Marc LEROY - Gestion et Finances Publiques
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Marc LEROY - Gestion et Finances Publiques
fiscalité Sociologie de la fiscalité de la famille Marc LEROY Professeur de sociologie Directeur des études du CRDT (Gis-Grale/CNRS) Université de Reims Comme élément fondamental de la vie en société, la famille est un objet d’études important pour la sociologie, mais aussi pour d’autres sciences sociales comme l’anthropologie, l’histoire, la démographie, l’économie, la science politique, et bien sûr le droit. Fondée sur les liens de parenté réels (du sang) ou symboliques, la famille implique des relations interpersonnelles et des relations sociales au sens large. L’objet de cet article (1) est de questionner le rôle de la fiscalité en partant des leçons des sciences sociales dans ce domaine. L’approche est celle de la sociologie fiscale, définie comme l’étude des relations entre l’impôt, l’Etat et la société, qui offre une clé d’analyse pertinente dans le cadre de problématiques générales des sciences sociales. Ici, la sociologie de l’impôt est mobilisée comme étude des rapports entre l’Etat, la famille et la fiscalité. Un survol rapide des sciences sociales montre la richesse des travaux académiques relatifs à la famille. En économie, le prix Nobel Gary Becker (1981) soutient que les parents investissent dans l’éducation de leurs enfants qu’ils manipulent en leur inculquant le sens de l’amour filial pour les contraindre à les aider au moment de leur vieillesse. Pour le sociologue Norbert Elias (1987), les individus sont liés entre eux par des liens de dépendance réciproque qui font société. La famille n’est qu’un des supports dont la place est plus ou moins grande : elle joue parfois un rôle essentiel, parfois sa place est indifférence ; dans d’autres cas, elle apparaît comme un danger ou comme un contre-pouvoir. Il faut donc partir de la société pour comprendre la famille, qui est à la croisée du privé et du public, à l’articulation de l’individu et de la société (2). La famille participe de la communauté affective et de l’institution sociale. L’anthropologie s’est intéressée aux structures de la parenté, en montrant notamment que l’interdit de l’inceste avait constitué un des moteurs des sociétés (Levi-Strauss, 1949). Elle montre que les modèles de parenté (3) expérimentés au cours de l’histoire de l’humanité sont divers. En s’appuyant sur une vaste synthèse portant sur les modalités d’alliance, d’organisation de la descendance et de la sexualité, l’anthropologue français Maurice Godelier (2004) conclut que « nulle société n’a jamais été fondée sur la famille ou sur la parenté » (Godelier, 2007, p. 89). La parenté est traversée par l’ordre social, elle reproduit la hiérarchie politico-religieuse (4). Les travaux de l’historien P. Ariès (1960) soulignent que pendant longtemps (jusqu’au XVIIe siècle), les idées modernes de famille conjugale et d’enfance (au sens d’un moment à part, etc.) n’existaient pas. Il est à noter que la connaissance historique de la famille suppose de connaître la composition des ménages. A l’époque romaine, l’impôt direct repose sur le cens (census) [5], ce qui permet de connaître l’âge des citoyens, le nombre des enfants, des esclaves et les revenus. A l’époque médiévale, le dénombrement des foyers (focus) ne précisait pas la structure des ménages et les liens de parenté. Il faut attendre le XVIe siècle pour retrouver des informations sur la famille (Collomp, 1991, p. 13). D’autres travaux (Burguière et al., 1994) mettent en évidence une relation entre certaines périodes et une organisation spécifique de la famille : par exemple, la famille paysanne des sociétés agraires, la famille bourgeoise du premier capitalisme marchand, ou la famille prolétarienne de la grande industrialisation. Mais cette relation n’est pas systématique car l’évolution des comportements, des mœurs et du rôle de la famille dans la société est complexe. A l’époque contemporaine, la famille, qui est désormais socialement multiforme, fait l’objet de l’action publique de l’Etat par divers instruments d’intervention, ce qui touche à la science politique. Les politiques familiales diffèrent dans les pays de l’OCDE (Thévenon, - No 6 - Juin 2009 2008), mais partout la famille constitue un enjeu politique (Commaille, Martin, 1998). Le droit civil, le droit social et le droit fiscal jouent un rôle important (Grillet-Ponton, 1998). Il convient aussi de présenter brièvement la sociologie fiscale. Par son corpus spécifique de travaux, elle constitue une partie devenue autonome de la sociologie des finances publiques (Leroy, 2007). Les deux approches se rencontrent dans l’étude de la relation entre les recettes et les dépenses (6). La sociologie financière, qui est à l’origine de la sociologie de l’impôt, est issue de deux mouvements intellectuels (Leroy, 2009) : une école italienne Pareto et ses élèves italiens (Sensini, Borgatta, Murray, Griziotti), et des auteurs comme Conigliani, Puviani, Montemartini ; une école autrichienne avec Goldscheid, Schumpeter et Mann (Leroy, 2009). Fondée à partir de la Première Guerre mondiale, l’école autrichienne autour de Goldscheid et de Schumpeter questionne la crise de l’Etat fiscal, tandis que l’école italienne s’inscrit dans la tradition machiavélienne. La sociologie de l’impôt (Leroy, 2002) relie les questions de la fiscalité à des problématiques larges. Par exemple, la réforme fiscale se rattache au changement social, la mise en œuvre administrative de l’impôt aux théories de la bureaucratie et de la régulation, l’acceptation sociale de l’impôt à la légitimité de l’action publique, le prélèvement fiscal au contexte vécu de la justice sociale, la fraude à la sociologie de la déviance, la révolte fiscale à l’action collective, la décision du contribuable à un modèle large de la rationalité... Après le temps des fondateurs, la sociologie fiscale connaît un développement inégal selon les époques et selon les pays. En France, Tocqueville peut être considéré comme un pionnier. Laufenburger est l’un des premiers à s’intéresser aux aspects psychosociologiques de la fiscalité. Aujourd’hui, la sociologie fiscale tend à se diviser en une approche économique et une approche socio-politique et mobilise des travaux anglo-saxons. Elle adopte une approche pluridisciplinaire pour comprendre le processus d’intervention de l’Etat, ici sur la famille. Cette étude comporte cinq sections relatives au rôle de la famille dans la société, aux valeurs de la famille par rapport à l’impôt, à l’intervention de l’Etat, aux fonctions de la fiscalité de la famille et à la catégorisation fiscale de la famille. LE RÔLE DE LA FAMILLE DANS LA SOCIÉTÉ On se centre sur la famille dans les sociétés occidentales à partir du XIXe siècle, sans entrer dans la description de la variété d’organisation de la parenté dans les sociétés étudiées par les (1) Ce texte est issu d’une communication préparée dans le cadre du Colloque international de Turin des 15 et 16 novembre 2008 sur la taxation de la famille. Les actes du colloque seront publiés en Italie sous la direction du professeur Claudio Sacchetto de l’université de Turin. (2) La communauté et la société selon la classification posée au début du XXe siècle de Ferdinand Tonnïes (1977). (3) La notion de parenté est préférée à celle de famille pour rendre compte de cette diversité. (4) « Des rapports sociaux qui n’ont rien à voir avec la parenté pénètrent dans les rapports de parenté et les subordonnent à leur reproduction. Du social devient du parental. Or, tout ce qui devient parental se transforme en rapports entre les sexes d’abord, entre parents et enfants ensuite » (Godelier, 2004, p. 528). (5) Le cens ou la censure a été fondé par Servius Tullius en 555 av. J.