Salaires et Imperfections de marché

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Salaires et Imperfections de marché
Cours Marché du travail et politiques d’emploi
Salaires et Imperfections de marché
Pierre Cahuc/Sébastien Roux
ENSAE-Cours MTPE
14 avril 2006
Pierre Cahuc/Sébastien Roux (ENSAE)
Salaires et Imperfections de marché
14 avril 2006
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Effet de signal
Effet de signal
Dans quelle mesure les salaires reflètent-ils la productivité effective
des salariés ?
cf. Spence (1974) Il est rationnel pour les entreprises de payer des
individus mieux éduqués, même si l’éducation per se n’augmente pas
la productivité. L’éducation est un signal sur la productivité de
l’individu : hypothèse d’asymétrie d’information sur les capacités des
travailleurs.
Difficulté empirique à mesurer le lien éducation-productivité du fait de
l’absence de données expérimentales car sélection endogène du choix
de scolarité.
Stratégies de contournement :
Identification sur travailleurs indépendants pour qui les effets de
signaux sont a priori moins importants (Wolpin, 1977), conclue à
l’absence d’effet de signal.
Riley (1979) classe des occupations en fonction du niveau de signal
requis et conclue à un effet possible mais non réellement conclusif
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Le modèle de tire-au-flanc
Théories d’agence
Cas où le niveau de salaire joue sur la productivité (relation causale
inversée)
Le principal est l’organisation, l’agent est l’employé
Problème d’observation du principal lorsque le travail de l’agent est
imparfaitement observé (par exemple au sein d’une équipe).
L’entreprise a deux options : mieux surveiller ses employés (ce qui
génère un coût) ou proposer un jeu de contrats incitatifs (ce qui a un
autre coût).
Idée du contrat incitatif : En augmentant le salaire de l’individu, la
situation de perte d’emploi est rendue encore plus douloureuse. Si la
probabilité d’être découvert lorsqu’on triche est non nulle, cela incite
l’employé à ne pas tricher.
Lazear (1979) utilise cet argument pour expliquer les fonds de retraite
versés par les entreprises : les individus sont incités à travailler s’ils
veulent en bénéficier, en trichant ils en perdent le bénéfice.
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Le modèle de tire-au-flanc
Le modèle de tire au flanc
Les individus peuvent fournir deux niveaux d’effort, e > 0, associé à
une désutilité C lui permettant de produire yt et 0, lié à une
production et une désutilité nulles.
Si la production est directement mesurée, le principal peut faire
dépendre le salaire w de son niveau saturant la contrainte de
participation pour ceux faisant un effort et inférieur (voire négatif)
pour les tire-au-flancs.
On suppose que le travail est vérifié avec une probabilité p à chaque
période. p < 1 du fait des coûts de contrôle.
À chaque période, le travailleur perd son emploi avec la probabilité q.
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Le modèle de tire-au-flanc
Comportement du principal
Soit δ le taux d’actualisation, la valeur d’un emploi occupé aux yeux
de l’employeur est
Πt = yt − wt + δ (1 − q) max Πt+1 , Πst+1 + q Π̄t+1
Π̄t+1 est le profit espéré en cas de rupture exogène du contrat
Πst+1 est le profit espéré si l’employeur rompt unilatéralement le
contrat, on suppose Πst = yt − wt + δ Π̄t+1
Pour que la relation puisse se poursuivre, il faut qu’à chaque période,
Πt ≥ Πst , contrainte d’incitation
De l’expression de Πst on déduit
Πt − Πst = δ (1 − q) max Πt+1 , Πst+1 − Π̄t+1
qui n’est positif que si Πt+1 ≥ Π̄t+1 , i-e s’il participe à la période
suivante.
Au final, les contraintes d’incitation et de participation conduisent à
l’inégalité suivante ∀t, Πt ≥ Π̄t .
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Le modèle de tire-au-flanc
Comportement de l’agent
Agents neutres au risque
S’ils fournissent un
effort,
s
+ q V̄t+1
Vt = wt − C + δ (1 − q) max Vt+1 , Vt+1
s
où Vt+1
correspond à la valeur obtenue en ne fournissant plus d’effort
s
Vts = wt + (1 − p)δ (1 − q) max Vt+1 , Vt+1
+ q V̄t+1 + pδ V̄t+1
Pour que la contrainte d’incitation soit vérifiée à chaque période, il
faut finalement que ∀t, Vt ≥ Vts , i-e
∀t, Vt+1 − V̄t+1 ≥
c
pδ(1 − q)
L’ensemble des contrats incitatifs soutenables est alors défini
C
P = (Πt , Vt ) |Πt ≥ Π̄t , Vt+1 − V̄t+1 ≥
, V0 ≥ V̄0
pδ(1 − q)
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Le modèle de tire-au-flanc
Surplus et existence d’un contrat incitatif
Le surplus global se définit par
St = Vt − V̄t + Πt − Π̄t , ∀t ≥ 0
Son évolution obéit à l’équation suivante, obtenue à partir des
précédentes, dans le cas où le contrat incitatif est mis en œuvre
St − δ(1 − q)St+1 = yt − C + δ Π̄t+1 + V̄t+1 − Π̄t + V̄t
qui ne dépend pas des salaires.
