d’autres formes urbaines à très grande échelle ?
Région du Veneto
Territoire intéressant qui commence à s’urbaniser vers les années 50/60 (relativement tard) avec une
logique différente →grandes unités urbaines
Observer à l’échelle locale : d’autres formes d’organisations urbaines
LA VILLE DIFFUSE (città diffusa), 1990
➔ Francesco INDOVINA, urbaniste (né en 1933) + Bernardo SECCHI, urbaniste (1934-2014)
Exemple du Veneto ⇒nouvelle logique propre, interne au territoire régional
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Pas de planification mais une densification progressive (archipels puis petites
agglomérations) et discontinue →réseaux urbains non planifiés, qui se sont développés
progressivement et de manière discontinue ⇒archipels
Pas de hiérarchie spatiale (du type centre / périphérie) →urbanisation diffuse isotrope du
territoire, avec des polarités équivalentes
Réseau infrastructurel dense →pas de planification mais densification progressive ⇒maillage très
fin
Flux multidirectionnels →déplacements isotropiques
Faible densité bâtie (même si ça augmente avec le temps)
Forte imbrication rural/urbain → territoires à l'origine agricole ⇒ trame agraire ou trame
hydrographique qui permet de développer les réseaux
Histoire courte : ancrage plus géographique que par rapport à une histoire longue
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➔
Territoires où les habitants travaillent sur place →anti-modèle du lotissement suburbain (qui est
monofonctionnel)
➔
Dans la ville diffuse, il y a une multitude de fonctions qui se développent (habitat,
équipements, industries, agriculture, services)
L’ENTRE-VILLE (Zwischenstadt) 2001
➔ Thomas SIEVERTS, urbaniste (né en 1934)
« (…) ce territoire urbain encore si jeune, qui existe seulement depuis quelques décennies et se
trouve dans un état transitoire, évolue vers une nouvelle forme urbaine que nous ne pouvons pas
encore connaître. » (Métropolitiques, 2001)
➔
Qu’est- ce qui se passe dans les parties noires/vides ? ⇒ pour lui, cela devient l’armature du
territoire
⇒Réflexion sur d’autres figures urbaines où le vide prend une importance pour organiser la ville
1990 vs 2016
1990 : Relevé cartographique montre comment s’organise le bâti par rapport à la trame agraire et
infrastructurelle →Importance des vides par rapport aux pleins ⇒ comment les gens travaillent et
s’approprient le vide qui est à la fois espace de travail et de loisir ?
2016 : google (exercice très très complesse hein) →urbanisation régulière et géométrique en symbiose
avec les traces géographiques qui constituaient le territoire
Bernardo Secchi, Prima lezione di urbanistica, 2000
« C’est ainsi que les espaces ouverts apparaissent avec clarté comme des matériaux urbains
fondamentaux, (…) par leur combinaison ils assument le rôle primordial d’intermédiaire entre les
différents fragments urbains. »
Photographie de la métropole parisienne (on voit la Défense) ⇒illustre bien les “fragments urbains”, avec
entre ces fragments des espaces ouvertes (agricoles, en friche) qu’il faut reconnaître.
⇒mener dans ces vides, une réflexion sur le grand territoire pour mettre en relation ces fragments
STALKER, L’Observatoire Nomade – Italie, 1995 - …
Groupe d’architectes italiens → “observatoire” : terme récurrent que l’on trouve dans beaucoup
d’organisations d’architectes, artistes, urbanistes, …qui s’intéressent à des territoires marginalisés.
Ils ne vont pas faire des analyses très fines du territoire, mais faire des voyages dans leur propre
territoire : ils arpentent (marches de longue durée) ce territoire pour l’habiter de manière différente
(pas travailler ou avoir des loisirs), mais s’y déplacer et comprendre comment le traverser,
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notamment les entre-deux. Ils font des reportages photographiques et écrits sur ce qu’ils voient, les
gens qu’ils rencontrent (population diverse).
Photo 1 : Type de territoire qu’ils traversent →Le bâti s’arrête pour faire place à des espaces ouverts
d’une autre nature et qualité ⇒capter les marges de l’espace bâti
Photo 2 : Ils font du camping. Ils s’intéressent aux ruines de la modernité (chantier d’autoroute
abandonné qui n’a jamais abouti…).
⇒Type de développement comme caractéristique des territoires de l’entre deux.
