La céramique casse-t-elle
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La céramique casse-t-elle
La céramique casse-t-elle ? Bernard Masson MSc.Ph. Depuis 1970, l’utilisation de la céramique d’alumine en orthopédie a démontré d’excellents résultats cliniques. Ils sont liés aux propriétés intrinsèques du matériau comme la biocompatibilité, la dureté, les propriétés de lubrification et la résistance à l’usure. Bien que le risque de fracture soit rare, cette complication existe malheureusement. Les ingénieurs céramistes ont sans cesse tenté d’améliorer la résistance à la rupture de la céramique, en optimisant les procédés de fabrication dans un premier temps. En effet, la céramique est considérée résistante à la fracture lorsque sa capacité de résistance à la propagation des fissures est élevée. Il apparaît que pour améliorer la résistance à la contrainte de rupture, il faut diminuer la taille du défaut minimum. Ces défauts peuvent être présents à l’intérieur du matériau (porosité, impureté, microfissure), ou en surface lors de l’usinage ou du polissage. En considérant la taille des grains du matériau comme défaut minimum, la résistance mécanique sera améliorée si l'on modifie la microstructure de la céramique (une réduction de la taille moyenne des grains). La première amélioration est apportée par l’utilisation d’une poudre d’alumine de meilleure qualité ayant une granulométrie plus fine et un degré de pureté plus élevé. Le travail en salle blanche permet d’atteindre une pureté encore plus élevée, entre 99,7 et 99,9%. La micronisation utilisée de nos jours permet la production d’une poudre très homogène avec une taille de grain très régulier. Un procédé de frittage appelé « Hot Isostatic Pressing » (HIP) a été introduit dans les années 95 et a permis de réduire la taille du grain et ainsi d'augmenter la résistance mécanique. En 2003, une céramique de nouvelle génération a été introduite en orthopédie : la céramique d’alumine composite (AMC). Cette céramique reprend un principe de renforcement bien connu qui consiste à ralentir voire arrêter la propagation des microfissures. Les particules d’oxyde de zirconium stabilisées en phase tétragonale (Y-TZP) sont introduites dans une matrice d’alumine et jouent ce rôle. Elles représentent 82 % du matériau. En effet, en cas d’apparition de microfissures dans cette matrice, l’espace libéré par les grains d’alumine offrira la possibilité aux grains d’oxyde de Zirconium de se transformer en phase monoclinique. La propagation des fissures sera ainsi arrêtée. De plus, ces grains de Page 53 zircone sont isolés les uns des autres grâce à la matrice d’alumine stable ainsi le phénomène de transformation ne pourra pas se propager à l’ensemble du matériau, évitant ainsi sa fragilisation. En pratique, selon les données du fabricant (CeramTec), l’utilisation de la Céramique Delta a réduit substantiellement le taux de fracture des têtes fémorales. Sur les 2 050 000 têtes fémorales en céramique BIOLOX®forte et les 250 000 têtes fémorales en Céramique Delta livrées entre Janvier 2000 et Mars 2008, le taux de fracture de tête a diminué de 0,021% (20 sur 100 000) à 0,003% (3 sur 100 000) avec l’utilisation de la Céramique BIOLOX®delta. Les fractures sont la conséquence d’une charge locale trop importante appliquée sur le matériau, lors d’un traumatisme par exemple. Une céramique se cassera lorsque le stress mécanique est supérieur à la ténacité du matériau (K Ic). Par contre, lorsque la contrainte appliquée est inférieure à la fatigue limite (K Io), aucune fissure n’est initiée. Dans ce cas, la céramique ne présente aucun risque de fracture. L’analyse des différentes contraintes appliquées à la céramique a été réalisée. Lorsque les règles d’usage sont respectées, le seuil de la fatigue limite n’est jamais atteint depuis la production jusqu'à son utilisation par le patient en passant par la manipulation lors de l’intervention chirurgicale. Malgré les améliorations remarquables du matériau, une céramique reste un matériau rigide et par conséquent sensible aux charges ponctuelles élevées. La fixation conique des têtes et inserts en céramique permet de transférer la charge appliquée de façon homogène. Cela évite les pics de contraintes et provoque donc la formation de fissures dans la céramique. L’état du cône métallique, sa propreté et la bonne mise en place de la céramique sur ce cône seront garants de la bonne résistance mécanique du matériau. Page 54