Marc LEROY - Gestion et Finances Publiques

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Marc LEROY - Gestion et Finances Publiques
fiscalité
Sociologie de la fiscalité de la famille
Marc LEROY
Professeur de sociologie
Directeur des études du CRDT (Gis-Grale/CNRS)
Université de Reims
Comme élément fondamental de la vie en société, la famille est
un objet d’études important pour la sociologie, mais aussi pour
d’autres sciences sociales comme l’anthropologie, l’histoire, la
démographie, l’économie, la science politique, et bien sûr le
droit. Fondée sur les liens de parenté réels (du sang) ou symboliques, la famille implique des relations interpersonnelles et des relations sociales au sens large. L’objet de cet article (1) est de questionner le rôle de la fiscalité en partant des leçons des sciences
sociales dans ce domaine. L’approche est celle de la sociologie
fiscale, définie comme l’étude des relations entre l’impôt, l’Etat
et la société, qui offre une clé d’analyse pertinente dans le cadre
de problématiques générales des sciences sociales. Ici, la sociologie de l’impôt est mobilisée comme étude des rapports entre
l’Etat, la famille et la fiscalité.
Un survol rapide des sciences sociales montre la richesse des travaux académiques relatifs à la famille. En économie, le prix Nobel
Gary Becker (1981) soutient que les parents investissent dans l’éducation de leurs enfants qu’ils manipulent en leur inculquant le sens
de l’amour filial pour les contraindre à les aider au moment de leur
vieillesse. Pour le sociologue Norbert Elias (1987), les individus sont
liés entre eux par des liens de dépendance réciproque qui font
société. La famille n’est qu’un des supports dont la place est plus
ou moins grande : elle joue parfois un rôle essentiel, parfois sa place
est indifférence ; dans d’autres cas, elle apparaît comme un
danger ou comme un contre-pouvoir. Il faut donc partir de la
société pour comprendre la famille, qui est à la croisée du privé et
du public, à l’articulation de l’individu et de la société (2). La famille
participe de la communauté affective et de l’institution sociale.
L’anthropologie s’est intéressée aux structures de la parenté, en
montrant notamment que l’interdit de l’inceste avait constitué un
des moteurs des sociétés (Levi-Strauss, 1949). Elle montre que les
modèles de parenté (3) expérimentés au cours de l’histoire de
l’humanité sont divers. En s’appuyant sur une vaste synthèse portant sur les modalités d’alliance, d’organisation de la descendance
et de la sexualité, l’anthropologue français Maurice Godelier (2004)
conclut que « nulle société n’a jamais été fondée sur la famille ou
sur la parenté » (Godelier, 2007, p. 89). La parenté est traversée par
l’ordre social, elle reproduit la hiérarchie politico-religieuse (4).
Les travaux de l’historien P. Ariès (1960) soulignent que pendant
longtemps (jusqu’au XVIIe siècle), les idées modernes de famille
conjugale et d’enfance (au sens d’un moment à part, etc.) n’existaient pas. Il est à noter que la connaissance historique de la famille
suppose de connaître la composition des ménages. A l’époque
romaine, l’impôt direct repose sur le cens (census) [5], ce qui
permet de connaître l’âge des citoyens, le nombre des enfants,
des esclaves et les revenus. A l’époque médiévale, le dénombrement des foyers (focus) ne précisait pas la structure des ménages
et les liens de parenté. Il faut attendre le XVIe siècle pour retrouver
des informations sur la famille (Collomp, 1991, p. 13). D’autres travaux (Burguière et al., 1994) mettent en évidence une relation entre
certaines périodes et une organisation spécifique de la famille : par
exemple, la famille paysanne des sociétés agraires, la famille bourgeoise du premier capitalisme marchand, ou la famille prolétarienne de la grande industrialisation. Mais cette relation n’est pas
systématique car l’évolution des comportements, des mœurs et du
rôle de la famille dans la société est complexe.
A l’époque contemporaine, la famille, qui est désormais socialement multiforme, fait l’objet de l’action publique de l’Etat par divers
instruments d’intervention, ce qui touche à la science politique. Les
politiques familiales diffèrent dans les pays de l’OCDE (Thévenon,
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2008), mais partout la famille constitue un enjeu politique
(Commaille, Martin, 1998). Le droit civil, le droit social et le droit
fiscal jouent un rôle important (Grillet-Ponton, 1998).
Il convient aussi de présenter brièvement la sociologie fiscale. Par
son corpus spécifique de travaux, elle constitue une partie
devenue autonome de la sociologie des finances publiques (Leroy,
2007). Les deux approches se rencontrent dans l’étude de la relation entre les recettes et les dépenses (6). La sociologie financière,
qui est à l’origine de la sociologie de l’impôt, est issue de deux
mouvements intellectuels (Leroy, 2009) : une école italienne
Pareto et ses élèves italiens (Sensini, Borgatta, Murray, Griziotti), et
des auteurs comme Conigliani, Puviani, Montemartini ; une école
autrichienne avec Goldscheid, Schumpeter et Mann (Leroy,
2009). Fondée à partir de la Première Guerre mondiale, l’école
autrichienne autour de Goldscheid et de Schumpeter questionne
la crise de l’Etat fiscal, tandis que l’école italienne s’inscrit dans
la tradition machiavélienne.
La sociologie de l’impôt (Leroy, 2002) relie les questions de la
fiscalité à des problématiques larges. Par exemple, la réforme
fiscale se rattache au changement social, la mise en œuvre
administrative de l’impôt aux théories de la bureaucratie et de la
régulation, l’acceptation sociale de l’impôt à la légitimité de
l’action publique, le prélèvement fiscal au contexte vécu de la
justice sociale, la fraude à la sociologie de la déviance, la révolte
fiscale à l’action collective, la décision du contribuable à un
modèle large de la rationalité...
Après le temps des fondateurs, la sociologie fiscale connaît un
développement inégal selon les époques et selon les pays. En
France, Tocqueville peut être considéré comme un pionnier. Laufenburger est l’un des premiers à s’intéresser aux aspects psychosociologiques de la fiscalité. Aujourd’hui, la sociologie fiscale tend
à se diviser en une approche économique et une approche
socio-politique et mobilise des travaux anglo-saxons. Elle adopte
une approche pluridisciplinaire pour comprendre le processus
d’intervention de l’Etat, ici sur la famille.
Cette étude comporte cinq sections relatives au rôle de la famille
dans la société, aux valeurs de la famille par rapport à l’impôt, à
l’intervention de l’Etat, aux fonctions de la fiscalité de la famille
et à la catégorisation fiscale de la famille.
