Une procédure d`urgence pour changer de syndic

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Une procédure d`urgence pour changer de syndic
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Mercredi 3 février 2016
IMMOBILIER
Une procédure d’urgence
pour changer de syndic
e n
Davantage de bailleurs hors la loi à l’est de Paris
Il faut parfois utiliser la méthode forte pour se débarrasser d’un prestataire indélicat
F
in novembre 2015, mon syndic m’a annoncé qu’il comptait augmenter ses honoraires de 30 % en 2016 en
raison de l’entrée en vigueur de la
loi Alur, déclare Jérémie P., président du conseil syndical des
copropriétaires d’un immeuble situé dans le 17e arrondissement de
Paris. Il s’était arrangé pour que
l’assemblée générale de notre immeuble se déroule très tardivement,
en décembre, alors que les comptes
doivent être approuvés avant le
31 décembre. Nous étions piégés,
car il est difficile de mobiliser les
copropriétaires pour changer de
syndic dans un délai aussi court ! »
Depuis un an, les associations de
consommateurs disent recueillir
un grand nombre de témoignages
similaires. « La loi Alur n’induit
pas de surcoût pour les syndics,
c’est un mensonge. Ils utilisent ce
prétexte pour imposer de fortes
hausses de tarifs », s’énerve Emile
Hagège, directeur de l’Association
des responsables de copropriétés
(ARC), qui publiera, en mars, un
guide afin d’aider les copropriétaires à répondre aux arguties
des syndics.
Changer de prestataire est compliqué car le cadre législatif est très
contraignant. « La loi est précise : il
faut envoyer au syndic en place un
nouveau contrat négocié avec un
concurrent en lui demandant, par
l e
c a s
lettre recommandée, de mettre à
l’ordre du jour de la prochaine
assemblée générale une résolution
proposant le changement de syndic », détaille le fondateur de Syndicexperts.com, Sylvain Elkouby.
Les copropriétaires doivent être
informés des résolutions de l’assemblée générale au moins vingt
et un jours ouvrés avant le vote. Il
est donc recommandé d’envoyer
le contrat du nouveau syndic deux
mois avant la date fatidique. En
effet, il arrive fréquemment que le
syndic en place traîne les pieds,
espérant gagner suffisamment de
temps pour être reconduit une
année supplémentaire.
Jurisprudence
Heureusement, il existe une
possibilité pour changer de syndic
en urgence, même si les délais
sont dépassés. Elle consiste à
passer en force lors de l’assemblée
générale en votant contre le
renouvellement du syndic en
place, puis en demandant à l’un
des copropriétaires de se dévouer
pour exercer la fonction de syndic
bénévole à titre provisoire.
Une procédure illégale en l’absence de tout contrat ? « La jurisprudence reconnaît la légalité de
l’élection à condition que le nouveau syndic n’exige aucune rémunération, précise M. Hagège. Le
professionnel évincé ne peut rien
p r a t i q u e
Mon acheteur
se défausse
au dernier moment
J
e ne suis pas près d’oublier
ce 17 juin 2015. Au moment où
le camion de déménagement
démarre avec mes meubles
pour libérer l’appartement que
je m’apprête à céder, je reçois un
coup de fil affolé de mon notaire,
raconte Anne-Claire. C’est
la catastrophe : il m’annonce que
la signature de l’acte de vente
est définitivement annulée.
Le futur acheteur n’a pas obtenu
l’assurance emprunteur en lien
avec son crédit immobilier. En
quelques secondes, tout s’écroule,
mon logement est vide et je suis
dans l’incapacité d’acheter mon
nouvel appartement dont la signature est programmée le même
jour dans l’après-midi. » Cette
quadra parisienne n’a alors
d’autres choix que de reporter
le rendez-vous et de trouver en
urgence un garde-meubles.
Dossier incomplet
Ce coup de théâtre aurait-il pu
être évité ? L’avis des professionnels est partagé. Il semble y
avoir eu une négligence du côté
du notaire chargé de la transaction. Un suivi plus attentif,
notamment à l’approche du
jour J, aurait permis de détecter
que le dossier de prêt du futur
acheteur était incomplet et
commençait à poser un sérieux
problème. Anne-Claire aurait
donc pu être alertée plus tôt.
Toutefois, « lorsque le compromis ou la promesse de vente est
signé, rien n’est complètement
scellé. Une transaction immobilière n’est jamais sûre, elle peut
toujours capoter jusqu’au jour
de la signature de l’acte officiel »,
indique Jean-Michel Boisset,
notaire en Normandie. Tout
d’abord, l’acquéreur bénéficie
de dix jours à compter du
lendemain de la notification
de l’avant-contrat (promesse
ou compromis de vente) ou de
la remise en main propre de
l’acte de vente pour se rétracter.
Ensuite, l’exercice d’un droit
de préemption de la collectivité
locale ou encore un refus
de crédit ou d’assurance sont
des événements susceptibles de
remettre en cause l’engagement
entre les deux parties. « Ces
scénarios sont souvent prévus
par les conditions suspensives
intégrées dans l’avant-contrat »,
précise Jean-Michel Boisset.