-C. : cf. Clamageran, 1980 (1867), p. 6 et s. (6) L’impôt constituant une recette essentielle des budgets publics des démocraties développées. 485 fiscalité anthropologues et les historiens. De ces études, on gardera seulement l’idée que la famille est structurée par la société, mais de façon variée à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Le mode d’organisation de la famille n’est pas forcément le même d’une société à l’autre, voire d’un groupe social à l’autre ou selon le contexte historique. Les structures familiales sont reliées à une diversité de critères d’organisation de la famille : droit, économie, formes éducatives, réseaux de parenté... Au XIXe siècle, le modèle légitimé de la famille consacre l’autorité du père dans le contexte de l’Etat libéral non interventionniste (classique). Comme chef de famille, le père exerce l’autorité sociale pour l’éducation. Il pourvoit aux revenus du groupe, alors que la mère assure les tâches domestiques. Il exerce une fonction morale de contrôle social et politique sur les membres de la famille. Dans cette conception, la famille est l’institution fondamentale de la société, le bon père de famille servant aussi de modèle de référence à l’Etat (et au droit). Déjà, au XIXe siècle, de nombreux auteurs s’interrogeaient sur la crise de la famille avec des auteurs comme De Bonald (7), A. Comte (8), Tocqueville, et surtout Le Play (1884) qui plaide pour la « famille-souche ». Leur réflexion partait du même point de départ, à savoir les conséquences des deux révolutions, – l’une politique et l’autre économique – constituées par la révolution de 1789 et la révolution industrielle. La montée de l’individualisme dans la société faisait déjà l’objet d’analyses spécifiques, souvent accompagnées de critiques. Le rôle des classes sociales, central chez Marx, apparaît comme une notion clé des sociétés industrielles qui, à partir de 1950, ont entraîné l’exode rural et la fondation de nouvelles familles. Mais c’est surtout le modèle de la famille nucléaire, avec le père et la mère unis dans le mariage et leurs enfants, qui a retenu l’attention, par exemple chez Durkheim au XIXe siècle. Ce modèle est en général rattaché au nom de Parsons (1943) : pour le grand sociologue américain, la famille nucléaire est un sous-système du système global. L’industrialisation et l’urbanisation ont entraîné la domination du modèle de famille nucléaire. En effet, elle exige à la fois une mobilité géographique et une mobilité sociale pour le développement économique des sociétés industrielles. Les liens de la parenté élargie sont donc brisés en raison de l’opposition des valeurs entre la famille traditionnelle et la société industrielle urbanisée. La fonction de la famille est désormais affective, l’Etat prenant en charge les autres fonctions. La structure des rôles familiaux est spécifique puisque le père a un rôle instrumental (salarié de l’industrie), alors que la mère a un rôle éducatif consistant à préparer les enfants à travailler dans la société industrielle. Ce modèle, qui a été longtemps admis, suscite désormais quelques réserves. Comme l’ont montré certains historiens et certains anthropologues, la famille nucléaire n’est pas apparue avec la société industrielle, mais existait déjà avant. La famille affective, basée sur le sentiment, qui aujourd’hui fonde l’idéologie des liens interpersonnels existait déjà (cf. la littérature sur les passions amoureuses) malgré les mariages arrangés. Le capitalisme industriel à ses débuts utilisait une main d’œuvre familiale, il s’est développé sur la base de la famille élargie par l’embauche de ses membres. De même, les migrations de la campagne à la ville se basaient souvent sur des réseaux familiaux. Quoi qu’il en soit, ce modèle est apparu comme le modèle de référence dans nos sociétés, celui de la légitimité sociale et politique. Il correspond à la période allant du XIXe siècle à la fin des années 1960 avec le mariage, la division des rôles entre l’homme et la femme, et l’attention portée à l’éducation et à la santé des enfants (De Singly, 1993, p. 87). Après la Seconde Guerre mondiale, le modèle s’enrichit en Europe de l’apparition de l’Etat-providence et du renforcement de l’interventionnisme public (cf. infra). L’ordre social accorde une place de choix à la famille nucléaire fondée sur l’autorité du père. La société est encore un monde de classes sociales où les inégalités entre les classes se reflètent dans les familles. En France, les études mettent l’accent sur les inégalités devant l’enseignement en 486 fonction du milieu social d’origine qui est celui de la famille. Même si les explications varient (9), la leçon de cette période est conforme au proverbe : « tel père, tel fils » (Thélot, 1982). A partir des années 1960, ce modèle familial a éclaté. Le nombre de mariages diminue, le nombre de divorces s’est accru dans de fortes proportions, les familles se décomposent et se recomposent. Parmi les diverses causes de cette mutation, il faut citer le travail des femmes, la libéralisation des mœurs, la conception plus individuelle du bonheur, l’évolution des législations (divorce, avortement, union de couples du même sexe...), et la prise en charge des nouveaux risques par l’Etat-providence. A partir des années 1980, les classes sociales apparaissent moins pertinentes pour rendre compte de la société et de la famille. La problématique des inégalités sociales, fondée traditionnellement sur les écarts de revenus entre catégories sociales, se double de la question des inégalités familiales, notamment entre hommes et femmes, mais aussi de la question des inégalités entre les diverses formes de famille. En effet, le modèle classique de la famille nucléaire ne correspond plus à la réalité de la société. Le taux de divorce et le nombre de naissances hors mariage sont élevés dans de nombreuses sociétés. La famille peut être aussi monoparentale, recomposée, constituée d’un