LE RÔLE DE LA FAMILLE
DANS LA SOCIÉTÉ
On se centre sur la famille dans les sociétés occidentales à partir
du XIXe siècle, sans entrer dans la description de la variété d’organisation de la parenté dans les sociétés étudiées par les
(1) Ce texte est issu d’une communication préparée dans le cadre du Colloque
international de Turin des 15 et 16 novembre 2008 sur la taxation de la famille. Les
actes du colloque seront publiés en Italie sous la direction du professeur Claudio
Sacchetto de l’université de Turin.
(2) La communauté et la société selon la classification posée au début du XXe siècle
de Ferdinand Tonnïes (1977).
(3) La notion de parenté est préférée à celle de famille pour rendre compte de
cette diversité.
(4) « Des rapports sociaux qui n’ont rien à voir avec la parenté pénètrent dans les
rapports de parenté et les subordonnent à leur reproduction. Du social devient du
parental. Or, tout ce qui devient parental se transforme en rapports entre les sexes
d’abord, entre parents et enfants ensuite » (Godelier, 2004, p. 528).
(5) Le cens ou la censure a été fondé par Servius Tullius en 555 av. J.-C. : cf. Clamageran, 1980 (1867), p. 6 et s.
(6) L’impôt constituant une recette essentielle des budgets publics des démocraties
développées.
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anthropologues et les historiens. De ces études, on gardera seulement l’idée que la famille est structurée par la société, mais de
façon variée à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Le mode
d’organisation de la famille n’est pas forcément le même d’une
société à l’autre, voire d’un groupe social à l’autre ou selon le
contexte historique. Les structures familiales sont reliées à une
diversité de critères d’organisation de la famille : droit, économie,
formes éducatives, réseaux de parenté...
Au XIXe siècle, le modèle légitimé de la famille consacre l’autorité
du père dans le contexte de l’Etat libéral non interventionniste
(classique). Comme chef de famille, le père exerce l’autorité
sociale pour l’éducation. Il pourvoit aux revenus du groupe, alors
que la mère assure les tâches domestiques. Il exerce une fonction
morale de contrôle social et politique sur les membres de la
famille. Dans cette conception, la famille est l’institution fondamentale de la société, le bon père de famille servant aussi de
modèle de référence à l’Etat (et au droit).
Déjà, au XIXe siècle, de nombreux auteurs s’interrogeaient sur la
crise de la famille avec des auteurs comme De Bonald (7),
A. Comte (8), Tocqueville, et surtout Le Play (1884) qui plaide pour
la « famille-souche ». Leur réflexion partait du même point de
départ, à savoir les conséquences des deux révolutions, – l’une
politique et l’autre économique – constituées par la révolution de
1789 et la révolution industrielle. La montée de l’individualisme
dans la société faisait déjà l’objet d’analyses spécifiques, souvent
accompagnées de critiques. Le rôle des classes sociales, central
chez Marx, apparaît comme une notion clé des sociétés industrielles qui, à partir de 1950, ont entraîné l’exode rural et la fondation de nouvelles familles.
Mais c’est surtout le modèle de la famille nucléaire, avec le père
et la mère unis dans le mariage et leurs enfants, qui a retenu
l’attention, par exemple chez Durkheim au XIXe siècle. Ce modèle
est en général rattaché au nom de Parsons (1943) : pour le grand
sociologue américain, la famille nucléaire est un sous-système du
système global. L’industrialisation et l’urbanisation ont entraîné la
domination du modèle de famille nucléaire. En effet, elle exige à
la fois une mobilité géographique et une mobilité sociale pour le
développement économique des sociétés industrielles. Les liens
de la parenté élargie sont donc brisés en raison de l’opposition
des valeurs entre la famille traditionnelle et la société industrielle
urbanisée. La fonction de la famille est désormais affective, l’Etat
prenant en charge les autres fonctions. La structure des rôles familiaux est spécifique puisque le père a un rôle instrumental (salarié
de l’industrie), alors que la mère a un rôle éducatif consistant à
préparer les enfants à travailler dans la société industrielle.
Ce modèle, qui a été longtemps admis, suscite désormais quelques réserves. Comme l’ont montré certains historiens et certains
anthropologues, la famille nucléaire n’est pas apparue avec la
société industrielle, mais existait déjà avant. La famille affective,
basée sur le sentiment, qui aujourd’hui fonde l’idéologie des liens
interpersonnels existait déjà (cf. la littérature sur les passions amoureuses) malgré les mariages arrangés. Le capitalisme industriel à
ses débuts utilisait une main d’œuvre familiale, il s’est développé
sur la base de la famille élargie par l’embauche de ses membres.
De même, les migrations de la campagne à la ville se basaient
souvent sur des réseaux familiaux. Quoi qu’il en soit, ce modèle
est apparu comme le modèle de référence dans nos sociétés,
celui de la légitimité sociale et politique. Il correspond à la période
allant du XIXe siècle à la fin des années 1960 avec le mariage, la
division des rôles entre l’homme et la femme, et l’attention portée
à l’éducation et à la santé des enfants (De Singly, 1993, p. 87).
Après la Seconde Guerre mondiale, le modèle s’enrichit en Europe
de l’apparition de l’Etat-providence et du renforcement de l’interventionnisme public (cf. infra). L’ordre social accorde une place
de choix à la famille nucléaire fondée sur l’autorité du père. La
société est encore un monde de classes sociales où les inégalités
entre les classes se reflètent dans les familles. En France, les études
mettent l’accent sur les inégalités devant l’enseignement en
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fonction du milieu social d’origine qui est celui de la famille. Même
si les explications varient (9), la leçon de cette période est
conforme au proverbe : « tel père, tel fils » (Thélot, 1982).
A partir des années 1960, ce modèle familial a éclaté. Le nombre
de mariages diminue, le nombre de divorces s’est accru dans de
fortes proportions, les familles se décomposent et se recomposent. Parmi les diverses causes de cette mutation, il faut citer le
travail des femmes, la libéralisation des mœurs, la conception plus
individuelle du bonheur, l’évolution des législations (divorce, avortement, union de couples du même sexe...), et la prise en charge
des nouveaux risques par l’Etat-providence.
A partir des années 1980, les classes sociales apparaissent moins
pertinentes pour rendre compte de la société et de la famille. La
problématique des inégalités sociales, fondée traditionnellement
sur les écarts de revenus entre catégories sociales, se double de
la question des inégalités familiales, notamment entre hommes et
femmes, mais aussi de la question des inégalités entre les diverses
formes de famille. En effet, le modèle classique de la famille
nucléaire ne correspond plus à la réalité de la société. Le taux de
divorce et le nombre de naissances hors mariage sont élevés dans
de nombreuses sociétés. La famille peut être aussi monoparentale, recomposée, constituée d’un couple hétérosexuel ou non,
d’un couple marié ou non. Elle comprend à côté des enfants de
couples mariés, des enfants issus de l’adoption, de la procréation,
des demi-frères ou demi-sœurs... A côté des familles de culture
judéo-chrétienne, on trouve des familles issues de l’immigration
dont les points de repère sont différents. La conception des « affinités électives » chère à Goethe est ainsi valorisée. L’organisation
familiale retrouve le pluralisme culturel et social des anciennes
sociétés reposant sur la parenté étudiée par les anthropologues.