Les territoires actuels - Stalker - Italie 1996
« Ils forment le négatif de la ville bâtie, les aires interstitielles et marginales, les espaces abandonnés
ou en voie de transformation. Ils sont les lieux de la mémoire réprimée et du devenir inconscient des
systèmes urbains, la face organique et inorganique, entre nature et artifice. »
« De tels territoires, difficilement intelligibles, sont donc aptes à faire l’objet de projets, puisqu’ils sont
privés d’une localisation dans le présent et étrangers aux langages contemporains. »
➔
À l’écart des grands systèmes officiels
➔
Est- ce qu’on est dans l’urbain, le rural ? espace naturel ou artificiel ? ⇒difficile de catégoriser
ces territoires
Stalker, « Tour de Rome », carte 1995
Tracé de leur voyage : Ils ne suivent aucune structure, ils vont à la rencontre du territoire de manière
aléatoire ⇒Ils proposent une autre lecture du territoire urbanisé de Rome à travers une carte subjective
qui représente les vides.
Exposition à Bordeaux, Centre Arc-en-Rêve, 2000
Mutations Rem Koolhaas Harvard Project on the city – Stefano Boeri Multiplicity – Sanford Kwinter –
Nadia Tazi – Hans Ulrich Obrist
Cette exposition ne propose pas de vision ou de matérialisation de la ville: il n’y a aucun projet
d’urbanisme. Elle cherche à explorer les transformations indissibles de la ville à travers les modes de vie
→présente des enquêtes : grand observatoire de la transformation des modes de vie en fonction
d’évènements historiques, les technologies, …
⇒ Il y a toujours un grand décalage entre ce que l’on projette à grande échelle, et à long terme
l’appropriation par les habitants quit font évoluer le territoire à travers leur façon d’y vivre.
Lagos – Nigeria (exemple d’une des enquêtes)
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Ce qui avait été pensé par les aménageurs est à l’opposé de ce qui se passe : la grande autoroute est
devenue une voie lente à cause des embouteillages ⇒par conséquent, une ville se développe autour de
cette infrastructure lente (marchés, trocs, etc…)
L’hypothèse de la décroissance : vers d’autres formes de projet ?
« Entre 1950 et 2000, plus de 350 villes dans le monde ont perdu un nombre significatif de leurs
habitants, au moins temporairement. ‘Shrinkage’ (rétrécissement ou rétraction) est un phénomène qui
apparaît principalement dans les pays développés prospères. Jusqu’en 1990, plus de 80% des
‘shrinking cities’ étaient situées aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, en
France et au Japon. En 1988/1989, des processus chaotiques de ‘shrinkage’ ont débuté dans les
pays postsocialistes, où chaque ville secondaire a perdu de la population dans le même temps. »
Philipp Oswalt, 2008. www.shrinkingcities.com
Poser l’hypothèse de la décroissance, c’est peut- être permettre l’émergence d’autres formes de projet ⇒
intégrer cette donnée de l’indétermination dans le projet : penser le projet de façon à ce qu’il puisse
évoluer dans le temps
“Shrinking cities” →“shrinkage” = rétraction urbaine. Elles sont toujours en situation de transition.
1988- 89 : explosion du bloc soviétique (évènement) ⇒mouvements de population importants
⇒Ce n’est pas forcément un évènement historique qui déclenche la décroissance (rétraction urbaine), il y
a d'autres facteurs comme le vieillissement de la population, dénatalité, crises multiples, etc.
