LA CARAFE, SUPPORT PEU RÉPANDU DE PUBLICITÉ OFFICINALE
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LA CARAFE, SUPPORT PEU RÉPANDU DE PUBLICITÉ OFFICINALE
149 Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2007, 146, 149-158 LA CARAFE, SUPPORT PEU RÉPANDU DE PUBLICITÉ OFFICINALE (*) – Partie II Eugène NEUZIL (1), Guy DEVAUX (2), Éliane STOFER (3) Dans une précédente publication, nous avons décrit douze carafes publicitaires mentionnant le nom de l’officine qui les offrait à ses meilleurs clients. L’origine de huit de ces carafes avait pu être identifiée. Ce bref mémoire apporte quelques compléments à notre communication antérieure. Notre précédente communication (**) et l’analyse qui en a été faite par Pierre Julien (***) nous ont valu un abondant courrier qui nous permet de préciser aujourd’hui les origines de quelques carafes, origines qui restaient à déterminer, tandis que la collection personnelle de l’un des auteurs (É.S.) s’est enrichie de quatre nouvelles pièces comportant une publicité pour une officine. (*) (1) (2) (3) (**) (***) Séance du 18 mai 2006 ; manuscrit reçu le 21 juin 2007. Professeur honoraire, Université Victor-Segalen Bordeaux 2, 146, rue LéoSaignat, 33076 Bordeaux Cedex. Professeur honoraire, Université Victor-Segalen Bordeaux 2, 146, rue LéoSaignat, 33076 Bordeaux Cedex. [email protected] Collection privée de carafes publicitaires en verre, 37, rue Louis-Favre, CH 1201 Genève. Neuzil (E.), Devaux (G.), Stofer (É) - La carafe, support peu répandu de publicité officinale. Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 2004, 143(1-4), 97-112. Julien (P.) - Un support inattendu de publicité pharmaceutique. - Rev. Hist. Pharm., 2005, 53(346), 291-292. 150 NOUVELLES CARAFES Grande Pharmacie Normale d’Auxerre Cette carafe piriforme en verre lisse (Figure 1 A) de 20 cm de haut et de 0,6 litre de contenance, est très voisine de celle de la Pharmacie Ferrier de Millau (loc. cit.) ; un cartouche triangulaire arrondi, à base inférieure, porte à l’intérieur de ses côtés latéraux, en relief, le nom de l’officine. Cette mention se présente sous la forme d’un fer à cheval (dont l’ouverture est dirigée vers le bas) qui encadre le nom de la ville : GDE PHARMACIE NORMALE AUXERRE Sous le socle figurent les initiales du fabricant et le numéro du moule, que l’on retrouve à l’identique sur le fond de la carafe Ferrier : FB 2971 DEPOSE L’ancienne Grande Pharmacie Normale existe toujours au 35, rue de Paris, à Auxerre : elle est devenue la Pharmacie Le Magoarou, patronyme de son propriétaire actuel. Grande Pharmacie Populaire Carafe ovoïde en verre lisse (Figure 1 B), de 24 cm de haut et d’un litre de contenance ; cartouche rectangulaire encadrant le nom de l’officine et le nom de la rue : GRANDE PHARMACIE POPULAIRE Rue Maguelone Le nom de la pharmacie est inscrit dans le cartouche sur trois lignes obliques, montantes de gauche à droite. Le nom de la rue Maguelone, en caractères plus petits, se trouve sur deux lignes horizontales, en bas du cartouche. La paroi de la carafe comporte dix larges côtes verticales, qui n'empiètent pas sur le cartouche. Sous le socle figurent les initiales du fabricant et le numéro du moule. 151 A B C D Fig. 1 : Carafes de la Grande Pharmacie Normale d’Auxerre (A), de la Grande Pharmacie Populaire (B), de la Pharmacie Monclin (C) et de la Pharmacie Lemeland (D). 152 FB 2972 DEPOSE La localisation de cette pharmacie a été facile, car le nom de la rue évoque Pierre de Provence et la Belle Maguelone, célèbre roman du XIIe siècle de la littérature occitane ; il rappelle aussi l’existence, au sud de Montpellier, de l’ancien îlot rocheux de Maguelone et de son ancienne cathédrale, îlot que l’ensablement a rattaché à Palavas-les-Flots. La rue Maguelone, qui relie la Gare à la Place de la Comédie, est l'une des grandes artères de Montpellier. La Grande Pharmacie Populaire est toujours en place : elle a seulement perdu l'un de ses adjectifs qualificatifs pour devenir Pharmacie la Populaire. Pharmacie Monclin La carafe de la Pharmacie Monclin (Figure 1 C) ressemble à l’une des carafes Pharmacie Dr. Bobo précédemment décrite (loc. cit.) : verre granité, 23 cm de haut, 10 cm de diamètre, contenance de 0,8 litre, cartouche lisse à bords sinueux. Le nom de la Pharmacie Monclin est indiqué dans le cartouche sur deux lignes, les lettres de Monclin étant nettement plus grandes que celles de Pharmacie. Sous le socle, on note les mêmes initiales que celles du fabricant des deux carafes décrites ci-dessus. Le numéro du moule n’est pas entièrement