La logique devient celle d’une « famille-association » et non celle
d’une « famille-institution » fondée sur le mariage. Cette mutation
met en question la compatibilité de la légitimation de la famille
dans la société et du civisme envers l’Etat fiscal.
LES VALEURS FAMILIALES
PAR RAPPORT A L’IMPÔT
Il est intéressant de rapprocher les valeurs par rapport à l’impôt
(et à la fraude) et les valeurs relatives à la famille. Au préalable,
il convient de préciser que la décision du contribuable face à
l’impôt met en jeu trois formes de rationalité : une rationalité de
l’intérêt utilitariste au sens économique, une rationalité en valeurs
(axiologique), et une rationalité cognitive qui consiste à voir
comment il se représente et traite l’information fiscale (10). Mes
travaux de sociologie fiscale montrent que l’intérêt d’éviter
l’impôt (11) mis en avant par l’approche utilitariste ne joue pas
uniquement. La possibilité d’un contribuable altruiste existe dès
lors notamment que la légitimité politique de l’impôt est assurée.
L’impôt comme contribution du citoyen aux politiques publiques
trouve un support empirique dans la sociologie fiscale. Néanmoins, le cas particulier de la taxation de la famille paraît défavorable à cette figure citoyenne.
Concernant la rationalité axiologique, la condamnation morale
de la fraude fiscale en général est plutôt faible (Leroy, 2003,
(7) De Bonald, à la fin du XVIIIe, dénonçait la corruption des mœurs privées (divorce,
etc.) des sociétés non constituées : « dans la société politique non constituée, qui
n’est pas une véritable société politique (...) il n’y a que des mœurs privées, la
société non constituée périt par la corruption des mœurs » (De Bonald, 1966, p. 70).
(8) Cf. par exemple les pages relatives au rôle de la femme : « toute femme doit
donc être soigneusement préservée du travail extérieur, afin de pouvoir accomplir
dignement sa mission. Volontairement renfermée au foyer domestique, elle y poursuit librement le perfectionnement moral de ses enfants et de son époux » (Comte,
éd. 1966, p. 233).
(9) P. Bourdieu et J.-C. Passeron (1964 ; 1970) insistent sur la reproduction par l’école
des inégalités sociales alors que R. Boudon (1973) propose une explication fondée
sur la rationalité des étudiants défavorisés.
(10) Cf. la conception large de la rationalité développée par R. Boudon (1989 ;
2003).
(11) Dont la seule limite serait dans des taux élevés de contrôle et de sanctions qui
en général n’existent pas.
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fiscalité
p. 232). Ainsi, d’après les enquêtes européennes et mondiales sur
les valeurs (European and World Value Surveys), menées de 1981
à 2004, « tricher » en matière fiscale est considéré comme « jamais
justifiable » par seulement 53 % des personnes (taux moyen sur
l’ensemble des pays). Plus que les valeurs morales, c’est la légitimité politique de l’impôt qui importe. Le sentiment que le système
fiscal est injuste encourage la fraude. Or, on sait par ailleurs, là
aussi d’après notamment les enquêtes mondiales sur les valeurs,
que la famille vient largement en tête des valeurs dans les pays
européens (12). La politique est classée en général assez loin,
derrière le travail, les relations amicales, les loisirs, etc. L’idée d’un
repli sur la famille comme sanctuaire de la vie privée, qui caractérise notre époque, a pour corollaire la conception que la famille
est aussi un rempart contre les menaces extérieures. Les difficultés
de légitimation politique de l’Etat fiscal tendent à transformer
l’articulation de la sphère publique et de la sphère privée en une
opposition entre le groupe familial et la soumission à l’autorité
publique.
Dans le cas de la famille, les intérêts et les valeurs se conjuguent
en une tendance à l’évitement de l’impôt. L’intérêt économique
d’éviter l’impôt (évasion ou fraude) rencontre peu de limites. Le
contrôle de la situation familiale est délicat, au regard des garanties attachées à la protection de la vie privée. La légitimité de la
famille prédomine sur celle de l’Etat fiscal. Enfin, la connaissance
concrètement ressentie du droit fiscal de la famille (rationalité
cognitive) tend plutôt, jusqu’ici, à renforcer cette tendance. Les
maladresses, et souvent les discriminations concrètes de la politique fiscale de la famille, sont particulièrement désastreuses pour
le civisme fiscal. Il en va de même si la catégorisation de la famille
par l’impôt ne correspond pas aux mœurs. Plus que dans
n’importe quel domaine, l’incohérence des politiques familiales
sera ressentie comme particulièrement injuste. En effet, dès lors
que les modèles de famille, les formes de relations interpersonnelles sont plurielles, l’impôt doit rester neutre et, au minimum, il
ne doit pas être discriminatoire. De ce point de vue, les différences fiscales entre couples hétérosexuels ou non, mariés ou non,
etc., seront de plus en plus mal vécues avec l’éclatement du
modèle de la famille nucléaire.
L’exemple est celui du statut des concubins en France. Par rapport à la probabilité d’être pris en cas de fraude, la preuve du
concubinage est difficile à établir. Par rapport à la catégorisation
de la famille et à l’évolution des modes de parenté, la situation
est incohérente. A la différence des couples mariés, les concubins
ne sont pas considérés comme un foyer fiscal à l’impôt sur le
revenu, mais le sont dans le cas de l’impôt de solidarité sur la
fortune (ISF) [si le concubinage est stable et notoire]. Les stratégies
d’évitement de l’impôt sont encouragées par la législation sur la
majoration du quotient familial pour les personnes élevant seules
leurs enfants, ou sur le barème de l’impôt sur le revenu, etc.
Cependant, il s’agit d’une tendance et non d’une loi sociale
inexorable car les facteurs expliquant le civisme fiscal ou l’évitement de l’impôt sont divers. L’effet de certaines variables susceptibles de nuancer ou d’endiguer la tendance mérite discussion.