couple hétérosexuel ou non, d’un couple marié ou non. Elle comprend à côté des enfants de couples mariés, des enfants issus de l’adoption, de la procréation, des demi-frères ou demi-sœurs... A côté des familles de culture judéo-chrétienne, on trouve des familles issues de l’immigration dont les points de repère sont différents. La conception des « affinités électives » chère à Goethe est ainsi valorisée. L’organisation familiale retrouve le pluralisme culturel et social des anciennes sociétés reposant sur la parenté étudiée par les anthropologues. La logique devient celle d’une « famille-association » et non celle d’une « famille-institution » fondée sur le mariage. Cette mutation met en question la compatibilité de la légitimation de la famille dans la société et du civisme envers l’Etat fiscal. LES VALEURS FAMILIALES PAR RAPPORT A L’IMPÔT Il est intéressant de rapprocher les valeurs par rapport à l’impôt (et à la fraude) et les valeurs relatives à la famille. Au préalable, il convient de préciser que la décision du contribuable face à l’impôt met en jeu trois formes de rationalité : une rationalité de l’intérêt utilitariste au sens économique, une rationalité en valeurs (axiologique), et une rationalité cognitive qui consiste à voir comment il se représente et traite l’information fiscale (10). Mes travaux de sociologie fiscale montrent que l’intérêt d’éviter l’impôt (11) mis en avant par l’approche utilitariste ne joue pas uniquement. La possibilité d’un contribuable altruiste existe dès lors notamment que la légitimité politique de l’impôt est assurée. L’impôt comme contribution du citoyen aux politiques publiques trouve un support empirique dans la sociologie fiscale. Néanmoins, le cas particulier de la taxation de la famille paraît défavorable à cette figure citoyenne. Concernant la rationalité axiologique, la condamnation morale de la fraude fiscale en général est plutôt faible (Leroy, 2003, (7) De Bonald, à la fin du XVIIIe, dénonçait la corruption des mœurs privées (divorce, etc.) des sociétés non constituées : « dans la société politique non constituée, qui n’est pas une véritable société politique (...) il n’y a que des mœurs privées, la société non constituée périt par la corruption des mœurs » (De Bonald, 1966, p. 70). (8) Cf. par exemple les pages relatives au rôle de la femme : « toute femme doit donc être soigneusement préservée du travail extérieur, afin de pouvoir accomplir dignement sa mission. Volontairement renfermée au foyer domestique, elle y poursuit librement le perfectionnement moral de ses enfants et de son époux » (Comte, éd. 1966, p. 233). (9) P. Bourdieu et J.-C. Passeron (1964 ; 1970) insistent sur la reproduction par l’école des inégalités sociales alors que R. Boudon (1973) propose une explication fondée sur la rationalité des étudiants défavorisés. (10) Cf. la conception large de la rationalité développée par R. Boudon (1989 ; 2003). (11) Dont la seule limite serait dans des taux élevés de contrôle et de sanctions qui en général n’existent pas. No 6 - Juin 2009 - fiscalité p. 232). Ainsi, d’après les enquêtes européennes et mondiales sur les valeurs (European and World Value Surveys), menées de 1981 à 2004, « tricher » en matière fiscale est considéré comme « jamais justifiable » par seulement 53 % des personnes (taux moyen sur l’ensemble des pays). Plus que les valeurs morales, c’est la légitimité politique de l’impôt qui importe. Le sentiment que le système fiscal est injuste encourage la fraude. Or, on sait par ailleurs, là aussi d’après notamment les enquêtes mondiales sur les valeurs, que la famille vient largement en tête des valeurs dans les pays européens (12). La politique est classée en général assez loin, derrière le travail, les relations amicales, les loisirs, etc. L’idée d’un repli sur la famille comme sanctuaire de la vie privée, qui caractérise notre époque, a pour corollaire la conception que la famille est aussi un rempart contre les menaces extérieures. Les difficultés de légitimation politique de l’Etat fiscal tendent à transformer l’articulation de la sphère publique et de la sphère privée en une opposition entre le groupe familial et la soumission à l’autorité publique. Dans le cas de la famille, les intérêts et les valeurs se conjuguent en une tendance à l’évitement de l’impôt. L’intérêt économique d’éviter l’impôt (évasion ou fraude) rencontre peu de limites. Le contrôle de la situation familiale est délicat, au regard des garanties attachées à la protection de la vie privée. La légitimité de la famille prédomine sur celle de l’Etat fiscal. Enfin, la connaissance concrètement ressentie du droit fiscal de la famille (rationalité cognitive) tend plutôt, jusqu’ici, à renforcer cette tendance. Les maladresses, et souvent les discriminations concrètes de la politique fiscale de la famille, sont particulièrement désastreuses pour le civisme fiscal. Il en va de même si la catégorisation de la famille par l’impôt ne correspond pas aux mœurs. Plus que dans n’importe quel domaine, l’incohérence des politiques familiales sera ressentie comme particulièrement injuste. En effet, dès lors que les modèles de famille, les formes de relations interpersonnelles sont plurielles, l’impôt doit rester neutre et, au minimum, il ne doit pas être discriminatoire. De ce point de vue, les différences fiscales entre couples hétérosexuels ou non, mariés ou non, etc., seront de plus en plus mal vécues avec l’éclatement du modèle de la famille nucléaire. L’exemple est celui du statut des concubins en France. Par rapport à la probabilité d’être pris en cas de fraude, la preuve du concubinage est difficile à établir. Par rapport à la catégorisation de la famille et à l’évolution des modes de parenté, la situation est incohérente. A la différence des couples mariés, les concubins ne sont pas considérés comme un foyer fiscal à l’impôt sur le revenu, mais le sont dans le cas de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) [si le concubinage est stable et notoire]. Les stratégies d’évitement de l’impôt sont encouragées par la législation sur la majoration du quotient familial pour les personnes élevant seules leurs enfants, ou sur le barème de l’impôt sur le revenu, etc. Cependant, il s’agit d’une tendance et non d’une loi sociale inexorable car les facteurs expliquant le civisme fiscal ou l’évitement de l’impôt sont divers. L’effet de certaines variables susceptibles de nuancer ou d’endiguer la tendance mérite discussion. Concernant le civisme fiscal, l’enquête mondiale sur les valeurs montre que la fraude fiscale en général est parfois condamnée plus fortement (comme « jamais justifiable ») : 67,6 % au Danemark en 1981, 63,9 % en Hongrie en 1999, 80,5 % au Japon en 2000, 67,7 % en 1995 en Espagne, 69 % en 1982 en Suède, 73 % en 1995 aux Etats-Unis (13). Les normes sociales par rapport à l’impôt en