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IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines Groupe de Réflexion, 2005/2006 Introduction Jacques Crinon Au cours de l’année universitaire 2004-2005 et dans le cadre de la formation de formateurs de l’IUFM de Créteil, un groupe de réflexion s’est réuni dix fois (une fois par mois). Il regroupait une douzaine de formateurs de l’IUFM de plusieurs disciplines, de maîtres formateurs et de conseillers pédagogiques de circonscription. Son objet commun : réfléchir au rôle de l’élaboration langagière, écrite et orale, et en particulier de l’argumentation, dans la construction des apprentissages disciplinaires, en mathématiques, en français et en sciences. Des séances de classe ont été mises en place, observées ou enregistrées, et analysées collectivement par le groupe. La plupart de ces analyses ont été rédigées, afin de constituer des outils pour les formateurs. Elles sont rassemblées dans le présent document. Des séances décrites et analysées ici sont donc des exemples de situations de classe où la parole des élèves est convoquée non pas seulement de manière à s’assurer des connaissances antérieures des élèves, ni comme technique d’animation de classe (le cours dialogué est permet de soutenir l’attention des élèves et de vérifier que celle-ci ne faiblit pas), ni comme évaluation de ce qui a été retenu de la leçon. Nos séances illustrent notre conviction que des situations d’échanges langagiers, de discussion et d’argumentation peuvent avoir une fonction d’apprentissage. Pour apprendre quoi ? Deux pôles sont présents dans ces situations. Tantôt le but principal est du côté des disciplines et des apprentissages qui y sont liés : construire et s’approprier une notion, comprendre un texte, s’initier à la démarche scientifique, devenir capable d’un retour critique sur l’orthographe de ses écrits… Tantôt le but principal réside dans la discussion elle-même : apprendre à débattre, à présenter une opinion, à écouter et à accepter les autres est alors central. Il faut être conscient, dans une perspective de formation des maîtres, que susciter la parole des élèves n’est pas un but en soi, comme le pensent parfois les débutants : le dogme de la participation des élèves et de la « classe active » peut même parfois empêcher les apprentissages. Aussi importe-t-il de déterminer précisément ce qui rend la discussion efficace et le rôle fondamental que joue ici le maître, par l’analyse qu’il fait « en direct » de ce qui se passe dans sa classe. Comment tenir compte du point où en est chaque élève. Comment « ne pas lâcher le cap », s’en tenir à son objectif sans s’en laisser distraire. Savoir-faire difficiles à acquérir pour les jeunes professeurs et que nous avons tenté de mettre en évidence dans les séances qui suivent. 1 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Sommaire Introduction..........................................................................................................................................1 Sommaire .............................................................................................................................................2 Mathématiques .....................................................................................................................................3 Paroles d’élèves, paroles de l’enseignant.........................................................................................3 Dialectique écrit/oral pour apprendre des mathématiques : un exemple dans une classe de CP : les fourmillions......................................................................................................................................3 Le rôle de la parole de l’enseignant dans la construction des apprentissages, un exemple dans une classe de CP : les deux dés...............................................................................................................6 Biologie..............................................................................................................................................14 La séance........................................................................................................................................14 Orthographe .......................................................................................................................................16 « Ateliers de négociation graphique »............................................................................................16 Argumenter et justifier en orthographe..........................................................................................17 Atelier de négociation graphique et argumentation écrite .............................................................19 Un prix littéraire… et ce qui s’en suit................................................................................................27 Organiser un débat .........................................................................................................................27 Éléments de formation ...................................................................................................................28 Un atelier « philosophie » au CP en ZEP pendant l’année 04-05......................................................30 2 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Mathématiques Paroles d’élèves, paroles de l’enseignant Catherine Boilleaut, Muriel Fénichel, Anne-Marie Lanoizelé Les deux documents présentés essaient de mettre en évidence : - d’une part la manière dont un enseignant peut s’appuyer sur les paroles écrites ou orales des élèves pour les faire avancer dans les apprentissages visés. - d’autre part la manière dont les interventions de l’enseignant portent les apprentissages des élèves, leur permettent d’avancer dans leur construction des notions visées. Cette réflexion est importante par rapport à la formation des PE : à quel moment l’enseignant doit-il se taire pour permettre aux élèves de chercher, d’être en activité cognitive réelle, et à quel moment la parole de l’enseignant est-elle au contraire indispensable à cette activité ? Comment transmettre aux PE2 de telles manières de faire de l’enseignant ? Sans doute en leur proposant des moments d’analyse de vidéos, mais aussi en mettant à leur disposition des retranscriptions écrites de moments de classe avec des commentaires en regard. Il s’agit de faire évoluer leur regard : de l’analyse et la prise en compte des réussites et des erreurs des élèves dans ces écrits (ce qui est un premier niveau d’analyse) à l’utilisation de ceux-ci comme moteur de la classe et comme support d’argumentation et donc de construction de connaissances. Dialectique écrit/oral pour apprendre des mathématiques : un exemple dans une classe de CP : les fourmillions1 Classe de Catherine Boilleaut, maître-formatrice à l’école Raspail de Rosny-sous-Bois Lors de la première séance (mois de mars), les élèves de cette classe de CP ont pour but de trouver un moyen pour dénombrer une grande collection d’allumettes. L’objectif de l’enseignante est d’amener les élèves à structurer cette collection en introduisant le groupement par dix afin de mieux la dénombrer. Lors de la première séance, ils ont été amenés à constituer des paquets de dix allumettes, puis des sachets de dix paquets d’allumettes. Ils construisent ainsi un outil qui leur servira en numération. Afin de continuer ce travail, il semblait important à l’enseignante que les enfants donnent du sens aux différentes tâches réalisées lors de la première séance. Pour cela, lors d’une deuxième séance, elle leur a demandé de raconter par écrit ce qu’ils ont vécu. À partir des écrits produits par les élèves, plusieurs pistes de travail sont envisagées : - Dans le domaine de la langue : elle corrige ces écrits et à partir des corrections, chaque élève doit réécrire le texte qu’il a produit en utilisant l’ordinateur. Il s’agit alors d’un travail en expression écrite. - Dans le domaine des mathématiques : à partir de chaque production, elle relève les phrases sur lesquelles elle va s’appuyer pour permettre aux élèves d’avancer dans les apprentissages en jeu. Ce sont ces phrases qu’elle va recopier sur des affiches et qui seront présentées aux élèves lors de la troisième séance. L’ordre dans lequel l’enseignante restitue les réponses écrites des élèves a été pensé. Ce ne serait pas possible si elle reprenait les écrits à chaud. La manière de faire lors de cette reprise est prévue dans la préparation de la classe, et c’est à préciser aux PE2, qui ne prévoient jamais les modalités de ce travail. En s’appuyant sur ces écrits, elle construit la troisième séance de manière à : - d’une part permettre aux élèves de se rappeler l’ordre chronologique des évènements et de comprendre pourquoi chaque étape a eu lieu ; - d’autre part profiter pour mettre en place des connaissances, au moment opportun. À partir d’une brève description du déroulement de cette séance, nous allons pouvoir analyser la parole du maître. 1 D’après l’ouvrage Apprentissages numériques et résolution de problèmes, ERMEL, CP, Hatier. La séquence a été filmée et analysée. Elle sera présentée dans un DVD publié par le CRDP de Créteil à l’automne 2005 : Apprentissages mathématiques au cycle 2. 