Concernant le civisme fiscal, l’enquête mondiale sur les valeurs
montre que la fraude fiscale en général est parfois condamnée
plus fortement (comme « jamais justifiable ») : 67,6 % au Danemark
en 1981, 63,9 % en Hongrie en 1999, 80,5 % au Japon en 2000,
67,7 % en 1995 en Espagne, 69 % en 1982 en Suède, 73 % en 1995
aux Etats-Unis (13). Les normes sociales par rapport à l’impôt en
général ont une influence (Keenan and Dean, 1980 ; Reckers et
al., 1994 ; Torgler, 2004 ; Wenzel, 2004 ; Alm and Torgler, 2006),
surtout quand le contribuable s’identifie avec le groupe qui porte
les mêmes normes. Néanmoins, ce résultat valable pour la fraude
en général mériterait d’être testé dans le cas particulier de la
fraude fiscale de la famille. Même si on ne dispose pas de données empiriques spécifiques à cette question, il est permis de
douter de cet effet moral dans le cas de la famille dont la position
dans l’échelle des valeurs dépasse l’Etat fiscal et comme d’ailleurs tout autre domaine.
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S’agissant des modèles de la famille, on peut se demander aussi
dans quelle mesure le pluralisme actuel est accepté par l’opinion
publique. Ici, la religion est un facteur clé pour comprendre la
plus ou moins grande tolérance dans ce domaine (14) [Bréchon,
1998]. On sait que certains pays, comme l’Italie, le Portugal,
l’Autriche, l’Allemagne, sont favorables au rôle traditionnel de la
femme au foyer, alors que d’autres pays acceptent mieux son
rôle professionnel. Mais partout la religion a une influence. Ainsi,
les personnes les plus religieuses sont les plus réticentes au rôle
professionnel de la femme. Les mêmes résultats se retrouvent
quand on retient comme indicateur la permissivité sexuelle ou la
position sur l’avortement (15). Ces résultats montrent que l’opinion
publique n’est pas encore acquise totalement à la liberté des
modèles familiaux, la religion constituant un frein à cette évolution. Mais là aussi il faut se garder d’une conclusion hâtive.
D’abord l’enquête date d’une dizaine d’années et les mœurs
évoluent parfois vite. Surtout, l’effet de la religion sur le civisme
fiscal (compliance) reste assez ambigu. Les enquêtes empiriques
relatives à l’impact de la croyance religieuse sur le civisme fiscal
ne permettent pas de conclure de manière définitive (16).
Finalement, on revient à notre premier résultat que la politique fiscale doit être cohérente et non discriminatoire, car la tendance à
éviter la taxation est plutôt forte lorsque la famille est en cause. Ce
résultat constitue un point de repère pour l’intervention de l’Etat.
LA GENÈSE ET LE SENS
DE L’INTERVENTION DE L’ÉTAT
La famille n’est pas une pure affaire privée mais dépend de
l’ordre politique. L’intervention de l’Etat dans la famille par l’impôt
n’est pas nouvelle. Par exemple, en l’an 6 de notre ère, l’empereur Auguste établit un impôt du vingtième sur les donations, legs
et successions pour payer les troupes et prévoit l’exonération des
proches, c’est-à-dire des enfants (17). Mais ce type de dispositif
(allégements fiscaux pour charges de famille) ne constituait pas
une politique familiale au sens moderne du terme. La politique
fiscale de la famille se rattache à l’évolution historique qui voit
l’avènement de l’Etat interventionniste au XXe siècle.
La fiscalité féodale était surtout basée sur des impôts réels qui ne
prenaient pas en compte par nature les charges de famille.
(12) Cf. aussi la revue Futuribles, nº 277, juillet 2002, et « Les Européens et la famille »,
Eurobaromètre, Bruxelles.
(13) Mais attention, l’idée d’une mentalité fiscale variable selon les pays (des peuples) n’est pas juste. En effet, les chiffres varient selon l’année de l’enquête : par
exemple, de 73 % en 1995 à 62 % en 1999 aux USA, de 74,2 % en 1981 à 80,5 % en
2000 au Japon, de 39,6 % en 1998 et 58,3 % pour la République tchèque, de 58,3 %
en 1998 à 63,9 % en 1999 en Hongrie, en Allemagne de 39,5 % en 1990 à 56,4 % en
1999. De même, les résultats infirment l’idée d’une mentalité fiscale des peuples
latins plus favorables à la fraude : la Suède, souvent citée en modèle, fait état en
1996 d’un taux de 48,9 % et en 1999 de 50,4 %. L’Espagne, pays latin, catholique,
supposé plus tolérant, est coté en 1995 d’un taux de 67,7 % et en 2000 de 59,7 %.
Certes, la France a plutôt des taux bas : 47,8 % en 1981, 45,9 % en 1990, 47,2 % en
1999 ; mais l’Allemagne de l’Ouest fait état de taux faibles en 1990 (39,5 %) et 1997
(39,6 %).
(14) Cf. P. Bréchon, 1998, qui utilise une enquête de l’International Social Survey
Programme.
(15) Même s’il existe des exceptions (Autriche et Espagne), les pays les plus religieux
sont en général les moins permissifs sur le plan de la sexualité. Les pays nordiques
sont plus permissifs. Mais à l’intérieur de chaque pays, la religion est un facteur
décisif : les personnes sans religion sont dans tous les pays les plus permissives. Les
non-pratiquants sont aussi plus libéraux que les pratiquants. Dans les pays à deux
religions, les protestants sont moins permissifs que les catholiques. Concernant l’avortement, les pays protestants sont plus favorables (exceptions : Allemagne et PaysBas), les pays catholiques plus réticents. Mais là aussi, l’identité religieuse joue un
rôle dans le refus.
(16) Furnham (1983) montre dans une enquête britannique que les personnes qui
adoptent l’éthique de travail protestante sont plutôt opposées à la taxation ; Grasmick et al. (1991), dans une enquête américaine incluant les protestants, trouvent
au contraire que la religion (mesurée par la fréquence de la pratique religieuse et
par l’identité) diminue l’inclinaison à tricher avec l’impôt. Verboon et Van Dijke
(2007), dans une enquête néerlandaise, trouvent que les protestants ont plus de
civisme fiscal (compliant) que les catholiques et que les personnes sans religion.
Torgler (2003, p. 297), avec des données de l’enquête mondiale sur les valeurs,
conclut, pour le Canada, que la pratique religieuse est corrélée avec la morale
fiscale. Welch et al. (2005), dans une étude des paroisses catholiques américaines,
trouvent que la religiosité personnelle a peu d’impact sur la fraude fiscale quand
la plupart des individus pensent qu’il y a un faible niveau de civisme fiscal dans leur
communauté religieuse.
(17) Cf. Clamageran, 1867, p. 78 ; Neurisse, 1978, p. 24. L’exonération des petites
successions (moins de 50 à 100 pièces d’or selon les époques) est aussi prévue.