général ont une influence (Keenan and Dean, 1980 ; Reckers et al., 1994 ; Torgler, 2004 ; Wenzel, 2004 ; Alm and Torgler, 2006), surtout quand le contribuable s’identifie avec le groupe qui porte les mêmes normes. Néanmoins, ce résultat valable pour la fraude en général mériterait d’être testé dans le cas particulier de la fraude fiscale de la famille. Même si on ne dispose pas de données empiriques spécifiques à cette question, il est permis de douter de cet effet moral dans le cas de la famille dont la position dans l’échelle des valeurs dépasse l’Etat fiscal et comme d’ailleurs tout autre domaine. - No 6 - Juin 2009 S’agissant des modèles de la famille, on peut se demander aussi dans quelle mesure le pluralisme actuel est accepté par l’opinion publique. Ici, la religion est un facteur clé pour comprendre la plus ou moins grande tolérance dans ce domaine (14) [Bréchon, 1998]. On sait que certains pays, comme l’Italie, le Portugal, l’Autriche, l’Allemagne, sont favorables au rôle traditionnel de la femme au foyer, alors que d’autres pays acceptent mieux son rôle professionnel. Mais partout la religion a une influence. Ainsi, les personnes les plus religieuses sont les plus réticentes au rôle professionnel de la femme. Les mêmes résultats se retrouvent quand on retient comme indicateur la permissivité sexuelle ou la position sur l’avortement (15). Ces résultats montrent que l’opinion publique n’est pas encore acquise totalement à la liberté des modèles familiaux, la religion constituant un frein à cette évolution. Mais là aussi il faut se garder d’une conclusion hâtive. D’abord l’enquête date d’une dizaine d’années et les mœurs évoluent parfois vite. Surtout, l’effet de la religion sur le civisme fiscal (compliance) reste assez ambigu. Les enquêtes empiriques relatives à l’impact de la croyance religieuse sur le civisme fiscal ne permettent pas de conclure de manière définitive (16). Finalement, on revient à notre premier résultat que la politique fiscale doit être cohérente et non discriminatoire, car la tendance à éviter la taxation est plutôt forte lorsque la famille est en cause. Ce résultat constitue un point de repère pour l’intervention de l’Etat. LA GENÈSE ET LE SENS DE L’INTERVENTION DE L’ÉTAT La famille n’est pas une pure affaire privée mais dépend de l’ordre politique. L’intervention de l’Etat dans la famille par l’impôt n’est pas nouvelle. Par exemple, en l’an 6 de notre ère, l’empereur Auguste établit un impôt du vingtième sur les donations, legs et successions pour payer les troupes et prévoit l’exonération des proches, c’est-à-dire des enfants (17). Mais ce type de dispositif (allégements fiscaux pour charges de famille) ne constituait pas une politique familiale au sens moderne du terme. La politique fiscale de la famille se rattache à l’évolution historique qui voit l’avènement de l’Etat interventionniste au XXe siècle. La fiscalité féodale était surtout basée sur des impôts réels qui ne prenaient pas en compte par nature les charges de famille. (12) Cf. aussi la revue Futuribles, nº 277, juillet 2002, et « Les Européens et la famille », Eurobaromètre, Bruxelles. (13) Mais attention, l’idée d’une mentalité fiscale variable selon les pays (des peuples) n’est pas juste. En effet, les chiffres varient selon l’année de l’enquête : par exemple, de 73 % en 1995 à 62 % en 1999 aux USA, de 74,2 % en 1981 à 80,5 % en 2000 au Japon, de 39,6 % en 1998 et 58,3 % pour la République tchèque, de 58,3 % en 1998 à 63,9 % en 1999 en Hongrie, en Allemagne de 39,5 % en 1990 à 56,4 % en 1999. De même, les résultats infirment l’idée d’une mentalité fiscale des peuples latins plus favorables à la fraude : la Suède, souvent citée en modèle, fait état en 1996 d’un taux de 48,9 % et en 1999 de 50,4 %. L’Espagne, pays latin, catholique, supposé plus tolérant, est coté en 1995 d’un taux de 67,7 % et en 2000 de 59,7 %. Certes, la France a plutôt des taux bas : 47,8 % en 1981, 45,9 % en 1990, 47,2 % en 1999 ; mais l’Allemagne de l’Ouest fait état de taux faibles en 1990 (39,5 %) et 1997 (39,6 %). (14) Cf. P. Bréchon, 1998, qui utilise une enquête de l’International Social Survey Programme. (15) Même s’il existe des exceptions (Autriche et Espagne), les pays les plus religieux sont en général les moins permissifs sur le plan de la sexualité. Les pays nordiques sont plus permissifs. Mais à l’intérieur de chaque pays, la religion est un facteur décisif : les personnes sans religion sont dans tous les pays les plus permissives. Les non-pratiquants sont aussi plus libéraux que les pratiquants. Dans les pays à deux religions, les protestants sont moins permissifs que les catholiques. Concernant l’avortement, les pays protestants sont plus favorables (exceptions : Allemagne et PaysBas), les pays catholiques plus réticents. Mais là aussi, l’identité religieuse joue un rôle dans le refus. (16) Furnham (1983) montre dans une enquête britannique que les personnes qui adoptent l’éthique de travail protestante sont plutôt opposées à la taxation ; Grasmick et al. (1991), dans une enquête américaine incluant les protestants, trouvent au contraire que la religion (mesurée par la fréquence de la pratique religieuse et par l’identité) diminue l’inclinaison à tricher avec l’impôt. Verboon et Van Dijke (2007), dans une enquête néerlandaise, trouvent que les protestants ont plus de civisme fiscal (compliant) que les catholiques et que les personnes sans religion. Torgler (2003, p. 297), avec des données de l’enquête mondiale sur les valeurs, conclut, pour le Canada, que la pratique religieuse est corrélée avec la morale fiscale. Welch et al. (2005), dans une étude des paroisses catholiques américaines, trouvent que la religiosité personnelle a peu d’impact sur la fraude fiscale quand la plupart des individus pensent qu’il y a un faible niveau de civisme fiscal dans leur communauté religieuse. (17) Cf. Clamageran, 1867, p. 78 ; Neurisse, 1978, p. 24. L’exonération des petites successions (moins de 50 à 100 pièces d’or selon les époques) est aussi prévue. 