3 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Première phase Le maître rappelle ce que les enfants devaient faire, à savoir raconter ce qui s’était passé lors de la première séance. Enseignante : « J’ai lu avec attention ce que vous avez écrit et nous allons prendre un petit moment pour en parler. » Il est important de prendre en compte ce que chacun a écrit. L’implication de tous est nécessaire. Le rôle de l’écrit est important. Le maître porte un regard sur… Deuxième phase L’enseignante va alors afficher les productions des élèves. Le choix de l’ordre d’affichage de ces dernières a été choisi en fonction de ce que l’enseignante veut faire apparaître. Il est important, quitte à grouper certaines productions, que tous les élèves soient représentés à un moment ou un autre. L’intégralité des écrits n’est pas retranscrit mais seulement la partie qui permet de faire avancer. Affichage des productions de Marine et Gaëlle : « On a fait des mathématiques avec des allumettes. » Enseignante « Qu’est-ce qui vous a permis de dire qu’on faisait des mathématiques ? » L’enseignante essaie de mettre à jour ce qui caractérise les « mathématiques » dans les tâches demandées aux élèves lors de la première séance. (Un élève répond que c’est parce qu’on a compté.) Affichage des productions d’Ophélie, de Flavien et de Garlonn : « Catherine a dit qu’il y avait beaucoup d’allumettes. Alors que faire ? » « Des enfants ont trouvé des solutions différentes. » « On a compté les allumettes parce qu’on n’arrivait pas à savoir combien il y en avait. » L’enseignante va alors pouvoir reprendre le problème posé et l’enjeu de la situation : « Il y a beaucoup d’allumettes, on n’est pas d’accord sur leur nombre donc il va falloir les compter pour savoir combien il y en a. » Elle demande aux élèves de se remémorer les procédures de comptage utilisées et intervient pour qu’ils comprennent bien pourquoi ils en ont changé : comptage de 1 en 1 : « pourquoi avons-nous arrêté ? » comptage de 5 en 5 : « pourquoi l’avons-nous utilisé ? » comptage de 10 en 10 : L’enseignante introduit alors le fait que la communauté des mathématiciens a choisi une convention. : « Une règle a été créée par les mathématiciens de nombreux pays. Pour compter les objets, on a décidé de les grouper par dix. » L’enseignante donne toutefois des exemples où cette convention n’est pas appliquée. Une proposition avait été faite par un élève de compter les allumettes par 20 lors de la première séance mais elle n’apparaît pas dans les écrits. L’enseignante la rappelle pour la valider et ainsi conforter l’élève qui l’avait trouvée. Elle répète alors la convention. Affichage des productions de Matthieu, de Chloé et de Warren. « On a fait des paquets de dix. » « On les a attachés. » « Avec un élastique. » L’enseignante : « Est-ce que vous vous souvenez comment nous avons appelé un paquet de 10 ? » L’enseignante confirme une réponse ou rappelle ce qui a été dit. Affichage de la production d’Alboury. « On a compté de 10 en 10 avec des allumettes et après on les a mises dans des sachets. » 4 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 L’enseignante rappelle alors aux élèves qu’ils n’avaient pas tous compris pourquoi il avait été décidé de mettre dix paquets dans un sachet. Elle reparle de la convention. Troisième phase Les enfants sont par deux. Ils ont un sachet contenant 10 paquets de 10 allumettes. L’enseignante : « J’aimerais que vous trouviez une écriture mathématique pour que nous nous souvenions de ce qu’il y a dans un sachet. » Pendant cette phase, l’enseignante passe de groupe en groupe. - Elle encourage. - Elle valide : oui, c’est une écriture mathématique. - Elle demande des précisions : tu as trouvé 100 mais comment as-tu fait ? Justifie. - Elle donne des pistes aux plus démunis : « Tu en as combien dans un paquet ? et si je prends 2 paquets ? Continue… » Quatrième phase Mise en commun Elle interroge chaque groupe, note les propositions, demande une justification et valide. 5 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Le rôle de la parole de l’enseignant dans la construction des apprentissages, un exemple dans une classe de CP : les deux dés Classe de CP d’Anne-Marie Lanoizelé, MF à l’école Jean Jaurès à Stains Séance du 25 novembre 2004 (1) La parole de l’enseignante Analyse de la parole de l’enseignante « Chaque groupe d’enfants va recevoir un tas de jetons, de pions. On va lui faire subir des transformations ; Chaque équipe va recevoir deux dés : - un dé rouge avec des nombres écrits dessus - un dé blanc avec deux couleurs : un côté orange et un côté bleu. Ces deux couleurs ne veulent pas dire la même chose. On joue chacun son tour. » Lancer le jeu En très peu de mots, le jeu est présenté. Les mots sont bien choisis, à la portée des élèves. Efficacité de la parole de l’enseignante. « On lance le dé rouge (ce qu’elle fait et elle lit le nombre affiché sur la face : 14). J’ai le droit de prendre 14 jetons » « On lance le deuxième dé (ce qu’elle fait et elle lit ce qu’elle voit sur la face).Je suis tombée sur le nombre 4 bleu. Cela veut dire que je peux encore prendre 4 jetons. Si j’étais tombée sur la face 4 orange, alors j’aurais dû rendre 4 jetons. » Proposer de jouer une partie simulée pour bien faire prendre conscience de la règle du jeu à travers l’utilisation du matériel. L’enseignante demande aux élèves d’expliquer la consigne. « On prend autant de jetons qu’il y a d’écrit sur le dé rouge. » Réponses des élèves L enfants ont dit : - il faut lancer le dé rouge - si tu tombes sur un nombre, tu prends 12 jetons. Reformuler pour donner du sens à l’expression « autant que ». - après, on lance le dé blanc, si on tombe sur le bleu, il y a un nombre, ça me dit de reprendre des jetons, si on tombe sur le orange je dois enlever 4 jetons. « Est-ce qu’il faut toujours enlever 4 jetons ? » « On doit enlever autant de jetons qu’il y a d’écrit sur le dé. » « Ceux qui le désirent peuvent utiliser leur bande numérique. » Importance de l’enjeu : il s’agit de préciser pour passer du cas particulier au cas général. Il aurait fallu reprendre la réponse « non » de l’élève pour mieux mettre en évidence, pour tous, ce passage à la généralisation. Continuer à donner du sens à l’expression « autant que ». Tenir compte de la diversité des compétences. Observer si la règle du jeu a été comprise : passer dans chaque groupe en faisant verbaliser les actions. non Pendant quelques minutes, les élèves jouent, Ils ont compris la règle du jeu. Quelques procédures : Certains élèves ne maîtrisent pas encore bien la lecture des désignations écrites en chiffres des nombres; ils se servent alors de la bande numérique comme dictionnaire des nombres : Laura lance le dé rouge, tombe sur le 6 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 nombre 13 qu’elle ne sait pas encore lire. Elle utilise alors sa bande en dénombrant les cases une à une et en prononçant les mots nombres jusqu’à ce qu’elle arrive à la case marquée 13. Elle prélève alors 13 jetons dans la pioche des jetons. A la partie suivante, elle tombe à nouveau sur le nombre 13, hésite à utiliser la bande et se rappelle qu’elle était déjà tombée sur ce nombre dont elle reconnaît alors la désignation écrite chiffrée. Certains élèves, gênés dans leur dénombrement par le bruit que font les autres, utilisent leur bande numérique pour poser un jeton sur chaque case jusqu’à celle sur laquelle se trouve l’écriture chiffrée du nombre qui correspond à celle du dé rouge. Pour comparer, lorsque la différence entre le nombre de jetons est grande, les élèves utilisent la procédure perceptive. Dans les autres cas, ils utilisent directement la procédure numérique. « On joue chacun son tour. Après une partie, on regarde lequel a le plus de jetons. Celui qui a le plus de jetons a gagné un point. Puis vous recommencez une autre partie. » « - Quelle est votre opinion sur ce jeu ? Qu’est-ce que vous avez appris en y jouant ? » Faire le point sur la règle du jeu S’assurer que tout le monde a compris en précisant ce que les élèves doivent faire dans chacun des groupes. Relancer l’activité. Procéder à une synthèse à la fin de la séance. Ici deux registres apparaissent : D’abord celui ses connaissances mathématiques et ensuite celui prenant en compte l’affectif. Amener les élèves à dépasser l’action de jouer. Faire que le jeu soit ressenti comme une activité dans laquelle on utilise des mathématiques. Amener les élèves à faire le lien avec les apprentissages. Donner ainsi du sens à l’activité dans le contexte scolaire. « Dites une chose qui ne vous a pas plu et Permettre aux élèves d’exprimer leur une chose qui vous a plu dans le jeu. » ressenti. Cette question induit des réponses qui donnent des informations pour réguler les interactions dans les groupes. « Si on joue à deux, c’est pour vérifier s’il Préciser le type de relations attendues n’y a pas d’erreur mais pas pour jouer à la dans le duo. place du voisin. » Les élèves jouent. Les élèves ont apprécié le jeu. Voici quelques paroles d’élèves : Mélanie : « On a appris à compter avec des jetons. » Yoann : « Moi, je comptais dans ma tête pour ne pas faire de bruit. » Caroline : « Il y a Yoann qui comptait fort, ça m’a dérangée et j’ai pris la bande et comme ça je posais les jetons sur la bande. » Axel : « C’est comme un jeu. » Dylan : « J’ai trouvé qu’il (le jeu) était bien, comme ça on apprend à compter. » Pierre-Alexandre : « C’était bien parce que Jessy et moi on jouait bien ensemble. » Z : « Ca fait faire des mathématiques. » Axel : « Des fois, j’avais bon (je gagnais) et des fois j’avais pas bon (je perdais). » Mélanie : « Ca fait travailler la mémoire. » Laura : « Yoann, il n’arrêtait pas de tricher » X : « J’aimais pas quand Amel comptait les jetons à ma place. » 7 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Séance du 2 décembre 2004 (2) « L’autre fois, quand Muriel était venue dans la classe, vous aviez joué à un jeu de dé. Qui peut nous rappeler ce que vous aviez fait ? » « Vous avez joué à combien ? » Faire repréciser les règles. Nabyl : « A deux. » « En quoi consistait le jeu ? » Faire repréciser les règles. Valentina : « Il fallait jeter deux dés. Il y en avait un rouge avec des nombres dessus et il y en avait un où il y avait du bleu et du orange dessus. Si on a 8 sur le bleu, on prend 8 et sur le orange, on rend 4 jetons » « Et le dé rouge ? » Faire repréciser les règles. Valentina : « Si on tombe sur le 20, on prend 20 jetons » « Comment reconnaît-on le gagnant ? » Faire repréciser les règles. Un élève : « C’est celui qui a le plus de jetons. » « Qui pourrait nous rappeler avec quel partenaire il jouait et ce qui s’est passé pendant leurs parties ? » Problématiser la situation pour faire apparaître la nécessité de trouver un