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fiscalité
L’apparition de l’Etat fiscal moderne en Europe est issue de la
lutte du pouvoir royal contre la féodalité. Si la famille n’est pas
encore présente comme objet de la politique fiscale, il convient
de relever que la notion moderne de la famille suppose la
reconnaissance d’une sphère privée. Historiquement, cette
possibilité a été donnée par l’institution de l’Etat fiscal
moderne (18), ce qui suggère une homologie structurale entre
les deux phénomènes. L’Etat fiscal est apparu comme sphère
publique en contrepoint de l’autonomisation et la légitimation
d’une sphère privée. Schumpeter (1918), fondateur autrichien
de la sociologie financière, relève ainsi que l’hérédité de fait
des fiefs et le financement de mercenaires en remplacement
du devoir de guerre des seigneurs ont provoqué cette évolution (19). En élargissant cette interprétation, on peut donc dire
que l’impôt était le prix à payer pour s’adonner à son activité
privée, économique et familiale. Les travaux de l’historien Ariès
(1960) sont congruents avec cette interprétation : le sentiment
de l’enfance, et la conception de la famille qui le fonde, trouvent leur spécificité à partir du XVIe siècle (dans les couches
supérieures).
Au XIXe siècle, la famille en France reste largement ignorée
de l’interventionnisme public qui est, sur un plan général,
condamné par la conception libérale des finances publiques.
Dans le contexte de l’individualisme de la révolution industrielle,
le principe est celui de la neutralité de l’Etat minimum sur la
famille. Bien plus, l’Etat recherchait sa légitimation dans la
famille prise comme modèle de gouvernement à l’image du
bon père. Il se préoccupe de la contribution de la famille à
l’ordre social et remédie simplement aux carences de la famille
en matière d’hygiène, une idée apparue à la fin du XVIIIe siècle,
puis dans le domaine de l’éducation avec l’école. Comme on
l’a vu, la famille dépend de l’autorité du père qui a le statut de
chef de famille.
A la fin du XIXe siècle en France, des mouvements natalistes
militent pour une politique familiale soit pour des raisons démographiques, soit pour défendre les valeurs de la famille comme
institution de l’ordre social. Les politiques publiques en faveur
des familles sont à relier à l’intervention de l’Etat. Celle-ci
débute avec la Première Guerre mondiale, trouve une nouvelle
justification dans la crise économique de 1929 et se renforce
avec la Deuxième Guerre mondiale. L’ordre social est bâti sur
le Welfare State tandis que l’industrialisation est favorisée par
les nécessités de la reconstruction. Le cadre de l’Etat-Nation
reste prévalent, l’Europe étant encore à ses premiers pas. « La
famille y apparaissait comme une valeur stable, fondée sur le
mariage, où régnait l’autorité incontestée du père, qui était le
seul salarié régulier du foyer » (Segalen, 2006, p. 7).
La fiscalité en France accompagne ce mouvement. Les lois
Caillaux de 1914 à 1917 introduisent la notion de foyer fiscal qui
constitue toujours l’unité d’imposition de la famille (art. 6 du
CGI). En 1945, le mécanisme du quotient familial est introduit
pour concrétiser la politique nataliste d’après-guerre. Le
modèle légitimé est celui de la famille nucléaire. Dans les
années 1980, un dispositif de bonification des parts est mis en
place pour les familles nombreuses (20). Depuis 1986, l’Etat
récompense en quelque sorte moralement le fait d’avoir élevé
des enfants en accordant aussi une majoration de parts pour
les veufs ou veuves ayant élevé des enfants.
En matière familiale, l’Etat dispose de plusieurs masques. Il prend
tour à tour la figure fiscale du protecteur, par exemple du parent
isolé avec des enfants, du moralisateur (21) quand il légitime le
mariage par rapport aux autres formes de relations, du gardien
de la reproduction sociale des inégalités quand il est trop généreux en matière de taxation de l’héritage, de l’accompagnateur de l’évolution des mœurs quand il accorde un statut aux
couples de même sexe... L’Etat dispose de divers outils, remèdes
et armes, parmi lesquels la politique fiscale n’est pas toujours la
première. Il intervient aussi pour soulager, encourager, ou
488
frapper par la politique de transferts sociaux, par la politique
scolaire et éducative, par l’offre de services (crèches, etc.), par
la politique de sécurité (appareils policier et judiciaire)...
L’étude démographique des politiques familiales des pays développés (Thévenon, 2008) montre qu’il existe des modèles
contrastés de l’action publique. Face aux mutations de la famille
relatives au développement du travail des femmes, à la hausse
des divorces et aux recompositions des familles, les pays de
l’OCDE mettent en place des réponses variées. Globalement, les
dépenses publiques consacrées par les pays développés à la
famille sont passées de 1,6 à 2,4 % du PIB de 1980 à 2003. L’étude
distingue deux grands modèles. Le premier modèle est nordique.
Il apporte un soutien important en cas de jeune enfant : congés
parentaux généreux (22), prise en charge par des services
d’accueil (23). En revanche, le montant des prestations financières accordées aux familles est plutôt inférieur à la moyenne et
cible les familles à bas revenu. Ce modèle, dont le Danemark est
l’archétype, est fondé sur une forte intervention publique pour
permettre aux parents et, en particulier aux femmes, de concilier
la vie professionnelle et l’éducation des enfants. Fiscalement, il a
pour contrepartie un fort taux d’imposition des personnes qui
entrent sur le marché du travail ou reprennent leur emploi.
Le second modèle réunit les pays anglo-saxons, le Japon, la
Corée et les pays d’Europe du Sud. L’aide à la conciliation entre
travail et jeune enfant est plus faible. Les congés sont plus courts
et peu ou pas rémunérés. L’offre de services de garde est globalement plus faible, même si les situations varient d’un pays à
l’autre. Les dépenses par enfant de moins de 3 ans sont plus
faibles. Dans ce groupe, on distingue les pays anglo-saxons, avec
le Japon et la Corée, des pays d’Europe du Sud. Les prestations
sociales et les avantages fiscaux sont plus élevés, représentant
1,9 % du PIB contre 1,6 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Les Etats-Unis sont à part avec seulement 0,8 %. Cette aide cible
les familles à bas revenus selon un objectif de lutte contre la pauvreté. Des services d’accueil de la jeune enfance existent, même
s’ils sont souvent privés, accueillant 28 % des enfants. L’idée est
que la flexibilité du marché du travail doit permettre l’ajustement
nécessaire à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. Si le taux de pauvreté des familles reste fort, le taux de
fécondité est important.
L’Europe du Sud est caractérisée par des aides plus limitées. Le
taux de fécondité et le taux d’emploi des femmes sont faibles.
« Ces pays sont caractérisés par un déficit de politique quel que
soit le volet considéré » (Thévenon, 2008, p. 3). Parfois, le congé
parental est long mais peu ou pas rémunéré. Les pays d’Europe
de l’Est sont en position intermédiaire. La France fait figure
d’exception : les dépenses pour la famille s’élèvent à 3,8 % du PIB
en tenant compte des incitations fiscales, ce qui la place au
3e rang des pays de l’OCDE (où le chiffre est de 2,4 % en
moyenne). Les services d’accueil des jeunes enfants sont
(18) Historiquement la pensée et la construction de l’Etat en France trouve son
origine au Moyen Age, notamment avec le règne de Philippe le Bel (1285-1350) et
l’action des légistes : « ce règne devient aussi le temps obligé de l’impôt » (Rigaudière, 2003, p. 524).