487 fiscalité L’apparition de l’Etat fiscal moderne en Europe est issue de la lutte du pouvoir royal contre la féodalité. Si la famille n’est pas encore présente comme objet de la politique fiscale, il convient de relever que la notion moderne de la famille suppose la reconnaissance d’une sphère privée. Historiquement, cette possibilité a été donnée par l’institution de l’Etat fiscal moderne (18), ce qui suggère une homologie structurale entre les deux phénomènes. L’Etat fiscal est apparu comme sphère publique en contrepoint de l’autonomisation et la légitimation d’une sphère privée. Schumpeter (1918), fondateur autrichien de la sociologie financière, relève ainsi que l’hérédité de fait des fiefs et le financement de mercenaires en remplacement du devoir de guerre des seigneurs ont provoqué cette évolution (19). En élargissant cette interprétation, on peut donc dire que l’impôt était le prix à payer pour s’adonner à son activité privée, économique et familiale. Les travaux de l’historien Ariès (1960) sont congruents avec cette interprétation : le sentiment de l’enfance, et la conception de la famille qui le fonde, trouvent leur spécificité à partir du XVIe siècle (dans les couches supérieures). Au XIXe siècle, la famille en France reste largement ignorée de l’interventionnisme public qui est, sur un plan général, condamné par la conception libérale des finances publiques. Dans le contexte de l’individualisme de la révolution industrielle, le principe est celui de la neutralité de l’Etat minimum sur la famille. Bien plus, l’Etat recherchait sa légitimation dans la famille prise comme modèle de gouvernement à l’image du bon père. Il se préoccupe de la contribution de la famille à l’ordre social et remédie simplement aux carences de la famille en matière d’hygiène, une idée apparue à la fin du XVIIIe siècle, puis dans le domaine de l’éducation avec l’école. Comme on l’a vu, la famille dépend de l’autorité du père qui a le statut de chef de famille. A la fin du XIXe siècle en France, des mouvements natalistes militent pour une politique familiale soit pour des raisons démographiques, soit pour défendre les valeurs de la famille comme institution de l’ordre social. Les politiques publiques en faveur des familles sont à relier à l’intervention de l’Etat. Celle-ci débute avec la Première Guerre mondiale, trouve une nouvelle justification dans la crise économique de 1929 et se renforce avec la Deuxième Guerre mondiale. L’ordre social est bâti sur le Welfare State tandis que l’industrialisation est favorisée par les nécessités de la reconstruction. Le cadre de l’Etat-Nation reste prévalent, l’Europe étant encore à ses premiers pas. « La famille y apparaissait comme une valeur stable, fondée sur le mariage, où régnait l’autorité incontestée du père, qui était le seul salarié régulier du foyer » (Segalen, 2006, p. 7). La fiscalité en France accompagne ce mouvement. Les lois Caillaux de 1914 à 1917 introduisent la notion de foyer fiscal qui constitue toujours l’unité d’imposition de la famille (art. 6 du CGI). En 1945, le mécanisme du quotient familial est introduit pour concrétiser la politique nataliste d’après-guerre. Le modèle légitimé est celui de la famille nucléaire. Dans les années 1980, un dispositif de bonification des parts est mis en place pour les familles nombreuses (20). Depuis 1986, l’Etat récompense en quelque sorte moralement le fait d’avoir élevé des enfants en accordant aussi une majoration de parts pour les veufs ou veuves ayant élevé des enfants. En matière familiale, l’Etat dispose de plusieurs masques. Il prend tour à tour la figure fiscale du protecteur, par exemple du parent isolé avec des enfants, du moralisateur (21) quand il légitime le mariage par rapport aux autres formes de relations, du gardien de la reproduction sociale des inégalités quand il est trop généreux en matière de taxation de l’héritage, de l’accompagnateur de l’évolution des mœurs quand il accorde un statut aux couples de même sexe... L’Etat dispose de divers outils, remèdes et armes, parmi lesquels la politique fiscale n’est pas toujours la première. Il intervient aussi pour soulager, encourager, ou 488 frapper par la politique de transferts sociaux, par la politique scolaire et éducative, par l’offre de services (crèches, etc.), par la politique de sécurité (appareils policier et judiciaire)... L’étude démographique des politiques familiales des pays développés (Thévenon, 2008) montre qu’il existe des modèles contrastés de l’action publique. Face aux mutations de la famille relatives au développement du travail des femmes, à la hausse des divorces et aux recompositions des familles, les pays de l’OCDE mettent en place des réponses variées. Globalement, les dépenses publiques consacrées par les pays développés à la famille sont passées de 1,6 à 2,4 % du PIB de 1980 à 2003. L’étude distingue deux grands modèles. Le premier modèle est nordique. Il apporte un soutien important en cas de jeune enfant : congés parentaux généreux (22), prise en charge par des services d’accueil (23). En revanche, le montant des prestations financières accordées aux familles est plutôt inférieur à la moyenne et cible les familles à bas revenu. Ce modèle, dont le Danemark est l’archétype, est fondé sur une forte intervention publique pour permettre aux parents et, en particulier aux femmes, de concilier la vie professionnelle et l’éducation des enfants. Fiscalement, il a pour contrepartie un fort taux d’imposition des personnes qui entrent sur le marché du travail ou reprennent leur emploi. Le second modèle réunit les pays anglo-saxons, le Japon, la Corée et les pays d’Europe du Sud. L’aide à la conciliation entre travail et jeune enfant est plus faible. Les congés sont plus courts et peu ou pas rémunérés. L’offre de services de garde est globalement plus faible, même si les situations varient d’un pays à l’autre. Les dépenses par enfant de moins de 3 ans sont plus faibles. Dans ce groupe, on distingue les pays anglo-saxons, avec le Japon et la Corée, des pays d’Europe du Sud. Les prestations sociales et les avantages fiscaux sont plus élevés, représentant 1,9 % du PIB contre 1,6 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Les Etats-Unis sont à part avec seulement 0,8 %. Cette aide cible les familles à bas revenus selon un objectif de lutte contre la pauvreté. Des services d’accueil de la jeune enfance existent, même s’ils sont souvent privés, accueillant 28 % des enfants. L’idée est que la flexibilité du marché du travail doit permettre l’ajustement nécessaire à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. Si le taux de pauvreté des familles reste fort, le taux de fécondité est important. L’Europe du Sud est caractérisée par des aides plus limitées. Le taux de fécondité et le taux d’emploi des femmes sont faibles. « Ces pays sont caractérisés par un déficit de politique quel que soit le volet considéré » (Thévenon, 2008, p. 3). Parfois, le congé parental est long mais peu ou pas rémunéré. Les pays d’Europe de l’Est sont en position intermédiaire. La France fait figure d’exception : les dépenses pour la famille s’élèvent à 3,8 % du PIB en tenant compte des incitations fiscales, ce qui la place au 3e rang des pays de l’OCDE (où le chiffre est de 2,4 % en moyenne). Les services d’accueil des jeunes enfants sont (18) Historiquement la pensée et la construction de l’Etat en France trouve son origine au Moyen Age, notamment avec le règne de Philippe le Bel (1285-1350) et l’action des légistes : « ce règne devient aussi le temps obligé de l’impôt » (Rigaudière, 2003, p. 524). (19) Ardant relève dans un chapitre introductif que l’impôt a constitué une solution rationnelle au