Dans le cas d’Anne-Claire,
justement, une condition
prévoyait l’annulation de la
vente si l’acquéreur essuyait un
refus d’assurance lié à son crédit. L’ex-acheteur a ainsi pu récupérer l’intégralité de la somme
versée le jour du compromis.
Pour mémoire, lors de la signature d’un avant-contrat, il est
d’usage que l’acheteur dispose
d’un délai de trente à quarantecinq jours pour pouvoir trouver
un crédit et avertir (le vendeur,
l’agent immobilier ou le notaire)
qu’il a reçu l’offre ferme
de la banque. « C’est seulement
à partir de ce moment que
l’on fixe une date de signature,
souvent programmée deux
à trois semaines plus tard »,
explique Jean-Michel Boisset.
Pourquoi ce délai ? « A partir du
lendemain de la confirmation
de l’offre de prêt, le futur
emprunteur dispose, selon la loi,
d’un délai de réflexion de dix
jours calendaires », rappelle
David Rodrigues, juriste à l’association de consommateurs
CLCV. Autant de délais à intégrer
de préférence avant de faire
ses cartons. p
laurence boccara
faire car il faut avoir le statut de
copropriétaire pour contester le
vote : il est coincé ! »
Pour que l’opération réussisse, il
est impératif que tous les copropriétaires soient sur la même
longueur d’onde. Ce qui implique
de les mobiliser suffisamment
en amont. La recherche d’un professionnel compétent pouvant
prendre plusieurs mois, il faut
démarrer le plus tôt possible. Le
bouche-à-oreille est généralement
la méthode la plus efficace.
Si certains copropriétaires s’abstiennent lors de l’assemblée générale, aucune conséquence fâcheuse n’est à redouter, tant que le
quorum est atteint. En revanche,
si l’un d’eux s’oppose au changement de syndic et saisit le tribunal
de grande instance, ce dernier
b r e f
peut estimer que l’immeuble n’est
plus géré et le placer sous administration judiciaire. « C’est pourquoi cette stratégie est déconseillée
pour les grandes copropriétés, car il
est rare que tous les copropriétaires
de l’immeuble parviennent à se
mettre d’accord », recommande
Rachid Laaraj, créateur de Syneval,
un courtier en syndic.
Un conseil : au début de l’assemblée générale, veillez à nommer
l’un des copropriétaires comme
secrétaire de séance, et non le syndic, et n’oubliez pas d’emmener
avec vous le PV de la réunion s’il
vous expulse de ses locaux. « Dans
ce cas, il ne faut pas se laisser
démonter et poursuivre l’assemblée ailleurs, par exemple dans un
café proche », poursuit M. Laaraj. p
jérôme porier
Entré en vigueur à Paris le 1er août 2015, l’encadrement des loyers est
peu respecté. Meilleursagents. com, qui a épluché 14 114 références
de locations non meublées publiées sur les sites d’annonces pour
professionnels entre le 1er août et le 31 décembre 2015, estime que 29 %
des biens sont proposés au-dessus du loyer de référence majoré.
Autre information, la part de propriétaires-bailleurs hors la loi est
nettement plus élevée dans l’Est parisien. Dans le nord du 19e arrondissement ou dans le sud du 13e arrondissement, 50 % des annonces
ne respectent pas la loi. « Ces propriétaires sont majoritaires dans
les zones où le découpage réalisé par l’OLAP [l’Observatoire des loyers
de l’agglomération parisienne] juxtapose des quartiers populaires et
d’autres, plus huppés, explique le président de Meilleursagents. com,
Sébastien de Lafond. Ceux qui possèdent un appartement bien situé
tentent d’imposer un loyer élevé, mais comme leur zone englobe des
endroits beaucoup moins favorisés, leur loyer de référence est tiré vers
le bas. C’est pourquoi les dépassements sont aussi fréquents à l’est. »
Une reprise sans emballement
La Fnaim a dressé, le 28 janvier, un bilan optimiste du marché
immobilier. Le premier syndicat professionnel du secteur a constaté
une forte accélération des ventes au second semestre 2015.
Sur l’année, il table sur un volume de transactions supérieur
à 800 000 ventes dans l’ancien (+ 15,6 %), un niveau proche du record
de 2006-2007. Les prix semblent aussi repartir à la hausse. Un
retournement de tendance a été enregistré au quatrième trimestre
2015, avec une hausse de 1,9 % en France et de 0,7 % en Ile-de-France.
Moins optimistes, les experts du Crédit agricole prévoient un total
de 795 000 ventes (+ 15 %), dans l’ancien, en 2015. Pour 2016, ils
estiment que le marché restera bien orienté, « mais risque de baisser
légèrement, surtout dans l’ancien, avec des ventes en recul de 5 % et
des prix en repli de 1 % à 2 % en moyenne sur l’ensemble du territoire ».