moyen de se souvenir de ce qui s’est passé lors d’une partie (objectif de l’activité). Pointer précisément la difficulté : garder une trace. Faire émerger la nécessité de trouver un moyen pour se rappeler. Pierre-Alexandre se souvient du nom de son partenaire mais évidemment pas du détail des parties. Alerter les élèves sur la nécessité d’avoir une trace durable. Amener les élèves à recourir à une trace écrite. Donner du sens à la demande de trace écrite. Inciter les élèves à utiliser cette proposition. Lancer l’activité. Un élève : « On pourrait écrire sur une feuille et la garder » Plusieurs autres élèves font cette proposition. « Ce dont je voulais que vous preniez conscience, c’est qu’on ne peut pas se rappeler comme ça. Comment fait-on dans la vie de tous les jours pour se rappeler des choses ? » « Mais on ne peut pas tout garder dans sa mémoire pour ne pas l’encombrer. J’appelle tout le monde à réfléchir à ce qu’on pourrait faire. » «C’est ce que vous allez faire. C’est ce qu’on va faire. » Elle demande alors à ses élèves de se regrouper par deux comme lors de la première séance de jeu. « Cette fois ci, il faut que l’on garde la mémoire de ce qui s’est passé. » Pour savoir si on ne s’est pas trompé, pour savoir ce qui s’est passé, pour savoir qui a gagné, on va regarder la feuille de score « Le score, ça veut dire le résultat du jeu. » « X, veux-tu lire ce qui est indiqué sur la feuille de score ? » « Vous écrivez ce que vous voulez sur la feuille de score mais après, quand on va regarder ce que vous avez écrit, nous devons tous comprendre ce qui s’est passé dans le jeu. » Amener les élèves à se rappeler ce qui Laura : « On avait joué avec des s’est passé lors de la première séance du petits jetons ; celui qui avait le plus jeu des deux dés. de jetons avait gagné. » Elève : « Il faut se rappeler dans la tête. » Autre élève : « Il faut utiliser sa mémoire. » Les élèves retrouvent leur partenaire. Certains groupes sont modifiés du fait de l’absence de certains. Faire prendre conscience de l’utilité de garder la mémoire de ce qui s’est passé, introduire la feuille de score pour organiser la trace écrite. Expliquer les modifications de la règle, compte tenu de l’utilisation de la feuille de jeu. Expliquer le vocabulaire employé. S’assurer de la compréhension. Reformuler le rôle de la trace écrite. X lit les éléments de la feuille. 8 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 « Après la première partie, on va regarder les idées que vous avez eues. Vous allez jouer partie par partie et après chaque partie, on va s’arrêter pour réfléchir à ce qui s’est passé. » « Nabyl va écrire quelque chose qui raconte son jeu et Jasmeet va écrire quelque chose qui raconte son jeu et ensuite on va regarder qui a gagné. » Préciser le déroulement du jeu. Prévoir la validation des traces écrites produites par les élèves. Prendre un exemple Aucune indication n’est donnée par l’enseignante sur la trace écrite attendue. Observer et noter les différentes procédures employées. « Je vais vous écrire quelques exemples et vous allez me dire si ça répondait à la consigne de garder la mémoire de la partie ». « Qui peut me dire ce qui s’est passé ? Qui peut me raconter la partie ? » « Qui peut expliquer ce qui s’est passé ? » Mettre en commun les différentes procédures utilisées par les élèves pour les évaluer. Les soumettre à la critique de l’ensemble de la classe. Premier exemple choisi : un seul nombre. L’enseignante écrit au tableau « 11 ». Amener les élèves à prendre conscience du fait que l’écriture d’un seul nombre ne permet pas de savoir ce qui s’est réellement passé lors de la partie. «C’est peut-être ça mais est-ce qu’on en est sûr ? » Deuxième exemple choisi : deux nombres. L’enseignante écrit « 15 7 ». Inciter à argumenter. Inciter à préciser. « Il y a des chances que ça soit ça. Et le 7?» Relancer l’explicitation, la demande de précision. «Et orange, ça veut dire qu’on fait quoi ? » Amener les élèves à prendre conscience des limites de cette écriture. « Je voudrais bien que vous trouviez une façon, sur votre feuille de score, pour savoir si vous en avez pris ou si vous en avez retiré. » Reprendre les termes du problème. Lancer la deuxième partie. Observer et noter les différentes procédures. Les élèves jouent : - Certains élèves ont écrit deux nombres : celui qu’ils ont obtenu en lançant le dé rouge et celui obtenu en lançant l’autre dé mais sans préciser l’action : prendre ou remettre des jetons. - D’autres n’ont écrit qu’un seul nombre : celui qui correspond à la quantité de jetons obtenue une fois les deux dés lancés. - D’autres ont essayé d’écrire des phrases. Un élève : « On ne voit pas » Un autre « Ca veut dire quoi ? » On suppose que c’est peut être le nombre de jetons que l’élève a obtenu après avoir joué. Élève : « Il en a pris 15 et il en a pris encore 7 » Claudia (qui n’était pas là lors de la première séance de jeu) : « 15 c’est sur le dé rouge. » Elève : « C’est peut-être le bleu ou le orange. » Elève : « Si c’est le bleu, il en a pris. » Elève : « Il en a retiré. » Elève : « On ne peut pas savoir ce qui s’est passé ! » Les élèves commencent alors la deuxième partie : - Certains élèves utilisent des feutres couleurs pour entourer ou pour colorier les nombres correspondant à chaque lancer de dés. - D’autres écrivent des phrases avec les mots « enlever », « prendre ». - Un élève utilise le signe « + ». - D’autres écrivent deux nombres sans 9 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 plus de précision. - D’autres écrivent trois nombres. Après s’être assurée que tous les groupes ont terminé leur partie, l’enseignante arrête le jeu et procède comme à la fin de la première partie : elle écrit au tableau certaines propositions qu’elle a relevées. Autoriser l’expression de procédures variées. Recentrer l’attention de tous. « J’ai vu des enfants qui ont proposé des façons très différentes. » L’enseignante écrit : « Je fais 16 et aussi 7» Elle fait lire aux élèves la phrase écrite au tableau. « Qui me raconte la partie de Faire ressortir l’enjeu du problème. Valentina ? » « Comment ça peut s’expliquer par le Inciter à l’argumentation. jeu ? Elle a lancé quel dé ? » L’enseignante fait remarquer que le mot « aussi » permet certainement de dire que Valentina est tombée sur la face bleue du dé. « Est-ce qu’on sait si c’est Valentina qui a gagné la partie ? Est-ce qu’on peut le voir de manière sûre ? » « Voici une autre partie, qui peut la raconter ? » Elle écrit alors une autre proposition au tableau : « 11 (entouré en rouge) 8 (entouré en orange) perdu » « Ensuite ? » «Est-ce qu’on peut se tromper ? » Mélanie : « Elle a lancé le dé rouge et elle est tombée sur le 16. Elle a lancé le dé et elle est tombée sur le bleu ou le orange et elle est tombée sur le 7. » Permettre une lecture plus fine de l’énoncé. Porter l’attention sur les mots du langage qui traduisent le calcul relationnel. Rappeler tous les critères de la consigne non de départ. Proposer une autre procédure. Allan : « Il a tiré le dé et il en a pris 11. » Relancer. Inciter à l’argumentation. Allan : « Il a retiré 8 jetons. » Elève « Non, il y a la couleur. » Allan « Et il a perdu ! » Silence. « Qu’est-ce que j’ai besoin de savoir ? Comment savoir qu’il a perdu ? » « Parce qu’il ne jouait pas tout seul et qu’il avait un partenaire qui a joué comme ça. » Elle écrit au tableau : « 15 (entouré rouge) 8 (entouré bleu) gagné » Elle demande alors aux deux élèves (Jessy et Pierre-Alexandre) qui ont utilisé cet écrit comment ils ont fait pour savoir quel était le gagnant. «Mais simplement en regardant, je n’arrive pas à comprendre qui a gagné ou qui a perdu.» L’enseignante : « Il en avait 11 et il en a retiré 8 et vous me dites qu’il en avait plus ? » L’enseignante note alors 3 au tableau avant le mot perdu : « 11 (entouré en rouge) 8 (entouré en orange) 3 perdu « Essayez maintenant de trouver le nombre de jetons obtenus par PierreAlexandre. » Pousser les élèves à aller au-delà du constat par l’exigence de précision. Donner des éléments pour aider à la comparaison. «Non, il en a 23.» « Maintenant, je suis d’accord pour dire Rectifier un énoncé erroné Inciter à l’argumentation Allan raconte la partie : « Il a lancé le dé et il a eu 15. Il a lancé le dé et il en a repris 8, on voit bleu et il dit qu’il a gagné. » Renvoyer à la situation concrète. Pierre-Alexandre raconte la partie. Reformuler la difficulté et inciter les élèves à préciser. Un élève : « C’est Jessy qui en avait le plus » Pousser à l’argumentation en soulignant Un élève : « Non, il lui en reste 3. » l’incohérence mathématique. Pousser à exprimer la donnée On utilise la bande numérique pour manquante du problème sans laquelle la trouver ce nombre : 23 comparaison n’est pas possible. Un élève : « Il en reste 23 Un élève : « Jessy a perdu. » 10 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 que c’est Pierre-Alexandre qui a gagné et Jessy qui a perdu. Pourquoi ? » « Pourquoi ?» Relancer pour inciter à expliciter la procédure de comparaison. « Qu’est-ce qui nous prouve qui a gagné ? » Reformuler la demande d’argumentation. L’enseignante reprend en donnant la différence entre nombre et chiffre : « Les chiffres ça sert à écrire les nombres, Il y a des nombres qui s’écrivent avec un chiffre et des nombres qui s’écrivent avec deux chiffres. » « Un nombre à deux chiffres, c’est plus grand qu’un nombre à un chiffre. » « J’ai vu un petit garçon qui avait une autre idée, et c’est l’idée qu’on va garder parce que c’est celle qu’on adopte dans le monde entier, c’est celle qu’utilisent les mathématiciens. » Elle écrit la proposition de Jasmeet au tableau : « 14 + 8 = 22 » « Comment se lit le petit signe « + ». Rectifier une erreur d’énoncé Faire préciser les termes que l’on emploie dans le domaine des mathématiques. Jasmeet : « Pierre-Alexandre a un nombre à deux chiffres et Jessy a un nombre à un chiffre. On sait direct qui a gagné.» Un autre élève : « C’est un 2 et c’est un 3. Deux nombres ça fait plus qu’un nombre » Reformuler un