⇒s’intéresser à la décroissance c’est intégrer ces phénomènes dans les projets
Localisation de ces villes en rétraction
→on retrouve les 3 grandes polarités (Etats- Unis, Europe, Japon)
Aéroport de Berlin-Tempelhof : projet de transformation en parc équipé – Vogt Landschaftarchitekten
& Bernd Albers, 1998
Aéroport qui connait une chute de trafic important → dès 1988, on envisage sa reconversion en un
autre type de territoire. Grand avantage : situé au cœur de la cité (territoire habité et dense) ⇒ Projet
de parc urbain dont les franges sont urbanisées
⇒grands vides générés par la décroissance
2000 – question de la démographie
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Période de stabilité ou de légère baisse démographique pour les pays industrialisés (sauf Corée) ⇒On
prévoit que la population va vieillir
2030 : population jeune qui diminue et forte croissance des 65+ ⇒vieillissement de la population
Carte en bas à gauche : villes touchées, en 2000, par la décroissance
Estimations en 2000 pour le Japon en 2050
Population vieille et dépendante qui aura besoin d’autres types de services
Plan pour Tokyo – Kenzo Tange, 1960
Tokyo 2050 / Fiber City Hidetoshi OHNO, 2004
“Urban design strategies for shrinking Tokyo”
1960 : on réfléchissait sur l’extansion de Tokyo (croissance) → chercher des lieux de nouvelles
infrastructures sur la baie
2004 : Hidetoshi prend en compte la décroissance urbaine de ce territoire en intégrant un tas de facteurs
→en 40 ans, la situation peut se retourner de manière aigue
Il faut prendre le contre- pied et élaborer des scénarios pour le futur de Tokyo →la décroissance urbaine
peut apporter du bénéfice aux problèmes d’une grande ville mondiale (pour la consommation énergétique
et du territoire par exemple).
Il propose un réseau de transports collectifs (filaments blancs sur la carte de droite) →idée de
concentrer, le long d’un réseau, l’ensemble des déplacements et mettre en place un certain nombre de
règles d'urbanisme pour avoir le droit de construire et de densifier le long de ces axes, pour intensifier
leurs usage.
⇒Dégager entre les axes des espaces désurbanisés, qui vont perdre en densité : espaces de respiration
avec des activités (agriculture urbaines, loisirs, équipements…), espaces plantés et ouverts (pour accueillir
de la biodiversité) à l’intérieur d’un tissu urbain dense, canalisé autour du transport collectif.
Principe simple en maquette - Zoom sur un des axes
-
Armature sur laquelle la densité bâtie sera autorisée
-
Développement de systèmes de parcs
-
Favoriser le transport collectif.
Coupe
Que fait- on des routes existantes ? ⇒ requalification des autoroutes pour intégrer un nouveau type
d’espace →on les garde pour une mémoire de modernité et de développement, mais redécomposition à
différentes échelles ⇒ réseaux plus fins et poreux avec des traversées, espaces publics, ouverts et
accessibles
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Proposition pour diminuer la densité, les risques d’incendie et créer des espaces communs
➔
Dé-densifier des ensembles urbains de la métropole en travaillant sur la mise en réseau à
l’échelle locale de ces espaces ouverts
➔
Aérer les îlots et instaurer un système de sécurité incendie en cas de catastrophes naturelles
MVRDV, Seoul Skygarden, Concours, 2015
Volonté de la part des autorités de réfléchir à la reconversion des grandes infrastructures. On est
confronté à des objets d’échelle gigantesque qu’il faut intégrer et repenser à très grande échelle
⇒ Image séduisante où on verdi ce qui pose problème, avec des nouveaux parcs, des espaces publics,
ouverts
⇒Penser à travers un réseau, comme une mise en connexion des potentialités, des espaces ouverts de la
ville
Une typologie contextuelle des projets architecturaux
Prost propose cette typologie contextuelle des projets architecturaux : il dit que l’architecte ne peut
pas penser toutes les échelles, mais doit réfléchir aux situations diverses.
4 contextes qui appellent à des des approches architecturales différentes, que l’on doit réinterroger :
1. Les projets à très grande échelle dans un contexte d’un hyper-développement (entre
autres dans le cadre de la mondialisation) et tout particulièrement le gigantisme des
infrastructures et le système de la tour comme réponse systématique en termes de
formes urbaines ;
➔ L’obsolescence, problème ou opportunité ?
2. Le contexte plus local et plus permanent de la transformation urbaine et la grande
diversité des édifices qu’elle suscite dans les villes occidentales (…) ;
➔ La fragmentation, ou comment repenser les relations ville/nature ? →comment repenser la nature
des espaces ouverts, comment les qualifier, les réinventer ?
3. Les projets dans le cadre de la réhabilitation / rénovation / modernisation des bâtiments
existants (…) [y compris les] lieux « disponibles » en raison du déclin de la société
industrielle et des contraintes de la croissance urbaine réclamant de nouvelles
infrastructures. (…) ;
➔ La mutualisation des programmes, et comment intégrer la réversibilité ? →qu’est- ce que ces
programmes vont engendrer dans des contextes de transition, comme c’est le cas actuellement ?
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4. Les interventions nécessaires à la conservation du patrimoine, (...).
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