visible, mais les deux premiers chiffres sont les mêmes que ceux figurant sur la carafe A de la série Pharmacie Dr. Bobo. FB 28.. DEPOSE La pharmacie Monclin était située au 30, rue de la Marne, à Châlonssur-Marne, devenu récemment Châlons-en-Champagne. Elle avait été fondée par Charles Joseph Monclin, né à Calais le 6 juin 1873, reçu pharmacien à l’École supérieure de pharmacie de Paris le 30 août 1898 et qui avait prêté le serment d’enregistrement devant le Préfet de la Marne le 23 octobre 1899. Charles Monclin apparaît jusqu’en 1945 dans les listes annuelles des pharmaciens publiées par la préfecture de la Marne. À partir de 1946, M. Huart devient le titulaire de la pharmacie. À l’heure actuelle, cette officine a disparu, mais deux autres pharmacies sont situées rue de la Marne, l’une au numéro 2, l’autre au 38. 153 Pharmacie Lemeland La carafe de la pharmacie Lemeland (Figure 1 D) est d’un modèle assez différent de ceux précédemment décrits ; elle mesure 22 cm de haut et se présente sous la forme d’un ovoïde surmonté d’un goulot de 5 cm de diamètre ; la carafe repose sur un fond de 8 cm de diamètre. En surface, le verre est granuleux ; il est lisse au niveau du goulot et du cartouche quelque peu sinueux qui encadre l’inscription en relief : LEMELAND PHARMACIEN TROYES Pour cette carafe également figurent sous le socle les initiales du même fabricant et le numéro du moule : FB 2972 DEPOSE La pharmacie Lemeland, 88, rue Émile Zola à Troyes (Aube) a été fondée par Jean-Paul Lemeland en 1909, par achat de la pharmacie Girard. Son fils Michel-Henri, interne en Pharmacie des Hôpitaux de Paris (1936), Docteur en Pharmacie (1940) et diplômé d’Hématologie, de Sérologie et de Bactériologie, lui a succédé en 1945 et créé la S.A.R.L. ‘Pharmacie Lemeland’, comprenant l’officine pharmaceutique et un laboratoire d’analyses médicales. La pharmacie a été vendue en 1978 ; son titulaire actuel est M. Dergaentzle, Pharmacien diplômé de l’Université de Strasbourg. Le ‘Laboratoire d’analyses de Biologie médicale J.G. Lemeland’ , situé 89, rue Urbain IV, indépendant de la pharmacie, est dirigé par Jean-Gervais, pharmacien, petit-fils de Jean-Paul Lemeland. AUTRES CARAFES PUBLICITAIRES DONT L’ORIGINE N’AVAIT PAS ÉTÉ TROUVÉE Pharmacie Docteur Lamouroux Une visite du Musée de la Pharmacie de Montpellier permet d’admirer la très belle maquette qui rappelle l’entrée et la devanture de la Grande Pharmacie Montpelliéraine du Docteur Lamouroux (Figure 2). 154 Fig. 2 : Maquette de la Grande Pharmacie Montpelliéraine réalisée par M. Capdet. Cette maquette, réalisée par M. Capdet, pharmacien à Perpignan, nous montre que les titres de Fernand Lamouroux, Docteur en Médecine, Docteur en Pharmacie, Ancien chef de travaux à l’École supérieure de Pharmacie, Lauréat du premier prix de chimie de cette École, ne l’empêchaient pas de proposer dans son officine les prix les plus bas de toute la région, proposition qui ne surprend pas lorsqu’on apprend que Lamouroux était en outre Ancien professeur à l’École supérieure de Commerce. Cette officine existe toujours au centre de Montpellier, au 1, rue de Verdun (ancienne rue du Faubourg de Lattes), à l'angle de la place de la Comédie), dont elle a emprunté le nom pour devenir la Pharmacie de la Comédie (Figure 3). Fig. 3 : Pharmacie de la Comédie à Montpellier. 155 La titulaire actuelle de cette pharmacie, Mme Tzeleplogou-Marmet, n’a pu nous fournir de renseignements sur les carafes qui ont contribué à faire connaître le nom de son officine. Pharmacie Stevignon Dans notre communication antérieure, la lecture difficile de l’inscription portée par le cartouche de la plus originale des carafes décrites nous avait conduits à lui assigner le nom d’une ‘Pharmacie Ste Vicnon’ ; nous n’avions pu préciser l’origine du nom de cette Sainte, inconnue et hypothétique, pas plus que la localisation de cette officine. Un examen plus minutieux de la partie du verre de ce cartouche, dont l’inscription en relief était mal moulée, et surtout les renseignements ultérieurement fournis par nos correspondants, nous permettent de rectifier cette erreur. Il s’agit en réalité de la Pharmacie Stevignon, patronyme assez peu répandu en France, puisque la consultation de l’annuaire téléphonique n’indique qu’une dizaine d’abonnés pour l’ensemble des départements métropolitains. La Pharmacie Stevignon se trouvait à Nuits-Saint-Georges (Côte-d’Or) au 5, Grande rue. Elle est devenue la Pharmacie Centrale, actuellement tenue par Mme Pellegrin. Pharmacie Segonzac Depuis sa création par M. Segonzac, elle est toujours située au même emplacement, 3, place Bonald à Le Vigan (Gard) ; M. Segonzac fils y a succédé à son père. Les propriétaires suivants ont été une famille pharmaceutique, les Garrigues, père, puis fils, et enfin Mme Garrigues. Pharmacie Guittard Comme la précédente, c’est aussi une pharmacie de Le Vigan. L’ancienne pharmacie Guittard est maintenant la Pharmacie Centrale, 11, place du quai. Mme Rombaud, pharmacien, en est la présente propriétaire. 