énoncé erroné. Annoncer une nouvelle proposition. Introduire l’écriture additive. Faire prendre conscience que cette écriture est conventionnelle. L’institutionnaliser. Amener les élèves à donner du sens aux signes mathématiques. Vers l’introduction d’une nouvelle écriture mathématique conventionnelle : l’écriture soustractive. Introduire le signe « - » et l’écriture soustractive. Insister sur la signification de l’écriture. Un élève : « 31 » « Est-ce que c’est possible ? » L’enseignante écrit : « 14 – 8 = 6. » Souligner l’erreur et inciter les élèves à expliquer pourquoi la réponse 31 n’est pas possible. Elève : « Non, c’est plus grand (sousentendu que 14) » Mélanie : « 6 » « Vous allez jouer une troisième partie en vous rappelant bien toutes les contraintes : Je veux savoir combien on tire la première fois, puis je veux savoir si on a gagné, pris d’autres jetons ou si on a remis d’autres jetons. Je veux que vous utilisiez le petit signe « + » et le petit signe « - » des mathématiques. » « Vous vous rappelez ce que veulent dire les petits signes ? » « Je veux savoir qui a gagné. » Relancer l’activité en reprécisant les nouvelles contraintes Inciter les élèves à utiliser les nouvelles écritures mathématiques introduites. « Quel est le signe qu’il aurait mis s’il avait perdu des jetons ? » « S’il avait perdu des jetons, on aurait écrit 14 - 8. » « Je remets 8 jetons dans le tas. Combien en reste-t-il ? » « Qu’est-ce qu’il veut dire déjà le petit signe « = » ? » L’enseignante reprend : «Le nombre que l’on obtient » « Dylan, peux-tu nous rappeler ce qu’il faut faire ? » « - la barre, le moins, ça veut dire qu’on retire Certains élèves n’ont pas de mal à dire « plus ». Des élèves : « Égal. » D’autres élèves : « Deux petits traits. » Faire repréciser la signification de ces signes : Insister sur ce qui n’avait pas été pris en compte lors de la partie précédente. Revenir sur la signification du signe « = ». Reformuler un énoncé erroné « + » j’en prends « - » j’en remets Faire reformuler la consigne par un élève. « Si on jette le dé rouge et on fait 14. Ensuite, on doit savoir si on a fait moins ou si on a fait plus. Si on a fait moins, on fait une barre et si on fait plus, on fait une croix. » Faire interpréter les écritures introduites dans les termes du problème. Élève : « le chiffre qu’on a. » (sous entendu à la fin) 11 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 - la croix, le plus, ça veut dire qu’on en reprend » L’enseignante : «Et on doit savoir combien on en a repris, combien on en a remis. Et à la fin ?» « Et on voit tout de suite qui a gagné » Élève : « Combien ça fait en tout. » Prises de parole à l’initiative de l’enseignante Le contenu peut (doit) en être prévu, voire élaboré, à l’avance. Lancer l’activité / Relancer l’activité. Formuler la consigne/Reformuler la consigne. Préciser la consigne. S’assurer de la compréhension de ce qui est attendu. Donner des exemples. Faire le point durant l’activité. Repréciser les contraintes / Élargir les possibilités. Projeter les élèves dans le déroulement de l’activité. Inciter à l’emploi d’une procédure nouvellement introduite. Problématiser la situation. Mettre en évidence l’enjeu de l’activité. Permettre l’explicitation du lien activité/apprentissage. Donner du sens aux exigences. Distribuer la parole. Solliciter la parole. Inciter à l’argumentation. Clarifier le vocabulaire employé. Attirer l’attention sur certains termes. Proposer des procédures à observer. Institutionnaliser une procédure. Insister sur un nouvel apprentissage. Prises de parole en réaction à la parole de l’élève On peut (doit) anticiper les réactions éventuelles des élèves. Mais si le contenu est à prévoir, il doit sans cesse être adapté à la réalité des interactions. Reformuler l’énoncé de l’élève. Préciser. Synthétiser. Rectifier un énoncé erroné. Mettre des mots sur de l’implicite. 12 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Inciter à préciser. Relancer l’explicitation. Pointer la difficulté rencontrée. Mettre en évidence l’incohérence d’une procédure. Faire préciser des termes. Guider l’élève dans sa compréhension. Questionner l’élève pour l’amener à clarifier son énoncé. Souligner les difficultés, les limites des propositions de l’élève pour l’obliger à approfondir sa réflexion. 13 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Biologie Patrick Avel Patrick présente une transcription de séance menée en GS, « l’objet mystère ». En analysant l’échange entre maîtresse et enfants (voir ci-après la transcription de cet échange), nous nous interrogeons sur la manière dont celle-ci favorise par ses interventions l’accès des élèves à la démarche scientifique. La situation pourrait être une situation de devinette : les enfants posent des questions et le maître répond par oui ou non. Or, là n’est pas le projet de l’enseignant : il/elle ne veut pas travailler par dichotomies logiques mais en stimulant une démarche scientifique. C’est pour cela qu’il n’y a pas de règle du jeu du questionnement posé au début. Il ne s’agit pas de poser des questions et de resserrer successivement les possibles, comme dans le jeu des portraits. L’enseignant donne lui-même des indices, des observations partielles, qui sont autant d’informations pour tester l’hypothèse et éventuellement la modifier. Le maître veut des hypothèses mais, du coup, il va lui falloir faire la différence entre hypothèses argumentées (par exemple lorsqu’un élève propose : « C’est un animal » et explique ensuite : « Parce que ça bouge ») ou pas. Or, bien souvent le maître ne discrimine pas ce qui est cohérent et ce qui ne l’est pas. A plusieurs reprises, un élève produit des hypothèses relevant de la pure subjectivité (« c’est un hamster, j’en ai un à la maison ») ou mêlant le réel à l’imaginaire, le fictif (« c’est Mickey ! »). Le maître ne donne pas alors un signal fort pour identifier le dérapage. En résumé : • l’enseignant est garant de la représentation de ce qu’est un animal • il veut faire de cette situation une approche de la méthode scientifique • mais il n’aide pas les enfants à se décentrer (« J’en ai un à la maison ») : il a oublié que c’était là un objectif important de la biologie à l’EM • il n’aide pas à discriminer le réel de la fiction, autre objectif de la biologie en maternelle (d’où l’importance d’utiliser des albums pour travailler en biologie) • il ne se pose pas assez la question des priorités en maternelle La séance En maternelle, grande section, l’enseignant apporte une cage recouverte d’un grand tissu. Voici quelques moments du dialogue en classe. P : le professeur ; E1, E2 E3… les élèves. P – J’ai apporté une surprise elle est cachée sous ce grand torchon blanc. Vous allez deviner ce que c’est. E1 – Ça se mange ? P – On peut le manger. On entend du bruit dans la cage. E2 – Ça bouge ! E3 – Ça bouge ? P – Pourquoi dis-tu que ça bouge ? E2 – Parce que ça fait du bruit. P – Tu as raison ça bouge, mais qu’est-ce que c’est ? E3 – C’est un animal ? P – Pourquoi pense-tu que c’est un animal ? E3 – Parce que ça bouge. P – Tu as raison c’est un animal… E4 – Fais voir. P – Pas tout de suite, il faut d’abord deviner quel est cet animal. 14 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 E5 – C’est un hamster ! A la maison j’ai un hamster. E6 – Moi, j’ai un chat. P – Ce n’est pas un hamster et ce n’est pas un chat. E – C’est un oiseau ? P – Il n’a pas d’ailes et il n’a pas de plumes. Alors est-ce un oiseau ? E8 – Alors, c’est pas un oiseau P s’adressant à E7 – Pourquoi ce n’est pas un oiseau ? E 7 – Parce qu’un oiseau ça a des plumes. P – Je suis d’accord. Bon je vais vous aider un peu. Il a de grandes oreilles. E9 – C’est Mickey ! P – Non, il a des poils très. doux. E8 – C’est un lapin ! P – Pourquoi c’est peut-être un lapin ? E8 – Parce qu’il a des poils très doux. P – Oui, c’est une bonne raison. Qui pense que c’est un lapin ? Plusieurs élèves – Moi ! P – Pourquoi vous pensez que c’est un lapin ? Qu’est-ce qu’on a dit sur lui ? 15 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Orthographe « Ateliers de négociation graphique » Un CM1 en Bourgogne Jacques Crinon Un travail d’orthographe dans un CM1, un « atelier de négociation graphique » d’environ une demiheure, regroupant six élèves et animé par l’enseignante est tiré du document vidéo réalisé par une équipe de l’IUFM de Bourgogne, document annexé au livre de Ghislaine Haas, Orthographe au quotidien, CRDP de Bourgogne, 2004. Nous utilisons aussi la retranscription écrite d’un autre atelier de négociation graphique, tiré du même ouvrage et jointe à ce compte rendu. Au début de l’atelier, un court texte, fabriqué afin de faire apparaître une notion problématique (dans la vidéo, l’accord en nombre dans le groupe nominal ; dans la retranscription de séance, l’accord en genre), est dicté aux élèves. Les textes sont affichés anonymement. Les élèves débattent des différentes graphies et argumentent en faveur de l’une ou de l’autre. L’enseignante note sur le tableau de papier les propositions et les arguments. L’enseignante fait enfin une synthèse des problèmes résolus et de ce qui restera à résoudre lors de la synthèse des groupes. La graphie correcte est proposée et chacun la compare à sa production. Nos remarques sur ce travail : L’intérêt qu’il présente pour créer un recul réflexif sur la langue. Faire argumenter les élèves suppose qu’ils aient des arguments à produire, c’est-à-dire des connaissances (voir Raymond Duval, « Décrire, visualiser ou raisonner : quels apprentissages premiers de l'activité mathématiques ? », In Annales de didactique et de sciences cognitives, ULP / IREM de Strasbourg Volume 8, 2003). De telles séances s’articulent à des moments de construction plus systématique des connaissances orthographiques. Mais les élèves ont toujours des connaissances antérieures sur le sujet. Si on était au CE1 par exemple, les connaissances sur le pluriel ne seraient pas les mêmes que dans ce CM1, elles n’en seraient pas moins réelles et à prendre en compte. À nos stagiaires, il est