problème général du financement de la guerre (Ardant, 1971, chap. 2). (20) Une demi-part supplémentaire à compter du cinquième enfant, en 1980, puis comme le taux de fécondité est inférieur à deux enfants, l’avantage est accordé pour le troisième enfant. (21) Cette tentation moralisatrice est ancienne. Jean Bodin (1530-1596), théoricien de la souveraineté de l’Etat, écrit dans Les six livres de la République : « L’empereur Auguste, pour chastier l’impudité détestable des subjects, et les contraindre à contracter mariage, leva l’impost par forme d’amende, des laigs et successions caduques, sur ceux qui ne se marieroyent pas avant XXV ans, ou qui n’auroyent pas d’enfans, donnat de beaux privilèges à qui plus auroit d’enfans ». Il ajoute : « qui fut un trait de maistre, et sage politique : car en ce faisant il chastia bien fort les paillardises, adulteres, et sodomies, et remplit sa cité de bons citoyens qui en estait fort deserte par les guerres civiles : et par mesme moyen il remplit le tresor de l’espargne qui estoit vide ». (22) 53 semaines en équivalent temps plein en Suède, 47 semaines au Danemark contre 27 en moyenne pour les pays de l’OCDE. (23) Dans les pays nordiques, près de 50 % des enfants de moins de 3 ans sont accueillis dans des structures de garde contre 25 % en moyenne dans les autres pays. Au Danemark, il est de 62 %, en Islande de 59 %. No 6 - Juin 2009 - fiscalité développés avec notamment l’accès à l’école maternelle dès 2 ou 3 ans. L’aide financière est plus importante que dans les pays nordiques du fait des avantages fiscaux. Ces transferts bénéficient plutôt aux familles aisées. Les effets sont contrastés en raison du contexte économique et social (chômage de masse, mouvement familialiste) : le taux d’emploi à temps complet des femmes ayant le premier enfant est fort (50 % des mères travaillent), mais il décroît avec l’arrivée des autres enfants (25 % à partir de 3 enfants). Le niveau de fécondité est relativement élevé. pour le citoyen qui consent démocratiquement à financer les politiques publiques (27). La fonction territoriale qui, outre la question de la compétence géographique, vise les mesures fiscales en faveur des zones fragiles, les incitations au développement territorial, et la fiscalité environnementale. Enfin, la fonction sociale intègre la redistribution des revenus par l’impôt mais s’étend aux autres interventions sociales et donc à celles qui visent la famille. Contrairement à une idée reçue, il apparaît que le taux de fécondité est le plus élevé dans les pays où le taux d’emploi des femmes est le plus élevé. Ainsi, le Danemark a un taux de fécondité parmi les plus élevés de l’OCDE allant de pair avec un fort taux d’emploi féminin à temps plein. Cette analyse conduit à réfléchir aux fonctions de la fiscalité familiale. Application à l’étude de la famille LA FONCTION SOCIALE DE LA FISCALITÉ DE LA FAMILLE L’approche fonctionnelle de l’impôt est une des meilleures voies pour comprendre son rôle dans la société. De ce point de vue, la sociologie fiscale envisage la taxation de la famille comme relevant plutôt de la fonction sociale de l’impôt. D’un autre côté, la famille n’est pas un objet banal d’intervention fiscale comme l’entreprise, par exemple, où personne ne conteste sérieusement la nécessité d’une fiscalité de l’entreprise, même si le niveau de taxation est parfois discuté. La famille est une institution dont les fonctions dans la société sont symboles de lien social, même si leur importance varie d’une société à l’autre. Dans nos sociétés modernes (ou postmodernes), la légitimité de la famille, on l’a vu, est bien plus élevée que celle du politique, en particulier de l’Etat fiscal. L’articulation délicate de cette double fonctionnalité mérite donc réflexion. L’approche fonctionnelle de la fiscalité par la sociologie Cette approche est justifiée par l’interventionnisme de l’Etat à partir de 1914. Mann (1883-1978), qui prolonge l’œuvre des fondateurs autrichiens de la sociologie financière, est un des premiers à le souligner (Mann, 1943). Constatant le changement produit par l’interventionnisme public, il montre que la fonction financière de la taxation se combine désormais avec ce qu’il appelle « une fonction de contrôle social » (Mann, 1943, p. 225). Il retient trois formes de contrôle social par l’impôt : la correction des comportements non désirés, le réajustement du pouvoir économique entre les groupes sociaux, la lutte contre les abus sociaux du capitalisme et la transition vers un autre ordre économique. La politique familiale, qu’il prend en exemple, relève du contrôle social par l’orientation fiscale des comportements : cette politique est présente dans de nombreux pays, en France notamment, et a connu une application particulière dans les régimes totalitaires qui surtaxaient les célibataires. En France, Laufenburger avait aussi relevé l’impact pour les finances publiques du changement majeur constitué par l’interventionnisme de l’Etat (24). Dans le cadre de sa théorie originale du « budget-filtre », il avait adopté une position plutôt positive du rôle des dépenses publiques. En revanche, il critiquait la fonction politique de la fiscalité liée à l’interventionnisme (25). Les études modernes se réfèrent généralement aux fonctions économiques de Musgrave (1959). Pour étudier les politiques fiscales et évaluer leur cohérence globale (26), j’ai proposé d’élargir le modèle économique basé sur les fonctions de financement, d’intervention économique et de redistribution en retenant cinq fonctions. En plus des fonctions de financement et d’intervention économique, le modèle de la sociologie fiscale comprend les fonctions politique, territoriale et sociale. La fonction politique de l’impôt renvoie à la légitimité de l’impôt-contribution - No 6 - Juin 2009 Reflétant les hésitations de l’action publique, la cohérence de la politique fiscale par rapport à la famille n’est pas évidente. La fonction financière de la taxation de la famille qui en France s’appuie sur la notion de foyer fiscal est aménagée, voire contredite par les autres fonctions. C’est notamment le cas avec le système complexe de calcul des parts qui tient compte certes des enfants mais aussi d’un certain nombre de particularismes sociaux (28). Les placements d’assurance-vie échappent en principe aux droits de mutation, sachant qu’en pratique, les bénéficiaires sont souvent des membres de la famille... La fonction de régulation économique comprend les interventions de l’Etat sur le patrimoine économique de la famille. En matière de transmission du patrimoine familial, la politique fiscale est distordue par les considérations sociales relatives aux abattements accordés selon le statut familial (enfants, veuf...). Elle est illustrée aussi par les facilités fiscales à la transmission des entreprises dans un cadre familial. La fonction