(19) Ardant relève dans un chapitre introductif que l’impôt a constitué une solution
rationnelle au problème général du financement de la guerre (Ardant, 1971,
chap. 2).
(20) Une demi-part supplémentaire à compter du cinquième enfant, en 1980, puis
comme le taux de fécondité est inférieur à deux enfants, l’avantage est accordé
pour le troisième enfant.
(21) Cette tentation moralisatrice est ancienne. Jean Bodin (1530-1596), théoricien
de la souveraineté de l’Etat, écrit dans Les six livres de la République : « L’empereur
Auguste, pour chastier l’impudité détestable des subjects, et les contraindre à
contracter mariage, leva l’impost par forme d’amende, des laigs et successions
caduques, sur ceux qui ne se marieroyent pas avant XXV ans, ou qui n’auroyent
pas d’enfans, donnat de beaux privilèges à qui plus auroit d’enfans ». Il ajoute :
« qui fut un trait de maistre, et sage politique : car en ce faisant il chastia bien fort
les paillardises, adulteres, et sodomies, et remplit sa cité de bons citoyens qui en
estait fort deserte par les guerres civiles : et par mesme moyen il remplit le tresor de
l’espargne qui estoit vide ».
(22) 53 semaines en équivalent temps plein en Suède, 47 semaines au Danemark
contre 27 en moyenne pour les pays de l’OCDE.
(23) Dans les pays nordiques, près de 50 % des enfants de moins de 3 ans sont
accueillis dans des structures de garde contre 25 % en moyenne dans les autres
pays. Au Danemark, il est de 62 %, en Islande de 59 %.
No 6 - Juin 2009 -
fiscalité
développés avec notamment l’accès à l’école maternelle dès
2 ou 3 ans. L’aide financière est plus importante que dans les pays
nordiques du fait des avantages fiscaux. Ces transferts bénéficient plutôt aux familles aisées. Les effets sont contrastés en raison
du contexte économique et social (chômage de masse, mouvement familialiste) : le taux d’emploi à temps complet des femmes
ayant le premier enfant est fort (50 % des mères travaillent), mais
il décroît avec l’arrivée des autres enfants (25 % à partir de
3 enfants). Le niveau de fécondité est relativement élevé.
pour le citoyen qui consent démocratiquement à financer les
politiques publiques (27). La fonction territoriale qui, outre la question de la compétence géographique, vise les mesures fiscales
en faveur des zones fragiles, les incitations au développement
territorial, et la fiscalité environnementale. Enfin, la fonction
sociale intègre la redistribution des revenus par l’impôt mais
s’étend aux autres interventions sociales et donc à celles qui
visent la famille.
Contrairement à une idée reçue, il apparaît que le taux de fécondité est le plus élevé dans les pays où le taux d’emploi des femmes
est le plus élevé. Ainsi, le Danemark a un taux de fécondité parmi
les plus élevés de l’OCDE allant de pair avec un fort taux d’emploi
féminin à temps plein. Cette analyse conduit à réfléchir aux fonctions de la fiscalité familiale.
Application à l’étude de la famille
LA FONCTION SOCIALE
DE LA FISCALITÉ DE LA FAMILLE
L’approche fonctionnelle de l’impôt est une des meilleures voies
pour comprendre son rôle dans la société. De ce point de vue,
la sociologie fiscale envisage la taxation de la famille comme
relevant plutôt de la fonction sociale de l’impôt. D’un autre côté,
la famille n’est pas un objet banal d’intervention fiscale comme
l’entreprise, par exemple, où personne ne conteste sérieusement
la nécessité d’une fiscalité de l’entreprise, même si le niveau de
taxation est parfois discuté. La famille est une institution dont les
fonctions dans la société sont symboles de lien social, même si
leur importance varie d’une société à l’autre. Dans nos sociétés
modernes (ou postmodernes), la légitimité de la famille, on l’a vu,
est bien plus élevée que celle du politique, en particulier de l’Etat
fiscal. L’articulation délicate de cette double fonctionnalité
mérite donc réflexion.
L’approche fonctionnelle de la fiscalité
par la sociologie
Cette approche est justifiée par l’interventionnisme de l’Etat à
partir de 1914. Mann (1883-1978), qui prolonge l’œuvre des fondateurs autrichiens de la sociologie financière, est un des premiers
à le souligner (Mann, 1943). Constatant le changement produit
par l’interventionnisme public, il montre que la fonction financière
de la taxation se combine désormais avec ce qu’il appelle « une
fonction de contrôle social » (Mann, 1943, p. 225). Il retient trois
formes de contrôle social par l’impôt : la correction des comportements non désirés, le réajustement du pouvoir économique
entre les groupes sociaux, la lutte contre les abus sociaux du capitalisme et la transition vers un autre ordre économique. La politique familiale, qu’il prend en exemple, relève du contrôle social
par l’orientation fiscale des comportements : cette politique est
présente dans de nombreux pays, en France notamment, et a
connu une application particulière dans les régimes totalitaires
qui surtaxaient les célibataires. En France, Laufenburger avait
aussi relevé l’impact pour les finances publiques du changement
majeur constitué par l’interventionnisme de l’Etat (24). Dans le
cadre de sa théorie originale du « budget-filtre », il avait adopté
une position plutôt positive du rôle des dépenses publiques. En
revanche, il critiquait la fonction politique de la fiscalité liée à
l’interventionnisme (25).
Les études modernes se réfèrent généralement aux fonctions
économiques de Musgrave (1959). Pour étudier les politiques fiscales et évaluer leur cohérence globale (26), j’ai proposé
d’élargir le modèle économique basé sur les fonctions de financement, d’intervention économique et de redistribution en retenant cinq fonctions. En plus des fonctions de financement et
d’intervention économique, le modèle de la sociologie fiscale
comprend les fonctions politique, territoriale et sociale. La fonction
politique de l’impôt renvoie à la légitimité de l’impôt-contribution
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Reflétant les hésitations de l’action publique, la cohérence de la
politique fiscale par rapport à la famille n’est pas évidente. La
fonction financière de la taxation de la famille qui en France
s’appuie sur la notion de foyer fiscal est aménagée, voire contredite par les autres fonctions. C’est notamment le cas avec le
système complexe de calcul des parts qui tient compte certes
des enfants mais aussi d’un certain nombre de particularismes
sociaux (28). Les placements d’assurance-vie échappent en principe aux droits de mutation, sachant qu’en pratique, les bénéficiaires sont souvent des membres de la famille...