important de faire sentir le rôle de la préparation comme analyse a priori de la tâche et des supports proposés en liaison avec les connaissances visées par l’enseignant. En construisant le texte qu’elle dicte, l’enseignante savait qu’elle voulait travailler le pluriel et avait anticipé les difficultés des élèves, mais aussi la capacité collective des élèves à résoudre les problèmes posés par le texte. Sinon, que faire lorsqu’aucune solution n’émerge du groupe ? L’essentiel du travail des élèves se passe ici à l’oral. Ne pourrait-on pas envisager un dispositif faisant une place à l’écrit ? Avantages : pouvoir travailler en classe entière ; permettre à l’enseignant de mieux ajuster ses interventions. Nous envisageons une séance qui ne ciblerait qu’une seule difficulté et qui procèderait en plusieurs temps : chaque élève écrit, puis débat, puis nouvel écrit. (voir plus loin le compte rendu de ce travail). Le transfert des connaissances ainsi explicitées ou réexplicitées se fera-t-il dans les situations réelles d’écriture ? C’est le but d’une pratique régulière de tels ateliers que de donner l’habitude aux élèves de réfléchir à leur orthographe, de (se) justifier leurs décisions en face de problèmes d’orthographe. Avoir toujours cette attitude dans la classe pourrait aussi conforter cette habitude. Avoir une bonne orthographe, est-ce que ce ne serait pas, plutôt que de toujours se poser des questions, avoir des automatismes qui libèrent l’attention pour autre chose quand on écrit ? (Comme d’ailleurs, certains automatismes en calcul permettent une plus grande disponibilité dans la résolution de problèmes en mathématiques.) C’est certes l’objectif, mais, pour y parvenir, les exercices d’entraînement ne sont pas la seule voie. Ici, on fait le pari que la nécessité d’argumenter ses choix orthographiques va aider à mettre de l’ordre dans des savoirs partiels et ponctuels, à faire évoluer des représentations : ainsi pour l’accord « elle sourie », qu’une élève justifie par le féminin (un savoir qui n’est pas pertinent pour l’accord sujet verbe). C’est aussi développer une attitude face à l’orthographe, pensée comme cohérente et rationnelle. Rôle aussi du doute orthographique, qui aide à se relire et à se corriger. La pratique d’ateliers de négociation graphique est une pratique complémentaire à d’autres : les moments de construction de connaissances sur le fonctionnement de notre orthographe et de mémorisation 16 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 de l’orthographe des mots, ou encore la catégorisation des erreurs pratiquée par Catherine, qui conduit les élèves à savoir, en fonction de la nature de la difficulté (orthographe grammaticale, orthographe lexicale…), quel outil de référence utiliser (Becherelle, dictionnaire…). L’effet de la pratique de tels ateliers sur l’orthographe des élèves n’est sans doute pas évaluable à court terme. Dans l’ouvrage d’où est tirée notre séance d’atelier, les auteurs affirment avoir observé un effet sur le maniement du métalangage grammatical par les élèves, mais ne disent rien de l’amélioration de leurs performances en orthographe. La difficulté principale, pour l’enseignant qui mène un tel atelier, est d’entrer dans la logique des arguments des élèves. Sur la vidéo, c’est net lorsque l’enseignante se trouve confrontée à la proposition étrangement formulée d’une élève pour justifier l’orthographe « tous » (dans « tous les fruits ») : « au féminin, ça ne fait pas [tus] ». C’est difficile parfois, mais c’est important d’entrer dans la logique des réponses des élèves. C’est l’un des intérêts de cet effort d’argumentation des élèves que de mettre à jour leurs représentations : ils peuvent trouver la bonne orthographe pour de mauvaises raisons, ce qui passe inaperçu dans les exercices traditionnels d’orthographe, où seul le résultat compte. C’est pourquoi l’un des rôles de l’enseignant ici paraît être d’aider à l’explicitation complète de la pensée de l’élève. La tâche de l’enseignant est délicate et il ne peut pas être parfait dans l’animation de tels ateliers. Il doit à la fois, interpréter les raisonnements des élèves, relancer, encourager, donner la parole à tous, synthétiser périodiquement ce qui a été trouvé et ce qui reste à trouver. Sans doute cependant pourrait-on conseiller aux stagiaires, dans ce type d’animation de séance, de mieux distinguer (permettre aux élèves de distinguer) les moments où il les conduit à douter et où il reflète les hésitations ou les tentatives de solution, et les moments où il fixe les certitudes que le travail du groupe a permis d’établir. À propos du rôle de la préparation par l’enseignant et de l’analyse a priori de la situation didactique, on peut comparer cette situation et des situations en biologie. Il faut convaincre les enseignants qu’ils ne pourront pas réaliser une leçon convenable s’ils n’ont pas formulé, lors de leur préparation, le savoir cible, un peu à la manière du résumé auquel aboutissait autrefois toute leçon. C’est ce qui permet de mesurer, tout au long d’une séance, l’écart entre les représentations actuelles des élèves et ce savoir cible. Un même thème peut ainsi être abordé à tous les niveaux de l’école primaire, mais le niveau de formulation du savoir visé sera différent à chaque fois. Argumenter et justifier en orthographe Catherine Boilleaut Dans une classe de CE1, les élèves, à partir d’une phrase dictée, se focalisent sur l’orthographe d’un mot et argumentent leurs solutions. Pour cela des phases collectives et individuelles vont alterner. Le maître recueillera les propositions, permettra de confronter les différentes hypothèses et poussera les enfants à aller plus loin dans leurs justifications. De nouveau, il s’agit de permettre à l’élève de se décentrer, de mettre en place une attitude d’observation… Voici le compte rendu de la séquence. 1re séance Phase collective : la phrase dictée est la suivante : Les enfants regardent le livre à secrets. L’argumentation portera sur le mot « regardent ». La démarche envisagée est de réaliser d’abord un premier tri de manière que la discussion porte sur la terminaison du mot. Afin de pouvoir trouver les bonnes consignes le maître prend un temps pour observer les productions des enfants. regard (1), regarde (8), reguarde (2), regarrde (1), regardes (2), ragarde (1) recarde (1), regardet (1), regade (3), recade (1), regardent (1) 2e séance Phase collective, élimination de propositions : - les mots qui ne se lisent pas [regard], - les graphies qui sont impossibles à rencontrer. 17 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Les formateurs ne sont pas tous d’accord sur la proposition d’un enfant d’éliminer reguarde car le gua ne se rencontre pas. Certains pensent en effet que cette graphie est peu répandue et qu’étant en CE1 nous pouvons valider, d’autres pensent que la proposition doit être invalidée. Quelle que soit notre position, cette graphie peut parasiter notre objectif et elle peut être mise de côté en pointant que le gua se rencontre quelquefois mais pas pour ce mot… Les trois possibilités restantes sont : regarde, regardes et regardent. Phase individuelle : Les élèves vont devoir choisir entre ces trois propositions, l’une d’elle étant la bonne et justifier leur choix. Ils peuvent garder leur graphie si elle fait partie de la liste ou en changer. Le maître va à nouveau lister les propositions et réfléchir pour la séance suivante aux traces qu’il devra faire apparaître. Comment les noter car elles devront être claires pour être comprises de tous sans dénaturer la pensée de l’enfant ? Dans quel ordre interroger les élèves ? Cet ordre peut-il avoir une incidence ? 3e séance Les trois propositions sont réécrites : regarde (10), regardes (6), regardent (5) Voici les arguments avancés : regardent : parce que c’est un verbe je me suis souvenue que Nathalie m’a dit que quand on veut mettre un verbe au pluriel, la terminaison est ent parce qu’il me plaît je l’ai déjà vu dans un livre parce que ent c’est plus. Il peut y avoir 2, 3 ou 4 enfants regarde : parce que c’est le mot le plus petit parce qu’il y a gar dans le mot parce que dans un livre j’avais vu comme ça parce que les autres je les lis regardes et regardent (elle prononce toutes les lettres) parce que les autres ne sont pas très bien parce que papa m’a dit que ça s’écrit comme ça j’ai fait au pif parce que le livre, c’est un seul objet et les autre objets sont pleins parce que les enfants regarde le livre à secrets parce qu’il y a un seul livre pas plusieurs livres que les enfants lisent il y a un livre regardes : parce que les deux autres ne sont pas corrects j’ai pas choisi les deux autres parce que j’ai choisi celui-là je pensais que c’est le bon parce que c’est au pluriel parce que si on met les enfants, il y en a plusieurs Les élèves regardent les arguments. Les arguments qui n’apportent rien sont éliminés. Exemples : Je l’ai fait au pif, il me plaît… 18 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Je l’ai vu dans un livre : des enfants ont vu des graphies différentes dans des livres. Quels sont donc, pour chaque graphie, les arguments que l’on va garder ? Au tableau, trois colonnes sont constituées. regardent parce que c’est un verbe (elle complète à l’oral : on peut le conjuguer, je regarde…) la terminaison d’un verbe au pluriel est ent regarde parce qu’il y a un seul livre à regarder regardes parce que c’est au pluriel il y a plusieurs enfants qui…… Les élèves doivent à l’issue de cette discussion se prononcer pour la dernière fois. Ils recopient la graphie et l’argument qui les a convaincu. 