156 QUELQUES REMARQUES Localisation des carafes Les seize carafes officinales décrites – et dont l’origine a été identifiée – proviennent de treize pharmacies différentes dont la localisation intéresse cinq régions (Figure 4) : le Midi-Pyrénées : Castres et Millau , l'Aquitaine : Agen , le Languedoc-Roussillon : Perpignan - (début de notre étude), Le Vigan et Montpellier , la Bourgogne : Chalon-sur-Saône , Nuits-Saint-Georges et Auxerre , la Champagne-Ardenne : Châlons-en-Champagne et Troyes . Fig. 4 : Localisation géographique des treize officines ayant distribué des carafes officinales. Le caractère viticole de ces régions renforce l'opinion de M. Henri Battle, ancien préparateur de la Pharmacie Bobo : ces carafes, remplies de vins locaux, étaient offertes aux meilleurs clients de la pharmacie ; elles pouvaient ensuite servir de carafes à eau. 157 Fabrication des carafes Les nouvelles carafes décrites plus haut sortent toutes les quatre de la même verrerie, comme l’indiquent les initiales FB, suivies du numéro du moule de fabrication et de la mention DEPOSE, bien visibles sur les fonds. On retrouve ces marques, parfois un peu effacées et difficiles à lire, sur plusieurs carafes de notre précédente communication. Nos efforts d'identification de la verrerie FB (ou d’autres fabricants de carafes comportant des marques) n'ont pas été couronnés de succès. Nous espérons pouvoir répondre ultérieurement à ces questions en étudiant des carafes du même modèle que celles décrites dans nos deux communications mais non utilisées comme support de publicité officinale : elles sont nombreuses. Autres verreries officinales à caractère publicitaire Les carafes qui ont retenu notre attention, carafes dont le message publicitaire se rapporte à la seule officine à l'exclusion de la mention de tel ou tel médicament ou spécialité, sont devenu des objets rares alors qu'elles ont dû être produites en grand nombre. Ceci provient d'une part de la fragilité (relative) de ces objets, mais aussi probablement de l'attrait qu'elles ont présenté pour les collectionneurs, qui seront probablement intéressés par le fait qu'en dehors des carafes, les autres objets publicitaires en verre mentionnant le seul nom de l'officine ne sont pas faciles à trouver aujourd'hui. Un de nos correspondants, M. J. Lérisse, de Tours, nous a aimablement signalé qu'il possède dans sa collection des petites bouteilles, de type "chopine" (d'environ 26 cm de haut pour un diamètre de 6 cm), qui présentent dans un cartouche une inscription en relief limitée au nom, à la localisation ou à l'adresse d'une pharmacie. M. Lérisse nous en communique trois exemples : Pharmacie PHARMACIE F. AROUD DEMARS GUIMIER PHARMACIEN A BOURGUEIL PARIS MIRIBEL et celui d'une bouteille, encore plus petite (14,7 cm), qui porte la mention : PHARMACIE G. RONCIN 103 rue Colbert TOURS 158 Nous remercions vivement les nombreuses personnes avec qui nous avons pris contact et qui nous ont aimablement permis de compléter notre documentation : M. A. Balssa, de Castres ; M. G. Privat, ancien Professeur à la Faculté de Pharmacie de Montpellier (à qui nous devons les photographies des Figures 2 et 3) ; Mme C. Charlot, docteur ès Sciences pharmaceutiques, conservateur du Musée de la Pharmacie de Montpellier ; M. R. Tarroux, des Laboratoires Pierre Fabre et Mme S. Malien, de Molières-Cavaillac ; Mme Le Magoarou, pharmacien à Auxerre ; M. J.G. Lemeland, pharmacien à Troyes ; Mlle D. Cagnat, de la Direction des Archives de la Ville d’Auxerre ; M. L. Gallois, Directeur des Archives départementales de l’Aube ; M. T. Lefebvre, de Paris, directeur de la Revue d’Histoire de la Pharmacie, sans oublier M. Lérisse, de Tours. ABSTRACT Pressed glass carafes as pharmaceutical advertising. Part II. The description of four new items completes our previous paper (Bull. Soc. Pharm. Bordeaux, 143(1-4), 97-112). This paper also brings further precisions concerning the location of the pharmacies where the carafes were given to the customers as presents. Key-words: pharmaceutical advertising, pressed glass carafes. __________