La fonction de régulation économique comprend les interventions
de l’Etat sur le patrimoine économique de la famille. En matière
de transmission du patrimoine familial, la politique fiscale est distordue par les considérations sociales relatives aux abattements
accordés selon le statut familial (enfants, veuf...). Elle est illustrée
aussi par les facilités fiscales à la transmission des entreprises dans
un cadre familial. La fonction politique, au sens défini ici, a longtemps été négligée en considération du statut fiscal de la femme.
Il faut rappeler qu’en France la capacité fiscale des épouses est
un acquis relativement récent (1982). Le droit fiscal était d’ailleurs
en retard sur le droit civil sur cette question, puisque le partage de
la direction de la famille a été établie par la loi du 4 juin 1970 (art.
213 du Code civil), mais qu’il a fallu attendre la loi de finances 1982
pour l’abrogation de la notion fiscale de chef de famille (l’homme),
même s’il était admis que la femme était aussi redevable de
l’impôt. La fonction politique de l’impôt était alors niée.
La fonction territoriale est conçue en rapport au domicile fiscal
qui est une question classique de droit fiscal qu’il n’est pas nécessaire de développer ici. Il faut néanmoins relever le hiatus sociologique entre le cadre de l’élaboration, et surtout de la mise en
œuvre administrative du droit fiscal, et le développement de la
mondialisation de la vie familiale. Alors que les prix de transfert
des multinationales font l’objet d’une forte attention, l’Administration peine à penser les situations concrètes, en particulier des
jeunes, conduits à étudier, à travailler et à fonder de nouvelles
relations familiales à l’étranger.
C’est donc bien la fonction sociale de la fiscalité de la famille qui
domine les autres fonctions. Alors que beaucoup de politiques
(24) Henry Laufenburger (1938) a consacré un ouvrage à l’interventionnisme, mais
l’essentiel de sa sociologie financière (et fiscale) se trouve dans Théorie économique
et psychologique des finances publiques (1956). Sur l’interventionnisme, cf. G. Orsoni
(1995).
(25) « C’est par le canal de la dépense que la totalité des prélèvements et emprunts
est reversée aux membres de la collectivité : rien ne reste accroché au Trésor qui
n’est qu’un lieu de passage faisant fonction de "filtre" » (Laufenburger, 1956, op. cit.,
p. 6). Les dépenses publiques de l’Etat moderne visent à « l’intérêt général » (p. 88).
Economiquement, « la majeure partie des dépenses budgétaires proprement dites
présente un caractère éminemment positif » (p. 91), elles « sont appelées à contribuer à la croissance économique » (p. 109). En matière fiscale, il oppose l’impôt
financier et « l’impôt politique » (p. 163). Comme recette budgétaire (fonction
financière), l’impôt moderne « s’est compliqué d’une manifestation politique (auxiliaire des objectifs économique et social de l’Etat » (p. 125). L’impôt politique
« entend intervenir plus ou moins profondément dans la structure et dans la conjoncture » (p. 164). Ce « biais » pour réaliser des objectifs économiques ou sociaux que
les gouvernements (trop faibles) ne peuvent atteindre directement s’analyse donc
comme une « manipulation politique » (p. 164) liée à l’interventionnisme fiscal.
(26) Le système fiscal est devenu opaque. Le citoyen ne peut l’apprécier globalement pour deux raisons reliées mais autonomes : l’instrumentalisation de l’impôt vise
à répondre à des particularismes (économiques, sociaux, culturels, territoriaux) ; la
complexité du droit fiscal accentue la dilution des fonctions fiscales.
(27) Même quand il n’en profite pas directement, en particulier pour les politiques
de solidarité sociale.
(28) Ces particularismes de la fiscalité de la famille contribuent à l’incohérence de
l’impôt sur le revenu des personnes physiques en France ; impôt qui se situe entre
« idéologie et justice sociale » (Leroy, 1996).
489
fiscalité
fiscales ne tranchent pas sur la priorité à accorder aux fonctions,
ce résultat est de ce point de vue positif : il traduit l’existence
d’une politique publique familiale dont la fonction sociale est mise
en avant. La fonction sociale apparaît plutôt contradictoire avec
les autres fonctions mais, après tout, elle peut être défendue
comme un choix public. Le problème est alors de savoir si ce
choix public est un choix démocratique correspondant à la
« volonté de la société ». Ici la critique générale du déficit démocratique des politiques fiscales trouve une nouvelle pertinence.
En matière fiscale, le débat politique est limité à des questions
techniques spécialisées réservées aux experts. Mais il convient
aussi de s’intéresser au contenu et à la cohérence de cette fonction sociale de la fiscalité de la famille pour statuer véritablement
sur sa qualité. Il s’agit alors de s’intéresser à la classification sociologique de la famille qui est sous-jacente à la politique fiscale.
LA CATÉGORISATION FISCALE
DE LA FAMILLE
La politique fiscale comme l’ensemble de la politique publique
de la famille oscille entre des objectifs contradictoires. Elle remplit
une fonction sociale dont les objectifs sont pluriels, ce qui conduit
à une catégorisation de la famille, dont la pertinence pour la
société n’est pas évidente.
Comme on l’a vu avec l’exposé de la typologie sociologique des
fonctions de l’impôt, une des priorités de la fonction sociale est
théoriquement la redistribution des revenus et des richesses. Appliquée à notre étude, la question est de savoir quelle priorité
l’action publique accorde à la diminution des inégalités de
revenus entre les familles riches et les familles pauvres. Bien sûr,
ce point serait à envisager globalement dans la politique de
revenus en prenant en compte l’impact des transferts sociaux et
de la redistribution par l’impôt. Il conviendrait aussi de tenir
compte de facteurs divers comme les possibilités d’optimisation
fiscale (les niches) qui profitent surtout aux plus riches. Cette analyse dépasse le cadre de cette contribution.
On soulignera simplement qu’en France, l’impôt sur le revenu,
le seul impôt progressif (29) pèse relativement peu dans le système des prélèvements obligatoires. Le système du quotient
familial demeure souvent avantageux pour les familles riches,
en dépit du mécanisme de plafonnement de ses effets en fonction du revenu. Un autre aspect concerne la taxation de l’héritage. En favorisant les liens familiaux, les droits de succession
peuvent conduire à pérenniser les classes sociales les plus riches
au détriment de la redistribution dans le temps. Ainsi les inégalités deviennent des privilèges héréditaires sans considération
du principe du mérite que toute démocratie se doit de prendre
en compte.