4e séance Mise en évidence du choix des élèves regardes (10) regarde (4) regardent (6) n’a rien écrit (1) Les élèves qui ont noté regardes lèvent les bras. Le maître leur précise que ce n’est pas parce qu’ils sont les plus nombreux que cela signifie qu’ils ont raison. Pour se départager, des phrases sans fautes sont écrites au tableau. Ils regardent le livre. Ils regardent les livres. Elles regardent le livre. Elles regardent les livres. Tu regardes le livre. Tu regardes les livres. Il regarde le livre. Il regarde les livres. Ils s’aperçoivent : - que le fait de regarder un livre ou des livres n’influe pas, - que es ne fonctionne qu’avec tu, - que les enfants se remplacent par ils donc ils trouvent la bonne graphie. Les arguments sont repris un à un et les erreurs ou les imprécisions sont pointées. En particulier, l’argument : c’est un verbe était valable pour les trois. Atelier de négociation graphique et argumentation écrite Alain Maillard 19 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 La séquence, dans un CM2 de Bobigny, est consacrées aux homophones vair, vert, ver, verre, vers, vers. Compétences activées lors de la séance LTG1 Saisir rapidement l’enjeu de l’échange et en retenir les informations successives LTG3 Se servir de sa mémoire pour conserver le fil de la conversation et attendre son tour LTG4 S’insérer dans la conversation LTG5 Reformuler l’intervention d’un autre élève ou du maître LTG6 Commencer à prendre en compte les points de vue des autres membres du groupe LTG7 Commencer à servir du dialogue pour organiser les productions du groupe LTG7 Commencer à servir du dialogue pour organiser les productions du groupe LTG8 Commencer à rapporter devant la classe (avec ou sans l’aide de l’écrit) de manière à rendre ces productions compréhensibles LTG11 Lire à haute voix tout texte utile à l’avancée du travail LTG12 Exposer ses propositions de réponse et expliciter les raisons qui ont conduit à celles-ci Compétences évaluées à l’issue de la séance LTO11 Distinguer les principaux homophones LTO14 Utiliser tous les instruments permettant de réviser l’orthographe d’un texte. La discussion a porté dans la classe sur l’orthographe de [vÊR] dans la phrase dictée : « Vous souvenez-vous que la pantoufle de Cendrillon était de vair ? » Déroulement de la séance Phase 1 : L’objet de la séance est annoncé aux élèves : « On sait que bien orthographier c’est difficile. Je vais vous dicter une phrase. Une fois ce travail fait nous retrouverons ensemble la graphie d’un des mots de cette phrase. » Phase 2 : Dictée de la phrase. Phase 3 : Inventaire des difficultés orthographiques rencontrées par les élèves. L’enseignante demande aux élèves de dire leurs difficultés. Elle inscrit ces difficultés sur le tableau. Elle dit que les bonnes graphies seront données ultérieurement. Phase 4 : L’enseignante lance la réflexion sur l’orthographe de [vÊR]. Il écrit au tableau les différentes graphies proposées (tour de tables, les élèves épellent). Phase 5 : Justification écrite. Les élèves choisissent la graphie du tableau qui leur semble être la bonne, copient le mot et justifient leur choix par écrit (argumentation, travail en binôme). Phase 6 : Débat (confrontation, échange oral, argumentation). Quelques élèves lisent oralement leur productions écrites à partir desquelles tous échangent. L’enseignante inscrit au tableau les arguments . Phase 7 : Justification écrite (travail individuel ou en binôme). Après le débat, les élèves rectifient ou non la graphie du mot [vÊR] et écrivent les arguments les plus pertinents qui leur ont permis de choisir. Phase 8 : Deuxième débat. À partir des nouveaux choix de graphies les élèves échangent. Phase 9 : La solution. L’enseignante fournit la bonne graphie en recopiant la phrase au tableau. Phase 10 : Échange verbal collectif, retour sur les arguments, sélection collective des arguments justifiant la bonne graphie. Phase 11 : Conclusion : le sens de « vair » est recherché (hypothèses et recherches dans le dictionnaire). Notion d’homophones : verre, ver, vers, vers, vair, vert. Deux ateliers ont été mis en place par l’enseignante : classe partagée en deux groupes. 20 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Atelier 1 Débat de la phase 8 de la séance. Parce que c’est la couleur verte. Parce que c’est le verre qui se casse. Maîtresse parce que dans le film, elle a des pantoufles en verre. C’est le verre qui se casse ? et le verre qui se casse ça s’écrit « verre ». Vert, c’est la couleur verte. Mais c’est pas bon. Ca peut être les deux vert ou verre. Comment nous on va faire la différence entre « vert » et verre » ? Maîtresse, il y a plusieurs choses en [ver]. C’est-à-dire ? C’est-à-dire que ça se prononce de la même façon, mais ça ne s’écrit pas pareil. Est-ce que vous connaissez d’autres [ver] ? Oui, le ver de terre. Comment ça s’écrit ? V.E.R Quoi d’autres ? Et on va vers, V.E.R.S. Alors quel est le [ver] qui va dans la phrase ? est-ce vert, verre, ver, vers ? C’est verre, V.E.R.R.E. Pourquoi c’est V.E.R.R.E ? Parce qu’une pantoufle elle peut être en verre. Elle peut être en verre, c’est-à-dire ? Elle peut être de couleur vert aussi maîtresse. Vous êtes en train de me dire que la pantoufle peut être vert, comme la couleur. Mais ça se peut pas. Pourquoi vous êtes en train de me dire que la pantoufle ne peut pas être de couleur vert ? Parce que ça se dit pas : « était de vert, la couleur verte. Si c’était la couleur vert qu’est-ce qu’on dirait ? On dirait : vous souvenez-vous que la pantoufle de Cendrillon était verte ? Non, était de couleur verte ? comme ça au moins on sait que la couleur était verte, que la pantoufle était verte. Est-ce qu’il y avait la possibilité de mettre V.E.R.T. mais ne rajoutant pas le mot couleur ? Si, ça va aussi vert. Non ça ne se peut pas car pantoufle, c’est féminin. Et alors ? Ça doit être verte. Quelle est la nature du mot vert. C’est un adjectif qualificatif. Un adjectif de couleur. Qu’est-ce que vous avez vu sur l’adjectif ?comment il s’acc… ? Il s’accorde avec le nom commun et Cendrillon, c’est féminin. Est-ce que vert ça s’accorde avec Cendrillon ? ça s’accorde avec quoi ? Non, parce que Cendrillon c’est un nom propre. Ça s’accorde avec la pantoufle. 21 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Et la pantoufle c’est… ? C’est féminin. Si c’était la couleur on aurait eu quoi ? Verte (deux enfants ensemble). Vous souvenez-vous que la pantoufle de Cendrillon était verte ? Voilà. Ah ! parce que c’est une fille Cendrillon ! Non, tu n’as pas entendu. Non, parce que c’est la pantoufle qui est au féminin, c’est UNE PANTOUFLE (les deux mêmes enfants ensemble). Atelier 2 Débat de la phase 4 de la séance. La maîtresse demande aux élèves de réfléchir sur l’orthographe de [vÊR]. E1 : Maîtresse, c’est un adjectif de couleur. Tu penses que c’est un adjectif de couleur ? E2 : Oui, parce qu’il a plein de synonymes. Il a plein de synonymes ? Ce mot ? E2 : Oui, comme vert, verre… Est-ce que c’est des synonymes ? c’est quoi un synonyme ? E2 : Un synonyme c’est quelque chose qui s’écrit pareil mais… (E2 est interrompu par E3.) E3 : Mais qui ne se prononce pas de la même façon. E2 : Mais qui ne se prononce pas de la même façon. E4 : Non un synonyme, c’est quelque chose qui s’écrit pas pareil qui veut dire la même chose. Voilà. Est-ce vraiment un synonyme, [ver] ? Tous : non. Alors qu’est-ce que c’est ? E2 : C’est le contraire. E4 : C’est un nomo. E3 : C’est un nom commun . C’est un homonyme, un homonyme c’est-à-dire ? E4 : C’est un mot qui se prononce pareil mais qui ne veut dire la même chose. E2 : Non, qui s’écrit pareil mais qui n’ont pas le même sens, comme vert la couleur verte et verre comme le verre (E fait le geste de boire). Discussion autour de la définition de synonyme. En fait vous y êtes presque : un homonyme, c’est pas un synonyme, c’est un mot qui a le même son mais ce mot n’a pas le même sens qu’un autre mot ? E5 : C’est comme ver. On peut dire verre, un verre à boire, vert, la couleur, ou comme vers, pour dire vers là-bas. On va essayer de trouver la bonne orthographe du mot [ver] dans la phrase « Vous souvenez-vous que la pantoufle de Cendrillon était de vair ? » Chacun à votre tour, vous allez me dire comment vous avez écrit le mot [ver]. Vous allez me l’épeler et je vais noter toutes les propositions. La maîtresse copie au tableau les différentes graphies proposées par les élèves: vert, vert, verre, vere, verre, verre, verte, vert, verte, verte. Débat de la phase 6 de la séance. Quelques enfants lisent leurs productions écrites à partir desquelles tous échangent. 22 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Vous allez me dire pourquoi vous avez choisi vert ou verre ou le mot verte. Christian qu’as-tu choisi ? Vert. Pourquoi ? Parce que la pantoufle, c’est une chaussure qui peut être de la couleur verte et qui peut être de n’importe quelle autre couleur. Qu’as-tu mis Mariamou ? Vert, parce que une pantoufle ne peut pas être le verre qu’on boit. On met la couleur verte parce que c’est une pantoufle. Un autre enfant, Ebdelghani parle à son tour. J’ai choisi « verre » parce qu’ils disent de [ver] et si c’était la couleur vert on aurait enlevé le « de » et on aurait dit « Vous souvenez-vous que la pantoufle était verte ? » […] Une autre enfant, Soorya, explique à son tour qu’elle a également choisit le mot « vert » et au même moment elle est interrompue par Mariamou : Maîtresse, j’ai rectifié. Pourquoi t’as rectifié ? J’ai mis « verre » (elle avait écrit auparavant « vert ») parce que ce qu’il a dit Abdelghani, ça m’a, ça m’a… (elle ne trouve pas ses mots), parce qu’il a dit, je trouve que c’est vrai. (…) Et Davely. Moi, j’ai mis « verre ». Tu as rectifié. Oui j’ai rectifié. Et pourquoi ? Parce dans le dessin animé, elle portait des chaussures en verre. À ce moment Abdelghani pose la question. Elle peut dire qui l’a fait changer d’avis ? Qui l’a fait changer d’avis ? Mais qui l’a fait changer d’avis, elle l’a dit. Elle a réfléchi et elle a pensé au dessin animé. Les textes des élèves T1 Naïma Vous souvenez-vous que la pantoufle de Cendrillon était de verre ? Pourquoi ? Parce que si c’était la couleur vert ça serais écris. Vous souvenez-vous que la pantoufle de Cendrillon était verte. T2 Wasila Vous souvenez-vous que la pantouffe de cendrion était de verre. Pourquoi ! Parce que on demùande comment elle est la pantouffe on ne demande pas la couleur de la pantouffe. T3 Josué Vous souvenez-vous que la