politique, au sens défini ici, a longtemps été négligée en considération du statut fiscal de la femme. Il faut rappeler qu’en France la capacité fiscale des épouses est un acquis relativement récent (1982). Le droit fiscal était d’ailleurs en retard sur le droit civil sur cette question, puisque le partage de la direction de la famille a été établie par la loi du 4 juin 1970 (art. 213 du Code civil), mais qu’il a fallu attendre la loi de finances 1982 pour l’abrogation de la notion fiscale de chef de famille (l’homme), même s’il était admis que la femme était aussi redevable de l’impôt. La fonction politique de l’impôt était alors niée. La fonction territoriale est conçue en rapport au domicile fiscal qui est une question classique de droit fiscal qu’il n’est pas nécessaire de développer ici. Il faut néanmoins relever le hiatus sociologique entre le cadre de l’élaboration, et surtout de la mise en œuvre administrative du droit fiscal, et le développement de la mondialisation de la vie familiale. Alors que les prix de transfert des multinationales font l’objet d’une forte attention, l’Administration peine à penser les situations concrètes, en particulier des jeunes, conduits à étudier, à travailler et à fonder de nouvelles relations familiales à l’étranger. C’est donc bien la fonction sociale de la fiscalité de la famille qui domine les autres fonctions. Alors que beaucoup de politiques (24) Henry Laufenburger (1938) a consacré un ouvrage à l’interventionnisme, mais l’essentiel de sa sociologie financière (et fiscale) se trouve dans Théorie économique et psychologique des finances publiques (1956). Sur l’interventionnisme, cf. G. Orsoni (1995). (25) « C’est par le canal de la dépense que la totalité des prélèvements et emprunts est reversée aux membres de la collectivité : rien ne reste accroché au Trésor qui n’est qu’un lieu de passage faisant fonction de "filtre" » (Laufenburger, 1956, op. cit., p. 6). Les dépenses publiques de l’Etat moderne visent à « l’intérêt général » (p. 88). Economiquement, « la majeure partie des dépenses budgétaires proprement dites présente un caractère éminemment positif » (p. 91), elles « sont appelées à contribuer à la croissance économique » (p. 109). En matière fiscale, il oppose l’impôt financier et « l’impôt politique » (p. 163). Comme recette budgétaire (fonction financière), l’impôt moderne « s’est compliqué d’une manifestation politique (auxiliaire des objectifs économique et social de l’Etat » (p. 125). L’impôt politique « entend intervenir plus ou moins profondément dans la structure et dans la conjoncture » (p. 164). Ce « biais » pour réaliser des objectifs économiques ou sociaux que les gouvernements (trop faibles) ne peuvent atteindre directement s’analyse donc comme une « manipulation politique » (p. 164) liée à l’interventionnisme fiscal. (26) Le système fiscal est devenu opaque. Le citoyen ne peut l’apprécier globalement pour deux raisons reliées mais autonomes : l’instrumentalisation de l’impôt vise à répondre à des particularismes (économiques, sociaux, culturels, territoriaux) ; la complexité du droit fiscal accentue la dilution des fonctions fiscales. (27) Même quand il n’en profite pas directement, en particulier pour les politiques de solidarité sociale. (28) Ces particularismes de la fiscalité de la famille contribuent à l’incohérence de l’impôt sur le revenu des personnes physiques en France ; impôt qui se situe entre « idéologie et justice sociale » (Leroy, 1996). 489 fiscalité fiscales ne tranchent pas sur la priorité à accorder aux fonctions, ce résultat est de ce point de vue positif : il traduit l’existence d’une politique publique familiale dont la fonction sociale est mise en avant. La fonction sociale apparaît plutôt contradictoire avec les autres fonctions mais, après tout, elle peut être défendue comme un choix public. Le problème est alors de savoir si ce choix public est un choix démocratique correspondant à la « volonté de la société ». Ici la critique générale du déficit démocratique des politiques fiscales trouve une nouvelle pertinence. En matière fiscale, le débat politique est limité à des questions techniques spécialisées réservées aux experts. Mais il convient aussi de s’intéresser au contenu et à la cohérence de cette fonction sociale de la fiscalité de la famille pour statuer véritablement sur sa qualité. Il s’agit alors de s’intéresser à la classification sociologique de la famille qui est sous-jacente à la politique fiscale. LA CATÉGORISATION FISCALE DE LA FAMILLE La politique fiscale comme l’ensemble de la politique publique de la famille oscille entre des objectifs contradictoires. Elle remplit une fonction sociale dont les objectifs sont pluriels, ce qui conduit à une catégorisation de la famille, dont la pertinence pour la société n’est pas évidente. Comme on l’a vu avec l’exposé de la typologie sociologique des fonctions de l’impôt, une des priorités de la fonction sociale est théoriquement la redistribution des revenus et des richesses. Appliquée à notre étude, la question est de savoir quelle priorité l’action publique accorde à la diminution des inégalités de revenus entre les familles riches et les familles pauvres. Bien sûr, ce point serait à envisager globalement dans la politique de revenus en prenant en compte l’impact des transferts sociaux et de la redistribution par l’impôt. Il conviendrait aussi de tenir compte de facteurs divers comme les possibilités d’optimisation fiscale (les niches) qui profitent surtout aux plus riches. Cette analyse dépasse le cadre de cette contribution. On soulignera simplement qu’en France, l’impôt sur le revenu, le seul impôt progressif (29) pèse relativement peu dans le système des prélèvements obligatoires. Le système du quotient familial demeure souvent avantageux pour les familles riches, en dépit du mécanisme de plafonnement de ses effets en fonction du revenu. Un autre aspect concerne la taxation de l’héritage. En favorisant les liens familiaux, les droits de succession peuvent conduire à pérenniser les classes sociales les plus riches au détriment de la redistribution dans le temps. Ainsi les inégalités deviennent des privilèges héréditaires sans considération du principe du mérite que toute démocratie se doit de prendre en compte. Prenons le cas des droits de succession en France (pour l’exposé technique : Douet, 2007). Selon l’article 779-I du CGI, l’abattement entre conjoints est passé de 15 000 c en 1973 à 76 000 c en 2002 et l’abattement applicable en ligne directe de 15 000 à 50 000 c par enfant. L’article 775 du CGI ajoute un abattement global de 50 000 c (qui est divisé en fonction du nombre de bénéficiaires de la succession). Ce système peut être combiné avec le régime fiscal de l’assurance-vie qui accorde jusqu’ici une exonération des droits de mutation à titre gratuit, sous réserve de quelques