Prenons le cas des droits de succession en France (pour l’exposé
technique : Douet, 2007). Selon l’article 779-I du CGI, l’abattement entre conjoints est passé de 15 000 c en 1973 à 76 000 c
en 2002 et l’abattement applicable en ligne directe de 15 000
à 50 000 c par enfant. L’article 775 du CGI ajoute un abattement
global de 50 000 c (qui est divisé en fonction du nombre de
bénéficiaires de la succession). Ce système peut être combiné
avec le régime fiscal de l’assurance-vie qui accorde jusqu’ici
une exonération des droits de mutation à titre gratuit, sous
réserve de quelques exceptions (30). La redistribution des
richesses n’est pas la priorité univoque de la fiscalité de l’héritage qui entend aussi permettre la transmission du patrimoine
familial.
La fonction sociale de la fiscalité de la famille est éclatée en
plusieurs enjeux. Elle procède à une catégorisation de la société
en fonction des types de liens de parenté. Ainsi le montant de
l’abattement diffère selon que le lien de parenté est en ligne
directe et entre époux, entre des personnes liées par un PACS,
entre frères et sœurs, ou si le bénéficiaire est handicapé, ou s’il
490
s’agit d’un organisme d’utilité publique. Rappelons aussi que le
taux des droits de mutation entre concubins est de 60 %, alors
que le tarif applicable entre époux est bien plus favorable (31).
Le droit fiscal français de la famille offre aussi des options qui
prennent en compte certaines réalités familiales. La fonction
sociale de l’impôt ne vise plus la redistribution globale des revenus
entre les riches et pauvres, mais des situations particulières. Par
exemple, en matière d’impôt sur le revenu français, la majorité
des enfants à 18 ans ne conduit pas automatiquement à la création d’un nouveau foyer fiscal. L’option pour le rattachement au
foyer fiscal des parents, ou de l’un des parents s’ils sont séparés,
reste possible pour l’enfant majeur (jusqu’à 21 ans ou 25 ans s’il
est étudiant). Le modèle de référence du couple marié connaît
un aménagement puisque les couples liés par un PACS sont aussi
imposés en commun. Mais cette réforme laisse de côté les couples vivant ensemble sans être mariés ni pacsés (concubinage).
Comme on l’a vu, la politique fiscale vise à encourager la natalité,
tout en accordant des avantages aux familles monoparentales
(majoration du quotient familial). Elle facilite la transmission du
patrimoine entre parents mais aussi grands-parents et enfants ou
petits-enfants (exonération des donations). Bref, il n’existe pas un
référentiel global de la politique fiscale de la famille, comme celui
de la diminution des inégalités de revenus, mais des référentiels
sectoriels et éclatés.
La catégorisation fiscale de la famille distingue la famille relationnelle avec notamment la notion de foyer fiscal, la famille économique ou patrimoniale avec notamment la fiscalité de l’héritage
et la famille professionnelle avec notamment la transmission
d’entreprise, la famille alimentaire avec le régime fiscal des pensions versées aux enfants de couples séparés, la famille démographique avec l’encouragement de la natalité. Elle crée aussi
les catégories de la famille fiscale légitime composée d’un
couple marié, de la famille centrée sur les enfants avec, par
exemple, les possibilités de rattachement ou la déduction des
pensions alimentaires, de la famille comprenant les grandsparents et les petits-enfants pour les donations par exemple, de
la famille monoparentale, de la famille unie par un Pacte civil de
solidarité (PACS), de la famille de concubins qui est reconnue à
l’ISF (32) mais non à l’impôt sur le revenu, etc.
CONCLUSION
La catégorisation fiscale de la famille peine à prendre en compte
la réalité de la famille contemporaine : elle reste décalée par rapport à la pluralité des liens interpersonnels et des rapports sociaux
de parenté. Il est vrai que ces difficultés reflètent aussi les contradictions de la famille postmoderne : en effet, la valorisation de la
relation affective et de l’autonomie individuelle complique la définition des champs respectifs de l’individu et du social, de la sphère
privée et de l’action publique. Il n’en reste pas moins que, par delà
la diversité des politiques familiales de chaque pays, la réflexion
doit porter sur les critères de la juste intervention de l’Etat.
Sans résoudre complètement cette vaste question, il est possible
de proposer quatre pistes non exhaustives. La première, inspirée
de Jürgen Habermas, est que l’intervention publique doit faire
l’objet d’un véritable débat démocratique pour clarifier les enjeux
à valoriser dans la société. La deuxième, en référence à John
(29) On laisse de côté l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : l’ISF frappe le patrimoine des riches, mais les plus grandes fortunes parviennent à éviter largement
cette taxation. L’ISF fait l’objet d’une remise en cause du Gouvernement actuel
qui a instauré un dispositif de « bouclier fiscal » pour atténuer ses conséquences.
(30) Il existe des exceptions : pour les sommes versées après 70 ans (art. 757 du CGI),
mais un abattement existe (30 500 c en 2007) : pour les sommes excédant 152 500 c
par bénéficiaire (2007) qui font l’objet d’un prélèvement de 20 % (art. 990 du CGI).
Pour 2009, le Gouvernement prévoit de taxer l’assurance-vie pour financer le revenu
de solidarité active (RSA).
(31) Cf. Douet, 2007, p. 453 : le taux varie de 5 à 40 % pour la part nette d’un
bénéficiaire.
(32) Pour la taxation de la fortune (ISF) en France, le seuil d’imposition s’apprécie
en fonction des biens, droits et valeurs appartenant aux époux ou concubins
notoires et aux enfants mineurs (art. 885 du CGI).
No 6 - Juin 2009 -
fiscalité
Rawls, consiste à veiller à améliorer le sort des familles les plus
pauvres, surtout lorsque les inégalités sont fortes. La troisième, en
référence à Amartya Sen, doit promouvoir les possibilités de choix
familiaux (capacités) des personnes les plus aliénées économiquement et/ou intellectuellement.
La dernière, plus modeste au regard de la renommée des auteurs
pris en référence, consiste à notre sens à rechercher les niveaux et
les échelles pertinents de l’action publique. Par exemple, la politique fiscale d’encouragement de la natalité – à supposer qu’elle
soit validée socialement et économiquement par la démocratie
de l’intervention publique – est à penser dans le cadre d’une politique démographique globale. Dans cette perspective sociologique globale, le recours à la fiscalité est à envisager en comparaison, ou en complément, avec les dispositifs d’intégration des
immigrés et avec les régimes juridiques de l’adoption qui pallient
le vieillissement de la population, avec les services développés
pour l’accueil des enfants et les incitations au travail féminin, etc.
Dans une logique de cohérence globale, il s’agit donc d’articuler
les régulations de la famille par le droit, la dépense publique, la
fiscalité, en tenant compte de l’ensemble des politiques publiques
et de l’échelle territoriale d’intervention (33).
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(33) Intervention de proximité (collectivités territoriales), nationale et européenne,
par exemple, dans le cadre d’un Welfare State supranational à créer...
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