patoufle de Cendrillon était de verte. Pourquoi : parce que l’adjectif verte lacorde avec le nom commun pantoufle. T4 Samia Vous souvenait vous que la pantoufle de cendrion était de verre 23 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Pourquoi : parce que c’est du verte qui se casse T5 Kamel Vous souvenez vous que la bantoufle de Cendrion était de verre J’ai choisi parce que bantoufle s’accorde avec l adjectif et que bantoufle est au féminin et qu’on ne peut pas mùettre vert parce que bantoyfle est au féminin alors il faut T6 Christopher Vous souvenez vous que la pentoufle de Cendrinions etait de verre Pourquoi ; parce que c’est du verre q’on boit T7 Christian Vous souvenez-vous que la pantoufle de cendrillon était de vert. Parce Que la plantoufle c’est un chausson qui peut-être la couleur vert et semblable n’importe quel couleur T8 Mariamou Vous souvenez-vous que Ca pantoufle de Cendrillon était de vert. Vous souvenez-vous que Ca pantoufle de Cendrillon était de Verre. J’ai mis la Couleur Vert parce que une pantoufle ne peut pas être en Verre Ce Verre qu’on boit on mets la couleur Vert parce que c’est une pantoufle. T10 Anthony Vous souvener-vous que la pantoufle de sondrillon ete de verre J’ai choisi verre parce que la phrase disait ete de verre T11 Abdelghani Vous souvenaient vous que la pantoufle de cendrillon était de verre J’ai choisi verre parce que la phrase dis, de verre et ci c’était vert ça enléverait de T12 Jessy Vous souvenez la pantofle de sandrion était de vert J’ai mis VERT parce que les pantoufle de sandrion ne peux pas être en verre et vert ses parce que des pantoufle ne peux être en VERRE T13 Zidane Vous souvenez vous que la pantouff de sandrion etait de vert. J’ai mis verte parce que j’ai entendu dire verte . T14 Steven Vous souvez ne vous que la peutoufe de sendrions etait des vere Parce que je l’ecri Toujour comme sa T15 Saorya Vous sounez-vous que la pantoufle de Cendrillon était de verre. He dis que le vrai mot est verre, parce que la pantoufou était fais en verre peut-être . Comme dans l’histoire on parle des sandales en verre et pourquoi-pas la pantafou en verre. 24 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 T16 Angebert Vous souvene que la tamfourche de cendiron etait de verre J’aimit verre parce que dans le désinimé elle porté tamfourche en verre. T17 Amanda Vous sous semé que la pentoufel fde cendiron été de vert. Vert save dire la coulere vert. Verre save dire le verre con bua. L’épreuve d’évaluation finale Rappel Le vair est une fourrure d’écureuil gris. Le verre est un matériau. On fabrique des pare-brise, des plats, des vases, des vitres, des verres … en verre. Vert : adjectif qualificatif. Au féminin on écrit verte. Le ver est un animal. Vers : mot de liaison (préposition) qui indique la direction. Vers : un poème est écrit en vers. Exercice Tu écris le mot [vÊR] qui convient. Les enfants marchent ………. l’école. L’oiseau vient de manger un petit ………… de terre. Le maladroit a renversé un ………….. d’eau. Une strophe est composée de plusieurs ………….. Cendrillon a perdu sa pantoufle de …………. Au feu rouge, voitures s’arrêtent. Au feu ……….. , elles s’arrêtent. Le train roule ……… Paris. Il peint le mur en ………… Les carreaux de la fenêtre sont en ……….. Le pêcheur fixe un …………. à l’hameçon. Nombre de bonnes réponses sur 10 : Commentaires du groupe de travail La situation est séduisante : les élèves sont amenés à raisonner en orthographe, à prendre conscience de la relation entre le sens et la graphie, et (on l’espère du moins) de changer de posture par rapport à la langue. Le passage à l’écrit (élément supplémentaire par rapport à la séance analysée l’autre jour) ne prend que cinq minutes et permet de ne pas rester dans l’à-peu-près. Il permet aussi à l’enseignant d’avoir une idée sur la manière dont chaque élève raisonne. Néanmoins on s’interroge sur le bien fondé du travail proposé ici sur les homophones. La démarche ne risque-t-elle pas, par son systématisme, d’induire des confusions là où les élèves n’en auraient peut-être pas fait spontanément ? Les résultats en termes d’apprentissage sont-ils à la hauteur de l’investissement ? On évoque la (trop) célèbre leçon sur on/ont; ou/où; ses/c’est…. Malgré l’homophonie, chaque graphie a intérêt à être travaillée dans le registre qui est le sien. Les rapprochements formels produisent le sentiment d’un 25 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 aléatoire qui n’a pas lieu d’être. Le débat est vif sur la question puisque nombre de manuels invitent les maîtres à multiplier ce genre de situations et que les jeunes maîtres en raffolent…. 26 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Un prix littéraire… et ce qui s’en suit Organiser un débat Élisabeth Mourot Nous avons vécu une année scolaire autour d’un projet fédérateur pour trente classes de cycle 3 de la circonscription de Sevran : « le prix littéraire des croqueurs d’histoires ». Une des difficultés que les enseignants ont rencontrées se situe au niveau de l’organisation du débat. I s’agit ici d’un débat du le roman de D. Pennac L’œil du loup. 1°) Rappel de ce que la classe a découvert de l’histoire Des différences d’interprétations apparaissent : que se passe-t-il dans l’œil du loup ? Réalité ? Imaginaire ? Symbolique ? Le maître donne son point de vue : « il a communiqué avec le loup à travers cet œil ». Il conclut ce premier échange sur l’idée qu’il s’agit d’une histoire triste. 2°) « Je vous demande de réfléchir sur la condition du loup » « Etes vous « pour » ou « contre » ou « pour et contre » le fait de mettre un animal en cage ? » Pour Contre ¾ Parfois le loup peut être méchant, parfois ¾ Ca ne se fait pas gentil ¾ Les hommes ne seraient pas contents d’être ¾ Pour que les personnes viennent voir le loup à la place du loup ¾ Dans la rue, les gens peuvent avoir des ¾ Il n’a rien fait aux hommes. Pourquoi ils accidents de voiture si le loup s’y promène. sont partis le chercher ? Il était chez lui. ¾ Ce serait mieux de mettre les loups dans une ¾ Faut respecter les enfants qui en ont peur forêt ¾ Il faut le mettre en cage avec sa famille pour ne pas qu’il s’ennuie et qu’il puisse se ¾ Les hommes capturent des loups pour se faire de l’argent, pour qu’on soit content de reproduire voir du spectacle, pour satisfaire notre ¾ Il risque de manger les enfants. curiosité. ¾ C’est comme si quelqu’un nous capturait et nous emmenait dans un autre pays avec notre famille. M : Est-ce que vous connaissez des situations où on emmenait des familles dans un autre pays que le leur ? E : Les nazis qui ont emmené les juifs dans leurs camps de concentration. M : Est-ce que cela ressemble à l’histoire des animaux ? E : Oui, ceux du cirque, qu’on fouette. E : Mais dans la fête de l’Aïd nous aussi on tue les animaux. M : C’est pour les manger. Hitler voulait manger les Juifs ? M : Connaissez-vous une autre histoire où il s’est passé la même chose ? E : Les noirs qui ont été emmenés en Amérique, pour les faire travailler, pour les vendre, en esclaves. E : Avec les filles en Chine. Remarques d’élèves, qui vont conduire à un travail en histoire, pour éviter de mélanger toutes les informations : Les Juifs sont méchants, ils ont tagué les tombes avec des signes nazis. Les Juifs ont tué beaucoup de gens. Les nazis c’est un continent E : Pourquoi les noirs ? M : C’est la bêtise humaine. M : Alors qui est le plus méchant, l’homme ou l’animal ? E : L’homme M : L’homme c’est vous. Est-ce que vous avez des animaux en cage ? Je vous laisse réfléchir. 27 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Impressions du maître Objectif atteint. Il voulait partir du loup pour arriver à l’homme. Pointe l’incertitude dans laquelle le débat met l’enseignant. On ne sait pas où on va. Faut-il une trace écrite, une sorte de conclusion ? Au moment du débat il n’y a pas d’élèves en difficulté. Tous participent. Ils n ‘éprouvent pas de complexes par rapport au support. Pistes de travail Trois sortes de débats : Le débat interprétatif qui vise la compréhension du texte, la construction du sens. Le débat rhétorique qui permet la définition d’une opinion. Le débat « j’aime / j’aime pas » qui est plus dans la considération esthétique ou affective et subjective. Ce n’est que le point de départ d’un travail qui va viser à clarifier ; il faut donner aux élèves des outils pour clarifier la complexité : - la différence entre genre humain et genre animal, - les événements réels abordés (autres textes de la réalité comme des articles de presse sur la réintroduction des loups ). Il faut revenir sur la compréhension littérale de certains mots : nazi et Asie, par exemple. Sur des sujets comme la reproduction en captivité ou la différence entre les droits de l’homme et ceux de l’animal. Il faut montre à l’enfant qu’on ne laisse pas tomber certaines questions : les écrire devant lui sur une affiche à part, pour mémoire. S’aider de certains documents comme « les cahiers citoyens » pour préparer le débat, pour trouver la bonne question à poser, pour cerner l’enjeu philosophique de la réflexion. La question doit être fermée (pour ou contre). Sinon on est dans le débat thématique, en sorte l’explication de texte, la recherche d’une définition. Il faut s’appuyer sur le livre de fiction pour provoquer une mise en réseau avec d’autres objets culturels. La littérature le permet. C’est une quête vers le non dit. Éléments de formation MAITRE ORAL ECRIT ÉLÈVE ¾ Pose clairement la problématique ¾ Établit les règles de prise de parole en veillant à l’installation des participants : nécessité de se voir et de s’entendre pour échanger. ¾ Se positionne en « animateur de la séance » : distribue la parole, reformule et relance. Écoute. ¾ Ne donne pas son point de vue. Garant de la possibilité d’exprimer tous les points de vue possibles. ¾ Accepte les règles de prise de parole. ¾ Apprend à écouter ce que l’autre dit pour « rebondir » sur son argument ¾ Essaie de s’exprimer clairement pour se faire entendre et comprendre au sein d’un grand groupe. ¾ Ose proposer un point de vue qui n’est pas celui partagé par le plus grand nombre. ¾ Accepte qu’on ne soit pas d’accord avec lui. ¾ Appuie son argumentation sur des exemples pertinents. ¾ Ne monopolise pas la parole. ¾ Écrit la problématique au tableau et trace un tableau avec deux colonnes : une « pour », une « contre ». ¾ Note au fur et à mesure les arguments ¾ Peut utiliser l’écrit pour mettre au clair ses arguments (tableau individuel « pour » et « contre »). ¾ Production d’écrit en groupe pour 28 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 « pour » et « contre » dans le tableau. ¾ Propose, avant le débat, une mise en groupe des élèves pour commencer à argumenter au sein d’un groupe restreint : chacun note les arguments qu’il souhaite retenir pour le débat « général ». ¾ Invite à revenir au texte littéraire lorsqu’il y a désaccord à propos d’une interprétation. ¾ Prolonge la séance par d’autres textes en rapport avec des points du débat. Note, au cours de la séance, les questions qui émergent sur d’autres sujets. décrire les conclusions du débat. ¾ Lecture d’autres textes permettant d’approfondir certains éléments du débat. 