exceptions (30). La redistribution des richesses n’est pas la priorité univoque de la fiscalité de l’héritage qui entend aussi permettre la transmission du patrimoine familial. La fonction sociale de la fiscalité de la famille est éclatée en plusieurs enjeux. Elle procède à une catégorisation de la société en fonction des types de liens de parenté. Ainsi le montant de l’abattement diffère selon que le lien de parenté est en ligne directe et entre époux, entre des personnes liées par un PACS, entre frères et sœurs, ou si le bénéficiaire est handicapé, ou s’il 490 s’agit d’un organisme d’utilité publique. Rappelons aussi que le taux des droits de mutation entre concubins est de 60 %, alors que le tarif applicable entre époux est bien plus favorable (31). Le droit fiscal français de la famille offre aussi des options qui prennent en compte certaines réalités familiales. La fonction sociale de l’impôt ne vise plus la redistribution globale des revenus entre les riches et pauvres, mais des situations particulières. Par exemple, en matière d’impôt sur le revenu français, la majorité des enfants à 18 ans ne conduit pas automatiquement à la création d’un nouveau foyer fiscal. L’option pour le rattachement au foyer fiscal des parents, ou de l’un des parents s’ils sont séparés, reste possible pour l’enfant majeur (jusqu’à 21 ans ou 25 ans s’il est étudiant). Le modèle de référence du couple marié connaît un aménagement puisque les couples liés par un PACS sont aussi imposés en commun. Mais cette réforme laisse de côté les couples vivant ensemble sans être mariés ni pacsés (concubinage). Comme on l’a vu, la politique fiscale vise à encourager la natalité, tout en accordant des avantages aux familles monoparentales (majoration du quotient familial). Elle facilite la transmission du patrimoine entre parents mais aussi grands-parents et enfants ou petits-enfants (exonération des donations). Bref, il n’existe pas un référentiel global de la politique fiscale de la famille, comme celui de la diminution des inégalités de revenus, mais des référentiels sectoriels et éclatés. La catégorisation fiscale de la famille distingue la famille relationnelle avec notamment la notion de foyer fiscal, la famille économique ou patrimoniale avec notamment la fiscalité de l’héritage et la famille professionnelle avec notamment la transmission d’entreprise, la famille alimentaire avec le régime fiscal des pensions versées aux enfants de couples séparés, la famille démographique avec l’encouragement de la natalité. Elle crée aussi les catégories de la famille fiscale légitime composée d’un couple marié, de la famille centrée sur les enfants avec, par exemple, les possibilités de rattachement ou la déduction des pensions alimentaires, de la famille comprenant les grandsparents et les petits-enfants pour les donations par exemple, de la famille monoparentale, de la famille unie par un Pacte civil de solidarité (PACS), de la famille de concubins qui est reconnue à l’ISF (32) mais non à l’impôt sur le revenu, etc. CONCLUSION La catégorisation fiscale de la famille peine à prendre en compte la réalité de la famille contemporaine : elle reste décalée par rapport à la pluralité des liens interpersonnels et des rapports sociaux de parenté. Il est vrai que ces difficultés reflètent aussi les contradictions de la famille postmoderne : en effet, la valorisation de la relation affective et de l’autonomie individuelle complique la définition des champs respectifs de l’individu et du social, de la sphère privée et de l’action publique. Il n’en reste pas moins que, par delà la diversité des politiques familiales de chaque pays, la réflexion doit porter sur les critères de la juste intervention de l’Etat. Sans résoudre complètement cette vaste question, il est possible de proposer quatre pistes non exhaustives. La première, inspirée de Jürgen Habermas, est que l’intervention publique doit faire l’objet d’un véritable débat démocratique pour clarifier les enjeux à valoriser dans la société. La deuxième, en référence à John (29) On laisse de côté l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) : l’ISF frappe le patrimoine des riches, mais les plus grandes fortunes parviennent à éviter largement cette taxation. L’ISF fait l’objet d’une remise en cause du Gouvernement actuel qui a instauré un dispositif de « bouclier fiscal » pour atténuer ses conséquences. (30) Il existe des exceptions : pour les sommes versées après 70 ans (art. 757 du CGI), mais un abattement existe (30 500 c en 2007) : pour les sommes excédant 152 500 c par bénéficiaire (2007) qui font l’objet d’un prélèvement de 20 % (art. 990 du CGI). Pour 2009, le Gouvernement prévoit de taxer l’assurance-vie pour financer le revenu de solidarité active (RSA). (31) Cf. Douet, 2007, p. 453 : le taux varie de 5 à 40 % pour la part nette d’un bénéficiaire. (32) Pour la taxation de la fortune (ISF) en France, le seuil d’imposition s’apprécie en fonction des biens, droits et valeurs appartenant aux époux ou concubins notoires et aux enfants mineurs (art. 885 du CGI). No 6 - Juin 2009 - fiscalité Rawls, consiste à veiller à améliorer le sort des familles les plus pauvres, surtout lorsque les inégalités sont fortes. La troisième, en référence à Amartya Sen, doit promouvoir les possibilités de choix familiaux (capacités) des personnes les plus aliénées économiquement et/ou intellectuellement. La dernière, plus modeste au regard de la renommée des auteurs pris en référence, consiste à notre sens à rechercher les niveaux et les échelles pertinents de l’action publique. Par exemple, la politique fiscale d’encouragement de la natalité – à supposer qu’elle soit validée socialement et économiquement par la démocratie de l’intervention publique – est à penser dans le cadre d’une politique démographique globale. Dans cette perspective sociologique globale, le recours à la fiscalité est à envisager en comparaison, ou en complément, avec les dispositifs d’intégration des immigrés et avec les régimes juridiques de l’adoption qui pallient le vieillissement de la population, avec les services développés pour l’accueil des enfants et les incitations au travail féminin, etc. Dans une logique de cohérence globale, il s’agit donc d’articuler les régulations de la famille par le droit, la dépense publique, la fiscalité, en tenant compte de l’ensemble des politiques publiques et de l’échelle territoriale d’intervention (33). BIBLIOGRAPHIE ARDANT (G.), Histoire de l’impôt, Paris, Fayard, 1971. ARIÈS (P.), L’enfant et la famille sous l’Ancien Régime, Paris, Plon, 1960. BECKER (G.S.), A Treatise on the Family, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1981. BONALD (L.A. de), Théorie du pouvoir politique et religieux, Paris, 10/18, 1966 (1796). BOUDON (R.), L’inégalité des chances, Paris, A. 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