L’ensemble des contrats incitatifs soutenables se définit alors
C
P = Vt |St+1 ≥ Vt+1 − V̄t+1 ≥
, S0 ≥ V0 − V̄0 ≥ 0, ∀t ≥ 0
pδ(1 − q)
Un surplus minimal est nécessaire pour que le contrat puisse être
implémenté. Forme d’inefficacité au sens de Paretto, les emplois ne
dégageant pas un surplus suffisamment importants ne sont pas créés.
Les salaires proposés par les entreprises vont saturer les contraintes de
participation et d’incitation
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Le modèle de tire-au-flanc
Les rendements de l’ancienneté
Rendements de l’ancienneté, capital humain spécifique a priori non
transférable d’une entreprise à l’autre. Donc les mécanismes de
concurrence ne jouent pas (Problématique : formation continue payée
par les entreprises).
Modèle de négociation est une solution
Les solutions optimales dans le modèle sont
w0 = V̄0 − δ V̄1 + C − Cp et wt = V̄t − δ V̄t+1 + C +
C
p
h
1
δ(1−q)
i
−1
+∞
P
δ i (w̄t+1 − c) , ∀t ≥ 0, on en déduit
i=0
h
i
1
et wt = w̄t + Cp δ(1−q)
−1
En définissant V̄t =
w0 = w̄0 −
C
p
Les salaires sont plus faibles que le salaire de marché en début de
carrière, puis plus élevés, d’où des rendements de l’ancienneté.
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Le chômage comme outil de discipline
Le chômage comme outil de discipline
Modèle de Shapiro et Siglitz(1984)
Un contrat incitatif est possible dans le modèle de tire-au-flanc car les
entreprises sont crédibles lorsqu’elles reportent le salaire à plus tard.
Dans la réalité, les entreprises ne peuvent pas manipuler comme elles
le veulent le profil de salaire.
Cadre exploré par Shapiro et Stiglitz : Dans ce cas, il va exister du
chômage involontaire qui va remplacer l’incitation liée au salaire
retardé dans le modèle standard de tire-au-flanc.
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Le chômage comme outil de discipline
Modèle
Cadre stationnaire, V̄t = V , ∀t ≥ 0
Les entreprises ne peuvent proposer que des salaires w identiques à
chaque période.
Le salaire saturant alors la contrainte d’incitation s’écrit
1
C
−1
w = (1 − δ) V̄ + C +
p δ(1 − q)
Le niveau d’utilité étant stationnaire, V0 = V . Ainsi, le salarié
bénéficie d’une rente pendant toute la durée du contrat
V0 − V̄ = C /pδ(1 − q).
Si V̄ correspond à l’utilité d’un chômeur, tous les chômeurs
souhaiteraient être employés. Le chômage est ici une situation
involontaire.
Soit z le revenu
au chômage
et s la probabilité d’en sortir. On a
V̄ = z + δ sV + (1 − s)V̄
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Le chômage comme outil de discipline
On en déduit, après quelques calculs
C
1
1
w =z +C +
s+
−1
p 1−q
δ
A l’équilibre stationnaire, le nombre d’entrées au chômage égale le
nombre de sorties du chômage. Donc s(N − L) = qL. D’où
C
1
qL
1
w =z +C +
+
−1
p 1−q N −L δ
Cette relation s’appelle la courbe d’incitation, elle établit une relation
entre w et L.
Comportement des entreprises : Π = y − w + δ (1 − q)Π + q Π̄
Soit CK le coût exogène d’ouverture de poste (installation de
nouveaux équipements). La condition de libre entrée amène
Π = Π̄ = CK d’où
w ∗ = y − (1 − δ) CK
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Le chômage comme outil de discipline
Équilibre dans le modèle de Shapiro-Stiglitz
w
(IC)
E
w*
0
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L*
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L
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Le chômage comme outil de discipline
Salaires et Recherche en emploi
Dans le cadre des modèles avec friction, que se passe-t-il quand les
individus employés peuvent rechercher un autre emploi ?
Modèle de Burdett et Mortensen (1998) : les entreprises fixent les
salaires, les individus ne peuvent qu’accepter ou refuser les offres
d’emploi
Lorsque les entreprises proposent les salaires, elles arbitrent entre deux
phénomènes
Elles veulent diminuer leur coût salarial, impact négatif de w sur les
salaires
Elles veulent conserver le plus longtemps leurs employés (car coûts de
vacance d’emploi), impact positif sur les salaires
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Le chômage comme outil de discipline
Au final, les entreprises proposent des salaires différents, le plus faible
étant égal au salaire de réserve, le plus élevé étant inférieur à la
productivité marginale.
L’équilibre atteint est un équilibre en stratégie mixte
Résultat étendu avec contrat dynamique (cf. Burdett et Coles,
Postel-Vinay et Robin), distribution des rendements de l’ancienneté
entre les entreprises : les entreprises se distinguent entre celles à
turnover élevé, salaire d’entrée faible avec de forts rendements de
l’ancienneté (car essayent de retenir leurs salariés) et celles à turnover
faible, salaire d’entrée élevé avec de faibles rendements de
l’ancienneté. Arbitrage identique.
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