29 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Un atelier « philosophie » au CP en ZEP pendant l’année 04-05 Éliane Ricard-Fersing Nous nous lançons dans l’aventure (le PEMF de la classe et un PIUFM) sans a priori particulier, simplement quelques lectures (F. Galichet2, A. Lalanne3, M. Tozzi4) et la conviction, contrairement à certains courants de la philosophie pour enfants, que nous voulons assumer une fonction de guidage et d’orientation des échanges au cours de « discussions à visée philosophiques » (DVP), selon le terme de M.Tozzi. Nous faisons l’hypothèse que, placés dans une situation d’interlocution fortement balisée par l’adulte (on s’écoute, on cherche ensemble à résoudre un problème, on tient compte de ce qui a été dit), les élèves accèdent à une certaine éthique de la discussion qui structure aussi bien le penser que le dire et permet un début de décentrement (Piaget) par rapport à la pure subjectivité et à l’opinion. Le fait que l’école soit classée ZEP n’est pas indifférent : en initiant le plus tôt possible les élèves à la pensée réflexive, la perspective est aussi celle de travailler à l’éducation du citoyen et d’aider les enfants à prendre de la distance par rapport à des attitudes morales et intellectuelles parfois associées à des conditions sociales difficiles. Comprendre que ce qui est dans ma tête n’est pas nécessairement la réalité, que d’autres peuvent avoir des représentations, des sentiments différents des miens; accepter de pratiquer l’écoute, le débat, la tolérance sont des objectifs liés à la pratique des ateliers philosophiques. L’atelier a consisté en quatre séquences consacrées chacune à une thématique spécifique introduite par une question : Novembre : qu’est ce qu’un ami ? (2 séances) Décembre : Noël, c’est quoi pour vous ? (1 séance) Janvier-février : qu’est ce qu’apprendre ? (3 séances) Mars-avril : sommes-nous tous différents ? (3 séances) Mai : d’où venons-nous ? (4 séances) Première surprise : les élèves se glissent dans le dispositif sans manifester la moindre inquiétude, ni le moindre étonnement. La participation, faible au début, s’élargit au fur et à mesure de l’année sans pour autant englober l’ensemble de la classe, en particulier les enfants qui ont du mal à s’exprimer. On constate également une intensification des interactions entre élèves : non seulement ils réagissent à ce qui vient d’être dit mais en prennent conscience : « je comprends ce que tu dis, je suis d’accord, pas d’accord, un petit peu d’accord… » En dehors du dispositif qui consiste à faire asseoir les enfants en demi-cercle, en BCD puis dans la classe, nous avons utilisé différents moyens pour stimuler la réflexion, la structurer ou encore apporter des réponses à des questions restées ouvertes : dessiner ou faire dessiner les élèves, partir d’un album de littérature de jeunesse, visionner un moment de cassette vidéo, apporter des schémas, déployer une carte du monde au tableau pour situer les origines ! Très vite, un cahier individuel de philosophie a été mis en route où les enfants illustrent par des dessins des morceaux de débat recopiés et imprimés par la maîtresse et ont la possibilité d’écrire quelques mots supplémentaires. Le cahier transite par la maison et peut être lu avec les parents (qui ont été prévenus longtemps à l’avance du projet de faire ces ateliers). Nous avons transcrit la totalité des échanges et filmé le dernier atelier de l’année. Chaque séance est précédée par une discussion entre les deux formatrices quant à la direction vers laquelle nous tendons : il ne s’agit pas de faire dire certaines choses aux élèves mais d’anticiper les distinctions, les concepts qui nous apparaissent centraux dans le domaine choisi. Par exemple, nous nous attendions bien à ce que les enfants distinguent ami/copain/famille lors des séances sur qu’est ce qu’un ami ? Et c’est ce qui s’est passé exactement… En revanche, lors de l’atelier d’où venons-nous ? Nous n’avions pas prévu qu’ils se répartiraient entre deux réponses : « du ventre de notre mère » / « de notre pays d’origine »… car nous avions à l’esprit les origines de l’espèce humaine, abstraction que les enfants n’ont pu appréhender d’emblée. 2 Pratiquer la philosophie à l’école, Nathan, 2004. Faire de la philosophie à l’école élémentaire, ESF, 2002. 4 L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, Hachette/ CNDP, 2001. 3 30 IUFM de Créteil, Formation de Formateurs - Maîtrise du langage et apprentissage dans les disciplines, juin 2005 Après chaque séance, discussion de nouveau sur, cette fois, comment rebondir, reprendre les apports des élèves, les leur renvoyer pour approfondissement, éclaircissement. Les échanges, que nous pouvons maintenant analyser sur le papier, sont riches, colorés et dénotent un sérieux de l’investissement des enfants. Les enfants sont rarement hors sujet et si la pensée collective ne procède pas toujours de manière linéaire, on repère facilement les résurgences (N. Go parle d’une pensée par « marcottage » qui serait spécifique des jeunes enfants). Les modes de raisonnement sont variés (exemples, scenarii, tautologies, raisonnement par l’absurde) et parfois formalisables par les adultes après coup (on peut mettre en tableau à double entrée les caractères croisés de l’ami, du copain, du membre de la famille ; on peut restituer les preuves quasi cartésiennes de l’existence du père Noël !). Reste que les enfants répondent à nos questions avec ce dont ils disposent : leurs préjugés, leurs opinions, leur niveau de maniement de la langue… D’où cette interrogation : comment et jusqu’où les aider à sortir de la pure expressivité pour accéder à une mise à l’épreuve de leur pensée ? Comment espérer une avancée du côté de la compétence de penser audelà des évidences de progrès en matière de maîtrise de l’oral ? Quand on pense aux erreurs qu’ils ne peuvent que véhiculer, aux confusions nombreuses, faut-il faire des mises au point aussi bien du côté du savoir scientifique (oui, les dinosaures ont précédé les hommes; non, il n’y a pas eu d’hommes-singes…) que dans le domaine moral (peut-on laisser dire sans nuance qu’on a le droit d’être violent si on est attaqué ?). La question revient à se demander, une fois qu’on a donné la parole aux élèves, ce qu’on en fait…. À ces questions, nous ne donnerons pas de réponses univoques. Nous n’avons pu que constater la spécificité, l’originalité de chacune de nos séquences thématiques. Si nous avons ressenti le besoin de faire des mises au point scientifiques à propos de d’où venons-nous ? rien de tel lors des autres sujets. Quant à la dimension morale, elle n’apparaît qu’avec la question des différences quand les enfants ont flirté avec l’idée de la loi nécessaire… Pour le reste, la séquence sur l’amitié nous a amenés plutôt vers des distinctions terminologiques et qu’est ce qu’apprendre ? vers des considérations existentielles (difficulté, absurdité (l’oubli !), progressivité de l’apprendre). Il existe sans doute une exigence constante, c’est celle du décentrement par rapport à soi et à un état initial de la pensée ou de la formulation : apprendre à distinguer ce que je crois et ce que nous savons, ce qui est de l’ordre de la subjectivité non-contrôlée et ce qui relève de l’accord motivé entre nous, ce qui n’est jamais que ma manière de penser et ce qui a été mis à l’épreuve de l’intersubjectivité cognitive ou morale, de la communauté de langue ou de l’expressivité des émotions partagées (« apprendre, c’est dur ! »)… Il est à parier que la multiplication des expériences nous amènera plus tard à une typologie des situations mais pour l’instant, nous ne pouvons aller plus loin dans la systématisation. Les enfants ne nous ont jamais demandé de donner des réponses aux questions que nous leur posions. Cela montre-t-il qu’ils se sont d’emblée situés hors routine scolaire et qu’ils sentent bien qu’en « philosophie » le chemin vaut mieux que le but à atteindre ? Devrions-nous substituer à des entrées par questionnements (sur le bon vieux modèle socratique, après tout !) des entrés par simulations de décisions à prendre comme, par exemple, envisager des dilemmes ? C’est une autre piste, probablement plus porteuse du côté du débat et de l’argumentation (on se réfère à des travaux autour de l’album Yakouba) et qui engage dans une dimension pragmatique (il faut prendre une décision). À l’inverse, nos interrogations ne se referment pas, restent polyvalentes autant que gratuites et c’est peut-être pour cela, que, selon la maîtresse, elles continuent à vivre dans la classe et nourrissent des attitudes questionnantes au cours des autres moments de la journée. À l’occasion d’un petit bilan de fin d’année, les élèves de notre CP plébiscitent les séances de philosophie… et la maîtresse, qui les accompagne au CE1, décide de continuer l’expérience dans le même compagnonnage avec le professeur de philosophie. À suivre, donc… 31